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À travers les dix chapitres que compte ce livre, Depover et Jonnaert mettent à l’épreuve la cohérence de l’éducation en Afrique, sur le plan des effets des politiques de l’Aide internationale au développement-AID, des politiques nationales, et du curriculum. Les deux premiers chapitres retracent les étapes qui ont balisé les récentes politiques d’aide internationale au développement, dont la conférence de Paris 2005 qui marque une rupture dans ses modes d’intervention. En matière éducative, ils retiennent le forum de l’Éducation pour tous de Dakar 2000, dont a émergé l’objectif d’universalisation de l’éducation de base en 2015. Dans les chapitres 3 et 4, les auteurs procèdent à une analyse conceptuelle et méthodologique des politiques éducatives africaines, analyse appuyée par les résultats des programmes d’évaluation des systèmes éducatifs. Ils montrent que les objectifs de l’Éducation pour tous ne seront pas atteints dans la plupart des systèmes éducatifs africains en 2015. Ils identifient des facteurs d’ordre structurel, conjoncturel et culturel qui influent sur l’efficacité et la cohérence de ces politiques. Ces facteurs, parmi lesquels il y a le manque de coordination entre les parties prenantes, la corruption et la poursuite de l’accès sans la qualité, expliqueraient les écarts entre la politique officielle et la politique effective. Pour réduire ces écarts tout en tenant compte des contraintes budgétaires dans les pays en développement, les auteurs suggèrent, dans les chapitres 5 et 6, de privilégier le critère d’efficience dans le choix des variables rationnelles susceptibles d’être prises en compte dans une stratégie de développement du secteur éducatif après 2015. Les auteurs passent des politiques au curriculum dans les quatre derniers chapitres. Ils définissent celui-ci comme le passeur des politiques éducatives vers la pratique éducative par le processus de transposition curriculaire. Ils opposent toutefois deux courants curriculaires, le franco-européen, qui assimilerait, à tort, le concept de curriculum à celui de programme éducatif, et le courant anglo-saxon et nord américain qui serait davantage conforme au curriculum holistique. Ils proposent en effet une modélisation de ce dernier qui s’inspire, tout en les dépassant, des balises de Tyler (1949). Cela donne au curriculum plusieurs formats, de multiples facettes et une diversité d'acteurs.

L’approche très pédagogique des auteurs, qui intègrent dans leur analyse des exemples concrets et variés, des synthèses et des interrogations, facilite la compréhension et incite à la réflexion. L’ouvrage qui présente en outre une formidable recension d’écrits sur les politiques éducatives africaines peut servir d’outil d’aide à la décision et s’avérer une bonne source de culture générale dans le domaine. Toutefois, l’Afrique semble absente de la partie portant sur le curriculum : quelques exemples seulement sont tirés des curriculums des pays africain. D’autre part, ces exemples semblent en contradiction avec les observations des auteurs portant sur le fait que les curriculums des pays africains francophones relèveraient plus du courant franco-européen. Est enfin globalement perceptible, malgré une profonde connaissance des systèmes éducatifs africains et un réel effort d’objectivité de la part des auteurs, un angle de lecture plus positionné du côté des partenaires de l’aide internationale au développement que du côté des bénéficiaires africains.