Corps de l’article

-> Voir la liste des figures

De passage à l’Université du Maine en 2005, Stephen Hornsby et Raymond Pelletier m’ont fait visiter les locaux où Michael Hermann posait les premiers gestes en vue de la confection d’un atlas historique du Maine. Dix ans plus tard, l’atlas tant attendu a paru. L’attente a valu la peine.

Consistant en 76 planches divisées en quatre grands chapitres, l’atlas grand format (26 x 37 cm), de par son esthétique, attire le regard et invite à l’étude de ce vaste territoire à l’extrême nord-est des États-Unis, qui avoisine le Québec sur environ 400 km et que les Québécois parcourent par centaines de milliers chaque été dans leurs courses vers les stations balnéaires les plus proches.

Le premier chapitre, « De la période glaciaire à la définition des premières frontières politiques, 13 000 B.P à 1790 » met en lumière, en 19 planches, l’évolution de la géomorphologie au rythme du recul des glaciers. On assiste à l’émergence de la péninsule de Norumbega, que le Maine partage avec la Gaspésie, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, et à son peuplement, d’abord par les Premières Nations et, plus tard, par les Européens, chaque groupe exploitant à sa façon les ressources abondantes. Particulièrement captivante est la planche consacrée à l’exploration du Golfe du Maine par les Portugais, Espagnols, Britanniques et Français.

Dans le chapitre II, « Façonnement du Maine, 1790-1850 » (18 planches), on découvre qu’après la Révolution américaine, les résidants du Maine étaient des « séparatistes ». De 1776 à 1820, il s’agissait tout simplement d’un « district » de l’un des plus importants États de la nouvelle République, le Massachusetts. Le statut d’État ne sera acquis par ceux qui réclamaient leur indépendance du Massachusetts qu’en 1820. L’importance de la mer pour le développement des pêcheries surgit, mais peut-être plus importants encore sont l’essor de chantiers navals et la croissance de Portland, chef lieu, mais pas capitale. Il est question aussi de l’arrivée d’un fort contingent d’Irlandais et, plus important en ce qui nous concerne, de l’implantation dans le nord de l’État d’importantes populations en provenance du Québec et d’Acadie. On assiste au drame du traçage définitif de la frontière entre les États-Unis et le Canada, par le Traité de Ashburton-Webster, signé en 1842, qui a divisé à jamais des familles francophones situées de part et d’autre de la nouvelle frontière.

En 25 planches, le chapitre III « Le Maine industriel, 1850-1910 », nous fait suivre l’industrialisation du territoire et la formation de villes à textile (milltowns) qui vont déloger des milliers de Canadiens français et Acadiens ruraux, lesquels donneront de leur sueur et de leur sang dans les facteries de Biddeford, Saco, Lewiston, Waterville, Brunswick, Old Town et autres. Le réseau ferroviaire se dessinera et le secteur rural diminuera relativement en importance. Planche fort originale qui documente les voyages dans les backwoods of Maine du philosophe, écrivain et naturaliste, Henry David Thoreau.

Enfin, en 14 planches, le chapitre intitulé « Le Maine de l’ère moderne, 1910-2000 » nous conduit à travers le XXe siècle. Il est question de la transformation du réseau riverain en réseau routier et de l’abandon du bateau à la faveur de la voiture. On assiste à la montée de l’industrie touristique et aux activités de villégiature. Bref, à la transformation du Maine en Vacationland, ce qui s’inscrira sur les plaques d’immatriculation que nous remarquons souvent au Québec. Des quatre chapitres, celui-ci, à mon idée, est le plus pauvre, non seulement en nombre de planches, mais en choix de sujets. Rien, par exemple, sur les effets des deux grandes guerres sur la population et le territoire. Pourtant, il y en a eu. On n’a qu’à penser à l’aménagement de l’énorme base aérienne Loring dans les champs de patates du comté d’Aroostook et d’une autre à Bangor. La première est aujourd’hui abandonnée, et la deuxième a été réaménagée en aéroport municipal.

À la fin du volume, dans une section intitulée Sources, un trésor ! Non seulement peut-on y constater la provenance de chaque illustration embellissant l’atlas, mais aussi, organisée selon chapitre et planche, la liste des sources ayant servi à confectionner chacune de la multitude de cartes, ainsi que des titres à consulter pour approfondir ses connaissances sur chaque thème.

Au tournant du siècle, j’avais moi-même travaillé sur un atlas électronique bilingue du fait français dans le Maine (www.francomaine.org/), humble précurseur de cet atlas historique. Par conséquent, je fus comblé par le cadeau que M. Hornsby m’en a fait.