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Le recours au fait divers comme source d’inspiration littéraire est, comme on le sait, une composante essentielle et récurrente de la poétique narrative d’Anne Hébert. Ce contact avec l’anecdote improbable, ce face-à-face avec le surgissement de la violence au coeur de « l’univers réglé où l’homme trouve sa sécurité[1] », l’écrivaine l’a décrit, en parlant de la genèse du Torrent[2], comme une rencontre avec un morceau d’histoire « inachevé[3] », dont le récit reste en quelque sorte ouvert, obscurci par des zones d’ombre ou des plages d’inconnu. C’est dans ce vide narratif, dès lors, que plonge l’écriture hébertienne, pour atteindre les secrets d’une histoire et leur prêter vie. En ce sens, la représentation du fait divers est toujours en même temps, chez Anne Hébert, sa transformation active, l’événement source étant à la fois fondateur, puisqu’il génère la trame événementielle, et littérairement tout à fait secondaire : en effet, il n’inspire « à l’oeuvre que certains gestes extérieurs[4] » et fonctionne, de fait, comme un tremplin narratif permettant à la romancière une exploration de l’intériorité ou de la subjectivité meurtrière, toujours alimentée par un travail formel hautement élaboré et conduisant souvent à l’éclatement de la voix et de la temporalité narratives.

Kamouraska illustre bien cette démarche littéraire qui consiste à s’emparer de récits préexistants mais inachevés pour les recomposer en les éclairant pour ainsi dire de l’intérieur. L’événement historique dont le roman tire son intrigue est un crime qui, à l’époque de son déroulement en 1839, a profondément et durablement ébranlé la société seigneuriale canadienne-française. Coseigneur de Kamouraska, Achille Taché épouse en 1834 Joséphine-Éléonore d’Estimauville. Victime de violence conjugale, celle-ci se réfugie à Sorel en décembre 1837 : elle y vivra chez l’une de ses tantes et y fera la rencontre du docteur George Holmes, un américain avec qui elle noue une relation amoureuse clandestine. À l’hiver 1839, Holmes se rend à Kamouraska et, en date du 31 janvier, loge deux balles dans la tête du seigneur Taché, avant de prendre la fuite au Vermont pour échapper aux autorités judiciaires[5]. Comme l’Élisabeth de Kamouraska, Joséphine-Éléonore aura une seconde vie, épousant en 1843 le notaire Léon-Charles Clément. Historiquement, la complicité de l’amante dans le meurtre du seigneur — c’est la part d’inachèvement dont j’ai parlé plus haut — a tour à tour été alléguée (dans les journaux en 1839 et par des témoignages livrés lors de l’enquête du coroner) et fortement démentie par les puissantes familles seigneuriales impliquées dans l’affaire, dont la version des faits finira par s’imposer, moins pour des raisons judiciaires que pour des raisons proprement sociales et politiques.

Kamouraska est donc symptomatique de l’écriture hébertienne, périodiquement nourrie par l’histoire. Mais le cas de ce roman est en même temps plus complexe que celui des autres récits inspirés par les annales du crime : d’abord parce que l’événement historique réactivé par le roman s’enracine dans l’histoire familiale d’Anne Hébert, descendante directe de la famille seigneuriale Taché ; ensuite parce que cette histoire célèbre a considérablement marqué, tant par le biais de l’oralité que par l’intermédiaire de la littérature écrite, la mémoire collective des xixe et xxe siècles, comme je l’ai longuement montré dans un ouvrage paru récemment[6]. Cette particularité confère au roman d’Anne Hébert une dimension historique à la fois incontournable et encore largement méconnue, voire insoupçonnée, dans la mesure où elle n’a que très rarement attiré l’attention de la critique hébertienne, pourtant foisonnante. Or l’intime relation unissant Kamouraska au meurtre de 1839 et surtout à sa survivance dans la mémoire collective permet de jeter sur l’oeuvre une nouvelle lumière, comme l’a d’ailleurs suggéré la récente édition critique du texte, qui met en évidence l’ampleur des interactions (textuelles et thématiques) entre le roman et le fait judiciaire originel[7] et qui, ce faisant, contribue à ouvrir de nouvelles avenues à la recherche hébertienne.

C’est dans cette nouvelle voie que s’engage le présent article, qui entend contribuer aux relectures et à la compréhension de Kamouraska en le replaçant dans la généalogie des représentations mémorielles (orales et littéraires) du fait historique de 1839, dont Anne Hébert est à la fois l’héritière directe, pour des raisons familiales, et la critique, en tant que romancière. Que le roman soit, à sa manière, un récit sur la mémoire, c’est ce que ne cesse de rappeler le fait que l’assassinat de 1839 y soit raconté non pas comme événement objectif, clos sur lui-même et doté de sa signification intrinsèque, mais surtout comme événement remémoré. Moins fait divers, donc, que fait mémorable ou, mieux, ineffaçable parce que vécu par la narratrice comme événement traumatique ; c’est ce que je tenterai de montrer dans les deux premières parties de cet article, en convoquant à la fois la psychanalyse et l’analyse textuelle. La troisième et dernière partie pourra dès lors, en élargissant la perspective et en réinscrivant le roman dans l’histoire québécoise, montrer que cette représentation de la mémoire traumatique est en fait une réflexion critique sur la mémoire collective et plus précisément familiale, fortement marquée, voire « traumatisée », par le meurtre du seigneur Achille Taché.

UNE POÉTIQUE DU SURGISSEMENT

Si Kamouraska est, pour reprendre l’expression d’André Brochu, un « roman de la remémoration[8] », il l’est doublement, aussi bien sur le plan de l’histoire racontée que sur celui de la narration. En effet, le texte est, formellement, une monstration du processus mémoriel : plusieurs procédés littéraires miment le fonctionnement chaotique de la mémoire d’Élisabeth d’Aulnières, qui se dédouble constamment, disloquée par la tension irréductible entre son passé (celui d’Élisabeth Tassy) et son présent (celui d’Élisabeth Rolland).

Au chevet de son mari mourant, madame Rolland (re)vit des heures tourmentées, prise entre la réalité de son quotidien, où elle incarne l’épouse docile et bienveillante à la tête d’une famille nombreuse, et le foisonnement incontrôlable de ses pensées, constituées d’un mélange de rêves, de fantasmes et de souvenirs. Alors que Jérôme Rolland se prépare pour sa mort imminente, elle s’endort et se trouve, au gré des variations de son sommeil (du sommeil léger, voisin de la torpeur ou de la somnolence, aux phases de sommeil profond), violemment tirée vers un épisode traumatique de son passé, qu’elle est amenée à revivre intensément : une tumultueuse histoire d’amour ayant conduit au meurtre de son premier mari Antoine Tassy, seigneur de Kamouraska. Élisabeth d’Aulnières (devenue madame Rolland) regarde ainsi mentalement défiler, de sa première jeunesse aux procédures judiciaires ayant suivi le meurtre de l’époux, un passé qui affleure progressivement et chaotiquement par bribes, obsédant et déchronologisé.

Le roman se présente ainsi comme un ensemble d’analepses consécutives, un mouvement continu de va-et-vient entre passé et présent, entre l’époque reconstituée par la mémoire et le rêve d’Élisabeth (l’amour clandestin et le meurtre du premier mari) et le moment de la remémoration elle-même (les heures précédant la mort de Jérôme Rolland). Le texte est constitué d’une série de courts tableaux, ou plutôt de soixante-cinq brefs « mouvements[9] », chacun d’entre eux donnant à lire un moment particulier du bougé de la mémoire ou de l’imagination d’Élisabeth : chaque segment de récit reconstitue une scène ou un ensemble de scènes de cette histoire d’amour passionnée et vécue clandestinement, à Sorel, avec le docteur George Nelson, qui logera, avec la complicité de sa maîtresse, deux balles dans la tête de Tassy avant de gagner la frontière américaine pour se soustraire aux sanctions pénales. Libérée par ce meurtre d’un mariage qui l’enserre et l’étouffe, blanchie par les autorités judiciaires, l’héroïne de Kamouraska n’est alors délivrée que pour mieux se laisser emprisonner dans les convenances : expiant son crime en rachetant son honneur féminin, elle épouse en secondes noces Jérôme Rolland, auprès de qui elle mène une vie tranquille et résignée, implacablement placée sous le signe du « devoir conjugal[10] » et de la maternité dévouée.

Les rétrospections et analepses successives de Kamouraska ont des « portées » et des « amplitudes » variées (elles évoquent un passé plus ou moins éloigné et couvrent des durées variables[11]), mais sont invariablement externes : elles portent sur des épisodes largement antérieurs au point de départ temporel du récit. C’est que le passé revécu par le personnage est, en effet, un passé lointain, radicalement étranger au temps présent d’Élisabeth Rolland. C’est une autre vie, profondément enfouie et qui, à l’occasion de circonstances extérieures — la mort de son deuxième mari —, fait brutalement retour par les voies de la mémoire et du rêve.

Ce passé affleure sans permission : le souvenir n’est pas le fruit d’un effort de mémoire ou de conservation mais bien plutôt ce qui s’impose puissamment à Élisabeth. En ce sens, Kamouraska est moins un « roman de la remémoration » qu’un roman du surgissement. Ce qui arrache l’héroïne à son présent, ce qui sans cesse la plonge et la replonge dans le passé, c’est la proximité de la mort, celle du deuxième époux ravivant le souvenir de celle, violente et sanglante, du premier : « Mon mari meurt à nouveau. Doucement dans son lit. La première fois c’était dans la violence, le sang et la neige. » (K, 31) Ainsi la peur d’avoir égaré le remède qu’elle doit, en l’absence du médecin, administrer à Jérôme Rolland fait-elle naître une crainte panique : la peur d’être à nouveau « complice de la mort » (K, 22). La remémoration est ici une persécution, et le passé contamine le présent. La complicité criminelle d’Élisabeth Tassy vient hanter ou « tacher », comme le sang sur la neige, l’innocence irréprochable d’Élisabeth Rolland.

La hantise est, chez Anne Hébert, un thème récurrent : à l’instar de bien d’autres personnages créés par la romancière, Élisabeth « subit le poids du passé qui déferle dans le présent comme les eaux tumultueuses des mers et des torrents hébertiens[12] ». Son présent fait furieusement surgir un passé qui, sans cesse, l’attaque. Pour Élisabeth Rolland, objets inoffensifs et situations anodines, devenus signes du passé, sont toujours susceptibles de fonctionner comme des fenêtres ouvertes sur la fureur d’un temps révolu. C’est par l’entremise de ceux-ci, en effet, que le passé défonce les digues, qu’il « force » le présent de l’héroïne pour y entrer comme par effraction. Y a-t-il une charrette stationnée dans la rue du Parloir, devant la porte de la maison ? Madame Rolland s’imagine aussitôt « qu’un charretier sonne à la porte en pleine nuit » (K, 23) pour la traîner devant les tribunaux. L’une de ses filles lui fait-elle remarquer qu’elle a le visage « tout rouge » ? Élisabeth est aussitôt assaillie par le souvenir d’un témoignage incriminant, rendu à l’époque du meurtre devant un juge de paix : « Pendant le voyage du docteur Nelson à Kamouraska, Madame était encore plus rouge et plus agitée que d’habitude. » (K, 35 ; je souligne.) Chaque signe a une sorte de « pouvoir incantatoire[13] » sur la mémoire de l’héroïne. Le présent, comme une mince membrane, contient le passé au même titre qu’une surface peut camoufler une profondeur abyssale : la mémoire, écrit Anne Hébert dans le premier manuscrit de Kamouraska, est « une grande demeure enfouie sous la mer[14] ». Dans le récit, la fonction narrative du présent est ainsi essentiellement de permettre une révélation du passé. C’est toujours le présent qui fait jaillir le passé, celui-ci faisant irruption de manière à la fois violente et incontrôlable : « Anne-Marie ma petite tu trouves que j’ai le visage rouge ? […] Ta petite voix d’enfant tire au jour une autre voix enfouie dans la nuit des temps. Une longue racine sonore s’arrache et vient avec la terre même de ma mémoire. » (K, 34)

Les cauchemars de la narratrice sont eux aussi fortement modelés, peuplés par le passé :

Une femme, poitrine découverte, s’appuie de dos à une planche. Ses mains sont liées derrière son dos. La foule, qui a cessé de rire, retient son souffle. Les trois juges, en perruque de ficelle blanche, se penchent et regardent concentrés, attentifs, comme si le sort du monde allait se jouer à l’instant. Quelqu’un d’invisible lance des poignards à la femme, clouée à la planche. Vise son coeur.

K, 48-49

Élisabeth est, à sa manière, une chambre d’échos, une caisse de résonance, non seulement parce que de multiples voix retentissent en elle (celles des témoins entendus par le juge de paix), mais aussi parce que le passé l’inonde et prend, sous l’impulsion notamment des rêves qui l’agitent pendant son sommeil, une ampleur envahissante et monstrueuse, faisant surgir et défiler devant le regard de la rêveuse des créatures menaçantes, qui l’accusent et la condamnent en dévoilant au grand jour sa complicité dans le meurtre du seigneur de Kamouraska.

Mais le surgissement du passé, dans Kamouraska, n’est pas uniquement thématisé, c’est-à-dire nommé ou décrit dans l’énoncé du texte ; l’énonciation du roman elle-même en mime le mouvement, plusieurs procédés littéraires ayant pour fonction d’en incarner les effets ou d’en reproduire textuellement le fonctionnement. La phrase syncopée d’Anne Hébert permet ainsi, à plusieurs endroits, d’imiter le mode de jaillissement du passé dans l’esprit du personnage :

Mon petit Nicolas, fils unique de l’amour. Le sacrifice célébré sur la neige. Dans l’anse de Kamouraska gelée comme un champ sec et poudreux. L’amour meurtrier. […] Je vous en prie dites-moi l’état de votre santé et celle du pauvre petit enfant. Sa dernière lettre interceptée par les juges.

K, 11 ; Hébert souligne

La prose hébertienne opère une sorte de « mimésis formelle[15] », l’écriture étant destinée, par sa forme même, à mimer le processus du surgissement mémoriel. Les phrases nominales brèves, incisives et saccadées créent un effet de rapidité. Le passé défile dans l’esprit d’Élisabeth, spectatrice de sa propre mémoire[16], comme un ensemble mouvementé d’images, comme une collection proliférante et désordonnée de morceaux photographiques. L’utilisation du style direct, pour rapporter les témoignages, engendre de manière similaire un effet d’irruption, d’autant plus que le souvenir s’accompagne parfois d’hallucinations soudaines :

Une femme ronde en tablier bleu ! […] De quel droit se plante-t-elle au pied de mon lit ? Qui la force, dans l’ombre, à lever la main droite et à jurer d’une voix larmoyante ?
— Victoire Dufour, épouse de Louis Clermont, aubergiste de la paroisse de Sainte-Anne-de-la-Pocatière…

K, 200

Tout se passe comme si les souvenirs émergeaient sans avertissement, comme s’ils étaient dotés d’une sorte d’autonomie, surgissant comme des apparitions, infligeant leur présence à l’héroïne, saturée par la mémoire.

Un autre procédé, employé fréquemment par Anne Hébert, crée des effets semblables : plusieurs scènes rompent la chronologie de l’histoire racontée au point de fondre deux temporalités et de donner au souvenir un caractère littéralement anachronique. Le segment narrant la première rencontre entre George Nelson et Élisabeth Tassy (antérieure au meurtre) est particulièrement révélateur à cet égard. Le docteur, appelé pour effectuer une consultation, pénètre dans la chambre de la jeune femme, clouée au lit par la maladie :

J’insiste pour que les domestiques, Aurélie comprise, quittent la chambre immédiatement. Je demande à mes tantes d’en faire autant. Elles sortent avec répugnance. Me supplient, des larmes dans la voix, de garder au moins Sophie Langlade dont le témoignage s’avérera si important pour ma défense. Ma mère remonte les couvertures jusqu’à mon menton. Sophie Langlade s’avance, en tremblant si fort qu’elle a peine à mettre un pied devant l’autre. Elle parle si bas que le juge l’oblige à répéter sa phrase, après avoir prêté serment sur l’Évangile.
Madame n’était jamais seule dans sa chambre avec le docteur Nelson. Toujours Mme d’Aulnières, sa mère, se trouvait là avec elle.

K, 105 ; je souligne

Cette scène, présentée dans le texte comme constituant une unité ou un tout uniforme, est un ensemble composite d’événements situés dans deux cadres spatiotemporels distincts — la première visite du docteur Nelson, avant le début de la relation amoureuse, et le témoignage de Sophie Langlade, après le meurtre d’Antoine Tassy —, mais fusionnés dans le discours narratif, qui mime de cette façon le processus psychique de rétrospection : le souvenir de la rencontre inaugurale avec l’amant se trouve contaminé ou plutôt médiatisé par le souvenir de ce qui, chronologiquement, viendra après (la procédure judiciaire). L’absence, dans le texte, de marques typographiques distinctives ou de ruptures grammaticales servant à délimiter les deux cadres spatiotemporels matérialise leur alliage. La continuité, sur le plan des temps verbaux, entre les premières lignes du paragraphe et les dernières assure d’ailleurs l’uniformité narrative d’un tel passage, où la narration vient rompre l’ordre temporel de l’histoire pour rabouter deux moments qui sont moins liés par une continuité chronologique que par une contiguïté fondée sur l’identité d’un personnage (« Sophie Langlade » opérant la liaison entre les deux scènes). Ce procédé de surimpression temporelle, qu’André Brochu appelle un « télescopage des époques[17] », donne à voir à la fois le trop-plein de souvenirs, ceux-ci se bousculant pour passer simultanément dans l’étroit goulot de la mémoire du personnage, et la relative confusion qui gouverne leur ordre d’apparition et d’enchaînement, la perte de contrôle sur le passé, dont le surgissement obéit en quelque sorte à ses propres lois.

MÉMOIRE ET TRAUMATISME

Le passé est, dans Kamouraska, un envahissement continuel. Ses saillies sont constantes et les procédés d’écriture destinés à incarner son mode de surgissement l’illustrent bien : la remémoration mise en scène par Anne Hébert fonctionne essentiellement comme une remémoration traumatique. Son processus est en effet analogue à celui que décrivent, depuis l’analyse freudienne du traumatisme, plusieurs psychanalystes.

C’est dans Au-delà du principe de plaisir que Freud fournit les indications les plus complètes sur ce qu’il appelle la « névrose traumatique ». Les systèmes corporels et psychiques sont selon lui dotés de « dispositifs » garantissant une protection minimale contre « les sommes excessives d’excitation » (douleur, déplaisir, etc.), assurant au sujet une protection contre le monde extérieur et certains événements. Dès lors, le traumatisme est, dans une perspective freudienne, assimilable à un défoncement inattendu des digues, à l’entrée par « effraction[18] » d’un événement et au déclenchement corrélatif du sentiment d’une menace vitale, qui laisserait une impression ou une marque durable dans l’appareil psychique. L’expérience traumatique résulterait ainsi d’une brèche creusée dans une « barrière anti-stimuli ordinairement efficace[19] ». Pour Freud, la « compulsion de répétition », par laquelle les « névrosés » revivent constamment, sur le mode mental, les scènes marquantes, constitue le mécanisme de défense psychique destiné à rendre progressivement possible un « surmontement » du traumatisme. Cette compulsion se manifesterait notamment à travers les rêves, qui, en ramenant le sujet sur la scène primitive de l’événement, seraient destinés à permettre une « maîtrise rétroactive[20] » du sens engendré par celui-ci.

Ces rêves, dans lesquels se fondent souvenir et traumatisme, sont un phénomène bien connu par les psychanalystes. Michel Peterson, par exemple, souligne, dans un ouvrage récent sur l’exil forcé, l’existence d’un lien étroit entre le cauchemar et l’« état de stress post-traumatique » : les personnes souffrant d’un tel état « ne cessent de revenir durant le sommeil à l’événement traumatique sous forme de reviviscence. Dans la majorité des cas, le cauchemar dresse une scène onirique sur laquelle se rencontrent chaque nuit la victime et l’agresseur[21] ». Le traumatisme se manifesterait ainsi par un « surgissement du souvenir » qui, à « l’instant du danger[22] », ramènerait l’individu sur la scène initiale de sa blessure.

Ce que le roman d’Anne Hébert raconte et met en scène, c’est ce surgissement dont parle Peterson. C’est, en un certain sens, l’état post-traumatique tel que le décrit la psychanalyse, tel qu’il se manifeste dans le rêve et dans le souvenir cauchemardesque. Car ce surgissement se déclenche précisément, dans le récit, à « l’instant du danger », c’est-à-dire au moment où Élisabeth d’Aulnières se trouve confrontée, pour une deuxième fois, à la mort du mari, qu’elle interprète comme le risque d’une nouvelle « complicité » avec la mort. Ce qui, avec le passé, fait retour brutalement et envahit le personnage, c’est la perte de l’amour (que concrétise la fuite de Nelson), une perte sans « au revoir », et la conscience malheureuse de sa complicité, d’une sorte de faute originelle et irrémédiable[23]. Dans le roman, ces deux pertes, de l’amour d’une part et de l’innocence d’autre part, se conjuguent et donnent lieu, sur le mode de la reviviscence traumatique, à une peur de la solitude et du rejet définitif hors de la communauté.

C’est ce que l’écrivaine raconte très clairement dans la scène finale du récit, où « le cauchemar déferle à nouveau » et « secoue Élisabeth d’Aulnières dans une tempête » (K, 246), au moment où Jérôme Rolland, ayant reçu le sacrement d’extrême-onction, s’apprête à mourir. La « femme noire » qui surgit alors représente, pour l’héroïne, la part « maudite » d’elle-même, la bête tapie au fond de ses entrailles[24] :

Lorsque la femme se présente dans la ville, courant et implorant, le tocsin se met à sonner. Elle ne trouve que des portes fermées et le désert de terre battue dont sont faites les rues. Il ne lui reste sans doute plus qu’à mourir de faim et de solitude.
Malfaisante Élisabeth ! Femme maudite !
— Si tu savais, Jérôme, comme j’ai peur.
— Rassure-toi, Élisabeth, je suis là.
Mme Rolland se raccroche à la main livide de M. Rolland, comme à un fil fragile qui la rattache encore à la vie et risque de casser d’une minute à l’autre. Elle a les yeux pleins de larmes.

K, 246

Larmes de peur plutôt que larmes de peine. Ce qu’Élisabeth pleure, ce n’est pas la mort d’un mari insipide mais bien plutôt la souffrance prochaine dont cette mort, qui rappelle celle d’Antoine Tassy et surtout celle, symbolique, de George Nelson, est le signe. Elle pleure la mort d’une partie d’elle-même, la mort de cette Élisabeth Tassy, « femme noire » mue, contre le mariage qui la tuait, par la « faim de vivre » et le désir, femme « enterrée vive il y a si longtemps » (K, 246). Elle pleure la disparition de l’amour et, comme l’indique le texte, l’apparition corrélative d’une angoisse insoutenable, celle d’être à nouveau plongée dans l’état d’abandon qui, pour la narratrice, signifie la perte d’un espoir de libération et d’affranchissement, qu’incarnaient le meurtre du mari et, par extension, l’amant meurtrier[25] : « [U]n seul homme renaissant sans cesse de ses cendres. […] L’homme éternel qui me prend et m’abandonne à mesure. » (K, 31)

« IL FAUT Y METTRE LE FEU PARFOIS »

La remémoration est, dans Kamouraska, une remémoration traumatique. Certes, le surgissement du passé mis en scène dans le texte a son siège dans la mémoire individuelle d’un personnage ; le roman peut cependant être lu non seulement comme une représentation des mécanismes mémoriels et traumatiques considérés abstraitement, mais aussi, par extension, comme une réflexion sur la mémoire collective, dont la mémoire personnelle d’Élisabeth est, à sa manière, l’incarnation. Autrement dit, la représentation de la mémoire traumatique du personnage, hanté par le meurtre du seigneur de Kamouraska, peut être lue comme la représentation fictionnelle de la mémoire collective réelle, elle aussi « hantée », historiquement, par un souvenir à la fois persistant et douloureux de l’événement historique de 1839[26].

C’est par l’entremise de cette mémoire collective, transmise notamment au sein de la famille Taché et, plus largement, au sein des grandes familles seigneuriales du xixe siècle, qu’Anne Hébert prend contact, dans son enfance, avec l’histoire du meurtre de Kamouraska :

Quand j’étais petite, elle [maman] me racontait des histoires. Ainsi, Kamouraska, c’est maman qui me l’a fait connaître pour la première fois. Elle m’a raconté cette histoire à sa façon, c’est-à-dire de la seule manière dont on pouvait la présenter dans le monde dans lequel elle vivait. On blanchissait celle qui est devenue Élisabeth dans le roman en disant qu’elle n’avait jamais été la maîtresse du docteur. Le coupable était ce méchant Américain. De toute façon, Élisabeth était si belle, si pure, qu’à son arrivée au procès, tout le monde se persuadait de son innocence. Elle ne pouvait pas être aussi belle et être coupable[27].

Cette version maternelle, familiale de l’événement (qui fait de Joséphine-Éléonore d’Estimauville un modèle féminin de soumission, de pureté et de blancheur), qu’Anne Hébert neutralise et renverse dans Kamouraska, se trouve en fait fortement mise à mal par les documents conservés dans les archives judiciaires[28]. C’est, de toute évidence, une version à la fois partielle et partiale du meurtre de 1839, construite et imposée, au cours du xixe siècle, par les grandes familles impliquées dans le drame.

En février 1839, la découverte du cadavre d’Achille Taché engendre un scandale public, porté et modelé par le discours médiatique[29]. La couverture journalistique de l’événement s’étend sur plusieurs mois, des rumeurs ambiantes attribuent au meurtre des causes politiques (l’hiver 1839 est durablement marqué par la répression des patriotes arrêtés à l’issue des soulèvements), et le statut social, seigneurial, des acteurs du drame suscite un émoi palpable[30]. À cette vive émotion collective s’ajoute l’indignation causée par l’insuccès qu’aura, auprès des autorités américaines, la demande d’extradition de George Holmes, réfugié au Vermont. D’abord incarcérée à Montréal sur la base de témoignages accablants (celui notamment de sa domestique Aurélie Prévost, complice du meurtre), la présumée complice Joséphine-Éléonore d’Estimauville est aussitôt relâchée et blanchie dans le discours public, grâce entre autres aux puissants témoignages qu’ont su livrer, lors de l’enquête du coroner, les membres de sa famille, dotés d’un capital social considérable et, partant, d’une autorité manifeste. Elle sera ensuite évidemment disculpée à l’issue de son procès en septembre 1841.

Le clan familial exercera, au cours du xixe siècle, un double pouvoir sur la mémoire collective. D’une part, ses membres chercheront à confiner le souvenir de l’événement dans l’espace privé au moyen d’une manoeuvre censoriale ayant conduit à l’élimination par le feu d’un manuscrit de roman écrit en 1840 (Un drame de l’enfer) par Charles Dolbigny. Portant sur l’affaire de Kamouraska, ce manuscrit en voie de publication sera intercepté par des membres de la famille Taché[31], soucieux de réduire au silence le bruit public jugé inopportun et engendré, à l’hiver 1839, par l’assassinat. D’autre part, et en même temps, les puissantes familles vont imposer une certaine « vérité » du crime de 1839, version familiale du récit qui dominera largement la mémoire collective québécoise jusqu’à la publication de Kamouraska, qui en révise les fondements en objectivant le processus social de sa construction et de son imposition[32]. Simple, ce récit familial est aussi manichéen : la présumée complice, salie par la mauvaise langue d’une fille de mauvaise vie (celle qui, dans le roman, devient Aurélie Caron), serait en fait l’innocence incarnée, épouse aimante et soumise, trop pure pour le crime et, du reste, incapable d’adultère.

C’est cette version familiale de l’histoire qui sera reprise, dans les années 1890, par Georges-Isidore Barthe dans les Drames de la vie réelle, où le récit du crime de 1839 oppose diamétralement l’épouse angélique au « scélérat de la pire volée[33] », l’odieux Américain portant tout le fardeau de la responsabilité criminelle. C’est encore cette version manichéenne que mobilise l’abbé Casgrain lorsque, dans ses Souvenances canadiennes, il évoque la commotion sociale créée par le meurtre en insistant sur la « perversité diabolique » de Holmes, un « monstre » radicalement opposé à l’épouse, qui a pour sa part, bien sûr, la blancheur immaculée d’une « madone » de Raphaël[34].

Le souvenir des événements de 1839 est donc, dans la mémoire collective québécoise, marqué à la fois par sa forte persistance, puisqu’il s’est imprimé durablement dans les esprits et ne cesse de ressurgir (dans la tradition orale comme dans la littérature écrite), et par la manipulation dont il fait l’objet, destinée à accréditer une représentation partielle du passé (l’innocence hypothétique de l’héroïne) au détriment d’autres possibles (sa complicité probable). Dans la mesure où elle repose ainsi sur une élision d’informations, sur une sélection restrictive d’éléments narratifs, la version familiale du récit, léguée à l’écrivaine par sa mère, réalise la conjonction de la « conservation » et de l’« effacement » qui est à la source de tout acte de mémoire[35].

Or, dans Kamouraska, la mémoire d’Élisabeth est marquée par une dualité similaire, qui articule la conservation mémorielle du passé et la volonté d’en supprimer les éléments intolérables. De cette mémoire, comme l’indique explicitement la narratrice, il faut en effet brûler la part maudite. Comment ne pas voir, dans cette volonté d’oubli qu’Anne Hébert met dans la bouche de son personnage, une allusion au contrôle exercé sur la mémoire par les grandes familles seigneuriales, qui a conduit, au xixe siècle, à l’autodafé du manuscrit d’un roman incriminant (celui de Dolbigny) ? « La mémoire se cultive comme une terre. Il faut y mettre le feu parfois. Brûler les mauvaises herbes jusqu’à la racine. Y planter un champ de roses imaginaires, à la place. » (K, 74)

Si l’héroïne de Kamouraska est parfois habitée par une certaine nostalgie — il s’agit cependant toujours d’une nostalgie sélective, se rapportant non pas à la totalité du passé vécu mais bien à l’amour irrémédiablement perdu[36] —, le surgissement du passé suscite plus régulièrement un déni violent, le reniement énergique de ce qui a été. Le dédoublement d’Élisabeth — Tassy et Rolland, elle cumule les visages du passé et du présent — lui permet à certains moments de répudier la première des deux identités et de se réfugier tout entière derrière la seconde[37]. Lorsque surgissent les « mauvaises herbes » du passé, Élisabeth Rolland s’enferme dans son présent, farouchement claquemurée dans le rôle de l’épouse infaillible façonné par les tantes Lanouette, trio des bonnes « fées » (K, 114) qui, en disculpant Élisabeth par de « faux témoignages » (K, 109), l’ont sauvée sur le plan judiciaire en la condamnant en même temps, sur le plan social, au « masque froid de l’innocence » (K, 233)[38]. Élisabeth est animée par le fantasme d’une suppression, d’un anéantissement du passé : « Vous vous trompez, je ne suis pas celle que vous croyez. […] Je n’ai rien à voir avec les mystères défunts et peu édifiants de cette maison […] rue Augusta, à Sorel. Je vous le jure. Je suis Mme Rolland, Mme Jérôme Rolland ! » (K, 57) Élisabeth s’efforce aussi de revisiter, par l’intermédiaire du regard des juges, certaines scènes du passé pour y débusquer les traces de son innocence, pour y supprimer les signes de sa culpabilité. Compromettantes, les premières rencontres avec Nelson se trouvent ainsi rétrospectivement désamorcées : « Cette première rencontre s’est bien passée. Les juges doivent être bien attrapés. Il n’y a rien à reprendre à la conduite de cette femme et de cet homme. » (K, 108) Le passé ne cesse de faire retour, mais le souvenir est en même temps soumis à une puissante volonté d’effacement.

En somme, le rapport d’Élisabeth d’Aulnières au meurtre du seigneur de Kamouraska fait cohabiter, dans une tension continue, conservation traumatique (sous la forme du surgissement) et volonté d’effacement du passé. Il rejoue en ce sens, sur le plan romanesque, le rapport des grandes familles seigneuriales à l’événement de 1839, dont le souvenir ne cesse de ressurgir, mais sous une forme charcutée, dans la mémoire collective québécoise : « Mon Dieu est-ce donc possible que rien ne s’efface en nous ? » (K, 27) D’un côté comme de l’autre, dans la fiction hébertienne comme dans la réalité historique, il s’agit de réduire en cendres les « mauvaises herbes » pour mieux élever, sur leurs ruines, un « champ de roses imaginaires ».

De part et d’autre, pour le personnage fictif comme pour les familles seigneuriales réelles, il y a tentative de refoulement du souvenir dans l’espace privé pour le soustraire au scandale public. Ainsi existe-t-il entre Élisabeth, consciente de jouer la « comédie épuisante » de l’innocence (K, 245), et Jérôme Rolland, qui « n’a jamais été dupe » (K, 26), un pacte de silence, étouffant publiquement le souvenir du crime[39]. La forme textuelle de Kamouraska ne cesse d’ailleurs de rappeler, d’exhiber le caractère fondamentalement intime du souvenir, qui n’existe dans le récit que comme souvenir privé, personnel : la focalisation interne et la narration autodiégétique enferment le lecteur dans l’esprit d’Élisabeth, qui forme le seul véritable univers du roman, univers irréductiblement subjectif, intérieur, inaccessible à autrui. Le souvenir du meurtre est beaucoup moins, dans le texte hébertien, un souvenir socialement partagé qu’un souvenir confiné.

Dans les deux cas, dans la mémoire d’Élisabeth comme dans la mémoire collective québécoise, la conservation du souvenir du meurtre de 1839 s’accompagne d’un effacement, élection d’une version épurée du passé ou rejet de ses facettes insupportables. Une fois le meurtre consommé, Élisabeth trouve effectivement refuge dans une subite dénégation de sa complicité, se dissociant fougueusement du crime de Nelson : « Devenir Mme Rolland à jamais. M’exclure de ce jeu de mort, entre Antoine et toi. Innocente ! Innocente ! Je suis innocente ! » (K, 229) Entre la mémoire collective et familiale, dont Anne Hébert est l’un des chaînons, et celle, fictive et individuelle, de son personnage, il y a ainsi une homologie, la seconde pouvant être lue comme la transposition fictionnelle, dramatisée, de la première.

Ce parallélisme entre les plans individuel et collectif, loin d’être une simple fantaisie interprétative, s’esquisse d’ailleurs dans Kamouraska sur au moins un autre plan : en effet, une série d’allusions, obliques ou directes, aux insurrections de 1837 et de 1838, contemporaines du scandale lié à l’assassinat du seigneur Taché, ouvrent la voie, comme la critique hébertienne n’a d’ailleurs pas manqué de le souligner, à une lecture symbolique de l’oeuvre. Le patronyme de l’amant (Nelson) suffit à inscrire dans le texte une référence à peine voilée aux rébellions ; du reste, le meurtrier d’Antoine Tassy place, à l’instar des patriotes, le recours à la violence au service de l’accomplissement d’un acte de libération et de justice[40], le seigneur de Kamouraska incarnant à sa manière une violence légitimée par les institutions (en l’occurrence celle du mariage)[41]. Et si, dans la version définitive du roman, on ne trouve qu’une seule référence explicite aux événements de 1837 et de 1838[42], une étude génétique récente a révélé l’importance de l’interdiscours sociopolitique dans le processus d’écriture de Kamouraska, texte dans lequel Anne Hébert envisageait au départ d’explorer les liens entre l’histoire individuelle de son personnage et l’histoire collective de la société québécoise[43]. On a ainsi pu lire, dans Kamouraska, « le récit d’une révolte avortée, d’une pensée contestataire étouffée[44] », bref, le récit d’une émancipation collective ratée.

Mais le chevauchement du récit individuel et de l’histoire collective va au-delà de cette dimension politique. La mise au jour de la généalogie des représentations du fait historique de 1839 dans la mémoire collective québécoise des xixe et xxe siècles autorise en fait une autre lecture de Kamouraska. Avec ce roman, qui offre une représentation du fonctionnement de la mémoire devant les événements traumatiques dont elle conserve la trace, Anne Hébert raconte le combat dans lequel un clan familial affronte, sur le terrain de la mémoire, les « mauvaises herbes » de son passé : incarnation de ce que la romancière appelle les « vieilles familles », Élisabeth d’Aulnières est hantée par le souvenir obsédant de sa complicité dans un meurtre inoubliable, dont elle cherche désespérément, en même temps, à effacer les traces. À la fois héritière (en tant que descendante de la famille Taché) et critique de la mémoire collective construite et relayée, autour du meurtre de 1839, par les familles seigneuriales québécoises soucieuses de protéger leur image et leur réputation, Hébert met en lumière, dans Kamouraska, le contrôle exercé par ce clan familial puissant (symbolisé par le trio des tantes Lanouette) sur la mémoire et la représentation du passé : durement frappées par le stigmate du meurtre, hantées par le souvenir d’événements traumatiques qui ne cessent de ressurgir, Élisabeth et les « vieilles familles » vont tenter, comme l’écrit la romancière, de « mettre le feu » au passé. Autre manière de « laver », en somme, les taches de sang, comme les tantes veulent le faire avec du « savon parfumé » et de « grandes serviettes très blanches » pour montrer à « tous [les] gens de rien l’impunité due à certaines familles » (K, 47).