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Introduction

Dans le présent article, nous exposons une réflexion critique de notre processus méthodologique. Nous exposons d’abord les enjeux qui ont guidé nos choix méthodologiques. Par la suite, nous présentons le modèle de recherche choisi, soit celui de la recherche collaborative de Desgagné (1994) ainsi que les limites rencontrées lors son opérationnalisation au regard des enjeux de recherche et des conditions spécifiques de réalisation. L’évaluation de notre processus expose le besoin d’assouplir le modèle choisi afin de construire un écosystème de recherche et de recourir à une approche écocollaborative. Compte tenu du fait qu’il s’agit de l’analyse critique d’une expérience de recherche, nous allons adopter une structure canonique qui diffère quelque peu d’un article scientifique habituel qui compte généralement une section de résultats de recherche.

1. Enjeux : système complexe des pratiques et contraintes institutionnelles

Enseigner est un acte complexe qui est soumis à des contraintes socioculturelles et institutionnelles. Ces contraintes conditionneraient une pédagogie cachée (Swidler, 1979), c’est-à-dire la reproduction d’une forme de pédagogie traditionnelle de « transmission-reproduction » et des rapports de pouvoirs qui s’y inscrivent. Restreindre ainsi les pouvoirs des enseignantes à un seul agir professionnel reconnu pourrait les mener à travailler à l’encontre des finalités éducatives qu’elles poursuivent comme moteurs d’action professionnelle, pour y donner sens. Un des effets possibles de cette pédagogie cachée serait de réduire considérablement les opportunités d’effectuer des choix et, par le fait même, d’amenuiser la part de créativité de l’enseignante dans ses gestes professionnels. Or, tel que le rappelle Clot (2008), la créativité étouffée, cette qualité empêchée ou «ces pans d’activités non déployées» (Petit & Dugué, 2013) réduisent non seulement la possibilité d’agir professionnellement selon des valeurs et un sens subjectivement construit (et pourtant, engageant), mais également l’autonomie par laquelle les enseignantes peuvent prendre des décisions basées sur l’évaluation de leur contexte, des besoins de leurs élèves et des approches les plus appropriées pour ces derniers, qui réfère au self-empowerment (Ninacs, 2002 ; Le bossé, 2003). La rigidité du cadre normatif implicite du travail enseignant, voire d’une culture enseignante caractérisée par un habitus particulier, appelle à revoir les conditions dans lesquelles l’enseignante, en tant que professionnelle, évolue dans son travail. Dans ce contexte, comment des chercheuses peuvent-elles enrichir leur compréhension d’un objet en s’associant aux enseignantes ? Comment peuvent-elles leur permettre d’agir et d’être en cohérence avec leurs finalités éducatives, d’atténuer ces diverses contraintes ?

Comme organisatrice des pratiques, la culture enseignante peut être appréhendée comme l’ensemble d’unités cognitives utiles pour déterminer et actualiser « l’action qui convient », qui est conforme aux normes et aux valeurs du groupe social formé par les enseignants, en fonction des contraintes et pour l’atteinte d’un but (Durand, Ria & Flavier, 2002 ; Thévenot, 1990). Elle est ainsi susceptible d’expliquer ce que l’enseignant choisit de faire et ce qu’il a préalablement conçu et pourquoi il actualise cette pratique plutôt qu’une autre. La prise en compte de leur réalité professionnelle conjuguée à un modèle de recherche non impositif ou contraignant nous semblent indispensables. Au Québec, les efforts récents d’impliquer les enseignantes dans des processus de recherche collaborative (Bednarz, Desgagné, Maheux & Savoie-Zajc, 2012 ; Desgagné, Bednarz, Couture, Poirier & Lebuis, 2001), notamment par l’entremise d’un programme de soutien à la formation continue du personnel scolaire (MELS, Chantier 7), semblent manifester d’une volonté des chercheuses d’ouvrir la construction de sens associée au rôle d’enseignante à celle de praticienne-experte, d’abord. En effet, comment imaginer que l’on puisse appréhender le système éducatif et l’action de ses acteurs en imposant de l’extérieur des prescriptions à la fois décontextualisées et vides de sens pour celles que l’on supposerait exécutantes et dont le travail est déjà surparamétré ?

Nous constatons ainsi deux enjeux essentiels pour la recherche qui poursuit des finalités véritablement éducatives. Le premier émerge de la reconnaissance que l’action professionnelle des enseignantes se réalise au sein d’un système complexe, contextualisé, riche de contradictions, de rebondissements, etc. Le second relève de l’atténuation de contraintes contraires à la volonté, aux finalités, aux valeurs et aux besoins des acteurs de l’éducation (souvent élaborées dans des perspectives politiquement et administrativement situées et étrangères à l’acte éducatif). C’est dans cette perspective que nous présentons le choix que nous avions arrêté, soit la recherche collaborative, ainsi que leur influence sur l’écosystème de la recherche.

2. La recherche collaborative

Au regard des deux enjeux de recherche précédemment cités, diverses caractéristiques appuyaient le choix de recourir à la recherche collaborative : l’idée de rapprochement entre chercheurs et praticiens (Desgagné, 1994), de faire de la recherche avec et non sur les praticiens (Desgagné et al., 2001), de l’adoption d’un rapport plus symétrique (Morrissette, 2013), de la reconnaissance de l’expertise de chacun des partenaires et de l’interdépendance de leur contribution (Couture, Bednarz et Barry, 2007), et ce, dans une visée de « compréhension en profondeur de l’objet de préoccupation mutuelle qui les mobilise » (Morrissette, p.41). Même si la nature, l’amplitude et la fonction des collaborations peuvent grandement varier à l’intérieur de ce type de recherche, ce choix implique tout de même une approche de coconstruction dans laquelle l’expertise de chacun est reconnue et mise à contribution. L’enseignante étant experte de la classe ; la conseillère pédagogique, experte de la matière et du curriculum ; les chercheuses, expertes en enseignement, en adaptation scolaire et en recherche ; la direction, experte en gestion. Ceux-ci peuvent s’impliquer à divers paliers de la recherche (demande de subvention, collecte de données, etc.) pour occuper des fonctions interdépendantes.

Compte tenu de son potentiel d’horizontalité — à travers la reconnaissance de l’expertise des participantes et de la prise en compte de leur réalité professionnelle — qui s’oppose au modèle impositif top down de recherche et qui caractérise également les contraintes institutionnelles que vivent les enseignantes, il était souhaité que l’approche collaborative atténue la portée de ces contraintes sur leur participation à la recherche. Fortes de ce choix méthodologique, nous avons adopté le cadre de Desgagné (1994).

3. Mise en contexte de la recherche d’origine et modèle choisi

Dans le cadre du Programme de soutien à la recherche et au développement en adaptation scolaire (financement offert par le MELS), nous avons proposé un projet en mathématiques, axé sur la situation problème, dans lequel divers objectifs de recherche et de formation ont été formulés. Nous reproduisons ci-dessous les étapes de la recherche collaborative (Couture, 2013 ; Desgagné et al., 2001 ; Dubet, 1994) que nous avons contextualisées à notre projet de recherche.

La direction ayant fait la demande pour effectuer la recherche dans leur milieu, en mathématiques, la « co-situation » a rapidement été orientée vers la résolution de situations problèmes. Plus précisément, le projet comportait deux objectifs de recherche : 1) connaître et documenter les conceptions de tous les enseignantes de l’école quant à la notion de situation problème en mathématiques et aux difficultés des élèves en résolution de situations problèmes ; 2) décrire l’évolution des pratiques enseignantes en résolution de problèmes et son impact sur les élèves en difficulté d’apprentissage. Ces objectifs de recherche étaient poursuivis de façon concordante avec deux objectifs de formation, soit : 1) coconstruire une définition et une interprétation communes de la situation problème ; 2) coconstruire et expérimenter des situations problèmes en mathématiques, en accordant une attention particulière à l’analyse de productions d’élèves en difficulté. Cette première phase s’est d’abord actualisée dans le cadre d’une demande de subvention réalisée par la direction, les chercheurs, la conseillère pédagogique et la représentante des ressources éducatives de la commission scolaire. Nous rappelons au lecteur que nous ne présenterons pas de données relatives au projet, l’objet du présent article repose sur les différentes phases de la méthodologie retenue.

4. Modalité de la recherche

Pour atteindre ces objectifs, il était prévu que la recherche se déroule sur deux ans. Lors de la première année, il était envisagé de coconstruire la définition de situation problème et de faire état des conceptions des enseignantes afin de pouvoir mieux les accompagner (Deschenes, 2016). Lors de la deuxième année, une proposition d’enquête collaborative, basée sur la « lesson study » (Lewis, Perry, Hurd et O’Connel, 2006) avait été présentée au corps enseignant, soit cinq rencontres de deux journées au cours desquelles un objectif de groupe serait précisé, incluant partage de pratiques, présentation de capsules mathématiques, coplanification et coenseignement de résolution de problème ainsi que retour réflexif. Ainsi les phases de coopération et de coproduction seraient ancrées dans la pratique par une présence conjointe des chercheuses et des enseignantes en la salle de classe pour explorer les défis et les questionnements (Capobiano, 2007; Frankham & Howes, 2006).

À l’instar de April et Larouche (2006) qui présentent l’adaptation et la flexibilité d’une chercheuse dans l’évolution de sa démarche méthodologique et de Bourrassa, Leclerc et Fournier (2010) qui rendent compte de l’écart entre le projet idéalisé et celui réalisé, nous présentons l’identification d’un problème méthodologique et les orientations qui ont guidé les modifications apportées.

NOus allons exposer ici les limites de l’horizontalité de la recherche collaborative dans notre contexte au regard des enjeux de la recherche et des facteurs contextuels.

Cette recherche s’est déroulée dans un cadre de revendication des enseignantes et d’instabilité éducative. Bien qu’il existe toujours des conditions particulières requérant des réajustements lors de l’opérationnalisation de nos recherches, dans ce cas, il s’est avéré plus délicat de composer avec les conditions contextuelles, compte tenu des « lignes directrices » et du type de recherche choisi. En effet, en raison du plan de mobilisation syndical, dans un contexte de moyens de pression et de négociation de leur convention collective, les enseignantes devaient respecter l’horaire rémunéré de 32 heures, ne participer qu’aux activités de formation qui les intéressaient (la direction ne pouvait l’imposer), et mettre fin à leur participation aux activités parascolaires.

À la lumière de ces conditions, deux choix s’offraient à nous : soit agir de façon encore plus restrictive et contraignante, allant jusqu’à l’abandon de la recherche compte tenu du « non-respect » de ce qui était préétabli, soit « ouvrir » davantage afin que chacun s’approprie le pouvoir décisionnel, respectant ainsi la revendication d’autonomie incluse dans les revendications enseignantes.

Bien que sur le plan téléologique, le partage de savoirs s’effectue dans une visée de coconstruction de sens d’un objet d’intérêt commun, il arrive parfois qu’en dépit de toutes les bonnes intentions des acteurs, ce type de recherche nous amène plutôt à consolider les contraintes contextuelles ou à être obligés de restreindre nos visées en raison des contraintes institutionnelles. En effet, les normes et les codes implicites de la profession, renforcés par des pratiques hiérarchiques contraignantes (Zapata, 2009), réformatrices et correctives, peuvent teinter la participation des enseignantes de telle sorte que leur adhésion au processus de recherche soit moins librement consentie que souhaitée. S’il semble aller de soi que l’allégeance première des chercheuses dans une recherche collaborative appartient aux enseignantes, il est malgré tout difficile de conjuguer sans ou contre le pouvoir de la direction scolaire, des organismes subventionnaires et des cultures établies. Les choix méthodologiques qui demeurent accessibles aux chercheurs dans une telle situation exposent bien qu’en dépit du recours à la recherche collaborative comme réponse habilitante pour les praticiens, celle-ci reste imparfaite, voire perfectible. Dans notre cas, la rencontre entre les enjeux de recherche et les conditions spécifiques de réalisation nous a fait constater que plutôt que d’atténuer, d’aplanir les contraintes que vivent les enseignantes, le cadre méthodologique collaboratif de Desgagné (1994) les cumulait.

En effet, dans la recherche collaborative, praticiens et chercheurs cohabitent et partagent un problème commun, toutefois, cela s’effectue dans une logique distincte. Comme le rappelle Morrissette (2013, p.41), la recherche collaborative donne lieu à un produit « combiné et inédit de ces deux logiques de penser et d’agir, des intérêts et des enjeux des uns et des autres ». La reconnaissance de la culture et le « respect » de l’expertise des participants permettent peut-être d’éviter l’imposture ou de respecter diverses préoccupations éthiques (Savoie-Zajc, 2000), mais le maintien des frontières cloisonne chacun des acteurs. Par exemple, le chercheur reste pilote de la recherche et les conditions de recherche sont possiblement à l’origine de tout le problème de notre modèle de recherche collaborative. En effet, le contexte « d’austérité », des coupures budgétaires en éducation, des revendications des syndicats, des mobilisations des enseignantes, les moyens de pression solidaires et la coupure du lien gestionnaires-enseignantes, conjugués aux retombées de changements de pratiques, nous semblaient former un agrégat de contraintes auquel nous ne pouvions être indifférentes et insensibles.

Puisque nous considérons que les contraintes conditionnent en grandes parties leur pratique et que le regard sur celle-ci doit d’abord provenir de l’individu, nous avons plutôt opté pour le développement d’un écosystème (Bronfenbrenner, 1979) de recherche, c’est-à-dire un système dans lequel les frontières sont perméables et permettent ainsi le métissage des deux cultures professionnelles. Cet écosystème doit servir de toile de fond afin de guider les collaborations, les échanges, les interactions. L’enseignante et sa pratique éducative dans la classe correspondent à un microsystème. La chercheuse et sa pratique de recherche universitaire correspondent à un autre microsystème, issu d’un autre milieu. La rencontre épistémologique et la cohabitation de ces deux microsystèmes, bien que nécessaire était insuffisante : les dimensions relationnelles et culturelles devaient être prises en compte autrement pour en arriver à créer un nouveau système plus inclusif où chacun s’y reconnaîtrait. En effet, la définition rigide des rôles, et les construits sociaux et culturels, inhérents à la recherche collaborative, nuisaient au développement d’un nouveau système par les chercheuses et les enseignantes. Notre désir d’atténuer les contraintes institutionnelles par ce type de recherche a frappé le noeud des contraintes méthodologiques du modèle de recherche collaborative privilégié. Nous avions besoin d’une rencontre culturelle, c’est-à-dire qu’il ne serait plus question de cultures qui évoluent côte à côte, mais d’une fusion, d’un maillage de cultures. Ainsi avons-nous resitué l’atténuation des contraintes comme exigeant plus qu’un partage de savoirs théoriques et expérientiels : une appropriation du pouvoir décisionnel (self-empowerment). En ce sens, la confrontation entre les enjeux, les conditions spécifiques de réalisation et le modèle de recherche privilégié, nous a amenés, entre autres, à revoir les rôles des chercheuses et des enseignantes et permettre une transgression des frontières afin d’aplanir les hiérarchies (Ross, Rolheiser & Hogaboam-Gray, 1999).

Bref, cette analyse nous a portés à viser la création d’un écosystème de recherche qui se voit, selon nous, plus prometteur pour l’émancipation et le self-empowerment des professionnels selon leurs propres intentions (buts, besoins). Par conséquent, l’option d’ouvrir la recherche au partage absolu du pouvoir décisionnel, plutôt que de la restreindre, a été retenue.

5. Passage d’une structure collaborative à une structure écocollaborative (production d’un écosystème)

Nous présentons les transformations qui ont été opérées afin de rendre cette recherche viable et cohérente (tableau 1). En effet, nos décisions méthodologiques (réponse au contexte problématique) ont eu des effets relationnels, au-delà des résultats de la recherche..

Tableau 1

Transformations opérées dans la démarche méthodologique préétablie

Transformations opérées dans la démarche méthodologique préétablie

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Nous discuterons ici des différents changements apportés:

Échantillon : dans les conditions particulières de la recherche décrite plus haut, seules six enseignantes ont choisi de participer à la recherche malgré nos tentatives répétées d’inclure d’autres participants comme la direction, la direction adjointe et la conseillère pédagogique. Ainsi, non seulement le nombre de participants a changé, mais également la constitution et les rôles de chacun. Ce qui explique, entre autres, l’inclusion des chercheuses dans les « formées/expertisées ».

Outils de collecte de données : nous pouvons constater également une modification dans le recours à des outils de collectes de données plus variés, moins structurés et prédéfinis, ouverts et émergents, permettant de recueillir des données plus actives que passives. Ces modalités imprévues ont eu pour incidence la création d’un espace plus important d’interrelations et d’échanges dont la direction, la nature, la quantité et l’intensité se sont avérées cohérentes au regard de notre visée émancipatrice et collaborative.

Devant le nombre peu élevé de participants pour l’entretien semi-dirigé de départ, l’alternative de l’entretien de groupe a été privilégiée par la suite. Cette stratégie de rechange a permis d’avoir accès à la vision d’ensemble de l’équipe-école et ainsi répondre aux besoins de la recherche et de la formation.

De plus, plutôt que d’utiliser le questionnaire (pré et post-test), nous avons choisi de nous en tenir aux rencontres et aux données qui en ont découlées. Ceci nous a permis de documenter plus ouvertement et avec fidélité la réalité perçue par les enseignantes et ainsi approfondir et enrichir nos collectes de données de la réflexion de toutes les participantes.

Enfin, avec l’initiative des enseignantes, nous avons privilégié des outils de collectes de données collectifs, afin de refléter le processus de recherche. Ces ajustements pourraient traduire un besoin des participantes d’accroître les opportunités de réflexions collectives sur leur expérience et de s’actualiser davantage.

Format de l’enquête : À la demande des enseignantes, soucieuses d’offrir une expérience éducative positive pour leurs élèves, et souhaitant maintenir le lien de confiance avec eux, nous avons évité les rencontres étalées sur deux jours consécutifs. Par ailleurs, afin d’optimiser leur expérience, elles ont choisi de faire des rencontres supplémentaires, par équipe cycles, et ainsi bien cibler et répondre aux besoins à la fois des enseignantes et des élèves. Ce choix, basé sur l’évaluation de leur contexte, des besoins de leurs élèves et des approches les plus appropriées pour ces derniers, leur permettait de déployer une action professionnelle cohérente et ainsi bénéficier de retombées optimales dans leur contexte de pratique enseignante.

Le format de l’enquête s’est également ajusté en considérant explicitement les objectifs personnels formulés par les enseignantes : développer leur sentiment d’autoefficacité et diminuer leur anxiété ; devenir plus critique quant au matériel imposé et disponible ; apprendre à lâcher prise lors de la manipulation par les élèves de matériel en classe ; laisser plus de liberté aux élèves et ne pas toujours imposer la façon de faire ; découvrir davantage l’aspect didactique de la situation problème et mieux accompagner les élèves à besoins particuliers ; se «replonger dans l’enseignement» et enseigner de façon plus stimulante et inclusive. Le choix de mettre la singularité devant la collectivité nous est apparu incontournable afin de favoriser des interactions émancipatrices et « promouvoir » le self-empowerment. D’ailleurs, tel que véhiculé par la posture ontologique du chercheur dans l’approche écologique (de Rosnay, 1994), cette entrée respectueuse du milieu et des individus est indéniable au bon fonctionnement du système. En effet, cela nous a permis de pallier la contrainte selon laquelle elles étaient écartées de la demande de subvention et de reconnaître les caractéristiques intrinsèquement organiques de l’action humaine et la nature endogène de tout changement culturel.

Budget : en ce qui a trait à la gestion du budget, cet aspect de la recherche a aussi dû être ajusté en fonction des besoins contextuels. Il a été convenu ensemble, dès la première rencontre de l’an deux, de démocratiser la gestion financière des enveloppes budgétaires pour répondre aux besoins formulés par les participantes. Ainsi, chaque participante avait la responsabilité de cibler les moyens pour répondre à ses besoins avec la liberté de disposer d’un montant d’argent équivalent pouvant servir à des journées de libération, à l’achat de matériel, à de la formation, etc. Cette formule inusitée nous semblait aller de pair avec un partage de pouvoir, des visées émancipatrices et servir de levier à l’établissement d’un climat de confiance (Lanaris et April, 2013) nécessaire dans ce type de recherche.

Diffusion : à la fin du processus, de leur propre initiative, les enseignantes ont fait le choix de présenter le fruit de leur travail et le développement de leur expertise à l’équipe-école ainsi qu’à une représentante de la commission scolaire. Elles ont fait ce choix tout en sachant que leur parcours et leurs découvertes n’allaient pas nécessairement dans le sens attendu de la culture institutionnelle.

Enfin, si nous regardons globalement les changements méthodologiques apportés, nous constatons une diminution du nombre de participants, un recours à des outils de collectes de données plus variés, moins structurés et moins prédéfinis, une prise de pouvoir par les enseignantes, ainsi qu’une transgression des frontières, un changement dans les rôles usuels propres à la culture reconnue et dominante. En somme, nous avons élargi les limites d’actions professionnelles des acteurs (ici, enseignantes et chercheuses) : nous avons aplani la distinction d’une zone professionnelle pour en faire une rencontre culturelle. Nous nous sommes donc extraites d’un processus menant à l’obtention d’un « produit combiné » propre à la recherche collaborative (Morrissette, 2013). Nous discuterons d’ailleurs plus longuement à la prochaine section de la démarche écocollaborative. Plusieurs participantes ont souligné que la démarche de recherche vécue sortait de la culture usuelle de formation ou de recherche, que les rôles joués étaient inusités et ont révélé un fort sentiment d’autoactualisation. Les témoignages des enseignantes relèvent, entre autres, le pouvoir qu’elles pouvaient prendre, l’espace de réflexion, l’absence de cadre rigide de pensée, l’humilité des chercheuses, la flexibilité de la formule dans laquelle chacun des acteurs évolue en fonction de ses propres besoins, mais dont la contribution individuelle permet réciproquement au groupe d’évoluer (interdépendance positive). Au terme de la recherche, elles refusaient d’ailleurs de parler de leur expérience en terme de « formation » tellement la connotation de la culture dominante impositive y est forte. Quant aux chercheuses, elles ont appris à lâcher prise, à déstructurer, à déhiérarchiser, déprogrammer la recherche « formation » pour se laisser guider par l’écoute des besoins de l’autre, à s’ajuster en fonction du cheminement parcouru, à faire confiance. Sortir de nos habitus, d’un cadre « plus contrôlé » et faire confiance, nous a permis d’investir de façon horizontale et de nous ouvrir à l’exploration.

Si dans les recherches collaboratives, il y a généralement collaboration, co-construction, cela s’effectue dans certaines « boîtes » de la recherche en fonction de l’expertise de chacun. L’innovation de notre recherche —écocollaborative — repose sur l’ouverture « totale » du système de recherche, à l’écoute et aux interactions et de la disposition des participants à s’approprier le pouvoir dans une démarche de coconstruction d’un objet de savoir et ce, dans une visée émancipatrice. Nous nous sommes extraites d’une recherche plus directive et contrôlée pour s’accoler aux besoins autant contextuels que d’apprentissage des enseignantes. En procédant à l’édification d’un écosystème de recherche, nous avons coévolué dans un système naturel ouvert que nous proposons d’interroger et d’y présenter quelques constats : en quoi l’approche écocollaborative confère à cette recherche son caractère innovant de métissage culturel, porteur d’émancipation, de « self-empowerment » et d’homéostasie ?

6. La recherche écocollaborative : un métissage culturel

Comme mentionnée par Anadon et Guillemette (2007), la recherche qualitative se prévaut d’une démarche inductive, à l’intérieur de laquelle diverses nuances peuvent être apportées selon qu’elle s’avère plus ou moins exploratoire, ouverte et naturelle. Le recours à une recherche éccollaborative nous situe d’emblée dans ce type de démarche, compte tenu des visées émancipatrices et de self-empowerment que nous poursuivons. Nous exposons comment ce choix nous permet, comme chercheuse, d’adopter une posture authentique, respectueuse et constructive. Étendre le pouvoir d’agir des individus, se donner la capacité de faire des choses, de décider mènerait à l’édification d’une culture propice à l’éclatement des frontières, à l’atténuation des contraintes et des limites de l’action professionnelle.

7. La posture des participantes : acculturation de la chercheuse

Dans le cadre de diverses recherches que nous avons effectuées (Lessard, 2011 ; Lessard et Demers, 2015 ; Anwandter Cuellar, N.S. (2013) ; Anwandter Cuellar, N. S., Boily, M., Lesard, G. et Mailhot, D. (2016), il nous est apparu primordial d’accorder un grand respect au milieu dans lequel et avec lequel nous évoluons. Cela se traduit notamment par la reconnaissance et la valorisation des différents acteurs (enseignantes, élèves, et autres intervenants) ainsi que la complexité inhérente et contextuelle de leur travail. Ceux-ci ont un rôle actif et sont des agents de changement dans leurs environnements et auprès de ceux qu’ils côtoient quotidiennement. Pour la chercheuse, cela ce traduit notamment par une intégration (immersion) harmonieuse, une démarche d’acculturation qui l’entraîne à agir en tant qu’«écocitoyen [ne qui] doit mieux comprendre comment situer et insérer son action locale dans un système global (de Rosnay, 1994) » et de s’y greffer tout en permettant au système de « demeurer le même tout en changeant et de se conserver tout en se transformant » (de Rosnay, 1994). Le concept d’homéostasie réfère à ce maintien de l’équilibre au sein d’un système complexe et dynamique. Autrement, la rupture de l’équilibre du système entraînerait tôt ou tard le rejet de la chercheuse. Il nous semble également que l’humilité de la chercheuse, véhiculée par une telle approche écologique, permet d’accroître la richesse de la cohabitation et est plus à même de conférer un sens « aux actes » des acteurs dans la mesure où le système modélisé partage une part plus importante du système réel (modélisation plus juste du système étudié). Accorder une importance cruciale aux différents échanges et interactions (direction, nature, quantité, intensité) entre les systèmes afin de traiter l’environnement dans sa globalité et considérer l’individu comme vecteur de changement nous semble propice à l’atteinte d’un équilibre, d’une logique d’action organique. C’est en ce sens que nous recourons à l’appellation écocollaborative ; le préfixe éco réfère à la prise en compte de la culture de l’autre dans toute sa complexité et ses niveaux. Il faut que la collaboration s’effectue dans un écosystème de recherche, c’est-à-dire que des échanges s’inscrivent dans un métissage culturel où la complexité des systèmes est prise en compte. Il ne s’agit plus de collaborer selon son champ d’expertise ou de sa culture pour améliorer sa compréhension de l’objet de savoir selon des buts distincts, mais plutôt de s’approprier l’objet de savoir dans des visées de self-empowerment et d’émancipation.

8. Des échanges en quête d’émancipation et de self-empowerment

Afin de rendre la situation viable au regard du contexte et de notre posture, nous avons apporté plusieurs changements, qui nous ont situés à une « extrémité » de la démarche inductive. Ces choix, peu courants, nous semblent a posteriori bien — voire mieux — répondre à nos préoccupations et paraissent fort cohérents avec l’intention de la démarche de recherche écocollaborative. La prise de pouvoir plus équilibrée nous a extraites de façon concluante de notre statut de « chercheuses expertes », de « vendeuse » pour nous situer davantage dans celui « d’accompagnatrices » (Lanaris & April, 2013). Il semble en effet que les habitus des participantes se sont transformés, de « consommatrices » à « autoformées », elles n’ont pas attendu que l’institution leur « remette » le savoir, elles se le sont approprié par la réflexion, l’observation, l’action, l’autocritique et l’analyse. Elles se sont donc non seulement émancipées au regard des contraintes institutionnelles, mais également sur le plan épistémologique, de leur rapport aux savoirs.

Nous estimons que les changements dans nos paramètres ont permis aux enseignantes d’être cohérentes avec leur posture épistémologique. En effet, se lancer volontairement, dans une remise en question épistémologique et professionnelle, provoquant inévitablement des états de déséquilibre récurrents, requiert des fondements ontologiques compatibles avec l’action transformatrice sur soi, une ouverture à problématiser et revoir ses croyances et schémata, un scepticisme raisonnable, y compris envers soi-même. Accueillir et nourrir cette forme de courage professionnel et accompagner les enseignantes dans une telle entreprise ne saurait se faire sans que les chercheuses adoptent aussi des dispositions semblables, symétriques, dans leur conception de la recherche. Ainsi, le fait de respecter la façon dont les personnes vivent leur travail en leur offrant les conditions pour opérer les transformations souhaitées leur a permis d’être qui elles sont comme professionnelles, donc d’enlever les dissonances.

En commençant cet article, nous nous sommes intéressées à l’enseignante, aux contraintes qui pèsent sur celle-ci. Or, un constat qui nous semble fort intéressant concerne les effets de la méthodologie sur tout le système, que nous avons nommée « écocollaborative ».

9. L’écocollaboration : l’atteinte d’une cohérence, d’un équilibre intra et inter systémique

Si d’entrée de jeu nous parlions de la recherche de cohérence dans les agirs enseignants, nous avons pu constater que les choix méthodologiques des chercheuses nous ont extraites d’un contexte fort similaire à celui des enseignantes. Le passage de microsystèmes distincts vers un seul écosystème de la recherche a occasionné une transformation des rôles et des perceptions de tous les acteurs (figure 1). En effet, favoriser des échanges, des interrelations basées sur l’émancipation des participantes, nous a permis de nous extraire d’une culture dominante, d’un environnement plus contrôlé, aux multiples contraintes (objectifs de recherche, calendrier, redevance devant les organismes subventionnaires, rigueur scientifique reconnue et attendue par la communauté, etc.). En effet, il semble que la culture institutionnelle contraignante, limitative et souvent non compatible aux valeurs des enseignantes décriée en début d’article (pédagogie cachée) semble aussi trouver son écho du côté de la recherche universitaire et les réponses innovantes apportées pourraient aussi y être bénéfiques.

Figure 1

Effet d’une approche écocollaborative sur la culture des chercheuses et des enseignantes

Effet d’une approche écocollaborative sur la culture des chercheuses et des enseignantes

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Les échanges, interrelations entre les différents systèmes guidés par un processus d’émancipation situent maintenant chercheuses et enseignantes en tant que membres d’un même écosystème, qui de surcroît possède une cohérence et un équilibre organique non prescrit de l’extérieur. Elles sont désormais plus des auteures que des acteurs, car elles sont des expertes en possession de leur pratique professionnelle et de la recherche qu’elles décident de vivre. Les chercheuses ne peuvent « donner » de l’empowerment, chacune a pris le pouvoir de se libérer d’une culture dominante. En fait, les conditions méthodologiques choisies et ajustées ont permis le « self-empowerment ».

L’atteinte d’un tel équilibre et d’une telle cohérence semble permettre la diffusion et la transposition des différentes visées souhaitées à chacun des systèmes. Compte tenu à une démarche ancrée dans l’individu, à des besoins, des buts et des moyens variés, il en ressort que les échanges nous ont menées à un équilibre écosystémique, à une certaine uniformité, à des conclusions communes, que ce soit dans le milieu de la recherche ou de la pratique. Ce constat fort intéressant permet de remettre en doute un élément fréquemment relevé dans les recherches collaboratives quant à l’amenuisement de la portée et de la valeur de ces recherches. En effet, il semblerait plutôt que la marge de manoeuvre restreinte octroyée aux praticiens de même que la nature des interactions réduisent considérablement la possibilité pour eux de nous « exposer » leur réel potentiel. Dans le cadre de notre recherche, les enseignantes ont pu montrer, grâce à l’espace-temps partagé, qu’elles sont vraiment à l’affût des problématiques, des incohérences et des moyens de les surmonter, etc. L’équilibre ainsi atteint expose le besoin de revoir les rôles des chercheuses et des enseignantes. En effet, le milieu de la recherche relègue fréquemment leur contribution à celui d’exécutante, d’expertisée, dépossédée du moteur d’action (Demers, Bachand et Leblanc, 2016). En entrant dans l’intimité du système didactique, la chercheuse est plus à même de comprendre la logique interne dudit système et d’adopter davantage un rôle d’alliée. En effet, la chercheuse n’a pas « appris » quelque chose de nouveau aux enseignantes, elles l’ont découvert, coconstruit. L’approche écologique « encourage les intervenantes à s’approprier des compétences acquises, mais souvent méconnues par elles-mêmes, ou connues, mais non exploitées (Bouchard, 1987, p.456)». Parmi celles-ci, l’autoréflexion consciencieuse des enseignantes dans le processus collaboratif les a menées à prendre des décisions basées sur l’évaluation de leur contexte, des besoins de leurs élèves et des approches les plus appropriées pour ces derniers et ainsi exposer un regard qui rejoint plusieurs résultats de recherche. Le fait qu’elles soient arrivées d’elles-mêmes à porter ce jugement critique démontre que ce regard n’a pas besoin d’être d’une expertise externe – c’était l’un de leurs objectifs. Enfin, il est possible de postuler que l’autocritique est plus fortement porteuse de consolidation et d’affirmation de soi que ne pourrait l’être une modification de pratiques imposée à la suite d’une évaluation externe d’un expert. La participante est traditionnellement vue comme un genre d’acteur qui joue son rôle en répondant aux demandes, alors que dans une recherche telle que celle décrite ici, elle devient plutôt une auteure de sa propre identité professionnelle et de la place qu’elle souhaite occuper (Lanaris & April, 2013). Le changement vient de l’intérieur de l’auteure, il ne peut être propulsé. L’atteinte de cette cohérence et de cette retombée pour les divers milieux mérite que l’on expose notre point de vue quant à la rigueur d’une telle recherche.

10. Qu’en est-il de la rigueur d’une telle recherche ?

S’il est admis qu’il n’existe pas une seule méthode encensée pour mettre en oeuvre une recherche collaborative, il n’en demeure pas moins que diverses dimensions peuvent être considérées pour en assurer la qualité. C’est d’ailleurs, ce qu’on montré Reason et Bradbury (2006) dans leur ouvrage. Ces auteurs (2006, p. xxxiii, traduction libre) rendent compte de considérations éthiques que nous croyons à propos pour tout type de recherche, soit « être conscient de nos choix et les rendre clairs, transparents, articulés, à vous-même, à votre partenaire d’enquête et lorsque vous commencez à écrire et à présenter au monde entier ». À l’instar de Savoie-Zajc (2000), nous croyons que ce souci de transparence et les attitudes relationnelles mis en jeu dans une recherche cautionnent tout autant sinon davantage la valeur d’une démarche scientifique que les critères dits de scientificité.

Le climat de confiance établi entre les auteures a fait resurgir des données « naturelles» qui ont émergé du processus de collaboration. Dans le cadre de cette recherche, nous avons abandonné plusieurs outils de collecte de données « prédéterminés », « standards », « reconnus ». Ce choix expose bien notre ouverture à la complexité et la richesse des systèmes et de leur composition dans le respect et la cohérence de notre démarche méthodologique. Ainsi, le caractère émergent, non provoqué de nos données confère un statut particulier à cette recherche, fort inductive.

« Les résultats proviennent directement de l’analyse des données brutes et non pas à partir de “réponses souhaitées” par le chercheur. Ainsi, les objectifs de recherche, tels qu’ils sont formulés, fournissent un point de vue, une perspective au chercheur pour conduire l’analyse de ses données, mais ils ne constituent pas une série “d’attentes” à produire, c’est-à-dire des résultats spécifiques à obtenir “à tout prix” » (Blais et Martineau, 2006, p.7)

Il faut toutefois mentionner que le chercheuse se doit d’être ouvert à ces données et d’y accorder un poids aussi rigoureux. Malheureusement comme le mentionne Alexandre (2013) dans Lanaris et April (2013), « le plus souvent, même de nos jours, les méthodologies du singulier, comme celle de l’étude de cas, ou de la recherche collaborative, semblent avoir une valeur moindre que les autres, et leur utilité est davantage située dans des visées exploratoires, préparant la tenue de “vraies” recherches ». Il semble toutefois que le processus inductif déployé dans notre recherche, soit plus à même de reconnaître la capacité professionnelle de toutes les participantes d’être actives, en contrôle et autorégulées dans le contexte d’une recherche (agentivité des auteures), permettant ainsi d’être en présence de participantes « vraies » (Demers, Bachand et Leblanc, 2016).

Si la prémisse de la rigueur est ce qui est conforme à la vérité, il en tient grandement à l’action et la disposition des auteurs (chercheuses, enseignantes, élèves) d’accéder au vrai, ce qui est impossible si les personnes ne le sont pas d’abord. En effet, il est possible de recourir à des instruments objectifs, de mise à distance critique, qui sont perçus comme étant garant de rigueur, mais s’ils ne sont pas appliqués tel que souhaité, mis en oeuvre avec rigueur, ce ne sont pas des instruments qui portent en eux le caractère rigoureux. Dans de nombreux contextes, un questionnaire auto rapporté a beaucoup moins le potentiel de dire vrai que la trace obtenue de façon spontanée et non provoquée. L’approche écocollaborative, plus inductive et ouverte, a situé les participantes dans un climat de confiance, les rendant « vraies » entre elles et envers elle-même. De plus, il nous semble que, comme interprètes, faire preuve d’autoréflexion, avoir une mise à distance critique et porter un jugement sur soi et sur le processus relèvent de la rigueur, tout comme la considération d’un système modélisé qui se rapproche le plus possible du système réel. Or, ce sont des éléments clés de ce type de recherche qui, selon nous, se doit d’être reconduit et reconnu.

Conclusion

L’approche écosystémique nous expose au fait que les systèmes naturels sont « ouverts » et que de les respecter nous permet d’y avoir accès. Il faut reconnaître non seulement que les enseignantes poursuivent les buts les plus nobles et les plus cohérents avec la mission de l’école, mais qu’en plus, elles disposent des outils réflexifs et praxéologiques nécessaires pour atteindre ces buts lorsqu’on leur donne la possibilité de le faire. L’approche écocollaborative reconnaît à l’action humaine son caractère organique, endogène, contextualisé, systémique et en quête d’homéostasie. Elle contribue à l’émergence de projets qui dépassent la frontière d’une simple contribution additive au système en place, à la culture dominante. Des projets du genre sortent l’auteure d’un rôle prédéterminé et d’une rigidité assignée ou prescrite et l’amènent à une plus grande flexibilité et un contrôle assumé de la recherche et de sa pratique. Il en résulte un partage de pouvoir où enseignantes et chercheuses font partie du même écosystème en tant qu’auteures et expertes, en pleine possession de leur développement professionnel.