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Cet ouvrage présente les réflexions de vingt-huit experts sur l’évolution de la notion de compétence. Le projet a été motivé par la possible saturation conceptuelle et scientifique du concept. En d’autres mots : Le terme de compétence a-t-il déjà donné tout ce qu’il avait à offrir? C’est autour de cette question que le livre a été conçu.

D’entrée de jeu, un quasi-consensus s’établit autour du fait que le concept de compétence soit difficile à définir de façon objective, notamment à cause de l’influence du contexte d’application. Or, à la lumière des textes, on peut situer ce concept à la jonction du savoir, du savoir-faire et du savoir-être, et le considérer comme un outil réflexif qui permet à un individu d’évoluer dans une situation particulière.

Nomade ou polymorphe, la compétence dépend également des interprétations et des intérêts des acteurs qui l’évaluent. Elle ne peut donc pas être qu’individuelle; ne serait-ce que par la nécessité de cohérence, par exemple, entre celles d’individus aux rôles différents, évoluant au sein d’un même environnement et qui poursuivent un but commun. Ainsi, la question demeure : la compétence porte-t-elle sur l’action ou sur les attributs d’un individu?

La seconde partie insiste plutôt sur le malaise entre la formation – incluant la conscientisation des travailleurs - et l’instrumentalisation de la compétence dans leurs contextes respectifs. On y présente les éléments d’un modèle plus inductif de gestion par les compétences, qui permettrait de lier les compétences à des situations sociales et professionnelles particulières. Or, malgré ses objectifs louables, il reste aussi impuissant que les autres face à l’individualisation et l’autonomisation du travail.

La dernière partie suggère un modèle post-compétence, basé sur les capabilités. La capabilité ne s’oppose pas au principe de compétence, mais suggère plutôt une réorientation de la réflexion vers l’environnement et les moyens de développer et de déployer ces mêmes compétences. On cherche à créer des situations capacitantes en redécouvrant l’aspect social de la compétence par une ouverture d’esprit nouvelle sous forme de coopération; d’improvisation dosée ou d’évaluation de la plus-value sociale d’une gestion compréhensive.

Cet ouvrage est une belle occasion de faire le point sur l’apport épistémique des différents champs d’application du concept de compétence, mais également des conséquences potentielles d’une définition non harmonisée et subjective sur son instrumentalisation. Ce livre saura intéresser des étudiants de niveau postsecondaire ou un public plus général, mais avancé sur la question. Il suscite des réflexions judicieuses sur les perceptions du monde du travail, et remet en question cette notion de compétence que l’on pourrait croire bien encadrée.

Cependant, le fait que plusieurs auteurs expliquent les changements actuels du monde du travail par la mondialisation et la libéralisation économique justifierait une certaine contextualisation de la notion sous cet angle. En effet, cet aspect aurait apporté beaucoup, en permettant notamment de comprendre les origines des façons de faire critiquées, et en quoi ces changements macroéconomiques ont influencé les différents modes de gestion.