Corps de l’article

La présente étude s’intéresse aux situations d’enfants placés auprès d’une personne significative (PS) par les services de protection de la jeunesse du Québec à la suite de l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ). Dans ce texte de loi, il est affirmé que lorsque le maintien de l’enfant dans son milieu familial n’est pas possible, le placement doit se faire dans la mesure du possible auprès des personnes qui lui sont les plus significatives. Ces PS peuvent aussi bien être un grand-parent, une autre personne apparentée à l’enfant comme un frère adulte ou une tante, ou encore un tiers non apparenté comme un voisin. Bien que le placement auprès de PS soit une pratique en croissance, on connaît très peu les caractéristiques des enfants qui en sont l’objet et les particularités de leur placement. Ce manque d’information est d’autant plus préoccupant qu’il s’inscrit dans un contexte où ce type de placement est mis de l’avant dans les principes généraux de la LPJ et où les droits et obligations des PS qui accueillent un enfant en vertu de cette loi sont appelés à changer avec la nouvelle Loi sur la représentation des ressources (LRQ, c-24.0.2). L’objectif du présent article est de décrire les caractéristiques sociodémographiques des enfants placés auprès de PS au Québec ainsi que certaines modalités de leur placement, en les comparant à celles des enfants placés en famille d’accueil (FA).

La plupart des écrits scientifiques sur les placements auprès de PS incluent dans cette notion les placements auprès de personnes reconnues par les services de protection comme des ressources de placement formelles. Une telle reconnaissance vient généralement avec une contribution financière au placement, un soutien clinique et une documentation systématique des allées et venues de l’enfant au sein des ressources. Au Québec, cette pratique était jadis désignée comme le placement en famille d’accueil spécifique (Simard, Vachon et Bérubé, 1998). Cette désignation n’est cependant plus adaptée pour décrire la réalité des PS. Au moment de réaliser la présente étude, une portion importante (bien que difficile à chiffrer), des PS accueillant un enfant n’étaient pas accréditées comme familles d’accueil spécifiques et n’étaient donc pas considérées comme des ressources de placement formelles. Or, les placements réalisés dans des ressources informelles ne sont pas documentés avec le même degré de précision que les autres placements (en FA, en centre de réadaptation ou en foyer de groupe), de sorte qu’il est difficile de reconstituer avec fiabilité la trajectoire de placement des enfants qui en font l’expérience. De récentes études permettent néanmoins d’estimer la fréquence du recours à ce type de placement et d’en identifier certains enjeux.

Aux États-Unis, en 2010, 26 % des enfants placés étaient confiés à une PS (Child Welfare Information Gateway, 2012). En Australie en 2011, ce sont 45,9 % des enfants placés qui le sont chez une PS (Child Family Community Australia – CFCA, 2012). L’évaluation d’impacts des modifications à la LPJ apportées en 2007 a révélé par ailleurs que depuis l’implantation de ces nouvelles dispositions, 33 % des enfants suivis en protection sont placés auprès d’une PS, à un moment ou à un autre, pendant les deux premières années de leur suivi (Hélie, Turcotte, Royer et Lamonde, 2011). Selon cette même étude, il s’agit d’une pratique qui est à la hausse puisqu’elle visait 25 % des enfants placés avant l’implantation de la nouvelle LPJ. Par ailleurs, l’évaluation d’implantation des dispositions relatives au placement auprès de PS (Turcotte, Sanchez, Boucher et Bourdages, 2011) révèle que les intervenants manquent de balises pour évaluer les PS et les soutenir pendant l’intervention.

Les enfants placés auprès de personnes significatives et leur trajectoire de placement

La plupart des études qui se sont intéressées aux caractéristiques des enfants placés auprès de PS proviennent des États-Unis. Elles indiquent que certaines caractéristiques des enfants semblent associées à la décision de les placer auprès d’une PS : l’appartenance ethnoculturelle, l’âge, l’état de santé physique et mental ainsi que la forme de maltraitance en cause dans l’intervention des services de protection. Ces recherches montrent sans équivoque que les enfants qui doivent être retirés de leur famille naturelle sont plus susceptibles d’être placés chez une PS s’ils sont issus de la communauté afro-américaine ou, dans une moindre mesure, de la communauté hispanophone (Beeman, Kim et Bullerdick, 2000; Chang et Liles, 2007; Chipman, Wells et Johnson, 2002; Cuddeback, 2004; Ehrle et Geen, 2002; Grogan-Kaylor, 2000; Schwartz, 2007). Les chercheurs voient dans cette tendance, d’une part, l’héritage d’une longue tradition de recours au réseau familial élargi pour protéger les enfants de l’instabilité familiale et de la perte des parents dans ces communautés, et d’autre part, le résultat d’une stratégie de sauvegarde de la famille et de l’identité familiale (Brown, Cohon et Wheeler, 2002; Scannapieco et Jackson, 1996). Des études australiennes et néo-zélandaises montrent que le placement auprès de PS est privilégié pour les enfants issus des communautés autochtones de ces pays (Smoothy et Butler, 2007; Spence, 2004; Worral, 2001). Cependant, l’étude de Farmer (2009) réalisée en Grande-Bretagne n’établit pas de lien entre l’appartenance à un groupe ethnique minoritaire et le placement auprès de PS.

Au Canada, bien que l’hébergement et le soin des enfants par d’autres membres de la communauté soit une pratique courante au sein des peuples des Premières Nations, la préférence pour le placement auprès de PS par les services de protection ne ressort pas de manière claire dans une récente étude pancanadienne qui compare les signalements d’enfants autochtones aux signalements d’enfants allochtones en 2008 (Sinha et coll., 2011). Selon cette étude, bien qu’en 2008 les enfants autochtones canadiens étaient 11 fois plus souvent placés auprès de PS pendant le processus d’évaluation que les enfants non autochtones canadiens évalués sur la même période, ils étaient également 12 fois plus souvent placés en FA pendant le processus d’évaluation comparativement aux enfants allochtones. Autrement dit, les enfants autochtones canadiens sont plus souvent placés que les enfants allochtones, que ce soit en FA ou auprès d’une PS.

Les résultats de recherche font ressortir un effet de l’âge de l’enfant sur le recours à cette option de placement, mais les résultats sont contradictoires quant au groupe d’âge le plus susceptible d’en faire l’objet (Beeman et coll., 2000; Ehrle et Geen, 2002; Grogan-Kaylor, 2000; Hunt, 2003; Spence, 2004, Vanschoonlandt et coll., 2012 ).

Plusieurs études montrent que le fait de détecter chez l’enfant des incapacités d’ordre physique ou mental, un trouble de comportement ou des difficultés d’apprentissage diminue la probabilité qu’il soit placé chez une PS (Beeman et coll., 2000; Berrick et coll., 1994; Farmer, 2009; Grogan-Kaylor, 2000; Iglehart, 1994; Simard et coll., 1998).

Soulignons également que les enfants victimes de négligence sont plus susceptibles d’être placés auprès d’une PS que ceux qui subissent d’autres formes de maltraitance (Dubowitz et coll., 1993; Farmer, 2009; Grogan-Kaylor, 2000; Iglehart, 1994; Landsverk et coll., 1996; Leslie et coll., 2000; Spence, 2004).

Les études qui ont examiné les résultats du placement auprès de PS indiquent que ce type de placement est plus stable que le placement en FA. Il est associé à moins de ruptures de placement et de déplacements (Chamberlain et coll., 2006; Cuddeback, 2004; Farmer, 2009; Webster et coll., 2000; Winokur et coll., 2008; Winokur et coll., 2009) et à une durée de séjour plus longue (Cuddeback, 2004; Farmer, 2009; Farmer et Moyers, 2008). Il s’agit là d’un des résultats les plus constants de la recherche sur les incidences du placement auprès de PS. D’autres études démontrent que les enfants placés chez une PS sont moins susceptibles de retourner vivre dans leur famille d’origine et d’être adoptés (GAO, 1999; Winokur et coll., 2008).

Des zones grises à explorer

La rareté et les limites méthodologiques des études recensées commandent beaucoup de prudence dans l’interprétation des résultats. Alors que la constitution des cohortes de certaines études est plutôt générale et inclut tous les enfants placés durant une période donnée (Farmer et Moyers, 2008; Rubin et coll., 2008), d’autres études excluent les placements de courte durée (Chamberlain et coll., 2006; Farmer et Moyers, 2008; GAO, 1999; Webster et coll., 2000; Winokur et coll., 2008). Ces placements sont habituellement des mesures d’urgence, temporaires ou transitoires, qui sont appliquées en attendant une décision finale sur l’évaluation, l’orientation ou la révision d’une situation. Selon l’Étude d’incidence québécoise sur les signalements évalués en protection de la jeunesse en 2008 (ÉIQ-2008 : Hélie et coll., 2012; Hélie et coll., accepté), étude réalisée sur un échantillon représentatif à l’échelle provinciale, 3 % de l’ensemble des enfants évalués par les services de protection en 2008 ont été placés auprès d’une PS pendant la première étape du processus de protection, l’évaluation du signalement, avant même que l’évaluation n’ait permis de statuer sur la compromission de la sécurité ou du développement de l’enfant par les faits allégués. Cette étude ne rapporte toutefois pas l’importance du placement auprès d’une PS spécifiquement parmi les enfants placés.

Le processus de protection au Québec

Comme dans les autres provinces canadiennes, le système de protection de l’enfance du Québec se déclenche lorsque la situation d’un enfant de moins de 18 ans est signalée aux services de protection du territoire de résidence de l’enfant. Les services de protection ont alors le mandat d’évaluer la recevabilité du signalement et le cas échéant d’en faire une évaluation approfondie. Le but de cette évaluation est de déterminer si les faits sont fondés et si la sécurité ou le développement de l’enfant est compromis par ces faits. Il arrive que des mesures de protection immédiates et des mesures temporaires, qui peuvent inclure ou non un placement, doivent être appliquées avant même qu’une décision soit prise quant à la compromission de la sécurité ou du développement de l’enfant. Lorsque l’évaluation statue qu’il y a compromission, les services de protection prennent en charge la situation de l’enfant en appliquant des mesures de protection visant à mettre fin à la situation compromettante et à éviter qu’elle ne se reproduise. Encore une fois, ces mesures peuvent inclure ou non le placement de l’enfant. Les situations prises en charge sont révisées périodiquement afin de modifier ou de prolonger au besoin les mesures appliquées. Lorsque la révision de la situation permet de conclure que la sécurité et le développement de l’enfant ne sont plus compromis, l’intervention des services de protection prend fin.

En juillet 2007, de nouvelles dispositions de la LPJ ont été implantées dans tous les centres jeunesse du Québec. L’objectif principal de ces nouvelles dispositions était d’assurer la continuité des soins et la stabilité des liens chez les enfants placés en milieu substitut. Ainsi, le placement auprès de PS est mis de l’avant dans le nouveau texte de loi, qui privilégie le placement auprès d’une PS lorsque le maintien dans le milieu naturel n’est pas possible et force l’examen systématique du milieu élargi de l’enfant dans les situations où celui-ci doit en être retiré pour sa sécurité. Par ailleurs, bien que cette pratique ne soit pas prévue explicitement dans la LPJ, pour tous les enfants dont la situation est prise en charge en protection de la jeunesse, un projet de vie visant à assurer la continuité des soins et la stabilité relationnelle de l’enfant doit être déterminé. Le projet de vie privilégié pour tout enfant placé est le retour dans son milieu d’origine. Toutefois, lorsqu’un tel projet ne peut être envisagé, d’autres options doivent être examinées : l’adoption, la tutelle, la préparation à l’autonomie, le placement à majorité dans une famille d’accueil, auprès d’une PS ou dans une ressource spécialisée. Selon le rapport Harvey (Ministère de la Santé et des Services sociaux, 1991), le projet de vie est « une projection des conditions de vie sociale et familiale jugées les plus aptes à répondre aux besoins de l’enfant et à lui offrir des liens continus et un milieu d’appartenance dans une optique de permanence ». Il peut arriver que plusieurs projets de vie se succèdent durant l’intervention, lorsque les premiers projets de vie n’ont pu s’actualiser. Le premier bilan d’évaluation d’impact de la nouvelle LPJ (Hélie et coll., 2011) démontre que depuis l’implantation des nouvelles dispositions de la LPJ, le recours au placement a diminué et une plus grande portion des enfants placés le sont maintenant auprès de PS.

Les objectifs de l’étude

La présente étude de cohorte propose un premier portrait des enfants placés auprès de PS au Québec après l’entrée en vigueur des modifications apportées à la LPJ, que leur placement s’applique en contexte d’urgence, qu’il soit temporaire ou qu’il constitue une mesure plus définitive. L’étude décrit les caractéristiques sociodémographiques des enfants visés, les caractéristiques de la situation signalée et de l’intervention, de même que certaines caractéristiques du placement. Ce portrait permettra d’établir à quelle fréquence les placements auprès de PS sont utilisés de manière transitoire. Le portrait de ces enfants sera ensuite comparé à celui des enfants placés en FA. Les résultats mettront en lumière plusieurs caractéristiques de ce type de placement et pourraient soutenir l’amélioration des politiques et des pratiques en regard de ce groupe d’enfants qui grandit en importance, particulièrement sous l’impulsion de la nouvelle LPJ implantée en 2007. Depuis le 1er février 2015 et conformément au cadre de référence du Ministère de la santé et des services sociaux sur les ressources de type familial (MSSS, 2014), les PS qui accueillent un enfant en vertu de la LPJ sont dorénavant désignées comme des « familles d’accueil de proximité » et ont les mêmes droits et obligations que les familles d’accueil régulières. La présente étude constituera le seul portrait des enfants placés auprès d’une PS avant la mise en place de ce nouveau régime.

Méthodologie

Cohorte

Les données utilisées pour cette étude proviennent de la banque de données constituée pour l’évaluation de l’incidence des nouvelles dispositions de la LPJ (Hélie et coll., 2011; Turcotte et coll., 2011; Turcotte et Hélie, 2013). Le groupe à l’étude est constitué des enfants évalués par les services de protection des 16 centres jeunesse du Québec entre le 1er septembre 2007 et le 31 août 2008 et placés au moins une fois pendant la période d’observation de l’étude, laquelle s’étend du 1er septembre 2007 au 1er novembre 2009. Chaque enfant est donc observé sur une période variant entre 14 et 26 mois, selon sa date d’entrée dans l’étude. Les enfants des Terres-Cries-de-la-Baie-James et du Nunavik ne sont pas inclus dans l’étude puisque celle-ci est réalisée exclusivement à l’aide des données clinico-administratives extraites du système-clientèle de chaque centre jeunesse et que ces deux régions n’utilisent pas ce même système. Les enfants résidant dans ces deux régions nordiques sont majoritairement d’ascendance autochtone ou inuite et représentent 0,8 % des enfants du Québec. Les enfants placés exclusivement en centre de réadaptation ou en foyer de groupe et ceux placés dans plus d’un type de milieu substitut pendant l’observation sont exclus (par exemple, un enfant d’abord placé auprès d’une PS puis placé plus tard en FA). À l’intérieur du groupe d’enfants placés en FA, 21 enfants étaient placés en FA spécifiques; ils sont exclus également, puisqu’ils combinent à la fois des attributs du placement en FA (le caractère formel de la ressource) et du placement auprès de PS (le fait que la ressource soit une personne significative pour l’enfant). Il en résulte une cohorte de 2 527 enfants.

Source de données

Les données utilisées pour réaliser la présente étude ont été extraites du système-clientèle PIJ (Projet Intégration Jeunesse) de chacun des centres jeunesse. Le système PIJ consigne des renseignements sur les enfants suivis en protection de la jeunesse et sur les services qu’ils y ont reçus. Chaque jour, au fil des interventions, les données saisies dans PIJ sont dénominalisées puis versées dans un entrepôt de données (Lavergne et coll, 2005). Les variables retenues pour les présentes analyses ont fait l’objet de validations croisées visant à en assurer la qualité. Le recours aux données PIJ présente plusieurs avantages. D’abord, le fait que tous les centres jeunesse utilisent le même système, avec le même cadre normatif et les mêmes définitions, favorise l’uniformité des concepts et des processus d’une région à l’autre. Ensuite, les données extraites de PIJ et retenues pour la présente analyse sont plus fiables que celles que l’on pourrait recueillir dans le dossier papier de l’enfant en raison des nombreuses validations croisées qui sont faites par le système PIJ pour éviter les erreurs de saisie et les incohérences. Enfin, tous les services et les données saisies sont datés, ce qui facilite la reconstitution des trajectoires de service et de placement sur de grands échantillons à peu de frais.

Variable dépendante (VD)

Deux groupes ont été créés en fonction du type de milieu de vie substitut de l’enfant : 1) les enfants placés exclusivement auprès de PS et 2) ceux placés exclusivement en FA. Les placements pouvaient survenir à toutes les étapes du processus de protection, s’appliquer sous le régime volontaire ou judiciaire, en urgence, de manière temporaire ou à long terme.

Variables indépendantes (VI)

Le tableau 1 présente la définition des variables indépendantes (VI) utilisées pour les analyses univariées et multivariées.

Tableau 1

Définition des variables indépendantes

Définition des variables indépendantes

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Plan d’analyse

Les deux groupes sont comparés sur chacune des VI à l’aide de tableaux croisés pour les VI catégorielles et de moyennes pour les VI continues. Même si la cohorte étudiée inclut la totalité des enfants évalués en protection de la jeunesse dans l’année suivant les amendements à la LPJ et retirés de leur milieu pour leur protection, des tests ont été réalisés pour tenir compte de l’année désignée pour l’échantillonnage. Pour chaque variable catégorielle, un test Khi-deux a été réalisé pour vérifier la différence de proportions entre les deux groupes et lorsque cette différence était statistiquement significative, des tests à postériori ont été conduits pour préciser à quel niveau de la variable se situent les différences. Pour chaque variable continue, un test T pour échantillons indépendants a été réalisé pour vérifier la différence entre les moyennes des deux groupes.

Afin d’examiner l’effet combiné de ces VI sur la probabilité d’être placé chez une PS, une analyse de régression logistique a été réalisée, en insérant les VI dans l’équation selon la méthode pas-à-pas (stepwise). L’analyse de régression logistique produit des rapports de cotes (RC) permettant d’évaluer le lien de chaque VI avec le placement auprès d’une PS, par opposition au placement en FA. Un RC supérieur à la valeur 1 signifie que la VI augmente la probabilité d’être placé chez une PS et un RC inférieur à la valeur 1 signifie que la VI diminue la probabilité d’être placé chez une PS. Toutes les VI du tableau 1 ont été insérées dans l’équation de régression, sauf le sexe de l’enfant (puisqu’il n’y pas de différence entre les groupes), la présence de signalement antérieur et la présence de prise en charge antérieure (puisque la variable des antécédents combine ces deux dernières) et les types de projets de vie qui ne s’appliquent qu’à une portion des enfants dans les deux groupes. Notons que la judiciarisation et le nombre de mesures autres que le placement regroupé ont été insérés dans le modèle même s’ils n’étaient pas significatifs sur le plan univarié. Ce choix s’appuie sur la nature exploratoire de l’analyse multivariée et sur le fait que l’analyse univariée n’avait pas pour but d’identifier les facteurs à inclure dans la régression.

Résultats

Caractéristiques des enfants

Les deux groupes à l’étude sont constitués respectivement de 1 586 enfants placés en FA et de 941 enfants placés auprès d’une PS. Le tableau 2 présente les caractéristiques des enfants de chacun des deux groupes au moment du signalement. Il n’y a pas de différences entre les enfants placés en FA et ceux qui sont placés chez une PS quant au sexe. Les enfants placés chez une PS sont plus jeunes que les enfants placés en FA, avec une moyenne d’âge de 6,3 ans, comparativement à 7,8 ans pour les enfants en FA. Il y a une plus grande proportion d’enfants de moins de 12 ans parmi les enfants placés auprès d’une PS que parmi les enfants placés en FA. En contrepartie, les adolescents sont moins représentés parmi ceux qui sont placés auprès d’une PS que dans le groupe des enfants placés en FA. Bien que l’ascendance autochtone soit plus fréquente dans le groupe d’enfants placés chez une PS (11 % contre 7 %), cela n’est vrai que pour les Autochtones vivant dans une réserve, qui représentent 9 % des enfants placés chez une PS, comparativement à 4 % parmi les enfants placés en FA. Les enfants autochtones vivant hors d’une réserve sont quant à eux en plus forte proportion parmi les enfants placés en FA (3 %) que parmi ceux placés auprès d’une PS (1 %).

Enfin, les enfants placés chez une PS sont moins nombreux que les enfants placés en FA à avoir été pris en charge par les services de protection avant l’évaluation ciblée dans l’étude (17 % contre 23 %) et à avoir un signalement retenu antérieur à l’évaluation ciblée (17 % contre 24 %).

Les enfants des deux groupes se distinguent nettement sur le plan du motif principal d’intervention (tableau 2). Comparativement aux enfants placés en FA, les enfants placés auprès d’une PS sont beaucoup plus souvent suivis pour un risque sérieux de négligence (41 % contre 27 %), le sont un peu moins pour un motif de négligence (19 % contre 22 %) et beaucoup moins pour un motif de troubles de comportement (2 % contre 10 %). On retrouve dans les deux groupes des proportions similaires d’enfants suivis pour des motifs d’abus physique, d’abus sexuel, de mauvais traitement psychologique, de risque sérieux d’abus sexuel et de risque sérieux d’abus physique. Il est intéressant de noter que les enfants placés chez une PS sont moins fréquemment touchés par la négligence elle-même (19 %) que par le risque de négligence (41 %), alors que la différence est beaucoup moins marquée chez les enfants placés en FA (22 % contre 27 %).

Tableau 2

Caractéristiques de l’enfant au moment du signalement

Caractéristiques de l’enfant au moment du signalement

*p<0,05; *** p<0,000.

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Caractéristiques de l’intervention

Les enfants placés chez une PS ne diffèrent pas des enfants placés en FA en ce qui concerne la judiciarisation de l’intervention et la présence d’autres mesures de protection s’ajoutant au placement (tableau 3). Tant les enfants placés auprès d’une PS que ceux placés en FA ont en moyenne 13 mesures durant la période d’observation et 72 % des enfants dans les deux groupes ont vu leur situation traduite devant le tribunal de la jeunesse. Les durées d’intervention plus longues (24 mois et plus) sont moins fréquentes chez les enfants placés auprès d’une PS comparativement à ceux placés en FA (1 % contre 2 %).

Tableau 3

Caractéristiques de l’intervention

Caractéristiques de l’intervention

*p<0,05.

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Les projets de vie déterminés pour les enfants ont été examinés pour les enfants dont la situation a été prise en charge et ayant au moins un projet de vie déterminé (tableau 4). Dans les deux groupes d’enfants, le type de projet de vie le plus fréquent est le retour dans la famille d’origine. Ainsi, même parmi les enfants placés auprès d’une PS, le projet de retour dans la famille d’origine a été envisagé dans 74 % des cas, ce qui demeure tout de même un peu moins fréquent que dans le groupe des enfants placés en FA (81 %). Pour les enfants placés chez une PS, le type de projet de vie qui arrive au second rang est le placement permanent chez la PS : ce projet a été inscrit pour 28 % des enfants placés chez une PS. En contrepartie, le placement permanent en FA n’est envisagé que pour 13 % des enfants placés en FA. L’adoption a été envisagée moins souvent parmi le groupe d’enfants placés chez une PS (2 %) que parmi les enfants placés en FA (7 %), alors que la tutelle est plus souvent inscrite comme projet de vie parmi les enfants placés auprès d’une PS (3 %) que parmi les enfants placés en FA (moins de 1 %).

Tableau 4

Les projets de vie déterminés durant l’intervention parmi les enfants ayant au moins un projet de vie inscrit

Les projets de vie déterminés durant l’intervention parmi les enfants ayant au moins un projet de vie inscrit

*p<0,05; **p<0,01; ***p<0,000.

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Modalités de placement

Le fait que le placement soit utilisé très tôt dans le processus d’intervention en protection de la jeunesse, parfois même avant qu’une décision soit rendue quant à la nécessité de prendre en charge la situation de l’enfant, a été examiné (tableau 5). D’une part, il appert que les enfants placés chez une PS vivent plus souvent un premier placement à l’étape de la prise en charge comparativement aux enfants placés en FA (28 % contre 23 %). D’autre part, les enfants placés chez une PS sont également plus souvent retirés en début de processus puis retournés définitivement dans leur milieu avant l’étape de la prise en charge. Cette dernière situation est la plus fréquente parmi les enfants placés chez une PS : elle représente 38 % des enfants placés auprès d’une PS contre 30 % des enfants placés en FA.

Les placements temporaires touchent une portion importante des enfants dans les deux groupes. Les enfants placés auprès d’une PS sont cependant moins nombreux à être placés sur une base temporaire (70 % contre 75 %) et ils sont moins nombreux à être retirés en urgence (30  % contre 43 %).

Tableau 5

Modalités de placement

Modalités de placement

*p<0,05; **p<0,01; ***p<0,000.

#

Il y a 117 dossiers d’enfant dont la valeur du type de mesure de placement est manquante, ce qui empêche de qualifier leurs modalités de placement.

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Les résultats des analyses multivariées (tableau 6) indiquent que même lorsque considérés simultanément, toutes les variables qui distinguent les deux groupes en mode univarié ressortent comme des facteurs associés significativement au placement auprès de PS. La performance du modèle final est toutefois modeste, avec 67  %de variance expliquée. Cette analyse indique notamment que les Autochtones vivant dans une réserve sont 2,5 fois plus susceptibles d’être placés chez une PS que les Non-Autochtones (RC = 2,559) et que les enfants signalés pour risque de négligence sont 1,6 fois plus susceptibles d’être placés chez une PS, comparativement aux enfants signalés pour négligence (RC = 1,554).

Tableau 6

Modèle de régression logistique final pour prédire l’appartenance au groupe d’enfants placés auprès d’une PS

Modèle de régression logistique final pour prédire l’appartenance au groupe d’enfants placés auprès d’une PS

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Discussion

Des enfants ayant des caractéristiques distinctes

Les deux groupes à l’étude se distinguent sur toutes les caractéristiques de l’enfant qui ont été examinées, à l’exception du sexe. Cette absence de lien entre le sexe de l’enfant et le type de milieu substitut est conforme aux études antérieures (Cuddeback, 2004). Comparativement aux enfants placés en FA, les enfants placés auprès d’une PS sont plus jeunes, ils ont plus souvent un statut d’Autochtone vivant dans une réserve et sont moins nombreux à présenter des antécédents en protection de la jeunesse. Ils sont plus souvent suivis pour un risque sérieux de négligence et moins souvent pour des troubles de comportement.

Certaines études (Beeman et coll., 2000; Berrick et coll., 1994; Dubowitz et coll., 1993; Ehrle et Geen, 2002; Iglehart, 1994; Landsverk et coll., 1996; Spence, 2004) ont rapporté que les enfants placés chez une PS étaient plus jeunes que ceux placés en FA, bien qu’il n’y ait pas de consensus sur le sens du lien entre l’âge de l’enfant et le type de milieu substitut. Il est possible qu’en dépit des soins que requiert leur jeune âge, les tout-petits soient davantage placés auprès d’une PS parce qu’ils n’ont pas autant cumulé de difficultés de fonctionnement. Ce constat est tout de même préoccupant, puisque la plus grande vulnérabilité et la moindre autonomie que l’on associe aux jeunes enfants peuvent représenter un important défi pour les PS, qui sont souvent âgées et de statut socio-économique plus faible (Farmer, 2009), ce qui fait craindre pour la qualité de soins prodigués à l’enfant. D’un autre côté, il est possible que la différence vienne des PS elles-mêmes, qui seraient moins disposées à accueillir un adolescent qu’un enfant plus jeune en raison des problèmes de comportement souvent associés à l’adolescence.

Même en tenant compte de l’âge de l’enfant, on trouve une plus faible prévalence d’antécédents en protection de la jeunesse dans le groupe d’enfants placés auprès d’une PS. Ce résultat pourrait traduire des situations de protection qui sont moins complexes et chroniques, les intervenants étant peut-être réticents à confier les enfants vivant des situations chroniques à des PS.

La surreprésentation des enfants autochtones vivant dans une réserve parmi le groupe d’enfants placés chez une PS peut refléter, d’une part, l’héritage d’une longue tradition de recours au réseau familial élargi pour prendre soin des enfants dans ces communautés et, d’autre part, les enjeux de préservation du patrimoine culturel des enfants de cette communauté. Les préoccupations exprimées par les Premières Nations quant à la possibilité qu’un retrait de l’enfant de son milieu familial se traduise par un déracinement de sa communauté peuvent avoir eu pour effet d’inciter les intervenants de la DPJ à faire des efforts plus importants pour identifier des PS lorsqu’un enfant autochtone vivant dans une réserve doit être retiré de sa famille. Il semble toutefois plus difficile de confier leurs homologues vivant à l’extérieur d’une réserve à une PS, possiblement parce que le réseau social autour de l’enfant et sa famille est plus restreint lorsqu’ils vivent en dehors de leur communauté. Quoi qu’il en soit, il faut rappeler que les enfants autochtones vivant dans les deux régions nordiques du Québec ne sont pas représentés dans la cohorte étudiée et qu’il est difficile de déterminer si leur inclusion modifierait les résultats observés.

Le constat voulant que les enfants placés chez une PS soient moins touchés par des troubles de comportement, même en tenant compte de leur âge, vient appuyer les résultats d’études antérieures (Vanschoonlandt et coll., 2012). Il est possible que les PS soient moins outillées pour composer avec les problèmes de l’adolescence, comparativement aux FA. Par ailleurs, on peut se demander pour quelles raisons les enfants placés auprès d’une PS sont à ce point touchés par les risques sérieux de négligence et pas tellement par la négligence elle-même, un écart qui est beaucoup moins marqué chez les enfants placés en FA? Il est possible que dans les situations de risques sérieux de négligence, les familles soient moins gravement touchées par la situation, tout comme la famille élargie, et qu’il y ait une plus grande mobilisation du réseau permettant de lui confier l’enfant plutôt que de le confier à une FA. Par contre, dans les situations de négligence, la famille élargie peut être également touchée par les difficultés socio-économiques qui accompagnent très souvent la négligence, faisant en sorte que l’entourage de l’enfant ne soit pas suffisamment fort pour prendre soin de lui.

Notons que les données utilisées dans la présente étude produisent un portrait partiel des enfants placés auprès de PS et ne qualifient pas l’enfant en termes de profil psychosocial ou de problèmes de fonctionnement. De telles données permettraient une meilleure interprétation des résultats sur l’âge de l’enfant et son ascendance autochtone, notamment.

Des interventions qui se ressemblent

Les deux groupes étudiés se distinguent avec moins de force en ce qui a trait aux caractéristiques de l’intervention. Le taux de judiciarisation des situations d’enfants confiés à une PS est similaire à celui qu’on observe chez les enfants placés en FA. Ce résultat reflète sans doute le fait que la durée du régime volontaire est limitée à 24 mois par la Loi (article 53.0.1). Les résultats indiquent également que le nombre de mesures qui accompagnent le placement ne distingue pas les enfants placés chez une PS de ceux qui sont placés en FA. Bien que la nature des mesures appliquées ne soit pas disponible dans la banque de données utilisée, cela suggère la présence de besoins d’ampleur semblable entre les deux groupes.

Plusieurs caractéristiques de l’intervention permettent quand même de distinguer les deux groupes. Dans la présente étude, les enfants placés chez une PS ont des durées d’intervention plus courtes que les enfants placés en FA. On s’attendait plutôt à ce que les durées d’intervention des enfants placés auprès d’une PS soient plus longues, puisque ces derniers sont habituellement connus pour demeurer en placement plus longtemps (Cuddeback, 2004; Farmer, 2009; Farmer et Moyers, 2008). Deux hypothèses peuvent être formulées pour expliquer cette différence. Premièrement, il faut rappeler que la durée d’observation maximale dans la présente étude est de 26 mois. Bien que les enfants placés auprès d’une PS soient proportionnellement moins nombreux à présenter des durées d’intervention de 26 mois ou plus, le prolongement de l’observation aurait pu faire en sorte que même une petite portion d’enfants ayant des interventions très longues fasse grimper la durée moyenne d’intervention dans ce groupe, voire au-delà de la durée moyenne observée parmi les enfants placés en FA. À cet effet, l’examen des projets de vie déterminés pour chaque enfant indique que le placement auprès d’une PS semble s’inscrire plus souvent dans un projet permanent que le placement en FA. Les enfants placés chez une PS sont moins souvent l’objet d’un projet d’adoption et la tutelle est plus souvent prise en considération dans leur cas. Même si la réunification est envisagée pour les trois quarts d’entre eux, ce projet de vie est tout de même moins fréquent que dans le groupe d’enfants placés en FA. Pris ensemble, ces résultats vont dans le sens de ceux qui ont été rapportés dans les études antérieures montrant que les enfants placés auprès d’une PS sont placés plus longtemps, sont moins l’objet d’une réunification et sont moins souvent adoptés (GAO, 1999; Winokur et coll., 2008). Il faut toutefois user de prudence dans l’interprétation des données sur les projets de vie des enfants de la cohorte puisqu’au moment de l’extraction des données, cette information était entrée depuis peu dans le système PIJ et il se pourrait que les normes de saisie n’étaient pas uniformes d’un centre jeunesse à l’autre. Aussi, il est possible qu’une intervention plus courte ne corresponde pas systématiquement un placement plus court. Autrement dit, les enfants placés chez une PS pourraient être placés plus tôt dans le processus d’intervention, alors que les enfants en FA feraient davantage l’objet de tentatives de maintien dans le milieu familial avant d’être placés, ce qui allongerait leur durée d’intervention.

Des placements qui surviennent à différentes étapes du processus de protection

La présente étude indique que les enfants placés chez une PS font moins souvent l’objet de placements temporaires et sont moins souvent retirés d’urgence de leur milieu, comparativement aux enfants placés en FA. Ce résultat s’inscrit dans le sens d’une plus grande stabilité pour les enfants placés auprès d’une PS, comme le rapportent les écrits (Chamberlain et coll., 2006; Cuddeback, 2004; Farmer, 2009; Webster et coll., 2000; Winokur et coll., 2008; Winokur et coll., 2009). D’un autre côté, on constate qu’une plus grande portion des enfants placés auprès d’une PS est retirée au tout début du processus de protection pour être ensuite retournée dans son milieu pour la suite de l’intervention. Sachant que les placements qui surviennent avant l’étape de la prise en charge sont nécessairement temporaires, ce résultat signifie qu’une plus grande portion des placements temporaires survient exclusivement avant la prise en charge chez les enfants placés chez une PS. En contrepartie, les enfants placés en FA sont plus souvent placés de manière temporaire et ces placements surviennent principalement à l’étape de la prise en charge et moins souvent en début de processus. On peut croire que la disponibilité de PS pouvant accueillir rapidement un enfant permet aux intervenants de s’assurer que l’enfant soit en sécurité pendant qu’ils procèdent à l’évaluation de la situation, d’où un recours plus fréquent au placement en début de processus. Et comme ces personnes peuvent ensuite agir comme filet de sécurité pour l’enfant, le retour dans le milieu familial est facilité pour la suite de l’intervention.

Conclusion

Cette étude jette un premier regard sur les placements auprès de PS au Québec après l’implantation de nouvelles dispositions de la LPJ qui encouragent fortement cette pratique lorsque l’enfant doit être retiré de son milieu d’origine. Le recours à des PS vise non seulement à assurer une plus grande proximité sociale et culturelle de l’enfant avec son nouveau milieu, mais également à minimiser l’ampleur de la rupture affective associée au retrait du milieu familial. Comme le précise l’article 3 de la LPJ, c’est l’intérêt de l’enfant qui doit constituer le premier critère de prise de décision dans le choix des mesures de protection. Les données de la présente étude suggèrent que la préoccupation de l’intérêt de l’enfant est parfois assujettie aux contraintes de la réalité. En effet, si l’on peut expliquer que les adolescents soient moins nombreux à bénéficier de placement auprès de PS par le fait qu’ils peuvent mieux composer avec la rupture des liens avec leur famille que les enfants plus jeunes, et le fait que cette rupture peut même être positive dans des situations hautement conflictuelles, il est plus difficile d’expliquer par les seuls besoins de l’enfant que cette pratique soit moins répandue chez les enfants autochtones qui ne vivent pas dans une réserve. Il est impossible, à partir des données utilisées, de déterminer si cette situation résulte d’une plus grande disponibilité de ressources en milieu autochtone, en raison de l’ouverture des familles autochtones à accueillir les enfants de leur communauté qui sont dans le besoin, ou d’une plus grande détermination des intervenants à recruter des PS lorsqu’il s’agit de retirer de leur famille des enfants qui vivent en milieu autochtone. Néanmoins, le motif d’une meilleure réponse aux besoins de l’enfant peut difficilement être invoqué.

Le recours plus fréquent au placement chez une PS lorsque le motif de signalement est le « risque de négligence » soulève également des questions. Cette situation s’explique-t-elle par les besoins particuliers de ces enfants, par une plus forte disponibilité de ressources dans leur environnement ou par la réticence des professionnels à mettre à contribution le réseau naturel de l’enfant lorsque les motifs de signalement sont plus explicites? Bref, est-ce que ce sont les besoins de l’enfant qui guident cette décision? Les données ne permettent pas de répondre à cette question. Elles demandent de s’interroger davantage sur les facteurs qui influencent la possibilité pour l’enfant de bénéficier d’un placement auprès d’une PS.

Les premières années suivant l’application de la nouvelle LPJ, l’évaluation des PS comme milieu d’accueil pour un enfant ayant besoin de protection a soulevé tout un questionnement chez les professionnels (Turcotte, Sanchez, Boucher et Bourdages, 2011). Récemment, le cadre de référence sur les ressources intermédiaires et les ressources de type familial (MSSS, 2014) est venu préciser que les PS, désignées maintenant comme étant des familles d’accueil de proximité, « sont de véritables RTF [ressources de type familial] au sens de la LSSSS » (p. 49). Donc, elles doivent répondre aux mêmes exigences juridiques que les FA régulières. Elles n’ont comme particularité que d’exercer leurs activités auprès d’un enfant qui leur est confié en raison de liens significatifs déjà présents. Si cette orientation a pour effet de clarifier les exigences à l’endroit de ces familles, elle risque de minimiser la « plus-value » pour l’enfant que représente le fait de se retrouver dans un environnement familial qui assure une continuité des liens affectifs qu’il a tissés dans sa famille. Les informations transmises aux professionnels dans ce cadre de référence leur suggèrent de faire preuve d’une certaine souplesse dans les critères d’évaluation lorsqu’il s’agit d’une famille de proximité. Se pose alors l’enjeu de déterminer quels aménagements sont souhaitables ou acceptables et dans quelles situations. Vu l’état actuel des connaissances sur les avantages et les inconvénients du placement auprès de PS, il est essentiel de faire preuve de vigilance dans l’appréciation de l’accès à ce type de placement pour les enfants qui font l’objet de mesures de protection et qui sont parmi les plus vulnérables. Il faut poursuivre les recherches pour documenter les effets de cette mesure sur le développement des enfants et sur la cohésion des familles.