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Introduction

L’insertion professionnelle est au coeur du dispositif que propose le Centre de Réhabilitation Psycho Sociale (CRPS) de la Tour de Gassies. Attaché aux principes fondateurs de la Réhabilitation, le CRPS, depuis sa création en 1976, considère la valeur du travail comme vecteur d’intégration et comme lieu de réalisation de soi. Ce dispositif trouve sa particularité dans le paysage français, car il pose la question du travail dès les premiers signes de stabilisation clinique. Pour autant, l’insertion professionnelle est envisagée comme un outil, un levier vers le rétablissement, véritable enjeu de notre structure. Après avoir décrit le modèle théorique de la Classification Internationale du Fonctionnement (CIF) dans lequel nous sommes inscrits, nous présenterons notre pratique à travers deux parcours d’usagers. Enfin, nous montrerons comment le CRPS, environnement transitoire, favorise les projets de réhabilitation en s’appuyant sur l’interdisciplinarité, le parcours personnalisé, l’autodétermination des équipes et leur créativité ouvrant la voie vers un possible rétablissement.

Réhabilitation et modèles du handicap

La réhabilitation psychosociale est actuellement en plein essor en France, que ce soit au sein du monde médical, social ou politique. Ce concept apparu aux États-Unis au milieu du 20e siècle englobe différentes notions : la réadaptation (ou soins de réadaptation), issue du champ médical, qui pourrait être définie comme l’ensemble des actions permettant de supprimer, d’atténuer, de surmonter les obstacles générateurs du handicap ; et la réinsertion, qui elle, se situe dans le champ social, et dont les acteurs sont les professionnels de l’insertion et du milieu associatif1.

Le concept de réhabilitation met donc en exergue la coexistence actuelle de plusieurs modèles du handicap :

  • Le modèle médical, qui définit le handicap comme une « déficience corporelle, psychique ou mentale » appartenant à une personne et ayant pour conséquence de limiter sa participation. Le handicap est, dans ce cas, la conséquence directe d’une déficience individuelle2 ;

  • Le modèle social, qui considère le handicap comme le résultat de l’inadéquation de la société aux spécificités de ses membres. Le handicap se présente lors de l’interaction entre un individu qui a une déficience (physique, sensorielle, intellectuelle ou psychique) et des barrières environnementales (physiques ou d’attitude) créées ou maintenues par la société. L’origine du handicap est donc dans ce cas externe à l’individu2 ;

  • Les modèles interactifs, dont la CIF (ou CIDIH II) de l’OMS3, avec de nouvelles approches intégratives et dynamiques, qui tentent de dépasser le déterminisme individuel du modèle médical et le déterminisme externe du modèle social.

Nous présenterons de manière plus détaillée la CIF puisque l’organisation des soins et de la réhabilitation au CRPS de la Tour de Gassies s’appuie sur ce modèle théorique.

La Classification Internationale du Fonctionnement

La Classification Internationale du Fonctionnement3, est issue du modèle biopsychosocial4, 5. Elle se veut intégrative du modèle médical et du modèle social, prenant en compte dans la genèse du handicap les interactions entre déficience(s) d’une ou plusieurs composantes biologiques (fonctions organiques et structure anatomique), les facteurs environnementaux et les facteurs personnels. Ces différentes composantes et leurs interactions peuvent en effet être à l’origine d’une limitation d’activité et d’une restriction de participation, qui elles-mêmes peuvent interagir sur les facteurs environnementaux, individuels et biologiques.

Dans le domaine de la santé, la CIF définit « les fonctions organiques » comme les fonctions physiologiques des systèmes organiques (y compris les fonctions psychologiques) et « les structures anatomiques », comme les parties anatomiques du corps, telles que les organes, les membres et leurs composantes. Les « déficiences » désignent des problèmes dans la fonction organique ou la structure anatomique, tels un écart ou une perte importante. L’activité désigne l’exécution d’une tâche par une personne, la « participation », quant à elle, désigne l’implication de celle-ci dans une situation de vie réelle. Ainsi, « les limitations d’activité » sont définies comme les difficultés que rencontre une personne dans l’exécution de certaines activités et « les restrictions de participation », comme les problèmes qu’une personne peut rencontrer en s’impliquant dans une situation de vie réelle. « Les facteurs environnementaux » désignent quant à eux l’environnement physique, social et attitudinal dans lequel les gens vivent. La CIF ne s’attache pas à décrire les facteurs personnels, considérés par les auteurs comme trop variables selon les cultures.

Selon ce modèle, « le handicap n’est pas considéré comme un attribut de la personne, mais comme le résultat de l’interaction entre celle-ci et son environnement ». Réduire les situations de handicap implique donc non seulement une prise en charge médicale de la symptomatologie psychiatrique en l’occurrence, mais aussi des actions sur les facteurs personnels et les facteurs environnementaux.

L’originalité de notre structure repose ainsi sur un accompagnement pluridisciplinaire visant à intervenir, comme nous le verrons par la suite, sur ces différents facteurs.

Les objectifs et outils de la réhabilitation psychosociale

Les objectifs de la réhabilitation psychosociale diffèrent selon les auteurs, mais sont au total complémentaires.

Pour Anthony6, l’objectif général de la réhabilitation psychosociale est de restaurer, maintenir et améliorer la qualité de vie des personnes avec des problèmes psychiatriques en les aidant à maintenir, développer et utiliser des habiletés sociales et fonctionnelles pour vivre, apprendre et travailler dans la communauté avec le plus d’autonomie et de satisfaction possible.

Selon Farkas7, la réhabilitation psychosociale est la « somme des actions à développer pour optimiser les capacités persistantes d’un sujet », afin « d’améliorer le fonctionnement de la personne pour qu’elle puisse remporter des succès et éprouver des satisfactions dans un milieu de son choix et avec le moins d’interventions professionnelles possible ». Elle décrit une méthode systématique qui vise, dans un premier temps, à aider la personne à choisir le milieu de vie où elle souhaite vivre, à évaluer ce qu’elle peut faire et quel type de soutien lui est nécessaire pour se maintenir dans le milieu choisi. Dans un second temps, la démarche comportera l’enseignement de nouvelles aptitudes, complétée par un programme d’apprentissage et la mobilisation de ressources pour aider la personne à atteindre son objectif.

Le Plan Psychiatrie et Santé Mentale 2011-20158 en France, qui préconise d’ailleurs de « promouvoir la réhabilitation psychosociale au sens large du terme », en définit aussi des objectifs : la réhabilitation permet « l’insertion, la citoyenneté, la qualité de vie, la dignité, l’accès à une formation et au travail et plus généralement la lutte contre la fatalité, l’abandon et la relégation dont sont trop souvent victimes les personnes vivant avec des troubles psychiques ».

Présentation du Centre de Réhabilitation Psycho Sociale (CRPS)

Le CRPS du Centre de la Tour de Gassies accueille des personnes qui présentent des troubles mentaux graves pour des évaluations et la mise en place de programmes de réhabilitation visant une insertion professionnelle et/ou une insertion sociale. Nous accueillons en moyenne 120 personnes par an. Les usagers nous sont adressés principalement par les centres hospitaliers, et souffrent majoritairement de schizophrénie et de troubles bipolaires de l’humeur.

Les objectifs du service

  • L’insertion professionnelle, la construction d’un projet qui tient compte du choix de la personne, des contraintes socio-économiques et de l’environnement. Notre pratique promeut un accompagnement proche des structures d’insertion de « format hybride »9 puisqu’elle propose un entraînement aux habiletés professionnelles, tout en menant en parallèle des actions d’insertion en milieu ordinaire. Ceci n’exclut pas que nous soyons aussi attentifs à d’autres voies que le travail rémunéré pour l’accès à une qualité de vie. En effet, la reprise d’études ou le bénévolat peuvent faire partie des choix dans lesquels s’engagent les personnes que nous accompagnons ;

  • L’autonomie sociale et la qualité de vie. Suivant les besoins des personnes, nous favorisons l’accès à un logement, l’autonomie dans les actes de la vie quotidienne, sur les déplacements, l’accès aux loisirs, à une vie sociale… ;

  • Participer au rétablissement et développer la capacité d’agir des personnes par la mise en place de stratégies d’intervention individualisées en tenant compte de la maladie et de son évolution, de l’environnement de la personne, des choix de vie de cette dernière.

L’équipe

L’équipe pluridisciplinaire est composée : de médecins psychiatres, d’un coordinateur, d’une secrétaire, d’une assistante sociale, d’ergothérapeutes, d’infirmiers, d’une chargée d’insertion professionnelle, de psychomotriciens, d’une psychologue et d’une neuropsychologue, de moniteurs d’ateliers et d’un professeur en activités physiques adaptées.

Les dispositifs d’accompagnement

Le CRPS dispose de différents outils :

  • Des temps de bilan en ateliers professionnels (menuiserie, espaces verts, pédagogie). Les mises en situation et évaluations permettent aux participants d’identifier leurs compétences personnelles et professionnelles, mais aussi les obstacles à l’insertion et les moyens de les surmonter. Ces périodes de transition en atelier permettent également de favoriser la remobilisation, la reconstruction ;

  • Un accompagnement et un suivi personnalisés vers l’insertion professionnelle. L’accès au milieu de travail (milieu ordinaire et milieu protégé) s’effectue par l’expérimentation et l’immersion en entreprise sous forme de stage ou de contrat de travail, selon le modèle du soutien à l’emploi place and train (pour une revue des différentes pratiques d’insertion professionnelle des personnes présentant des troubles mentaux graves)4 ;

  • Des programmes individuels ou de groupe en lien avec les sollicitations futures : orientation professionnelle, préparation à la recherche d’un emploi, gestion du budget… ;

  • Des temps de psychothérapie individuelle ou de groupe : éducation thérapeutique, suivi médical, psychologique, entraînement aux habiletés sociales, remédiation cognitive… ;

  • Des programmes axés sur le sport : des temps de pratique sportive quotidiens, un partenariat avec des clubs sportifs de droit commun, la participation à des championnats… Ce dispositif, vecteur d’insertion sociale, permet de renforcer la motivation et l’estime de soi, de lutter contre la stigmatisation, en particulier l’autostigmatisation. Il est à l’origine de la création d’une plateforme sportive régionale qui associe différents acteurs du champ sanitaire, sportif, associatif et politique, et permet d’offrir aux usagers un accès privilégié à de nombreuses activités sportives en club ordinaire ;

  • Des partenariats et des conventions avec les collectivités et avec des entreprises du milieu ordinaire ou protégé qui permettent aux usagers de valider leur choix professionnel tout en étant accompagné de manière individuelle en entreprise.

L’organisation des soins de réhabilitation

Dans un premier temps, nous réalisons une évaluation pluridisciplinaire des différents facteurs pouvant être source de handicap pour la personne, en tenant compte de ses plaintes subjectives. Ceci nous permet d’établir avec elle un programme de réhabilitation individualisé ou d’envisager une orientation vers nos différents partenaires.

Par la suite, le programme de réhabilitation s’organise autour de trois axes principaux : celui des soins, de l’autonomie sociale et celui de l’insertion professionnelle. Nous faisons le choix de ne pas limiter dans le temps notre accompagnement afin d’assurer une insertion socioprofessionnelle pérenne. Ce programme varie en fonction du niveau de handicap de la personne et de la progression de l’accompagnement, avec des réajustements périodiques. Ainsi, nos temps de suivi varient de quelques semaines à plusieurs années, pour assurer la continuité de l’accompagnement et ajuster les interventions aux besoins des personnes.

Un premier axe vise la reconnaissance de la maladie et la recherche de la compliance au traitement à partir de modules spécifiques.

Le deuxième axe propose un travail sur l’autonomie en développant des apprentissages autour des habiletés de la vie quotidienne (module de gestion du budget, d’élaboration des repas, d’hygiène alimentaire, déplacement dans la ville, cognition sociale, prise de logement, bricolage domestique, habiletés conversationnelles, DIXILUDO®, PRACS[i]).

Enfin, le dernier axe est centré sur la construction d’un projet professionnel réaliste tenant compte des souhaits de la personne et de ses compétences. Cette construction est abordée autour de modules de connaissance des métiers, de travail sur la posture professionnelle, de mises en situation en entreprise en milieu ordinaire ou protégé.

Nous proposons un travail d’interdisciplinarité qui permet d’aborder ces dimensions à travers plusieurs approches complémentaires. Par exemple, un travail sur la posture professionnelle est proposé au sein d’un module animé par la psychomotricienne et la chargée d’insertion. Il permet à la fois de travailler la question du corps dans la posture professionnelle et de mener une réflexion sur les représentations du travail.

Action sur l’environnement

Nos programmes sont complétés par des actions sur l’environnement des personnes :

  • En direction des familles et des proches à travers des rencontres, des programmes de psychoéducation, et une collaboration avec les associations d’usagers et familles ;

  • Des interventions auprès de différents acteurs de la cité : employeurs, bailleurs sociaux, organismes administratifs ;

  • Des actions de formation ou d’information auprès de professionnels : diplôme universitaire sur le handicap psychique, organisation de journées scientifiques, formation auprès d’Établissements ou Services d’Aide par le Travail (ESAT) et de Service d’Accompagnement à la Vie Sociale (SAVS) sur l’accueil de personnes qui présentent des troubles de santé mentale.

Deux exemples issus de notre pratique

Le parcours d’Élodie

Élodie est adressée dans notre service par une structure hospitalière pour un projet d’insertion psychosociale. Elle présente un trouble schizoaffectif et ses symptômes les plus invalidants sont un important syndrome dépressif associé à un fort apragmatisme, une dépréciation d’elle-même, ainsi qu’un pessimisme exacerbé. Ce tableau clinique est responsable d’importantes limitations d’activités restreignant fortement sa participation à toute vie sociale et à tout projet d’insertion professionnelle. En effet, elle reste très isolée, ne peut mettre en place aucune activité. Son apragmatisme la met dans l’incapacité d’honorer ses rendez-vous, faisant échouer de nombreux projets (formation, emploi, loisirs). Pourtant, et pour compléter ce tableau clinique, notons qu’elle présente une forte détermination et une motivation à poursuivre son engagement dans des projets d’insertion.

Le premier contact avec notre service a eu lieu il y a neuf ans. Durant cette période, qui peut paraître particulièrement longue, plusieurs axes d’accompagnement ont été empruntés. Nous ne présenterons pas ici la première partie de son suivi, axé sur le soin et sur l’autonomie sociale, pour présenter plus en détail l’accompagnement vers l’insertion professionnelle.

Pour ce faire, Élodie est soutenue dans ses nombreuses démarches : participation aux ateliers préprofessionnels au sein de notre structure, remise à niveau dans un atelier pédagogique personnalisé à l’extérieur de l’établissement (dispositif de formation de droit commun), recherche active d’emploi, de formation, entretiens professionnels. Ce processus d’accompagnement lui permet de maintenir une dynamique dans sa participation. Pourtant, Élodie ne parvient pas à mener toutes ces démarches jusqu’à leur terme. Par exemple, elle prépare assidûment, durant une année, le concours d’entrée à l’école d’orthophonie, mais de trop fortes angoisses la mettent dans l’incapacité de se présenter au concours. De la même manière, elle répond à une offre d’emploi d’auxiliaire de vie scolaire. Extrêmement impliquée dans cette démarche, elle ne parviendra pas à se rendre à l’entretien malgré la présence de la chargée d’insertion, et ce pour les mêmes raisons que précédemment.

Le travail d’interdisciplinarité, mené entre le professeur de sport adapté et la chargée d’insertion, permet d’identifier un levier possible qui est pour Élodie la pratique du basket. En effet, avant sa décompensation elle pratiquait ce sport, activité interrompue depuis plusieurs années. Elle émet le souhait d’intégrer l’équipe de basket du CRPS et parvient à participer aux championnats de France en sport adapté. Cette équipe obtient régulièrement de très bons résultats ce qui constitue une motivation accrue dans l’implication des joueurs. Pour Élodie, l’accroche sur l’activité sportive a permis de contourner ce qui faisait restriction (impact des symptômes sur le fonctionnement). Ainsi, en investissant le sport, les manifestations cliniques d’Élodie se sont sensiblement modifiées : amélioration de la confiance en soi, capacité à maintenir une activité dans le temps, ce qui a eu un impact sur ses relations sociales et diminué son isolement. En parallèle, un bilan neuropsychologique est mené pour établir avec elle son profil cognitif et objectiver ses ressources et difficultés cognitives. Ce bilan confirme des troubles sur le plan attentionnel et de la mémoire, mais témoigne de capacités préservées sur les autres fonctions cognitives évaluées. Un programme de remédiation cognitive lui est alors proposé. Elle améliore ainsi sa capacité à porter attention et à mémoriser, et prend conscience de sa capacité à agir sur ses limitations d’activité.

Progressivement se dessine l’idée qu’une insertion professionnelle dans le domaine sportif est possible. L’amélioration clinique et cognitive décrite précédemment lui permet de s’engager dans ce projet. Elle s’inscrit dans une formation d’animateur de basket, qu’elle valide. En parallèle, elle entraîne une équipe de basket locale en sport adapté et l’équipe benjamine d’un club de sport tout public. Élodie vient de valider le Brevet d’Aptitudes aux Fonctions d’Animateur (BAFA) et a pour projet d’intégrer la formation d’initiateur de basket.

Cet exemple nous permet d’identifier la manière dont s’organise un travail interdisciplinaire d’accompagnement pour favoriser l’insertion professionnelle. En luttant contre les limitations d’activités et en favorisant la mise en place de projets significatifs, Élodie a pu mobiliser des ressources masquées jusque-là par la symptomatologie.

Le parcours de Rémy

Rémy a intégré le CRPS il y a 6 ans pour un accompagnement vers une insertion sociale et professionnelle rendue difficile du fait d’une schizophrénie où la désorganisation est au premier plan. On observe principalement une symptomatologie de repli, d’isolement, un sentiment d’ennui, de fortes angoisses et également une problématique de dépendance (cannabis, jeu de grattage). Il exprime, dès son arrivée, le souhait de pouvoir accéder à un emploi, mais ses représentations du monde du travail sont telles qu’elles alimentent ses angoisses et limitent fortement sa participation à toute activité professionnelle. En effet, il a très peu d’expérience professionnelle et a rechuté à chaque tentative d’insertion.

Si sa demande autour du travail reste une un axe important, l’accent sera dans un premier temps mis sur l’autonomie sociale. En effet, au moment de son intégration dans notre service, il dispose d’un logement autonome, mais qui est peu investi. Ainsi, avec le soutien des ergothérapeutes, il bénéficiera d’un accompagnement en appartement associatif pour accéder ensuite à un logement individuel qu’il peut gérer seul aujourd’hui.

Parallèlement, il participe aux ateliers préprofessionnels lui permettant de travailler les aspects fonctionnels de l’activité (rythme, assiduité, compétence). Accompagné par la chargée d’insertion, il souhaite faire un stage en milieu ordinaire, mais dans un environnement rassurant (entreprise familiale) et demande un aménagement sur le temps de travail et sur les tâches à accomplir. À l’issue de ce stage, Rémy nous fait part des difficultés qu’il a ressenties : fortes angoisses, incapacité à tenir le rythme, fatigabilité. Ces difficultés sont également observées par ses employeurs. Cette mise en situation professionnelle (mise en place du stage, aménagement du temps de travail et des tâches à accomplir, bilan de fin de stage) va permettre à Rémy de poursuivre son travail sur les représentations et les facteurs motivationnels. Cette réflexion l’amène à demander une orientation en milieu protégé, première étape rassurante pour lui, avant d’envisager une insertion en milieu ordinaire. Comme décrit dans la présentation, le lien privilégié créé entre notre structure et les ESAT, facilite l’organisation de plusieurs mises en situation. Celles-ci qui permettront à Rémy peu à peu de trouver une réassurance en ses capacités à s’impliquer dans une activité professionnelle, de favoriser une estime de soi et d’envisager enfin le travail comme un lieu possible de réalisation personnelle.

Depuis deux ans, il a intégré un ESAT en restauration collective. Il envisage aujourd’hui d’évoluer vers un poste en prestations extérieures (maintien en ESAT avec davantage d’autonomie). Il vit cette étape professionnelle comme une période transitoire et conserve l’objectif, partagé par l’équipe, d’intégrer un emploi en milieu ordinaire. Rémy exprime une réelle satisfaction vis-à-vis de sa situation sociale et professionnelle actuelle.

Conclusion

Le soutien à l’insertion professionnelle et au maintien en emploi prend une place centrale dans les accompagnements proposés au CRPS. Notre expérience n’a pu que confirmer, à l’instar des différentes études sur le sujet, que le fait d’exercer une activité professionnelle contribue à la déstigmatisation11, 12, et offre l’opportunité d’une reconnaissance sociale, ainsi qu’au sentiment d’appartenance à un collectif, base de l’estime de soi13. Il contribue ainsi à l’empowerment, via une augmentation du sentiment d’efficacité personnelle et du sentiment de contrôle sur sa vie et son devenir14, 15.

Pour autant, le travail, plus qu’une finalité en soi, est pensé comme un outil, un levier vers le rétablissement. Ainsi, c’est bien le rétablissement qui devient la finalité de nos accompagnements. Ceci implique que l’obtention d’un emploi est une voie possible sans être toutefois une priorité absolue. D’autres projets peuvent constituer des éléments dans la « construction d’une vie satisfaisante et pour retrouver un rôle dans la société » selon les propos de Deegan16.

Dans cette perspective, le modèle de la CIF3 offre un cadre permettant de définir les difficultés de participation à la vie sociale rencontrées par les personnes que nous accompagnons. Ce modèle identifie également des dimensions qui concourent à maintenir ou au contraire à lever les obstacles à la participation. En particulier, la prise en compte à la fois des facteurs personnels et environnementaux permet d’identifier des axes d’accompagnement qui organisent notre pratique.

Au niveau des facteurs personnels, nous considérons par conséquent que le processus de rétablissement exige un parcours de réhabilitation psychosociale personnalisé. Celui-ci intègre les centres d’intérêt et objectifs de la personne, mais aussi nos observations quant à ses possibles obstacles à la participation. Notre organisation s’articule donc autour d’une offre la plus diversifiée possible de nos propositions d’accompagnement. Elle s’appuie également sur l’interdisciplinarité, et les regards croisés des professionnels qu’elle induit. Elle nous permet ainsi d’intervenir sur de nombreux obstacles à la participation de la personne.

Au niveau des facteurs environnementaux, nous nous attachons ainsi à multiplier les propositions d’activités tournées vers l’extérieur tout en réduisant progressivement nos interventions institutionnelles, afin que chaque personne soit l’acteur principal de son processus de rétablissement. Ceci implique un important travail de réseau. De la même manière, penser les facteurs environnementaux revient de fait à considérer le CRPS également comme un facteur environnemental transitoire pour la personne, un outil favorisant le rétablissement.

Notre approche est à contextualiser dans le paysage sanitaire français où l’accessibilité à l’emploi des personnes en situation de handicap psychique reste un enjeu, puisque ces personnes souffrent encore trop souvent de stigmatisation. C’est en renforçant le développement des savoirs autour des expériences réussies et en les diffusant que nous pourrons améliorer la connaissance des représentations de la maladie mentale.