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L’émergence rapide, voire spectaculaire, de nombreuses maisons d’édition qui survient au tournant des années 2000 constitue l’un des principaux indices d’une transformation du paysage littéraire du Québec ; c’est le point de départ de ce dossier. Devant l’impossibilité de proposer ici une analyse exhaustive de ce phénomène récent et complexe, nous avons plutôt choisi d’interroger, à partir d’un premier échantillonnage, le mode de fonctionnement de certaines de ces nouvelles maisons dans des études de cas (La Mèche, Rodrigol), de cibler des pratiques précises (le paratexte éditorial) et d’explorer comment les mutations que permettent les nouvelles technologies étendent et refaçonnent le champ de l’édition. Nous avons également souhaité prendre la mesure de la nouveauté de la littérature qui naît dans ces conditions en posant à ces corpus des questions critiques en quelque sorte canoniques de la littérature québécoise, celles de l’identité et de la langue d’écriture.

Que l’on ait choisi de concentrer l’analyse sur la prose narrative n’est pas sans conséquence sur les conclusions auxquelles on aboutit. On conviendra cependant que c’est bien dans ce genre vaste et actuellement hégémonique, incluant romans et récits, que se spécialisent la plupart des maisons d’édition créées depuis les quinze dernières années[2], tandis que l’édition de poésie, malgré l’ouverture de nouvelles collections, à l’Hexagone par exemple, tout comme aussi celle d’essais demeurent relativement stables par rapport aux années 1980. De même que nous avons retenu un genre en particulier, nous avons concentré sur deux questions, l’identitaire et la langue, l’analyse d’un changement potentiel que d’autres angles de vue auraient sans doute également permis d’éclairer. Reste que, si tel est bien ce à quoi nous assistons, le détrônement de la fable identitaire et la fin de la « surconscience linguistique » engageraient des transformations particulièrement significatives du corpus québécois.

Le contemporain, en tant que configuration esthétique, a vu son émergence associée au début de la décennie 1980, décennie à la fois « fondatrice » et interprétée comme une fin, celle d’une certaine modernité et de l’affirmation d’une identité nationale. Malgré ce qu’une telle lecture simplifie et escamote[3], les principaux consensus critiques sur la littérature des années 1980 se sont imposés, figés sans doute, et la production littéraire des trente dernières années a beaucoup été lue à travers ce prisme, à la lumière des singularités reconnues aux oeuvres de cette décennie. Or, considérant les changements qu’a connus le champ éditorial autour des années 2000, l’ambition de ce dossier est d’engager une réflexion, moins pour identifier à tout prix un renouveau, que pour tenter de penser la production récente autrement que comme un simple prolongement de celle des années 1980. Le portrait reste partiel, mais il met en lumière, parallèlement à des pratiques éditoriales qui cherchent à affirmer leur originalité, des inflexions jusque-là peu perçues qui sont à l’oeuvre dans les textes littéraires.

L’apparition, en un peu plus d’une décennie, de nombreuses maisons d’édition (dont La Pastèque, 1998 ; L’Effet pourpre, 1999-2005 ; Marchand de feuilles, 2000 ; Le Quartanier, Rodrigol, 2002 ; Mémoire d’encrier, 2003 ; La Bagnole, 2004 ; Alto, Ta mère, 2005 ; Héliotrope, La Peuplade, 2006 ; La Mèche, 2010 ; Druide, 2011 ; Le Cheval d’août, 2014), a été saluée comme « une renaissance » de la littérature du Québec dans Le Monde[4] et comme un signe de « vitalité rafraîchissante » dans L’Actualité[5]. L’ampleur du phénomène et sa concentration dans le temps incitent à voir dans ce changement du paysage éditorial québécois une transformation susceptible d’affecter également et proportionnellement la pratique littéraire, tant sur le plan esthétique de la production que sur le plan critique de la réception. C’est cette hypothèse que le présent dossier souhaite mettre à l’épreuve en confrontant l’étude de quelques-unes des pratiques éditoriales de ces nouvelles maisons à l’analyse de deux enjeux critiques majeurs de la littérature québécoise, l’identité et la langue.

Cependant, on le sait, l’histoire littéraire et la critique sont coutumières, et peut-être surtout au Québec, de proclamations solennelles et enthousiastes de l’avènement du neuf ; leur assurance même appelle à la prudence dans l’évaluation de la nouveauté. Ainsi on nuancera l’ampleur du changement intervenu sur le terrain de l’édition, en notant que les anciennes maisons, Boréal, Leméac, Québec Amérique, L’Instant même, VLB, Typo n’ont ni disparu ni apparemment pâti de l’arrivée des nouvelles. Anciennes et nouvelles maisons d’édition n’appartiennent pas à des secteurs étanches du champ littéraire. Leur fonctionnement est parfois semblable et VLB adopte certaines stratégies de promotion des livres que pratique Alto comme le montre l’analyse de René Audet. Plusieurs auteurs passent des unes aux autres : d’abord publiés aux Éditions Trois, puis chez Leméac, les livres de Catherine Mavrikakis le sont ensuite chez Héliotrope. Boréal et Le Quartanier coopèrent et « conclu[ent] une entente pour que soient republiés en poche, dans la collection “Boréal compact”, un certain nombre de titres du Quartanier. Cet accord permettra à ces oeuvres de rejoindre un nouveau lectorat, notamment dans les institutions d’enseignement[6] » ; parmi ces oeuvres, figurent Arvida de Samuel Archibald[7] et Atavismes de Raymond Bock[8] comme le notent Pierre-Luc Landry et Marie-Hélène Voyer. Le cas de L’homme blanc de Perrine Leblanc[9], paru au Quartanier en 2010, lauréat du prix du Gouverneur général la même année, puis repris chez Gallimard en 2011, sous le titre Kolia, avant d’être republié à « Boréal compact » en 2013, est plus révélateur encore. Au-delà des avantages matériels et symboliques qu’offre au Quartanier la diffusion plus large dont bénéficie la collection « Boréal compact », cet accord est-il aussi le signe que la distribution de la reconnaissance littéraire n’est pas (encore) ébranlée par les transformations de l’édition québécoise ? Ce seul cas ne permet pas de répondre catégoriquement, mais il oblige à nuancer l’évaluation de la transformation que constitue l’implantation des nouvelles maisons.

Leur émergence dans le champ littéraire fonctionne davantage sur le mode de l’addition que sur celui du remplacement. L’ancien et le nouveau cohabitent comme on l’observe aussi, pour la littérature contemporaine, sur le plan des esthétiques. Certes, leur coprésence entraîne un redéploiement des positions et des stratégies : malgré les ententes entre éditeurs, Le Quartanier, La Mèche ou plus encore Rodrigol font apparaître, par leur seule existence, Boréal ou Leméac comme des éditeurs anciens, établis et en quelque sorte « classiques », même si l’examen des titres respectivement publiés ne confirmerait pas forcément cette configuration par trop simplifiée. Si les facilités qu’offrent les avancées technologiques de l’édition ne sont pas les seules causes de leur récente multiplication, les nouvelles maisons semblent répondre à de nouveaux besoins sans éliminer ni inquiéter outre mesure les pratiques plus anciennes qui perdurent.

Le changement le plus perceptible concerne plutôt le mode de fonctionnement de plusieurs d’entre elles. Si toutes ne vont pas, comme Rodrigol, étudiée par Laurence Côté-Fournier, jusqu’au refus des subventions gouvernementales pour conserver leur indépendance, plusieurs maisons se développent selon un modèle artisanal du métier d’éditeur, en opposition plus ou moins radicale et explicite avec « l’industrie culturelle ». Alors que la professionnalisation de l’édition s’est imposée au tournant des années 1970 et 1980, ces maisons retrouvent une pratique plus ancienne qui, de L’Hexagone à ses débuts et des Éditions du Jour à Erta et Mythra-Mythe, a marqué les années 1940 et 1950 au Québec ; à ceci près que les éditeurs d’alors n’avaient pas, contrairement à ceux d’aujourd’hui, le choix de procéder autrement. L’émergence de ces « petites » maisons d’édition qui entendent le rester s’amorce dès avant les années 2000 ; qu’on pense, entre autres à L’Oie de Cravan ou au Temps volé éditeur qui naissent respectivement en 1992 et 1995.

Ce n’est pas dire pour autant que les marges éditoriales prolifèrent en laissant le centre inchangé : plusieurs maisons nouvelles se sont imposées face aux anciennes si l’on en juge par leur fréquente mention dans la critique pour illustrer de nouvelles esthétiques. C’est particulièrement vrai du Quartanier, Alto et Héliotrope, désormais bien implantées dans le champ littéraire. Le Quartanier, notamment, se distingue à la fois grâce à des auteurs qui y ont fait leurs débuts et lui restent attachés en contribuant à nourrir sa réputation comme Alain Farah, et par sa capacité à attirer des auteurs associés auparavant à d’autres maisons comme Anne Élaine Cliche qui y fait paraître Jonas de mémoire[10]. L’éditeur marque ainsi sa spécificité, voire sa spécialisation, moins dans la seule nouveauté que par son aptitude à fédérer des projets esthétiques définis par une certaine recherche formaliste. La présence au Quartanier, d’une collection d’essais, « Erres essais », où s’élabore également un discours théorique et critique, conforte cette position. Malgré la récurrence du syntagme « jeunes maisons d’édition », et malgré l’âge relativement équivalent des éditeurs en question, la « génération », concept dont on observe le retour dans les études sur la littérature québécoise, ne rend qu’imparfaitement compte de la répartition des auteurs dans les différentes maisons d’édition ; c’est ce dont témoigne, entre plusieurs autres exemples, la parution à Héliotrope, la même année 2014, de L’album multicolore de Louise Dupré[11], poète, dramaturge, essayiste et romancière reconnue, née en 1949, et de Titre de transport d’Alice Michaud-Lapointe[12], née en 1990 et dont c’est le premier ouvrage.

On ne saurait s’étonner que ces maisons d’édition, créées pratiquement dans la même décennie et situées pour la plupart d’entre elles à Montréal et Québec, s’efforcent de se distinguer en rivalisant d’originalité. Les noms qu’elles se donnent et les connotations qu’ils déploient de La Mèche à Ta mère, de L’Oie de Cravan à Cheval d’août, en passant par La Pastèque et La Bagnole, constituent le premier signe de leur volonté de se singulariser. Leur identité se manifeste aussi de manière plus conventionnelle par la cohérence de leurs catalogues, les illustrations et les quatrièmes de couverture des livres publiés, ainsi que dans les textes de présentation de leurs sites Internet, les blogues, entretiens et nombre d’interventions diverses de leurs fondateurs et animateurs. Malgré sa constitution hétérogène, on peut assimiler cet ensemble discursif et iconographique au « péritexte éditorial » décrit par Gérard Genette[13], péritexte certes augmenté et diversifié par les possibilités des nouvelles technologies, mais dont la fonction demeure d’identifier et de revendiquer un territoire esthétique et un rapport particulier à la littérature. C’est à l’analyse d’une part significative de ce péritexte que se consacre l’article de Pierre-Luc Landry et Marie-Hélène Voyer qui observent « le paratexte et les indications génériques » que pratiquent quelques éditeurs récents. Leur étude met au jour une inventivité à l’oeuvre dans la prolifération des indications génériques, l’adoption généralisée du pluriel et de tous les signes de l’hybridation textuelle. Les auteurs montrent que de tels usages s’observent également en littérature française et caractérisent ainsi moins une tendance de la littérature québécoise actuelle qu’une tendance plus générale de la production contemporaine.

De manière tout aussi attendue, dans les différents lieux de ce péritexte, les maisons d’édition récentes se réclament d’une nouveauté des pratiques et multiplient les marques d’une différence. Comme l’illustrent deux études de cas, La Mèche, étudiée par Martine-Emmanuelle Lapointe, et les Éditions Rodrigol, auxquelles s’attache Laurence Côté-Fournier, la revendication d’un changement adopte des stratégies différentes et esquisse des conceptions chaque fois singulières de la littérature. À partir d’une lecture du blogue de Geneviève Thibault, qui a dirigé La Mèche (avant de fonder Le Cheval d’août), ainsi que des huit ouvrages qui y ont été publiés jusqu’en 2013, M.-E. Lapointe note des inflexions dans le mandat que définit l’éditrice, de même qu’une évolution des publications, du goût pour les marges littéraires qui échappent au canon vers une dimension plus nettement politique, notamment après la grève étudiante de 2012. L’analyse que L. Côté-Fournier propose des textes de présentation et des entretiens accordés par les fondateurs de Rodrigol fait apparaître que la maison d’édition réactive un certain héritage, transformé et assimilé, de la contre-culture et de la « culture ti-pop » explicitée par Pierre Nepveu dans L’écologie du réel[14]. L’article souligne également la dimension artisanale et conviviale de l’entreprise qui protège l’indépendance de son fonctionnement au risque de la rareté et de la marginalisation de sa production.

René Audet s’intéresse aux « aspects inusités » de la mise en marché du livre contemporain et propose, pour sa part, une « incursion dans les sphères parallèles de l’édition ». Il envisage ainsi certaines des nouvelles stratégies publicitaires des maisons d’édition, prenant en compte aussi bien les produits dérivés qu’elles distribuent (inspirées en cela par l’exemple des éditeurs de littérature jeunesse) que les évènements qu’elles organisent à la sortie d’un nouveau livre ou lors d’anniversaires de leur fondation. Il analyse également de nombreux exemples d’activités et d’artéfacts dont les nouvelles technologies et les réseaux sociaux permettent la production. Selon R. Audet, cet ensemble apparemment hétéroclite, textuel, graphique, numérique mais aussi évènementiel et commercial, tend à transformer la fonction d’éditeur et participe pleinement de l’identité que se forge la maison d’édition en lui offrant de nouveaux moyens par lesquels elle peut définir et promouvoir la conception de la littérature qu’elle défend. Si, avec « la démocratisation des outils du web », l’imagination paraît sans limites, le recours par des éditeurs qui, pour plusieurs, identifient la profession à l’artisanat, à certaines stratégies de marketing des multinationales n’est pas le moindre des paradoxes que donne à observer le milieu éditorial actuel.

Comme le montrent ces quatre articles, les transformations du paratexte et l’extension exponentielle des potentialités numériques dans la promotion du livre accompagnent des positionnements, singuliers plus que polémiques, de maisons d’édition dont la rivalité s’exprime surtout dans la recherche d’originalité de leur présentation. Leur « marque » respective ne se distingue pas toujours avec une égale netteté et plusieurs demeurent marginales tandis que d’autres, Alto, Le Quartanier, Héliotrope, Marchand de feuilles, s’imposent plus clairement et plus fortement au fil des ouvrages publiés. Ainsi se dessine, peut-être plus qu’un changement général de l’édition québécoise, une multiplication de ses lieux dont nous postulons qu’elle permet l’émergence de conceptions diversifiées de la littérature.

En effet, les livres qu’elles publient correspondent-ils à la « nouveauté » que revendiquent avec tant d’inventivité les différentes maisons et exigent-ils dès lors une transformation des perspectives esthétiques sur la prose narrative québécoise ? Les catégories génériques, formelles, thématiques et les constats critiques qui structurent l’approche de la littérature québécoise contemporaine depuis L’écologie du réel de Pierre Nepveu et que reprennent la plupart des travaux de synthèse qui suivent cet essai, doivent-ils être revus et repensés à la lumière de ces nouveaux corpus ? Si pareille question ne peut susciter que des réponses provisoires et partielles, il nous a semblé pertinent d’examiner plus spécifiquement deux « passages obligés » – au sens de la contrainte et du risque qu’elle fait encourir d’en figer les termes, que Simon Harel donne à l’expression[15] –, deux enjeux qui, sous des modalités différentes, traversent la critique littéraire au Québec depuis le xixe siècle : celui de l’identité ou de l’identitaire et celui de la langue d’écriture.

La première de ces questions est-elle toujours aussi cruciale pour la définition même d’une « littérature québécoise » ? Revenant sur les débats des années 1980 qui voient Pierre Nepveu proposer de nommer plutôt « post-québécoise[16] » la littérature du Québec, et Pierre L’Hérault identifier dans l’écriture migrante, le formalisme et le féminisme littéraire les principales « brèches » par où commence à se fissurer une homogénéité attribuée à la québécité littéraire[17], Andrée Mercier analyse, dans un corpus de textes parus depuis 2000, les multiples formes de reprises de la question identitaire. La « quête identitaire », démultipliée sur les plans personnel, familial, national, y apparaît à la fois comme « une fatalité » indépassable mais aussi comme l’inépuisable relance des jeux parodiques qui constituent les textes. A. Mercier se garde de répondre de manière trop catégorique à la question de savoir si « [l]a quête identitaire ouvre un nouveau chapitre de son histoire », mais elle constate cependant que l’identitaire s’est déplacé : posé dans « une logique de l’hétérogène et du décentrement » dans les années 1980, il obéit, dans les reprises et les parodies des textes des années 2000, à une logique du « cumul » et de « la porosité ». Sans doute est-ce moins la dimension parodique de la question identitaire qui signale ici une transformation, que son statut en quelque sorte topologique, statut par lequel elle semble rejoindre, dans ces textes, une sorte de répertoire thématique des choses anciennes (qui comprendrait aussi la ruralité stylisée que la critique désigne parfois sous le terme de néo-régionalisme[18]). On n’assisterait plus alors seulement à une remise en question de la dimension identitaire, mais bien davantage à quelque chose comme sa folklorisation, donc à son renvoi au passé.

Liée à l’identité, la langue d’écriture connaît-elle le même sort et devient-elle, dans une certaine mesure, une question obsolète ? Dans « Un roman, ses langues. Prolégomènes », Benoît Melançon soutient, à la lecture d’un corpus de près d’une quarantaine de romans parus au cours des quinze dernières années, que, sous la diversité des procédés, les langues du roman québécois contemporain se caractérisent par un usage de plus en plus « décomplexé » de l’ensemble du spectre des niveaux et des français, oral et écrit, local et hexagonal, populaire/familier et lettré/savant. Certes, il nuance l’analyse en montrant, notamment par l’emploi erratique des marques de soulignement comme l’italique, que la situation est loin d’être uniforme ou stable. Mais il se demande si la « surconscience linguistique » qu’à la suite de Lise Gauvin, à qui on doit ce syntagme[19], la critique a érigée en paradigme, continue d’être un concept opératoire pour l’étude des corpus de l’extrême contemporain. Pour autant que le phénomène analysé par B. Melançon ne soit pas (ou pas seulement) le remplacement d’une obsession linguistique par un impensé de la langue, on avancera que les notions de « cumul » et de « porosité », auxquelles A. Mercier a recours pour décrire le traitement de l’identitaire dans les romans contemporains, permettraient également de rendre compte des rapports à la langue d’écriture étudiés dans « Un roman, ses langues ». Comme le souligne B. Melançon, beaucoup d’exemples cités manifestent en effet des reconfigurations inédites de l’oral et de l’écrit, du français du Québec et du français dit « international », sur lesquelles ne plane aucune réflexion métalinguistique explicite, tout comme semblent ici absents (ou déplacés) les topoï, si longtemps prégnants au Québec, de la langue « empêchée » ou « menacée ». Ces « prolégomènes » engagent la critique à explorer plus avant le lecteur implicite qu’esquissent ces romans qui semblent sûrs de leurs langues, et à mettre leurs pratiques langagières en perspective avec toute une politique de la langue qui, de Michel Tremblay à Parti pris et de Miron à Ducharme, a si longtemps déterminé la lecture de la littérature québécoise.

En éclairant certains aspects du fonctionnement de maisons d’édition dont la création, en une décennie, constitue l’un des réaménagements les plus visibles du champ littéraire, ce dossier souhaite en interroger les conséquences pour la fiction narrative des années 2000 au Québec. Il amorce une réflexion sur la nature et l’étendue des changements qui s’opèrent et sur les critères qui permettent de les mesurer au sein de ces nouvelles maisons mais aussi plus largement au sein de la production narrative récente.