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Une analyse génomique de la résistance à la sclérotiniose chez le soja

F. Belzile, E. Iquira et M. Bastien. Département de phytologie et Institut de biologie intégrative et des systèmes, Université Laval, Québec (Québec), Canada G1V 0A6

Au cours des dernières années, le soja a connu une croissance exceptionnelle au Québec et au Canada, au point de constituer la troisième culture en importance au pays en 2014. Dans les conditions climatiques relativement fraîches qui prévalent au Québec, certaines pourritures sont particulièrement problématiques. C’est le cas notamment de la pourriture à sclérotes, ou sclérotiniose, causée par le Sclerotinia sclerotiorum. Comme les moyens de lutte chimique ou biologique sont souvent trop coûteux ou ne sont pas suffisamment efficaces, la résistance génétique demeure la méthode de lutte la plus attrayante. Pour le sélectionneur, cependant, le développement de variétés dotées d’une résistance supérieure se bute à certains défis. D’une part, seule une résistance partielle a été documentée chez le soja et celle-ci repose sur l’action de nombreux gènes à effet modeste. D’autre part, l’incidence et la sévérité de la maladie son très variables d’une année à une autre, ce qui rend difficile l’évaluation de la résistance au champ. Pour surmonter ces difficultés, nous avons cherché à identifier des régions génomiques, ou quantitative trait loci (QTL), qui sont fortement associées à la résistance au S. sclerotiorum. Des marqueurs moléculaires situés dans ces régions permettraient de sélectionner les lignées les plus résistantes sur la base de leur bagage génétique plutôt que sur la base de leur comportement au champ. Pour ce faire, nous avons caractérisé en détail deux collections de lignées de soja, l’une étant composée de lignées élites représentatives de ce qui est cultivé au Québec et l’autre comprenant surtout des lignées exotiques, incluant des accessions rapportées comme étant de bonnes sources de résistance à la sclérotiniose. Dans les deux cas, ces lignées de soja ont été caractérisées non seulement en ce qui a trait à leur résistance à la sclérotiniose, mais aussi au plan de la génétique à l’aide de milliers de marqueurs SNP répartis sur l’ensemble du génome. Fait intéressant, certaines des lignées exotiques présentaient un degré de résistance supérieur à ce qu’il y avait de mieux au sein des lignées élites. Ensuite, nous avons réalisé des analyses d’association pangénomique, ou GWAS (Genome-Wide Association Analysis). Ces analyses ont permis d’identifier de trois à quatre QTL dans chaque collection, auxquels on pouvait attribuer individuellement entre 7 et 21 % de la résistance partielle observée. Par ailleurs, les QTL identifiés chez les lignées exotiques étaient, à de rares exceptions près, différents de ceux repérés chez les lignées élites. Dans le cas d’un QTL en particulier, nous avons fait la démonstration que la sélection de plantes sur la base du marqueur SNP associé à cette résistance permettait de sélectionner des plantes dotées d’une résistance supérieure. Cela suggère qu’il soit possible d’accroître la résistance chez le soja cultivé au Québec en y introduisant les QTL de résistance qui sont présents chez les lignées exotiques à l’aide d’une approche de sélection assistée par marqueurs.

La génomique à la rescousse de nos forêts

R.C. Hamelin. Centre de foresterie des Laurentides, Ressources naturelles Canada, Québec (Québec), Canada G1V 4C7; Department of Forest and Conservation Sciences, University of British Columbia, Vancouver (Colombie-Britannique), Canada V6T 1Z4

Nos forêts sont sans cesse sous la menace d’agents pathogènes et de ravageurs. Les espèces exotiques envahissantes, les changements climatiques et les activités anthropiques contribuent à faire augmenter le risque d’épidémies. Nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère qui promet de révolutionner nos approches en protection des forêts. La génomique est en train de bouleverser des domaines aussi diversifiés que la médecine, l’agriculture, l’environnement et la foresterie. En décodant les génomes des agents pathogènes et des insectes ravageurs, nous sommes maintenant en mesure de définir leur profil génomique et d’identifier les gènes qui leur permettent de s’attaquer aux arbres. L’identification de ces gènes est primordiale, car ils sont à la base du développement d’outils de détection et de surveillance plus performants et plus précis. La signature génomique des agents pathogènes nous aide aussi à identifier la source des épidémies, une information cruciale en lutte phytosanitaire. Ces outils sont maintenant appliqués pour la détection hâtive d’une vaste gamme d’agents pathogènes comme les rouilles, les chancres et les pourritures racinaires des conifères et des essences feuillues. La génomique permet ainsi le développement d’outils à la fine pointe de la technologie pour la détection et la surveillance des ravageurs forestiers afin de nous aider à mieux prévenir, prédire, ou contenir les épidémies.

Metabolomics: the missing link in functional genomics of plant–microbe interactions

S. Jabaji. Department of Plant Science, Macdonald Campus, McGill University, Ste-Anne-de-Bellevue (Québec) Canada H9X 3V9

After the establishment of technologies for high-throughput DNA sequencing (genomics), gene expression analysis (transcriptomics), and protein analysis (proteomics), the remaining functional genomics challenge is that of metabolomics. Metabolomics is the term coined for essentially comprehensive, unbiased, high-throughput analyses of complex metabolite mixtures, which are typical of plant extracts. This holistic approach to metabolome analysis is driven by recent advances in mass spectrometry (MS) technology and by the goals of functional genomics research. Metabolic processes in plants are key components of physiological and biochemical disease resistance, and metabolomics has been used to provide a systems-wide overview of the plant metabolism associated with defense responses. Achieving the broadest overview possible of plants’ metabolic composition is very complex and entails establishing a multifaceted, fully integrated strategy, metabolite separation/detection/identification, automated data analysis and, ultimately, quantification. Both analytical and computational developments are essential to achieve this goal. Here, I will focus on the metabolic profiling strategy employing direct infusion Orbitrap MS, ion cyclotron resonance/mass spectrometry (FT-ICR/MS) and gas chromatography-mass spectrometry (GC/MS) for the global metabolic response and metabolite regulation of potato and soybeans to infection by the soil-borne plant pathogen Rhizoctonia solani, with a focus on specific metabolic signatures that help pinning down the mechanisms by which stress perception and stress response are mediated. Key elements in the approach are the construction of comprehensive metabolite libraries for potato and soybean, which accelerates the steps of metabolite identification and biological interpretation of results, and the creation of bioinformatics tools for the visualization and analysis of the metabolome. The study of metabolic networks has revealed that infection results in the mobilization of carbohydrates, in the disturbance of the amino acid pool, and in the activation of the plant’s isoflavonoid, linolenate and phenylpropanoid biosynthetic pathways. Components of these pathways include alkaloids, phytoalexins, flavonoids, signaling molecules and hormones, many of which exhibit antioxidant properties and bioactivity that help the plant counterattack pathogen invasion. Our metabolic approach has not only greatly expanded the multitude of metabolites previously reported in potato and soybeans in response to pathogen invasion, it has also made possible the identification of bioactive plant-derived metabolites, thus providing valuable information that could be exploited in biotechnology, biomarker-assisted plant breeding and crop protection for the development of new crop protection agents.

Le séquençage de nouvelle génération : les opportunités et les défis pour la protection des plantes et le commerce

C.A. Lévesque1, Z. Adam1, G.J. Bilodeau2, W. Chen1, J. Cullis1, M.-C. Gagnon2, T. Gräfenhan3, S. Hambleton1, K. Yuan4, P. Kesanakurti1, C.T. Lewis1, X. Li4, K.A. Seifert1, D.S. Smith4, J.T. Tambong1. 1Centre de recherches de l’Est sur les céréales et les oléagineux, Agriculture et Agroalimentaire Canada, Ottawa (Ontario), Canada K1A 0C6; 2Laboratoire de recherche sur l’identification des agents pathogènes, Agence canadienne d’inspection des aliments, Ottawa (Ontario), Canada K2H 8P9; 3Commission canadienne des grains, Winnipeg (Manitoba), Canada R3C 3G8; 4Laboratoire de Charlottetown, Agence canadienne d’inspection des aliments, Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard), Canada C1A 5T1

Les technologies de détection sont la pierre d’assise de la prévention des maladies des plantes et elles jouent un rôle essentiel en matière de réglementation et de commerce. La baisse phénoménale des coûts engendrée par les technologies de séquençage de nouvelle génération (SNG) permet d’utiliser ces technologies, aujourd’hui et à l’avenir, afin d’assurer la surveillance des agents pathogènes et procéder à leur génotypage. De plus, il faut préparer le Canada à relever les défis qui pourraient être associés au coût abordable du SNG pour la détection des agents pathogènes par n’importe quel pays importateur; nous devons donc améliorer l’exactitude et la robustesse de l’interprétation des données de SNG au moyen d’analyses validées. Le groupe de biosystématique d’Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) à Ottawa collabore étroitement avec l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) et la Commission canadienne des grains (CCG) afin de réaliser des projets reposant sur les technologies de SNG. Ces deux organismes partenaires sont chargés de surveiller les agents pathogènes des plantes afin de contrer les menaces posées par des agents pathogènes qui peuvent mettre la production canadienne et notre commerce international à risque. Le but principal de ces projets de collaboration est de réduire le risque des menaces biologiques qui planent sur le système agroalimentaire canadien par l’exploitation des nouvelles technologies de séquençage et de génotypage. La diminution des coûts nous permet d’établir des bases de données exhaustives de génomes complets de tous les agents pathogènes à risque élevé, particulièrement de leurs génotypes les plus virulents, et des génomes de certaines des espèces qui leur sont les plus étroitement apparentées. Le séquençage de novo a été réalisé pour des agents pathogènes à risque élevé comme Synchytrium endobioticum, qui cause la galle verruqueuse de la pomme de terre, ou Tilletia indica, qui cause la carie indienne du blé, pour lesquels on ne disposait auparavant d’aucune donnée génomique. Des essais mis au point à partir des données génomiques obtenues sont maintenant utilisés par les agences afin de résoudre des différends commerciaux et ils ont été utilisés ou sont en cours d’évaluation par les premiers intervenants d’autres pays. Nos projets permettent d’établir des données de référence et des banques d’ADN, de déterminer la variabilité génétique d’espèces phytopathogènes présentes dans l’environnement et de mettre au point et valider des épreuves de PCR pour la détection de génotypes importants. Les technologies de SNG et de nouveaux outils bioinformatiques ont été mis à contribution pour la surveillance et comme moyen efficace d’établir des bases de données de séquences exhaustives. Ces bases de données de référence sont aussi une pierre d’assise dans l’utilisation des technologies de SNG pour la détection. Elles doivent être faites à partir d’échantillons bien caractérisés et reconnus pour leur validité taxonomique, ce qui devient particulièrement important lorsque notre commerce international est en jeu.

Molecular defense mechanims against virus in plants

P. Moffett, C. Brosseau, L.-V. Meteignier, M. El-Oirdi, M. Cohen, A. Adurogbangba, X. Ma et T. Barff. Département de biologie, Université de Sherbrooke, Sherbrooke (Québec), Canada J1K 2R1

Plants resist virus infection by using a number of mechanisms, including RNA silencing and resistance (R) genes. RNA silencing is a general mechanism used by eukaryotes to regulate gene expression through activity of Dicer-like (DCL) proteins, which cleave double-stranded RNA into 21-24 nt fragments, and Argonaute (AGO) proteins, which use these small RNAs to target single stranded RNA. Most plants encode at least ten AGO proteins and we have shown that three of these, AGO2, AGO4 and AGO5, play different roles in defense against viruses. We have shown that AGO2 plays an important role in protecting plants against several viruses, including resistance to Potato virus X (PVX) in Arabidopsis. Using genomic data available from several hundred Arabidopsis ecotypes, we have found that the AGO2 gene shows a high degree of natural variation and that certain alleles show signs of being under selective pressure. In agreement with this observation, we have shown that this natural variation plays a very important role in susceptibility to viruses and in determining virus host range. Recent developments in our understanding of the molecular nature of this plant–virus arms race will be discussed. R gene- mediated responses to pathogen infection differ significantly from RNA silencing, although relatively little is known about how these mechanisms eliminate viral pathogens. Using a combination of ribosome purification and next-generation sequencing, we have shown that R gene responses result in a massive reprogramming of the translational landscape in the plant cell, shunting resources away from basic metabolism and pushing towards defense responses. This approach has also allowed us to identify numerous mRNAs regulated at the translational level that are required for an effective defense response. These include a number of genes known to be central regulators of the transition between growth and defense, and our results have implications for understanding the interplay between plant growth and the response to biotic and abiotic stresses.

La génomique, ce n’est pas si sorcier!

P. Tanguay. Centre de foresterie des Laurentides, Ressources naturelles Canada, Québec (Québec), Canada G1V 4C7

Les sciences « omiques » regroupent un ensemble de disciplines telles que la génomique, la protéomique, la transcriptomique et la métabolomique. Toutes ces disciplines ont en commun qu’elles génèrent de grands volumes de données qui s’interprètent par le biais de la bioinformatique et qui permettent l’analyse fine de systèmes et de processus biologiques complexes. La génomique, la transcriptomique, la protéomique, la métagénomique, et la métabolomique, les objectifs de chacune de ces disciplines et les liens qui les unissent, sont présentés. Par le truchement d’exemples en phytopathologie, il est possible de démontrer comment les analyses de ces grands jeux de données permettent de suivre et de comprendre le déroulement moléculaire de processus biologiques et la structure de communautés soumises à différentes conditions environnementales.

La métagénomique pour améliorer le microbiome bénéfique du blé canadien

É. Yergeau. Conseil national de recherches Canada, Montréal (Québec), Canada H4P 2R2

La pression combinée de l’augmentation de la population mondiale, de la déplétion des réserves de phosphate et des changements climatiques rend nécessaire l’adoption d’approches innovatrices en agriculture pour maintenir la productivité actuelle. Parmi les approches potentielles, la manipulation des microorganismes associés aux plantes (le microbiome) est particulièrement prometteuse. En effet, dépendamment des activités et de la composition du microbiome, celui-ci peut être bénéfique ou délétère pour la santé de la plante et le fait de modifier ce fragile équilibre peut avoir d’énormes conséquences sur la productivité des plantes. La manipulation du microbiome des plantes a le potentiel d’augmenter la productivité agricole tout en réduisant les besoins en fertilisants, les maladies, la pollution et les émissions de gaz à effet de serre. Des exemples récents de mes travaux visant à comprendre et à modifier le microbiome dans le contexte de la phytoremédiation de sols pollués et de l’augmentation de la productivité du blé canadien sont présentés dont, de manière plus spécifique, les approches de manipulation du microbiome suivantes : 1) les inoculations microbiennes sélectives, 2) les modifications microbiennes complexes, 3) la sélection de cultivars basée sur des critères microbiologiques et 4) la modification de l’exsudation racinaire. Les recherches effectuées démontrent qu’il est possible de modifier le microbiome des plantes et d’ainsi augmenter leur productivité, mais que plus de recherches seront nécessaires afin de comprendre complètement les mécanismes impliqués de façon à pouvoir modifier durablement, directionnellement et de façon fiable le microbiome des plantes.