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CONTEXTE THÉORIQUE

Le droit à l’apprentissage tout au long de la vie est reconnu et promu par de nombreuses instances nationales et internationales (Commission Européenne, 2001; Ebersold, 2015; Organisation des Nations Unies [ONU], 2006; Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture [UNESCO], 2010). La notion d'apprentissage réfère à toute activité (formelle, non-formelle ou informelle) entreprise à un moment de la vie, dans le but d’améliorer les connaissances, les qualifications et les compétences (Commission Européenne, 2001; Faure et al., 1972). Le rôle fondamental de l’apprentissage tout au long de la vie est largement reconnu (UNESCO, 2010). Il offre la possibilité aux individus d’être plus performants et d’augmenter leur participation sociale (Blumberg, Carroll et Petroff, 2008; Fougeyrollas, 2010; Gerber, 2012; O’Brien, McConkey et Garcia-Iriarte, 2014; Weinkauf, 2002). Il soutient ainsi l’épanouissement personnel et a un fort impact sur les opportunités, notamment professionnelles, s'offrant aux citoyens au cours de leur existence (Organisation de coopération et de développement [OCDE], 2016). En plus de ces bénéfices individuels, il profite également à la société en favorisant une croissance économique durable et inclusive (Clain, 2016; UNESCO, 2010).

L’apprentissage tout au long de la vie constitue également un principe organisateur qui vise à fournir « un cadre complet pour la conception, le développement et la mise en place de la politique d’éducation » (Hasan, 1997, p. 3). Trois principes de base sous-tendent le développement et la mise en place d’offres de formation, et ceci peu importe l’âge des personnes auxquelles elles s’adressent (Commission Européenne 2001; ONU, 2006; UNESCO, 2010) : l’égalité des chances, la place centrale de l’apprenant ainsi que la pertinence et la qualité de l’offre de formation.

Favoriser l’égalité des chances

L’article 24 de la Convention de l’ONU (2006) rappelle que la mise en oeuvre des politiques éducatives doit garantir un accès équitable à l’apprentissage tout au long de la vie, sans discrimination aucune. Actuellement, un grand nombre d’adultes ne bénéficient pas ou peu d’opportunités d’apprentissage (OCDE, 2016; UNESCO, 2010). C’est particulièrement le cas des personnes ayant un niveau de formation scolaire peu élevé. En effet, « la faible participation au sein des groupes qui tireraient le plus profit de programmes éducatifs entretient le cercle vicieux de la pauvreté et de l’inégalité » (UNESCO, 2010, p. 9).

En ce qui concerne les possibilités pour les adultes présentant une déficience intellectuelle (DI) de bénéficier d’opportunités d’apprentissage tout au long de la vie, il existe encore peu de données statistiques ou théoriques à ce sujet (Ebersold, 2015). Néanmoins, la littérature rapporte que ces personnes sont sous-représentées dans les formations post-obligatoire[1] (Mock et Love, 2012; Taylor et Henninger, 2015). Certaines formations tentent toutefois de combler ce manque. Plotner et Marshall (2015) ont analysé les facilitateurs et les obstacles à l’implémentation de 79 programmes d’éducation post-obligatoires pour des personnes présentant une DI. Ces auteurs, comme d’autres avant eux, mettent en avant de nombreux obstacles : des offres de formation peu adaptées aux caractéristiques des participants, du matériel pédagogique inadéquat, trop complexe ou à l’inverse infantilisant, ainsi que des coûts de formation trop élevés (Cohen, Brown et McVilly, 2015; Farley et al., 2009; Inclusion Europe, 2014; Officer et Shakespeare, 2013; Plotner et Marshall, 2015). D'autres auteurs, comme Corby, Cousins et Slevin (2012) relèvent que ce type de formation reste rare. Ils précisent que la mise en place de tels dispositifs dépend d’actions individuelles, mais n'est pas ancrée dans une politique éducative globale.

Les données concernant les opportunités offertes aux personnes présentant une DI de bénéficier des activités d’apprentissage non-formelles ou informelles comme des formations continues ou des cours du soir, sont encore plus lacunaires. Pourtant, des travaux précédents montrent que lorsqu’on les questionne, une majorité de personnes présentant une DI se perçoivent encore comme des apprenants (Petitpierre et al., 2014). Boulton-Lewis, Buys et Tedman-Jones (2008) ont étudié la perception de 16 personnes présentant une DI âgées de 52 à 80 ans concernant leur engagement dans des activités d’apprentissage. Les résultats révèlent que celles-ci sont intéressées à entreprendre des apprentissages et souhaitent rester actives dans différents domaines. Les personnes indiquent par exemple, vouloir améliorer leurs compétences en ce qui concerne l’usage des nouvelles technologies, entreprendre des formations sur les soins de premier secours ou encore voyager. Le manque d’opportunités qui leur sont offertes est également mis en évidence. Ces différents constats questionnent les conditions de réalisation du droit à l’apprentissage tout au long de la vie pour tous.

Mettre l’apprenant au centre et offrir des formations pertinentes

Les politiques éducatives devraient pouvoir s’appuyer sur un faisceau d’indications multidimensionnelles afin de mettre en place des programmes de formation pour adultes (Commission Européenne, 2001). En effet, « tous les acteurs concernés, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des systèmes formels, doivent coopérer afin que les stratégies soient efficaces « sur le terrain » (Commission Européenne, 2001, p. 4). En d’autres termes, cela permettrait d’une part d’assurer qu’ils soient adaptés et répondent aux besoins des individus ainsi qu’à ceux de la communauté et d’autre part, de respecter les principes liés au paradigme de pleine participation qui rappellent que les personnes présentant une DI sont reconnues comme des sujets de droit, membres à part entière de la communauté et capables de prendre des décisions (Guerdan, Petitpierre, Moulin et Haelewyck, 2009; ONU, 2006).

Comprendre les besoins d’apprentissage des citoyens permet de mettre en place des stratégies éducatives pertinentes de qualité (Commission Européenne, 2001). De nombreux exemples attestent de cette nécessité. Ainsi, Heller, Hsieh et Rimmer (2004) se sont heurtés à la présence de freins cognitifs et émotionnels alors qu’ils tentaient d’implanter un programme d’éducation à la santé et d’activités physiques destiné à des adultes présentant une DI. Les auteurs se sont aperçus qu’aucune étude avant eux ne s’était intéressée à l’impact de ces facteurs dans le champ de la DI. Leur expérience témoigne de la nécessité de prendre comme point de départ la personne, ses aspirations d’apprentissage mais également ses réserves ou ses craintes. Ainsi, Lifshitz et Tzuriel (2004) rapportent par exemple, la réticence des personnes présentant une DI à entrer dans une démarche d’éducation par crainte que les contenus proposés ne soient pas en adéquation avec les réalités de leur vie quotidienne. Ainsi, consulter les personnes pour comprendre leurs besoins est indispensable pour proposer des programmes de formation adaptés (Corby et al., 2012).

Une implication active des personnes concernées dans ce processus permet de concrétiser les principes établis par le paradigme de pleine participation. Des initiatives dans ce sens commencent à prendre place. Bellefeuille et Labbé (2016) observent que la contribution des personnes présentant une DI au développement des politiques éducatives commence à être davantage promues. Ils sont de plus en plus nombreux à siéger dans des conseils d’administration ou encore des comités. Ces signes attestent de la volonté marquée de mieux comprendre l’expérience des personnes présentant une DI et de les associer autant que possible aux décisions qui les concernent (Grigal, Hart et Weir, 2013), sachant que leur point de vue s’avère souvent différent de celui des membres de leur famille, des professionnels ou encore des politiques (Akkerman, Janssen, Kef et Meininger, 2014).

Objectifs de recherche

La présente étude vise à mettre en lumière les besoins de formation des adultes présentant une DI en relatant les projets d’apprentissage qu’ils expriment et en décrivant les raisons pour lesquelles ils souhaiteraient les entreprendre. Les trois questions suivantes sont traitées : 1) Quels sont les domaines dans lesquels les personnes adultes présentant une DI souhaitent entreprendre des apprentissages ?; 2) Quels sont les facteurs qui pourraient, selon elles, faciliter ou entraver la réalisation de ce projet ? et; 3) Quelles sont les raisons qui les motivent à vouloir entreprendre de tels projets ? Le terme de projet est employé dans son sens général, « mouvement de la pensée qui imagine où qui vit à l’avance l’avenir » (Tilman, 2004, p. 3). Il est à envisager comme un synonyme d’intention et est relié aux notions de besoins, d’aspirations et d’envies.

MÉTHODE

Participants

Cette recherche fait partie d’un projet plus vaste intitulé « Les apprentissages à l’âge adulte, qu’en disent les personnes avec une déficience intellectuelle ? » (Petitpierre et al., 2014). Elle a été approuvée par le comité éthique de l’Université de Genève et suit les recommandations spécifiques appliquées aux recherches conduites avec des personnes présentant une DI (Dalton et McVilly, 2004; McDonald et Kidney, 2012). Tous les documents transmis aux participants étaient disponibles dans un langage facile à lire et à comprendre (Petitpierre, Gremaud, Veyre, Bruni et Diacquenod, 2013; Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis [UNAPEI], 2009).

Sept institutions établies dans la partie francophone de la Suisse ont collaboré à cette étude. L’échantillon se compose de 60 personnes (25 femmes et 35 hommes) âgées entre 21 et 72 ans répondant aux critères d’inclusion suivants : 1) diagnostic de déficience intellectuelle (American Psychiatric Association, 2015). Les établissements institutionnels imposent un diagnostic de déficience intellectuelle comme critère d’admission. Le critère d'inclusion a été déduit d'après l'éligibilité ou la non-éligibilité de la personne aux services des établissements spécialisés dans lesquels s’est fait le recrutement. Les autres critères d'inclusion retenus étaient: 2) être âgé de 18 ans et plus; 3) travailler ou avoir travaillé dans un atelier protégé ou sur le marché du travail primaire; 4) être de langue maternelle française; 5) avoir des capacités de vocabulaire réceptif correspondant à un âge minimum de 5,5 ans (mesurées à l’aide de l’échelle de vocabulaire en images Peabody ; Dunn, Theriault-Whalen et Dunn, 1993) et; 6) avoir les compétences pour reconnaître les différentes étapes de la vie et pour les classer dans un ordre chronologique. Au début de l’étude, il n’existait pas d’instruments de langue française permettant d'évaluer la compétence sous-tendant ce critère (Bell et Espie, 2000). Un instrument a été élaboré pour l'occasion. Il est composé d’une ligne du temps sur laquelle les participants potentiels ont été invités à classer 9 photographies (3 enfants, 3 adultes, 3 personnes âgées) et 3 pictogrammes (1 enfant, 1 adulte, 1 personne âgée; Veyre, Diacquenod, Petitpierre et Gremaud, 2014). L’instrument a été validé auprès de 37 individus neurotypiques (Bernasconi, 2015).

Sur le plan sociodémographique, tous les participants à la recherche ont effectué leur scolarité dans des établissements spécialisés en Suisse. La plupart vivent actuellement dans un milieu institutionnel (n = 49), tandis qu’une minorité (n = 11) habite chez leurs parents. La plupart des personnes interrogées (n = 47) travaillent dans des ateliers professionnels spécialisés de Suisse romande, quatre d’entre elles sont actuellement à la retraite. Neuf personnes sont employées à des taux variables sur le marché du travail primaire (taux d'activité moyen : 60 % ; min : 20 % ; max : 100 %). Le Tableau 1 présente les caractéristiques des participants.

Instruments

Des entretiens semi-structurés conduits par deux membres de l’équipe de recherche ont permis de recueillir des données au cours des années 2013 et 2014. Le guide d’entretien a été élaboré à partir des questions de recherche et de la littérature. Il contient trois parties : 1) Apprentissages souhaités; 3) Facteurs pouvant influencer la réalisation des projets; 2) Raisons pour lesquelles l’apprentissage est souhaité. Il se compose majoritairement de questions ouvertes et comprend des adaptations permettant de favoriser la réalisation d’un entretien de recherche avec des personnes présentant une DI (Guillemette et Boisvert, 2003; Julien-Gauthier, Jourdan-Ionescu et Héroux, 2009; Tessari Veyre, Petitpierre et Gremaud, 2016). Par exemple, la longueur de l’entretien a été adaptée, les questions ont été formulées dans un langage facile à comprendre, des pictogrammes ont été utilisés afin de faciliter tant l’évocation que la compréhension des participants (Finlay et Lyons, 2002; Lloyd, Gatherer et Kalsy, 2006; Mencap, 2010). Les pictogrammes choisis provenaient de la base arasaac (Portail de la Communication Améliorée et Alternative, http://www.catedu.es/arasaac/index.php) et de la méthode CAP (Communiquer et apprendre par pictogrammes, Erasme SA). Le guide a été prétesté auprès de 8 personnes volontaires présentant une déficience intellectuelle (hors échantillon), afin de vérifier la durée de l’entretien, la compréhension des questions et l’interprétation des pictogrammes.

Tout au long de l’entrevue, afin de favoriser la production du discours, les intervieweurs ont utilisé les techniques couramment employées soit, l’écoute active, la répétition, la reformulation ou encore le résumé (Blanchet et Gotman, 2007). De plus, les recommandations en vigueur concernant la conduite d’entretien de recherche avec une personne présentant une DI ont été suivies (Guillemette et Boisvert, 2003; Julien-Gauthier, Jourdan-Ionescu et Héroux, 2009; Tessari Veyre et al., 2016), par exemple une attitude ouverte, empathique et de non-jugement a été adoptée tout au long de l’entretien. Par ailleurs, un soin particulier a été apporté aux aspects relationnels afin de favoriser l’établissement d’une relation de confiance et de permettre ainsi de diminuer les biais dus à la désirabilité sociale et à la tendance à l’acquiescement (Finlay et Lyons, 2002; Tassé, Schalock, Thompson et Wehmeyer, 2009).

Tableau 1

Caractéristiques de l’échantillon (n = 60)

Caractéristiques de l’échantillon (n = 60)

Note. M, moyenne; MIN, minimum; MAX, maximum

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Recrutement, déroulement des entretiens et collecte des données

La procédure de recrutement s’est déroulée en trois étapes. Les institutions partenaires ont été invitées à transmettre une liste contenant le nom de toutes les personnes pouvant correspondre aux critères d’inclusion. Les représentants légaux des personnes figurant sur la liste (n = 120) ont été contactés par écrit par les établissements partenaires afin de savoir s’ils acceptaient que leur fils/fille/pupille participe à une séance d’information présentant la recherche, pour autant qu’il/elle le souhaite. Nonante-quatre personnes présentant une DI ont obtenu l’accord de leur représentant légal. À la fin de la séance, les personnes ont reçu un résumé ainsi qu’un formulaire de consentement. Celles qui acceptaient de participer à la recherche étaient invitées à remettre ultérieurement ce formulaire à la personne de contact dans l'établissement (pour une présentation complète de la procédure utilisée voir : Petitpierre et al., 2013). La procédure choisie avait pour but de limiter les biais de désirabilité sociale et d’acquiescement en instituant un délai entre l'appel à participation et la remise du formulaire de consentement (Perry et Felce 2004). Septante-quatre personnes ont répondu positivement. Treize personnes n’ont pas été incluses, car elles ne correspondaient pas aux critères de sélection (habiletés en vocabulaire et maîtrise des concepts temporels). Les entretiens se sont déroulés sur le lieu de travail des participants. Ils duraient entre 45 et 60 minutes. Pour 51 participants, les thématiques ont pu être abordées en un seul entretien, pour 9 personnes un second entretien a été nécessaire. Au terme de la recherche, des séances de groupe ont été organisées afin de présenter les résultats aux participants.

Mode d’analyse de résultats

Les entretiens ont été intégralement transcrits. Ils ont ensuite été analysés qualitativement. Une procédure de codage thématique à l'aide du logiciel N-Vivo (version 9) a été réalisée (Miles et Huberman, 2003). Les extraits repérés comme traitant d’une thématique en particulier ont été indexés d’après deux grilles de codage (voir Tableau 2 et 3). La première grille vise à classer les domaines dans lesquels le projet d’apprentissage est souhaité ainsi que les facteurs pouvant éventuellement influencer leur réalisation. Elle s’inspire du modèle proposé par l’American Association on Intellectual and Developmental Disabilities (Guscia, Ekberg, Harries et Kirby, 2006; Schalock et al., 2010). Sept domaines et deux types de facteurs d’influence sont détaillés (voir Tableau 2). La deuxième grille de codification permet l’analyse des raisons qui poussent les individus à vouloir entreprendre les différents projets d’apprentissage. Les catégories se basent sur le modèle théorique de la motivation à la formation de Carré (2001). Celui-ci se compose de dix facteurs, trois référant à des motivations intrinsèques et sept à des motivations extrinsèques (voir Tableau 3). Ce modèle a été préféré à d'autres, car il se réfère spécifiquement au contexte des apprentissages à l’âge adulte et permet l’étude des processus motivationnels dès l’expression de la première intention d’apprentissage (Fenouillet, 2011; Vertongen, Bourgeois, Nils, de Viron et Traversa, 2009).

Le codage a été réalisé par deux membres de l’équipe de recherche. Afin de vérifier l’accord inter-juge, un indice de Kappa de Cohen a été calculé sur plus de 20 % du corpus total. En cas de désaccord, les membres de l’équipe de recherche ont révisé la définition des catégories afin d’obtenir un accord fort pour chacune d’entre elles, respectivement 0,77 et 0,74 (Bakerman et Gottman, 1997). Des indices descriptifs ont été utilisés pour rendre compte du nombre total de projets d’apprentissage évoqués, du nombre de facteurs perçus comme pouvant influencer la réalisation de tel projet, ainsi que des motivations rapportées selon les catégories du modèle de Carré (2001).

Tableau 2

Grille de codage (catégorie et définition) utilisée pour le classement des énoncés se référant aux projets d’apprentissage (Guscia et al., 2006; Schalock et al., 2010)

Grille de codage (catégorie et définition) utilisée pour le classement des énoncés se référant aux projets d’apprentissage (Guscia et al., 2006; Schalock et al., 2010)

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RÉSULTATS

Les résultats sont présentés en fonction des trois questions de recherche : 1) Quels sont les domaines dans lesquels les personnes adultes avec une DI souhaitent entreprendre des apprentissages ?; 2) Quels sont les facteurs qui pourraient faciliter ou entraver la réalisation de ce projet ? et; 3) Quelles sont les raisons qui motivent les personnes à vouloir entreprendre de tels projets ?

Domaines dans lesquels les participants envisagent des projets d’apprentissages

Trois quarts des personnes interrogées (n = 47) confirment avoir des projets d’apprentissage et formulent des envies précises. Au total, 159 projets ont été répertoriés. Les personnes expriment 2,65 projets en moyenne (min = 1; max = 9). Le tableau 4 présente le nombre de projets souhaités pour chaque domaine.

Les résultats démontrent que les participants rapportent majoritairement des projets d’apprentissage liés aux habiletés artistiques et sportives (n = 49). L’envie de découvrir ou d’apprendre à maîtriser de nouvelles activités sportives telles qu’« apprendre à danser », « faire du vélo », « jouer au tennis » ou encore « faire de l’équitation » font partie des projets les plus fréquemment mentionnés. Apprendre à jouer d’un instrument de musique ou encore à chanter sont aussi des activités largement souhaitées par les participants. Ces derniers sont également intéressés par l'approfondissement d'habiletés liées à la découverte de leur environnement et de la nature par exemple « apprendre des choses sur la montagne et sur les animaux de la montagne » ou « apprendre sur les animaux que j’aime comme l’orque ou l’éléphant ». D’autres souhaiteraient améliorer leurs connaissances géographiques en voyageant, en lisant ou en participant à des cours : « Ben la Turquie, j’ai pas pu aller visiter les endroits touristiques. Moi je voudrais bien aller à Istanbul, aller visiter la ville, l’ancienne ville (...). Ça m’intéresse ».

Tableau 3

Grille de codage (catégorie et définition) utilisée pour le classement des énoncés se référant au processus motivationnel ; Carré, 2001

Grille de codage (catégorie et définition) utilisée pour le classement des énoncés se référant au processus motivationnel ; Carré, 2001

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Le désir de perfectionner une compétence ou de réaliser des tâches conceptuelles est également mentionné par les participants (n = 26). Plusieurs personnes expriment un besoin d’apprendre à mieux lire ou encore à mieux écrire. De même, améliorer ses compétences dans le domaine de la maîtrise de l’argent et des comptes s’avère être important pour plusieurs participants. Comme le souligne une jeune femme « faire compter les sous, j’arrive pas à mon âge, (...). J’ai été pénalisée de ça. J’arrive pas à savoir combien coûte un café, combien coûte un Coca. C’est dur de pas pouvoir faire ça ». L’apprentissage d’une langue étrangère comme l’anglais ou l’allemand est également énoncé.

Une partie des projets d’apprentissage sont associés au travail (n = 25). Ainsi, apprendre à utiliser une machine spécifique ou à faire une nouvelle recette dans le cadre du travail à l’atelier boulangerie sont des souhaits exprimés par les participants. Un participant désire « apprendre des fois à faire d’autres choses dans mon travail, varier un petit peu », tandis qu’une autre aimerait « beaucoup aider au home, j’aimerais essayer une fois » ou encore « apprendre à mettre des choses en place pour le boulot pour le lendemain ».

Les participants expriment également des souhaits d’apprentissage se référant aux activités liées à la vie quotidienne (n = 25). Les intérêts se réfèrent principalement à la tenue d’un ménage afin de pouvoir vivre seul à domicile. Une participante voudrait apprendre à « faire les courses toute seule », une autre à « faire le ménage ».

Plusieurs personnes rapportent avoir des envies liées à l’utilisation des nouvelles technologies de la communication et de l’information (n = 14), que ce soit les téléphones portables, l’ordinateur, les tablettes ou Internet. D’autres intérêts se ciblent sur les interactions sociales (n = 14). Neuf souhaits d’apprentissage sont liés à la volonté de vivre en couple, de gérer les situations difficiles avec son conjoint ou encore d’apprendre à s’occuper des enfants. D’autres personnes désirent savoir comment gérer leurs émotions. Une participante déclare : « Quand je rentre du travail ou que j’y vais, je me fâche des fois (...) moi, je garde mon idée à moi et c’est mon problème ». Une personne, quant à elle, souhaite apprendre à être autodéterminée : « Apprendre à dire non. C’est pas facile parce qu’on a peur de vexer les personnes, après on a peur de se faire rejeter. Et puis c’est pas facile de dire non, non, non ». Enfin quelques souhaits sont liés à la vie communautaire et citoyenne (n = 6). Il s’agit principalement de maîtriser l’usage du code de la route ou de manière générale la conduite d’une voiture.

Tableau 4

Répartition par domaine des projets d’apprentissage (n=159) exprimés par les participants (n = 47)

Répartition par domaine des projets d’apprentissage (n=159) exprimés par les participants (n = 47)

Note. * Technologie de l’information et de la communication

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Facteurs rapportés par les participants comme facilitant ou entravant la réalisation des projets d’apprentissage

Toutes les personnes (n = 47) ayant un projet précis rapportent des facteurs pouvant potentiellement influencer, positivement ou négativement la réalisation de ce dernier. Au total 234 facteurs ont été répertoriés (voir Tableau 5). Les personnes interrogées rapportent une majorité de facteurs, personnels (n = 85) ou environnementaux (n = 72) pouvant favoriser la réalisation de leur(s) projet(s) d’apprentissage. Quant aux obstacles, ils sont majoritairement liés aux facteurs personnels (n = 47) plutôt qu’environnementaux (n = 30).

Les facilitateurs personnels se référent majoritairement à l’envie d’apprendre (n = 62), aux expériences passées positives (n = 12) ou encore à des caractéristiques personnelles (n = 11). Ainsi le fait de vouloir acquérir de nouvelles compétences et de se percevoir comme un apprenant potentiel est considéré par les participants comme une ressource importante. Une personne résume ces propos en disant : « mais j’ai vraiment envie d’apprendre, ça m’aide ». Douze facteurs liés à des expériences passées positives sont relevés. Une jeune femme explique son souhait de vouloir vivre seule dans un appartement, elle déclare avoir déjà réussi le premier stage, cette première réussite l’encourage à poursuivre son projet. Un autre participant indique vouloir apprendre à jouer d’un nouvel instrument de musique et dit : « J’ai déjà pris des cours pour un autre instrument, je joue de la batterie, là ça devrait être plus facile ». D’autre part, « avoir une bonne mémoire », « arriver encore à réfléchir » ou encore « arriver facilement à apprendre seul » sont autant de facteurs personnels (n = 11) cités par les participants pouvant potentiellement faciliter la réalisation de leur projet.

En ce qui concerne les facteurs environnementaux, ils se réfèrent majoritairement au soutien de l’entourage (n = 44). L’accès à des offres de formation (n = 17) ou à du matériel adapté (n = 11) est également mentionné. Les participants indiquent pouvoir s’appuyer sur des nombreuses personnes de leur réseau (n = 44) afin de réaliser leur projet d’apprentissage, il peut s’agir de membres de la famille comme de professionnels. Avoir un projet individualisé bien établi semble être un facteur facilitant les opportunités d’apprentissage, une participante raconte : « Justement, on en parlait l’autre jour, je me rappelle plus quand, mais on a parlé de tout ça avec François et puis Anaïs, ma référente et puis moi. On était les quatre ensembles pour discuter de mon projet d’avenir. Puis on verra comment on va faire. Donc ouais, ça c’est des choses pour plus tard en fait, on organise ». Connaître des services proposant de la formation continue pour adultes ayant une DI ou vivre dans un établissement qui offre ce type de formation peut également être un atout (n = 17). Une participante explique : « On reçoit des livres et puis dessus il y a plusieurs thèmes, on choisit ce qui nous intéresse et après on nous convoque pour les faire ». Finalement, l’accès au matériel ou aux outils issus des nouvelles technologies est mentionné par 11 personnes comme pouvant faciliter la réalisation des projets. Un participant déclare : « « Ben oui il y a internet, on peut y trouver des exercices, il y a plein de choses qu’on peut faire pour s’entrainer et perfectionner l’anglais » ou une autre personne indique que les livres disponibles dans l’institution peuvent être des ressources intéressantes.

Les obstacles personnels influençant potentiellement la réalisation des projets d’apprentissages sont majoritairement liés au manque d’envie, surtout si la tâche se complexifie (n = 23). Certaines caractéristiques personnelles (n = 18) ainsi que le manque de connaissances scolaires (n = 6) sont également considérés comme de possibles freins. Ainsi, la peur d’échouer, la présence d'une déficience visuelle, auditive ou cognitive trop importante, une certaine lenteur sont autant de caractéristiques personnelles identifiées par les personnes interrogées comme des obstacles potentiels (n = 18). En ce qui concerne les connaissances scolaires, ne pas maîtriser la lecture ou encore le calcul est perçu comme un obstacle considérable : « En fait, pour pouvoir vivre seule, il faudrait que je sache plein de choses, mais aussi calculer, moi je sais pas compter l’argent au magasin. »

Les obstacles environnementaux sont majoritairement situés dans le manque de soutien de l’entourage (n = 15). Certains participants relèvent que les professionnels manquent de disponibilité lorsque des demandes leur sont adressées. De même, l’absence d’un éducateur de référence ou des équipes éducatives souvent renouvelées peuvent freiner la réalisation des projets. Un participant mentionne qu’il ne peut entreprendre de tels projets sans l’accord de son tuteur. Une participante va dans ce sens et précise être en désaccord avec ses parents au sujet des projets d’apprentissages. Tous deux considèrent cette dépendance comme un obstacle et aspirent à pouvoir faire leurs choix seuls. La non-disponibilité du matériel, que ce soit pour des raisons économiques ou d’accessibilité, est également relevée par les participants (n = 12) comme un frein potentiel. Plus précisément, cinq personnes indiquent n’avoir « pas assez d’argent » ou que « les cours proposés sont trop chers ». Un autre participant indique que le fait de partager un ordinateur pour tout le groupe de vie ne facilite pas l’accès à des opportunités d’apprentissage, une autre déclare que « les appareils qu’on a pour apprendre sont trop compliqués ». Trois personnes précisent également qu’elles n’ont pas connaissance des offres de cours.

Tableau 5

Facteurs (n = 234) rapportés par les participants (n = 47) comme pouvant faciliter ou entraver le projet d’apprentissage

Facteurs (n = 234) rapportés par les participants (n = 47) comme pouvant faciliter ou entraver le projet d’apprentissage

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Les raisons qui motivent les participants à vouloir entreprendre des projets d’apprentissage

La plupart des personnes (n = 44) ayant exprimé des projets d’apprentissage verbalisent également les raisons qui les motivent à les entreprendre (n = 125). Certaines personnes donnent une seule raison, tandis que d’autres en formulent plusieurs (min = 1 ; max= 12). Le tableau 6 présente la répartition des énoncés selon les catégories du modèle de Carré (2001).

La plupart des raisons données (n = 55) renvoient au plaisir d’apprendre en tant que tel. Ainsi les personnes interrogées désirent entreprendre un projet, car « j’ai envie de faire ça » ou encore, car « j’aimerais apprendre beaucoup plus de choses ». Le plaisir de faire de nouvelles découvertes sous-tend la représentation de l'apprentissage. Apprendre est aussi un besoin vital, comme en témoignent les propos de ce jeune participant : « Disons que, je sais que je sais pas tout, mais je sais que jusqu’à ma mort, ben j’apprendrai ».

Les facteurs extrinsèques opératoires personnels (n = 22) et professionnels (n = 10) sont également largement cités. L’acquisition de nouvelles compétences pour pouvoir mieux fonctionner dans différents domaines de la vie quotidienne et professionnelle est fréquemment mentionnée. Comme le dit ce participant : « Ce projet, c’est pour que j’arrive à me débrouiller seul, j’aimerai avoir un studio. Mais c’est des responsabilités, y’a le ménage à faire, à manger aussi par exemple ». Le perfectionnement de certaines habiletés afin de pouvoir mieux exécuter les tâches professionnelles semble également important, comme l'explique cette participante : « Je voudrais apprendre mieux les maths pour mieux bosser, parce que c’est quelque chose d’important pour le travail ».

Les facteurs identitaires, c'est-à-dire liés à la reconnaissance sociale (n = 12), sont également cités par quelques participants. Pour certains, il s’agit notamment d’avoir des projets d’apprentissage afin que leurs compétences soient reconnues par les autres. Ainsi un participant déclare : « Je voudrais montrer aux autres que c’est possible et qu’ils disent : « celui-là, il a appris tout ça, c’est génial », comme ça tout le monde m’admire ». La reconnaissance d’autrui n’est pas la seule source de motivation, en effet, certaines personnes souhaitent réaliser ces projets pour eux-mêmes, comme l’explique ce participant : « Je veux me valoriser parce que j’ai envie que je sois fier de moi et je puisse dire que je suis capable ».

Les facteurs dérivatifs (n = 11), c’est-à-dire le fait de vouloir éviter les situations désagréables et/ou routinières sont également cités. Par exemple, une participante décrit les désavantages liés à la vie de groupe et présente son projet comme étant l’occasion de vivre chez elle, comme elle le désire : « Je veux vraiment quitter (ndlr mon appartement au foyer), le jour où je suis arrivée ici, j’avais la priorité de regarder la télévision jusqu’à minuit. Là, comme c’est des autres personnes, ils viennent me chercher à dix heures et là, ils sont beaucoup trop sévères ». Cette envie d’indépendance est également verbalisée par une autre participante qui déclare : « Oui, il me faut de l’autonomie, moi j’aime pas être dépendante des gens moi ». Un environnement professionnel peu attractif est également mentionné par certains participants comme étant un facteur motivationnel important : « Ce projet, c’est pour essayer de découvrir d’autres choses. Ici dans l’institution, j’ai déjà découvert beaucoup de choses. Alors pour moi, maintenant le plus important, c’est de découvrir un nouveau système, quelque chose que je connais pas ».

Tableau 6

Raisons (n = 125) rapportées par les participants (n = 44) les motivant à s’engager dans des projets d’apprentissage

Raisons (n = 125) rapportées par les participants (n = 44) les motivant à s’engager dans des projets d’apprentissage

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DISCUSSION

L’âge adulte constitue une période de vie particulière durant laquelle les individus doivent se montrer de plus en plus performants dans de nombreux domaines ; emploi, vie familiale et communautaire ou encore loisirs (Gerber, 2012). Conscientes de cet état de fait, les personnes présentant une déficience intellectuelle considèrent l’apprentissage tout au long de la vie comme une solution leur permettant de remplir ces exigences. En ce sens, il fonctionne comme un vecteur important d'accomplissement personnel et de participation sociale. Les personnes présentant une déficience intellectuelle sont d’avis qu’apprendre permet de changer, de se transformer, de s’améliorer, de découvrir de nouvelles opportunités, de faire l’expérience de portes qui s’ouvrent. Les résultats de cette recherche corroborent ceux de Boulton-Lewis et al. (2008) qui indiquaient que les adultes présentant une DI se perçoivent comme des apprenants.

Les résultats montrent que de nombreux domaines d’apprentissage sont plébiscités. Les plus représentés concernent les activités artistiques et sportives (n = 49), celles de perfectionnement comme apprendre à mieux lire ou mieux écrire (n = 26) ou encore celles en lien avec le monde professionnel (n = 25) et la vie quotidienne (n = 25). Outre le tour d'horizon sur la diversité des projets d’apprentissage évoqués, les résultats montrent qu'une grande partie des raisons sous-tendant les projets d'apprentissage réside dans des facteurs intrinsèques tels que la curiosité et le plaisir d’apprendre. Les participants considèrent par ailleurs ces deux facteurs comme des facilitateurs essentiels à la réalisation de leur projet. Les soutiens disponibles tant dans l’environnement physique que social sont relevés comme étant des facilitateurs importants. Les personnes présentant une DI sont conscientes que les difficultés qu’elles rencontrent, par exemple une certaine lenteur, des problèmes de mémoire ou encore des connaissances scolaires lacunaires, peuvent être des freins à l’apprentissage. La mise en place de formations adaptées ainsi que le développement de matériel pédagogique adéquat pourraient pallier à ces difficultés.

L’apprentissage tout au long de la vie est également perçu comme un moyen permettant aux personnes interviewées de se montrer plus performantes et plus compétitives dans le monde professionnel. En effet, plusieurs projets concernent ce domaine, ils traduisent l’envie d’élargir, de diversifier et de maximiser les perspectives d’emploi des personnes qui les évoquent. L’environnement de travail peu stimulant offert par les ateliers protégés est relevé par de nombreuses personnes comme une raison pour laquelle elles souhaitent entreprendre de nouveaux apprentissages. Lorsqu'elles ont spécifié leurs projets d'apprentissage, aucune personne interviewée n'a mentionné de projet d’apprentissage prescrit, c'est-à-dire relevant d’une obligation externe. Ceci témoigne du fait que l’environnement professionnel dans lequel ces personnes évoluent les encourage peu à la formation initiale ou continue.

De plus en plus de personnes aspirent à vivre de manière indépendante en dehors du milieu institutionnel (Brown, 2010). Là encore, l’apprentissage tout au long de la vie se pose comme une solution leur permettant d’accéder à ce niveau d’autonomie. En effet, de nombreux participants mentionnent des projets liés aux activités pratiques du quotidien tels qu’apprendre à tenir un ménage, à faire les courses ou encore à respecter un budget.

Actuellement, les politiques éducatives en Suisse offrent encore peu d’opportunités d’apprentissage aux adultes présentant une déficience intellectuelle. Ce faisant, elles renforcent les mécanismes d’exclusion qui mettent les personnes présentant une DI à la marge (Field et Leicester, 2000). Pourtant, les pouvoirs publics devraient être interpellés par ces constats et mettre en place des formations adaptées aux personnes présentant une déficience intellectuelle d’une part pour répondre aux besoins exprimés par les personnes elles-mêmes, d’autre part pour réduire les mécanismes d’exclusion liés au manque d’opportunités offertes aux personnes qui en bénéficieraient le plus.

Limites de l’étude et recherches futures

Les résultats de cette étude doivent être interprétés à la lumière de ses différentes limites. Premièrement, le recrutement des participants s’est fait sur la base d’un échantillon proposé par les institutions. Cette procédure ne permet pas d’assurer une réelle représentativité de la population-cible. Deuxièmement, un certain nombre de précautions ont été prises, lors du recrutement et de l’entretien, afin de réduire les biais dus à la désirabilité sociale et à la tendance à l’acquiescement. Par exemple, les participants étaient invités à rendre le formulaire de consentement, suite à l’appel à participation dans un délai d’une semaine, à un membre de l’équipe éducative, les droits des participants ont été explicités lors des séances d’information et rappelés avant le début de l’entretien (Petitpierre et al., 2013; Tessari Veyre et al., 2016). Néanmoins, ces biais n'ont pas fait l’objet d'une évaluation standardisée.

Troisièmement, il importe de souligner que cet article a choisi de s'intéresser à la perception des personnes présentant une DI sans questionner celles d'autres acteurs potentiellement concernés par l'apprentissage. Afin de permettre aux politiques éducatives de se baser sur des sources d’informations multiples, d’autres points de vue restent à explorer. Ainsi, des recherches futures pourraient porter sur les besoins relevés par les potentiels employeurs, par les services aidant les personnes à vivre de façon autonome en appartement ou encore par les formateurs d'adultes. Par ailleurs, les questions structurelles sont également à explorer. Par exemple, documenter les opportunités d’apprentissage proposées aux personnes présentant une DI en analysant précisément les offres de formations et la manière dont elles sont organisées pourrait être un complément à cette recherche.

Finalement, l’engagement des personnes adultes dans ces activités d’apprentissage dépend de facteurs multiples, liés à la fois à des facteurs personnels et à l’environnement économique, social et culturel dans lequel elles évoluent (OCDE, 2016). En effet, plusieurs études relèvent que l’âge, le sexe, la situation familiale et professionnelle ainsi que le niveau de formation sont des déterminants significatifs de l’engagement dans la formation à l’âge adulte (Ebersold, 2015; Fenouillet, 2011; OCDE 2016). Des recherches futures sont nécessaires afin de vérifier si ces éléments sont également déterminants pour les personnes présentant une DI.

CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

Malgré ses limites, cette étude permet d’établir certains constats et quelques recommandations concernant le développement de formations à destination de personnes adultes avec une déficience intellectuelle. Il est possible de constater que ces personnes se perçoivent comme des apprenants potentiels et qu'une grande partie d’entre elles est désireuse de s’engager dans un ou plusieurs projets d’apprentissage. Leurs intérêts et leurs besoins de formation sont larges et se réfèrent à de nombreux domaines. Elles expriment majoritairement une motivation intrinsèque qui appelle à ne pas concevoir des formations à but uniquement utilitaristes. Conscientes du rôle décisif de l’apprentissage tout au long de la vie, elles perçoivent les bénéfices possibles liés à de telles activités. Finalement, la mise en place et le renforcement de la formation formelle, par exemple des formations professionnelles et continues, mais également la création d’offres de formation non-formelles, comme des cours de loisirs s’avèrent nécessaires.