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La relation entre les Inuits du nord du Québec et du Nunavut et les instances colonisatrices diffèrent quelque peu de celles avec les contrées plus au sud, cette volonté de coloniser le Grand Nord canadien et d’assimiler les Inuits demeurant relativement récente (plus ou moins quatre-vingts ans). C’est d’abord la curiosité envers ce peuple aux moeurs étrangères qui amena de nombreux explorateurs (dont Lyon, Hall, Boas et Rasmussen) à sonder les terres nordiques canadiennes et le mode de vie particulier de ses habitants. Ces premiers médiateurs de la culture inuite ont contribué, par leurs écrits, à notre compréhension d’une culture complexe longtemps caractérisée par sa relation au territoire et ses croyances liées au chamanisme. La prise en charge récente de leur image et le renversement de leur représentation par les Inuits, entre autres à l’aide d’outils (cinéma, télévision, radio) d’abord créés et utilisés par cette altérité radicale que représente le Qallunaat (l’homme blanc, l’étranger), ramènent inévitablement à la question de la présence d’un tiers dans le champ cinématographique inuit ainsi qu’au genre de relation que le cinéma a tissée entre ces deux entités. Demeurant à ce jour peu explorées dans le domaine du cinéma, l’identification et la classification de la figure du tiers demeurent des moyens efficaces d’articuler cette relation multidimensionnelle surgissant dans l’entre-deux d’une rencontre cinématographique et interculturelle, entre autres en proposant une nouvelle lecture de la différence où la complexité du réel se forge à partir d’une médiation trouvant sa voie (voix) à travers de nouveaux paradigmes circonscrits par des auteurs autochtones tels que Michelle Rajeha (2010), Audra Simpson (2014), Philippe Deloria (1998) et Glen Coulthard (2014). De même, si la figure du tiers est, dans le domaine de l’anthropologie, rattachée à la constitution de l’identité, au fondement de l’ordre social et à la médiation symbolique, nous verrons qu’en ce qui concerne le cinéaste-médiateur (qu’il soit blanc ou autochtone), ce dernier nous permet d’aller à la rencontre à la fois de ce qui sépare et de ce qui unit, dans un mouvement de renversement des rôles où ce tiers absent représenté par la figure de l’autochtone se métamorphose, caméra en main, en passeur de mémoire. Il en va de même pour les réalisateurs allochtones, dont l’empreinte tenace du regard extérieur sur la différence de l’autre est partiellement effacée par une culture filmique autochtone ayant pris avec conviction le relais de leur représentation, en s’investissant dans la révision et le recadrage des récits (autochtones ou non) privilégiant leur participation. Enfin, nous verrons comment les créateurs, activistes et intellectuels autochtones redéfinissent l’acte de médiation du cinéaste de par leur reconfiguration symbolique des images et du processus de réalisation.

Représentations autochtones et relecture du mythe de l’Indien qui disparaît

Les peuples autochtones et inuit furent, dès la naissance du cinéma, des sujets de prédilection pour ces cinéastes amateurs qui, sillonnant la planète en quête d’images exotiques susceptibles de séduire le regard du spectateur, se présentent comme les premiers médiateurs de ces cultures envisagées selon le point de vue du colonisateur et de l’anthropologue/explorateur. Bien souvent armés d’outils de captation primitifs, de connaissances rudimentaires en matière de cinéma et surtout de bonnes intentions, ces missionnaires de l’image se feront les porte-voix de civilisations à première vue contraintes au silence (absence de son oblige). En effet, ces derniers donnent à voir et mettent en scène l’étrange et l’extravagant de cultures formées d’individus qui en viennent à prendre l’apparence du milieu qui les entoure, pour ensuite reproduire cette image caricaturale qu’ils incarneront avec le plus grand naturel[1]. Aux États-Unis, la plupart des oeuvres fictionnelles hollywoodiennes (The Way of the Eskimo, 1911; Man of Two Worlds, 1934; Igloo, 1932, etc.), lorsqu’elles n’ignorent pas complètement la présence blanche, en réalisant par exemple des films situés dans un temps qui précède les premiers contacts, abordent la relation Inuits/Qallunaats de manière dichotomique. De fait, ces deux entités sont constamment mises en opposition, les acteurs inuits devant de surcroît apprendre et réciter dans leur langue ou dans la langue du colonisateur un texte qui ne fait que les éloigner davantage de leur culture, le dialogue interculturel étant par ailleurs inexistant (Aleiss 2005 : 43-45). Avec le film Nanook of the North (1922), Robert Flaherty sera le premier à consacrer pour la postérité le mythe de l’autochtone naïf et conciliant, cristallisant l’identité inuite dans un inventaire d’idiosyncrasies immuables qui profiteront aux grandes industries, par exemple à travers la popularisation des Eskimo Pies et autres produits inspirés par le sympathique Nanook (Hundhorf 2000 : 124-125). Toujours à l’époque du muet, le pictorialiste et ethnologue Edward Curtis se verra reprocher son approche purement colonialiste et sa représentation erronée des peuples de l’Ouest canadien en ce qui concerne le très médiatisé In the Land of the Headhunters (1914). Or, au-delà des reproches adressés à Edison, Flaherty et Curtis, qui mettent en scène une version exotique ou romancée des cultures autochtones et inuite, l’intellectuelle d’origine sénéca Michelle Raheja envisage plutôt la reconnaissance de l’empreinte autochtone au sein de ces productions dans lesquelles de nombreux autochtones et Inuits s’engagent à divers niveaux, que ce soit en tant que consultants, assistants techniques ou caméramans (Raheja 2010 : 195). De même, l’auteure souligne l’impact positif du film Nanook sur les générations subséquentes d’Inuits (et, j’ajouterais, sur les cinéastes du direct) qui s’inspireront du mode de production collaboratif de Flaherty pour produire de nouvelles oeuvres visuelles, tout en se réjouissant de voir à l’écran la force et le courage de leurs ancêtres (ibid. : 196). Décrivant ce mode de lecture qui déconstruit les représentations occidentales pour redonner une forme de pouvoir culturel aux autochtones et aux Inuits comme étant partie prenante d’un concept nommé « souveraineté visuelle » (visual sovereignty), Raheja introduit dans la donne un nouvel agent médiateur ou tiers – soit le discours intellectuel et revendicateur autochtone – qui apporte davantage de nuance à l’argumentaire plaçant l’autochtone dans le rôle de victime muette de sa représentation. Allant plus loin encore dans cette réflexion, l’historien d’origine dakota Philippe Deloria nous rappelle, dans son ouvrage intitulé Playing Indian (1998), comment la fabrication de l’identité américaine est intrinsèquement liée à l’inclusion de l’indianité dans la création du mythe de l’Amérique, l’homme blanc américain ayant personnifié, fantasmé et s’étant approprié la figure de l’Amérindien à diverses époques (Révolution, conquête de l’Ouest, contre-culture) de son histoire. Considérant cette instrumentalisation de ce que Bruno Cornellier nomme la chose indienne, i.e. un artéfact culturel et une indianité au service de l’État et de l’image projetée vers l’extérieur (par exemple le Canada et ses inukshuks, capteurs de rêves, igloos et autres objets désacralisés au profit du libéralisme), la souveraineté visuelle devient un outil qui sert à réfuter, contredire et renverser l’intrusion coloniale.

Cela dit, du côté du cinéma québécois, les prêtres documentaristes (1930-1960) au service de l’État et de ses visées colonisatrices seront les premiers à prendre la parole au nom des peuples autochtones du Québec. Au-delà de leur discours (prononcé en voix-off ou en direct) généralement truffé de phrases condescendantes et de descriptions telles que : « les Sauvages ne sont jamais bien pressés » et « ils sont bien sympathiques les petits Indiens » (En pays neufs, Proulx, 1937), les prêtres-cinéastes contribuent, tout comme Flaherty et Curtis, à fournir aux autochtones des images qui reflètent une période transitoire de leur histoire. Qui plus est, l’oeuvre ethnographique du prêtre Louis-Roger Lafleur (1940-1966) se distinguera de celles de ses prédécesseurs, la majorité de ses documentaires étant vouée à la représentation respectueuse et chaleureuse des Premières Nations du Québec ainsi qu’à la réhabilitation de l’image des Amérindiens auprès de la population blanche.

L’arrivée de techniques légères et synchrones dans les années 1960 permettra à des documentaristes québécois engagés tels qu’Arthur Lamothe (Mémoire battante, 1983) et Pierre Perrault (Le goût de la farine, 1977) de véritablement donner la parole aux autochtones du sud de l’Arctique, les cinéastes du direct limitant leur parcours au nord du Québec. Filmés au moment où le Québec vivait une période clé de son histoire, celle d’une révolution tranquille caractérisée par la volonté du peuple québécois de se rêver un pays à l’abri de l’emprise de l’État et du clergé, les documentaires issus du direct présentent l’autochtone tel un miroir pour le Canadien français, lui aussi opprimé et symboliquement mis à mort par le colonisateur. Perrault et Lamothe marcheront ainsi sur le territoire à la recherche de ses habitants et d’une parole qui enracinera leurs convictions identitaires. Cette grande aventure en pays étranger constituera l’intégrale de l’oeuvre du cinéaste d’origine gascogne Arthur Lamothe. L’investissement de plusieurs années passées en terre innue et la caméra discrète du cinéaste lui permettront de gagner la confiance des Innus et de récolter des témoignages authentiques d’aînés, qui révèlent au spectateur un savoir spirituel et des pratiques rituelles jusqu’alors cachés. Comme Robert Flaherty avant lui, Lamothe donne aux protagonistes un droit de regard sur l’oeuvre et s’intègre peu à peu à la communauté tout en conservant une distance respectueuse avec le groupe qu’il filme. L’approche dialogique et la profonde humilité du cinéaste devant une culture qu’il admire, ainsi que sa transparence et sa volonté de voir sa présence éclipsée par le discours des aînés, lui octroient le rôle de conciliateur ou de « tiers dans un dialogue », en ce sens où son éthique de travail permet « le dépassement des schémas symétriques qui font entrer la parole soit dans une communication sans reste, soit dans un jeu de retournements contradictoires dont l’escalade peut mener à la violence » (Dahan-Gaida 2007 : 19). Le point culminant de son oeuvre demeure le long et fascinant documentaire sur les pratiques religieuses des Innus, Mémoire battante (1983), d’une durée totale de neuf heures. Véritable testament visuel et ode à la culture innue, Mémoire battante se révèle un document précieux pour les jeunes générations qui peuvent à nouveau entendre, et possiblement ré-apprendre les vocables anciens d’une langue qui se conjuguait encore à cette époque au temps nomade.

Par ailleurs, devant la caméra peut-être davantage intrusive de Pierre Perrault, et certainement devant ces protagonistes blancs venus en pèlerinage au pays des Indiens, les Innus visités par Perrault demeurent quant à eux silencieux. Évoluant dans l’ombre du biologiste (Didier Dufour), de l’archéologue (Serge-André Crête) et de l’ethnolinguiste (Josée Mailhot) venus s’immiscer dans leur quotidien à la demande du cinéaste, ceux-ci seront témoins de l’ampleur des dégâts causés par la dépossession de leurs territoires et l’assimilation (période des pensionnats). L’omniprésence du prêtre médiateur, interprète et traducteur (Alexis Joveneau) amplifie cette impression que les Innus, infantilisés, ne sont que prétexte à questionner le cheminement du peuple québécois et le rôle qu’il a joué et continue de jouer dans ce génocide culturel. De même, comme la plupart des Innus-Montagnais ignorent la langue française, le missionnaire Alexis Joveneau, par sa volonté de raconter le vécu des Innus, devient le principal narrateur de leur histoire, éclipsant la langue traditionnelle derrière la présence et le ton exubérant du colonisateur qui s’est approprié la langue du colonisé – le sens de l’histoire ayant été égaré quelque part dans le processus de traduction (Bertrand 2009 : 86). Et alors que les principaux protagonistes allochtones (Didier et Josée) abordent avec prudence la réalité autochtone, c’est-à-dire celle d’un peuple qui demeure de plusieurs façons colonisé par l’État, l’anthropologue Serge-André Crête, issu d’un milieu urbain défavorisé qu’il compare à une réserve autochtone, cherchera au contraire à attirer la sympathie des Innus en buvant avec eux et en participant à un rituel de sudation. Ce faisant, il joue malgré lui le rôle invoqué par Deloria dans Playing Indian, soit celui du sympathisant « à la recherche d’un soi national idéal, et qui tente de découvrir quel serait son nouveau mode de conscience » (1998 : 9). Après la diffusion de son film, Perrault avouera l’échec cuisant qu’il ressent face à une aventure qu’il décrit ainsi :

Je les tutoie. Nous sommes frères. Je leur manifeste des tonnes de sympathie transculturelle et de curiosité à l’abri de tout remords. Et du même élan, je les cinématographie comme n’importe quel Américain de passage dont pourtant je questionne l’impérialisme. Et je les repousse peut-être dans une image artisanale dont ils ne parviendront pas à justifier la désuétude.

1985 : 294

Ce mouvement postcolonial de réhabilitation de l’Autre, exacerbé au Québec par un climat social où les militants de gauche sont aussi les artistes/cinéastes qui se sont donné pour mission de réchapper les exclus sociaux, ne fait qu’exacerber la logique des engagements binaires conduisant à une pétrification de l’altérité. Le cinéaste et ses représentants dans la diégèse peuvent ainsi être perçus comme une instance parasitaire (ou invité abusif) s’interposant dans une relation où les échanges sont saturés de bruit ou d’interférences, à un point tel qu’ils ne permettent pas une circulation généralisée du sens, le dialogue Blanc/autochtone demeurant superficiel. À la limite, la prise de parole sans fin des intervenants et le mutisme du réalisateur qui se cache derrière ses protagonistes servent à dissimuler leur malaise et à éviter un silence qui contribuerait à accroître le fossé séparant les deux clans. Ainsi, si les protagonistes blancs ressortent de cette expérience avec une soi-disant meilleure connaissance de la culture autochtone et, surtout, des conditions de vie dans les réserves, le contraire n’est pas nécessairement vrai, et l’on peut aisément se poser la question à savoir si les Innus ont retiré un quelconque bénéfice de cette rencontre. Une question que semble aussi se poser le cinéaste lorsqu’il déclare ceci :

Pour excuser notre sollicitude, nous invoquons le fait que nous nous efforcions de leur donner la parole. Mais le silence est grand qui sépare nos esprits. Entre eux et les Blancs il y a cet étrange langage du commerce […] On ne me fera pas dire que le fusil n’est pas supérieur à l’arc quand le repas du soir dépend de la distance qui sépare le chasseur du gibier fugace. Mais qu’avons-nous fait pour rapprocher les cultures, pour partager au lieu d’échanger ?

Perrault 1985 : 297

Bref, en tentant de prendre la parole à la source, le cinéaste récolte un silence ; celui de la résistance innue qui se présente tel un acte, non pas de résignation, mais bien de survivance. Et le cinéaste avouera son dénuement parce qu’une fois de plus, en cherchant une image de lui-même, il se voit confronté à l’humilité de sa condition.

La revanche de Nanook : la trilogie d’Igloolik et les métamorphoses du cinéaste-chamane

En ce qui concerne plus spécifiquement les Inuits, les documentaires réalisés par l’Office national du film du Canada (ONF) dans les années 1960-1970 ne révèlent guère davantage que ce qu’affirme Perrault à propos du lien commercial unissant Blancs et autochtones : « […] j’ai compris que leur humanité les rendait extrêmement vulnérables à notre comptabilité » (1985 : 282). Ces liens marchands, présents depuis l’instauration d’un système mercantile « fondé sur des avances de crédit qui attachaient les trappeurs au marchand de fourrure et à la production en vue de l’échange », se transforment rapidement en liens filiaux. Les Inuits subissent de manière accélérée les transformations imposées par cette figure paternelle, à travers laquelle l’identité inuite s’effritera rapidement après la Seconde Guerre mondiale, au moment de la sédentarisation forcée des peuples du Nord (Simard 1983 : 58). Et si certains documentaristes onéfiens tels que Quentin Brown (Fishing at the Stone Weir, At the Spring Sea Ice Camp) incarnent, comme quelques-uns de leurs confrères de l’équipe française, ce passage de l’ultra-blanc (il faut convertir et civiliser le Sauvage) à l’infra-blanc (protecteur du bon Sauvage), en tendant une perche aux Inuits via des courts métrages où les personnages s’expriment en inuktitut, l’absence de sous-titres maintient le spectateur étranger à bonne distance d’une culture somme toute racontée, au point de vue des images, par un cinéaste blanc (ibid. : 61). Le sujet inuit demeure ainsi un être distinct, séparé de l’homme blanc par des moeurs étranges, par un langage incompréhensible, par un territoire lointain, désertique, troublant, exotique, que les nouvelles techniques parviennent parfois à rendre plus familiers. Plus récemment, le long métrage de fiction québécois Ce qu’il faut pour vivre (Benoît Pilon, 2008) démontre l’impossibilité d’un dialogue interculturel véritable sans ce mouvement d’ouverture et de dynamisme où l’intégration et la compréhension de l’autre passent par une volonté de communiquer qui se situe au-delà des mots et de la parole. De fait, si les difficultés d’adaptation qu’éprouve l’Inuit Tivii (le personnage principal) lors de son arrivée au sanatorium québécois sont en liaison directe avec l’incapacité d’engager une conversation significative avec les autres patients non inuits, la perte de sa volonté de vivre est davantage en lien avec son incapacité de nouer des liens et surtout de transmettre une connaissance de sa propre culture qui sera éventuellement intégrée par le jeune Inuit (métis) Kaki. Ce dernier viendra briser l’écran de la solitude en accueillant la parole de Tivii, une parole qui donnera vie à tout un pan de son identité inuite. Malheureusement, dans le film, la réciprocité des échanges entre Tivii et Kaki ne s’étend pas aux relations qui seront entretenues avec les autres personnages, et le cercle relationnel fermé que forme le duo Kaki/Tivii ne fait qu’accentuer la fracture interculturelle Blanc/Inuit, où le mur invisible de la confrontation avec soi se heurte inévitablement aux écueils de l’autre. Enfin, Ce qu’il faut pour vivre se présente avant tout comme un récit de résilience et de survivance, une survivance qui ne peut s’accomplir en dehors de l’acte de transmission, dans ce haut lieu du langage où l’acte de raconter transforme l’absence ou l’invisibilité du sujet autochtone en présence, en continuité.

En lien avec le concept de résilience, les courts métrages qui seront réalisés dans la décennie 1980-1990 par l’équipe d’Igloolik Isuma Productions auront comme sujet principal la culture traditionnelle inuite avant l’établissement de campements permanents (mode de vie sédentaire). Ces courts métrages chercheront à redynamiser l’image somme toute figée d’une culture bien souvent classée dans des catégories absolues, celles-ci se résumant jusqu’alors principalement aux coutumes (chasse et autres traditions menacées d’extinction) ainsi qu’aux objets utilisés dans le Grand Nord, soit l’igloo, le parka, le kayak et le traîneau à chiens. À travers un documentaire comme Qaggiq, par exemple, le réalisateur Zacharias Kunuk cherche à montrer que l’identité inuite « n’est pas une réalité fixée une fois pour toutes […] mais constitue un projet mouvant dans une situation historique changeante » (Simard 1983 : 56). À cet égard, l’Anichinabe G. Vizenor caractérise ce qu’il nomme la survivance autochtone comme étant reliée à la continuité, à la transmission des récits (légendes, autobiographies, témoignages) et à la reconnaissance de la richesse de leur culture par les Inuits qui persistent et trouvent des façons de renouveler leur empreinte culturelle (2008 : 1). À travers les sujets abordés dans Qaggiq, Kunuk souhaite ainsi faire comprendre aux spectateurs que l’aspect magique de la vie traditionnelle ne s’éteint pas au moment des premiers contacts, ni avec la disparition d’objets fondamentalement inuits, les changements induits par la présence blanche ne pouvant diminuer « l’adaptabilité, la patience, la force morale et la créativité avec lesquelles les Inuits affrontent leur réalité » (Evans 2008 : 109). Cette créativité s’exprime, entre autres, par la capacité d’adaptation extraordinaire des Inuits, par exemple à travers cette habileté des conteurs à ramener le passé au présent afin de respecter la mobilité du temps et le mouvement de l’histoire, ou dans cette interchangeabilité des objets (traîneau à chiens/motoneige, harpon/fusil, igloo/cabane) qui conserve, au-delà de la surface matérielle, un symbolisme constamment réactualisé. Ainsi, au-delà du sujet du film apparaît une philosophie, une éthique du tournage qui situe l’action dans un temps mouvant. Les nombreux anachronismes, par exemple une montre portée au poignet dans une scène ayant lieu en 1930, ne sont pas dissimulés à l’oeil du spectateur qui comprend rapidement qu’il a affaire à une reconstitution de l’événement. Ce faisant, cette façon de concevoir le processus de création du film dans la transparence permet une réhabilitation du statut de victime de la figure inuite présentée comme étant désormais activement engagée dans la représentation et la transformation de sa culture. Conséquemment, ce point de vue de l’intérieur qui redonne un pouvoir à l’individu ainsi qu’à la collectivité encourage un repositionnement de la relation (inégalitaire) Blanc-Inuit vers des sphères où une communication véritable est possible :

Fondamentalement, Kunuk et les autres membres d’Isuma s’attendent à ce que les spectateurs acceptent l’image de la vie inuite créée par la vidéo. C’est une forme de communication qui joue un rôle dans la négociation de la culture inuite, et grâce à la durabilité et à la constance des médias enregistrés la vidéo est positionnée de manière à influencer cette négociation dans les années à venir. L’objectif n’est pas l’illusion mais bien la persuasion, la présentation d’un point de vue global et d’un respect de la culture que les producteurs d’Isuma espèrent voir accueillis avec sympathie.

Evans 2008 : 111

Les documentaires d’Isuma Productions faisant partie de la trilogie des années 1930 (1930’s Trilogy) ainsi que les treize épisodes qui constituent le Nunavut Series (1998) amorcent alors une manière de faire, de voir et de représenter la culture inuite qui participera au remodelage d’une identité ayant fait à l’écran l’objet de multiples négociations (voir isuma.tv/isuma productions). Le mérite des fondateurs d’Igloolik Isuma Productions est d’avoir compris dès le début de leur projet qu’il ne suffit pas de mettre une caméra vidéo entre les mains des Inuits pour vaincre le colonialisme occidental et récupérer ce qui a été perdu, mais qu’il faut prendre le contrôle du médium et de la technique afin de les façonner pour se reconnaître dans la manière de manipuler, d’organiser et de dévoiler ce que leur révèlent secrètement et magiquement ces instruments. De même, l’engagement communautaire et les retombées économiques associées au processus de production participent à l’économie locale ainsi qu’à la fierté des individus (couturiers, cuisiniers, consultants, etc.) qui sont partie prenante de cette nouvelle communauté filmique (Ginsburg 2003 : 827-831). L’empreinte de la culture étrangère, présente sous différentes formes dans ces documentaires ainsi que dans la trilogie d’Igloolik, se fait ainsi moins menaçante car elle semble faire partie d’un choix conscient, celui d’une « quête de l’essentiel qui accepte d’emprunter des formes et des vocables inconnus afin de préserver l’origine » (Kattan 1996 : 50).

Dans Atanarjuat, cet emprunt à la culture de l’autre se manifeste à travers un choix, celui de conclure le récit en ne respectant pas les versions originales de la légende, où le héros piège et exécute ses adversaires afin d’assouvir son besoin de vengeance. En optant pour une fin située à l’antipode des nombreuses variations du conte transmises oralement par les aînés, où la soif de vengeance est substituée au pardon et au besoin impérial de faire cesser toute forme de violence, et ce afin d’assurer la survie et l’équilibre de la communauté, le récit se dote d’une connotation contemporaine (pour ne pas dire chrétienne) que l’on ne peut ignorer. Malgré l’absence de protagonistes blancs dans le récit (l’action se déroule avant les premiers contacts), une présence étrangère se fait sentir, et ce jusque dans le fond sonore d’où émane le chant nouveau des violons et du didgeridoo, ce dernier instrument se voulant un clin d’oeil discret à des cousins lointains, les Aborigènes de l’Australie. Et si certains aspects de ce film semblent à prime abord subversifs, touchant des problèmes principalement liés à la compréhension du récit par le spectateur étranger (par exemple l’absence de sous-titres en ce qui concerne certains dialogues et le manque flagrant d’explications en ce qui a trait au chamanisme et autres aspects méconnus de la culture traditionnelle inuite), leur présence engendre une prise de conscience où la compréhension de l’Autre débute par une remise en question de la culture occidentale comme centre absolu (Serruys 2008 : 142). À cet égard, le dernier documentaire de Kunuk (Angirattut, 2015) réalisé en inuktitut, ne présente aucun sous-titre, le réalisateur disant vouloir envoyer par ce geste un message clair : que ce documentaire s’adresse d’abord et avant tout à son peuple, les sous-titres n’étant qu’un symbole de l’emprise des colonisateurs sur le contenu du film projeté. Dans ce contexte, la contribution de l’étranger, à l’intérieur et à l’extérieur de la diégèse, est d’abord perçue par le cinéaste comme non essentielle, et non plus comme un agent de médiation visant l’enrichissement des cultures et la modification des catégories dans lesquelles les normes occidentales ont placé les peuples autochtones, un point de vue que ne partage guère le critique Lucas Bessire qui affirme au contraire :

[…] De tels films sont révélés comme étant des systèmes biculturels à travers lesquels les points de vue autochtones peuvent être exprimés. Cette fluidité multiculturelle (qui peut être dans certains cas retracée grâce à la participation d’individus non autochtones tels que Vincent Carelli, Terence Turner, Eric Michaels et Norman Cohn) favorise le succès de films tels qu’Atanarjuat, en adaptant les pratiques significatives de la société dominante tout en cherchant à ébranler et à changer la nature même du primitivisme qui les motive et les informe.

Bessire 2003 : 833

Si l’on s’en tient au point de vue de Kunuk, ce soi-disant multiculturalisme présent dans ses oeuvres est largement éclipsé par le contenu et la forme qu’il affirme authentiquement inuits, créés par et pour son peuple. Ce faisant, il revendique ce que le Déné Glen Coulthard (2014) nomme l’autoreconnaissance (self recognition), c’est-à-dire non plus la recherche d’une reconnaissance de la part du colonisateur ou de l’Autre mais bien le rejet de toute forme d’oppression venant de l’extérieur. Dans le long-métrage TheJournals of Knud Rasmusssen (2005), ce geste d’autoreconnaissance est omniprésent à travers le traitement du sujet (la quasi-extinction de la culture inuite par des objets et une religion importés par les Blancs), le récit étant narré de manière à éviter l’éternel affront mauvais Blanc/brave Esquimau bien souvent présent dans les oeuvres dénonçant un colonialisme qui ne fait que changer de visage au fil du temps. Ainsi, les protagonistes blancs pourtant présents tout au long du récit se font davantage les visiteurs, ou plutôt les spectateurs d’un peuple et d’un mode de vie qui les fascine. La relation commerciale avec le clan du chamane Avva sert ainsi de prétexte à l’explorateur Knud Rasmussen, qui observe, absorbe et écoute attentivement les témoignages du chamane afin d’ajuster ses fréquences aux mêmes ondes que celles du clan qui l’accueille, lui et ses compagnons. Ce mouvement de solidarité de Rasmussen envers les Inuits et sa volonté de s’intégrer au clan qu’il accompagne sont démontrés à quelques reprises dans le film, et d’abord dans une scène où l’explorateur affamé refuse l’invitation à manger du clan « ennemi » (i.e. christianisé), dont l’offre d’hospitalité se limite aux convertis, ce qui exclut bien entendu le clan du chamane, comme le démontre le dialogue suivant :

Prêtre inuit converti (se tournant vers Knud et ses compagnons) : « Des hommes blancs ! Chrétiens ! Venez ici ! Allez, mangez ! » (Puis s’adressant en inuktitut à ses compatriotes) : « Soyez bons envers ces chrétiens blancs, Dieu souhaite que nous les nourrissions ! »

Natar (membre du clan d’Avva), s’adressant à Knud : « Allez! Ne soyez pas timides… Ils vous veulent davantage avec eux que nous. Allez chanter avec eux et prenez à manger. »

Knud Rasmussen: « Nous sommes avec vous, Natar, n’est-ce pas ? Nous mangeons ou nous ne mangeons pas, mais nous le faisons ensemble. »

notre traduction

Cette séquence du film, en correspondance avec la structure générale de la trame narrative, indique au spectateur qu’il existe un mouvement réciproque d’influence entre les deux cultures et que, si l’influence de l’homme blanc sur le peuple inuit est à première vue plus flagrante, le langage, les moeurs et le savoir-faire inuits ont inévitablement marqué les individus et les collectivités ayant été en contact avec eux sur leur territoire. À cet effet, le deuxième exemple de « conversion » de Knud au savoir-être inuit a lieu alors que le petit groupe formé de quelques membres du clan d’Avva ainsi que de Knud et de ses compagnons de voyage se repose dans un abri de fortune. Alors que les Inuits discutent des actions à prendre afin de se sortir d’une situation difficile (ils n’ont rien à manger et sont loin de leur destination finale), Knud leur demande s’il y a possibilité de prendre contact avec les individus entrevus pendant leur longue marche afin de demander leur aide. Deux membres du clan inuit lui expliquent alors que la « famille » aperçue par l’explorateur est en fait constituée d’Esprits de l’ombre, ces êtres non humains autour desquels circule un pouvoir dangereux et qui ne peuvent être vus par tous. Le fait que Knud est le seul à avoir pris conscience de la présence de ces Esprits (De quoi parles-tu ? lui demande son compagnon) démontre le degré élevé d’ouverture de l’homme qui s’est volontairement laissé imprégner par le territoire et par ses habitants. Ce qui demeure peut-être le plus surprenant, c’est la lucidité avec laquelle la dernière partie du film pose une réflexion sur la division du partage des torts en ce qui concerne les coups portés à la culture traditionnelle inuite. C’est ainsi que le pire ennemi de l’Inuit est révélé, non comme étant l’homme blanc, mais bien l’Inuit lui-même, à travers le personnage du prêtre converti qui est prêt à laisser les siens mourir de faim si ceux-ci refusent la conversion. Dans la même veine, la jeune chamane Apak choisira de se convertir en partie parce que cette nouvelle religion lui offre le pardon inconditionnel que la tradition chamanique lui refuse pour les fautes graves qu’elle a commises. Ce choix conscient du réalisateur de ne pas se servir de l’image abusive du missionnaire blanc (qui est totalement absent de la diégèse) comme un outil de dénonciation, Kunuk ayant recours pour ce faire au discours biblique récité par le prêtre inuit, permet la transmutation de la victime en individu prenant la pleine responsabilité de ses choix (avec toutes les réserves et les limitations que ces choix impliquent, malgré la participation de l’étranger). Ce faisant, l’absence de blâme et l’établissement d’une crédibilité des personnages en relation les uns avec les autres, et qui ne sont pas soumis aux relations dichotomiques prévalant dans les productions hollywoodiennes, font qu’un des objectifs du réalisateur, soit de réitérer la présence d’une souveraineté inuite au sein de leur territoire, peut être plus aisément atteint. Enfin, en soulignant l’évidence de l’évolution et les avantages pour le peuple inuit d’adopter certains rituels ou certains objets et produits étrangers en toute connaissance de cause (sans toutefois en devenir les esclaves), Le Journal de Knud Rasmussen participe à l’allègement du fardeau autochtone où l’homogénéité et l’intégrité culturelles ne sont plus garantes de la préservation et de la sanité du corps (territoire) et de l’esprit (culture, spiritualité) d’un peuple.

Dans le même ordre d’idées, malgré l’absence physique de protagonistes blancs dans le dernier volet de la trilogie d’Igloolik, Le jour avant le lendemain (Cousineau et Ivalu, 2008), la tragédie du premier contact est matérialisée à travers les aiguilles de métal, cadeaux empoisonnés de l’étranger et symboles de l’infection qui touche à la fois le corps physique et le tissu social des communautés déchirées entre deux mondes. Les conséquences de cette contamination, c’est-à-dire la mort de tous les habitants du clan hormis une grand-mère et son petit-fils réfugiés sur une île, serviront de prétexte aux événements qui forment la trame principale du récit, soit les épreuves encourues par les deux personnages principaux pour survivre, en ayant pour outil principal cette médecine du coeur qui se manifeste à travers une parole (contes et chants) maternelle venue adoucir les contours tranchants d’une histoire autrement apocalyptique pour le peuple inuit. Par ailleurs, cette culpabilité de l’homme blanc porteur de destruction est en partie obnubilée par une réattribution des torts aux maladies épidermiques, qui sont généralement envisagées comme l’oeuvre malheureuse du destin, « le procès des microbes comportant le grand avantage de déculpabiliser les hommes blancs qui sont eux aussi les victimes de ces agents pathogènes » (Sioui 1999 : 9). De même, les quelques scènes du début du film, où il est question de cet énigmatique Quallunaat aux moeurs étranges (et amusantes), dépeignent avec justesse les premières impressions qu’ont les Inuits de ces allochtones avant l’instauration d’une relation socialement déterminante, l’Inuit ne voyant en lui « qu’un simple étranger auquel, en vertu d’un chauvinisme serein, il se trouvait supérieur » (Simard 1983 : 56). Or, le récit moqueur et ponctué de rires de l’Inuit racontant les comportements étranges de l’homme blanc qui, intoxiqué par l’alcool, « ce liquide au goût atroce qu’il nous offre mais qu’on ne peut avaler parce qu’il brûle la gorge, semble perdre la tête, titubant, riant et souhaitant ardemment copuler avec nos femmes, nous cédant en échange de ces corps chauds quelques aiguilles » (extrait du film, notre trad.), prend une dimension dramatique lorsque, quelques scènes plus loin, la caméra nous montre les images des corps ravagés par la maladie, les pustules recouvrant la peau des cadavres aux visages défigurés, exprimant le désarroi et la souffrance d’un peuple foudroyé par le feu de la fatalité.

À travers ce fil ténu d’un temps filmique où la lenteur des mouvements et les nombreux silences permettent au spectateur d’effectuer mentalement des allers-retours dans le temps et l’espace, ces images d’un village défiguré par le passage d’agents de contamination peuvent aisément être substituées à celles plus récentes de communautés luttant encore contre l’effritement du tissu social tandis que les maladies, l’alcool et le bouleversement des moeurs contribuent à l’augmentation effarante du taux de suicide. Or, à l’instar des personnages du Journal de Knud Rasmussen, les réalisatrices évitent de sombrer dans le piège de la victimisation en faisant de leurs protagonistes (en l’occurrence une grand-mère et un petit garçon) des êtres prenant en main leur destin, en usant pour survivre de connaissances et de pratiques héritées de leurs ancêtres. La présence en creux de ces derniers, évoqués à travers l’élément de l’eau, offre un support moral inestimable aux personnages, dans des moments éprouvants où la solitude menace d’éteindre la flamme de l’espoir. À travers le courage et la détermination des protagonistes principaux, Ninioq (la grand-mère) et Maniq (le petit-fils), se manifeste clairement la résilience d’un peuple qui refuse de céder à l’isolement et de se laisser abattre en se laissant gruger de l’intérieur. Les personnages redonnent vie à cette âme inuite via le pouvoir de la parole, et surtout à travers la réactualisation des enseignements qui offrent aux Inuits des outils de reconquête culturelle. Ainsi peut-on assister à la création de nouveaux héros non conventionnels, en ces individus qui constituent à première vue les maillons les plus vulnérables et peut-être aussi les plus précieux de la communauté, soit les aînés et les enfants. Cette présence-absence d’un tiers possédant une extériorité concrète (objets contaminés) et une intériorité abstraite (médiation symbolique) engendre alors une reterritorialisation de la langue dans un lieu « contaminé » par l’autre. Il n’en demeure pas moins que cette présence en creux d’un tiers parasite[2] et étranger abusif, tenu comme étant partiellement responsable du sort de ces individus, hante le film, s’insinuant dans les interstices de l’histoire sous la forme d’un non-dit qui prend la texture d’une épaisse fumée qu’on ne voit pas mais que l’on ressent.

Enfin, en ce qui concerne le contexte de réception, cette oeuvre hybride, fruit d’une collaboration entre une Québécoise (Marie-Hélène Cousineau) et une aînée inuite (Madeleine Ivalu), offre la chance aux spectateurs inuits de se repositionner en tant que participants engagés activement dans la construction de sens du récit. La sobriété d’une esthétique où l’image s’abstient de dénoncer ou de pointer du doigt en quête d’un coupable, laisse profiler sur le canevas des relations interculturelles l’espoir d’établir un jour de nouveaux ponts vers une meilleure compréhension de l’autre, en donnant « la chance aussi bien aux Inuits qu’aux Blancs de reconnaître, de guérir et de mettre un terme à ces sentiments douloureux » (Barrette 2006 : 55).

En résumé, Gerald Vizenor décrit la nature de la survivance autochtone à travers une présence affirmée dans les récits oraux et la tradition, mais aussi dans la vitalité, l’ironie et le courage moral des peuples autochtones (2008 : 1). La nouvelle génération de cinéastes et d’intellectuels autochtones contribue à ancrer cette survivance dans un discours et des images qui permettent au peuple de ré-imaginer leur culture, en se présentant comme les principaux protagonistes et créateurs de leur histoire. Envisagées dans le cadre de longs métrages où les identités blanche et inuite ne sont plus définies à partir de critères eurocentriques, la figure de l’autochtone et celle du tiers-cinéaste sont un vecteur de transformation qui permet l’émergence d’un espace d’expression redynamisé par de nouvelles façons de lire et de s’approprier des images qui reconnaissent enfin l’apport de l’empreinte autochtone dans notre paysage cinématographique.