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Cet ouvrage est l’aboutissement d’une thèse de science politique soutenue à l’Université de Lausanne en 2013. L’auteur analyse le phénomène de la globalisation financière dans sa dimension sociale et discute de ses conséquences sur la citoyenneté, autant dire sur les agents, alors que ce phénomène est toujours observé au niveau des États.

L’ouvrage commence par présenter les différentes conceptions de la monnaie, à travers ses fonctions traditionnelles d’unité de compte, de règlement et de réserve qui s’expriment pleinement dans les transactions financières. La conception sociale de la monnaie l’emporte toutefois ici sur une conception purement économique. Le chapitre 1 aborde les relations entre la globalisation financière et la citoyenneté, deux notions qui appartiennent à des champs disciplinaires différents. Le chapitre 2 analyse les relations entre la monnaie et la citoyenneté en se situant cette fois sur le plan politique et en se référant à certains des mécanismes que joue la monnaie aux plans national et international. Le chapitre 3 poursuit l’analyse dans le contexte du système monétaire international institué à Bretton Woods à la fin de la guerre et qui a ouvert la voie à la globalisation financière.

Ces premiers chapitres sont d’une lecture difficile, il faut dire que la monnaie n’en finit pas de soulever des questions, en particulier en ce qui concerne sa nature et plus encore les fondements de sa valeur. On se perd un peu dans l’abondance des auteurs qui sont cités et dans les théories qui souvent s’opposent. Il faut dire aussi qu’il s’agit d’une thèse sur la monnaie et la finance – phénomènes économiques s’il en est – perçues dans leur dimension sociale par un jeune docteur en science politique. L’économiste ne s’y retrouve pas très facilement.

Les chapitres qui suivent concernent directement la globalisation financière. Le chapitre 4 analyse plus complètement cette mutation du système monétaire international à travers les différentes étapes qui ont changé son esprit et ses fonctions. Le chapitre 5 traite du rôle des agences de notation qui notent les banques et les institutions financières. Elles ont un impact sur les politiques économiques et sociales (la Grèce est un bon exemple). Elles influencent aussi le comportement des investisseurs institutionnels (les fonds de pension, les sociétés d’assurance…) qui eux-mêmes influencent la gestion des entreprises soumises aux intérêts des actionnaires et la nécessité de « créer de la valeur ». Le dernier chapitre traite de la capitalisation des systèmes de retraite qui, du fait de la démographie dans les pays occidentaux, pousse les citoyens à devenir eux-mêmes des investisseurs, et par conséquent, à assumer les risques, et qui les oblige aussi à être éduqués financièrement.

Ces trois derniers chapitres m’ont semblé plus convaincants, sans doute parce que l’approche est plutôt historique et que cette évolution de la finance est bien expliquée. Le système de Bretton Woods, l’expansion des eurodollars, la politique monétaire américaine, la crise des dettes souveraines… contribuent à bien expliquer ce phénomène de la globalisation financière et à bien comprendre ses conséquences sur l’économie mondiale. À vrai dire, ce ne sont pas les conséquences sur l’économie mondiale qui sont ici considérées, ce sont les conséquences sur les citoyens. L’importance croissante des flux de capitaux depuis 1950 est bien soulignée, de même que la responsabilité des Accords de Bretton Woods. À cet égard, les conditions auxquelles le dollar est devenu une monnaie internationale, à la fois du fait de ces Accords et par une politique délibérée des États-Unis dans les années 60, auraient pu être rappelées.

En définitive, cette thèse en est bien une. L’auteur propose une analyse originale des conséquences de la globalisation financière au niveau des agents économiques (personnes ou entreprises). Il le fait en critiquant tout à la fois l’approche libérale et le système capitaliste. C’est naturellement son droit. Mais il ne faut pas oublier que l’économie et la science politique sont des sciences sociales et que la vérité de l’un n’est pas toujours celle de l’autre.