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Ce coffret, réalisé à l’occasion du 350e anniversaire de la création de la paroisse Notre-Dame de Québec, compte en fait cinq livres produits par six auteurs et couvre des thématiques distinctes. Il s’agit en quelque sorte de livres-souvenirs visant à couvrir les principaux aspects de l’histoire de la paroisse dans une présentation généralement thématique.

L’ensemble constitue une oeuvre magistrale. Il procède d’un travail de présentation et d’édition qui comble les attentes des lecteurs. Destiné d’abord au grand public, tout en répondant aux exigences scientifiques, il offre une présentation dynamique de l’information, essentiellement factuelle et agrémentée de nombreuses illustrations. Les références significatives sont adroitement signalées dans le texte. Le texte se caractérise par la diversité des sujets traités, des thèmes ou sous-titres couvrant une page, voire un paragraphe. À certains égards, les volumes donnent parfois l’impression de contenir une histoire mise en image complétée par une information textuelle de qualité. Au total, le coffret compte plus de 1 100 pages, quelque 5 000 brèves histoires et environ 500 illustrations.

Un diamant étincelant! Les 500 illustrations en couleur, souvent en pleine page, voire en double page, font ressortir aisément tant les plans d’ensemble que la finesse des détails. Vues aériennes d’éléments architecturaux, vues de l’intérieur, sculptures, peintures, ex-voto, maîtres-autels, retables, tabernacles et chapelles, objets ou ornements religieux comme calices, patènes et croix de procession sont magnifiquement illustrés et, le cas échéant, documentés et expliqués.

L’ouvrage compte également un assortiment remarquable de bijoux d’accompagnement. De nombreux encarts explicatifs fournissent des informations complémentaires : brèves biographies des constructeurs, des artistes ou d’autres personnages, extraits de documents, de la bible, des contrats, des nominations, des plans et dessins d’architecte, etc.

Enfin, les ouvrages traduisent une érudition qui comble les appétits les plus voraces, une véritable chronique de 350 ans de vie : des milliers de sujets, d’actions ou d’événements. Et les auteurs ont choisi de présenter la vérité sans complaisance, ce qu’illustrent bien les exposés des rivalités et des litiges.

Il convient de signaler quelques éléments propres à chacun des ouvrages.

De celui sur Notre-Dame-des-Victoires, je retiens comme élément novateur le recours aux sources archéologiques pour situer le bâtiment par rapport au magasin construit antérieurement par Champlain. Il s’en dégage que l’ancienneté religieuse du site ne doit pas se traduire par l’idée qu’il s’agit de la plus vieille église, tellement elle a subi de mutations. L’auteur relate ainsi les différentes vies du bâtiment : le contexte militaire qui a conduit aux changements de nom, la destruction à l’époque de la guerre de la Conquête, les embellissements au cours du 19e siècle, la reconnaissance de sa valeur patrimoniale. Il montre enfin l’attrait que ce patrimoine représente au fil des ans par les activités qui y sont célébrées, qu’il s’agisse du congrès de 1929 qui attire 100 000 personnes, du jubilé de l’an 2000 ou de la cérémonie de bénédiction des petits pains, évoquant la manne du désert dans la bible.

Le livre sur l’église pionnière insiste sur la connaissance des lieux de culte qui se sont succédé depuis la construction de la première chapelle des récollets, en 1615, jusqu’à celle de la Haute-Ville. La contribution principale réside dans la transcription d’un certain nombre de documents originaux. L’auteur fait une large place aux rivalités entre les récollets et les jésuites, mais sans soumettre à une critique rigoureuse les études souvent partisanes qui relatent ces litiges. Des recherches récentes, comme celles de Caroline Galland ou Dominique Deslandres sur l’Acadie comme sur le Canada, auraient permis de relativiser ces prises de position. De même, l’approfondissement des intentions fondatrices, des visions et des pratiques pastorales aurait pu apporter un éclairage intéressant à la compréhension des motivations fondamentales de ces missionnaires, en particulier dans un contexte de commémoration.

L’histoire des curés est racontée en 35 biographies. Chacune d’elles présente le contexte de nomination, souvent source de litige entre l’évêque, le chapitre et les marguilliers, évoque l’intérêt ou non du futur curé pour le poste et la perception qu’en ont les paroissiens, glisse un mot sur la personnalité du personnage et détaille la séquence des événements qui ont marqué l’exercice de son mandat à la tête de la paroisse. « À la tête », c’est beaucoup dire quand l’église paroissiale devient basilique et cathédrale sous la responsabilité d’un évêque dont les objectifs peuvent différer nettement de ceux de la paroisse.

L’intention affirmée au départ était de montrer comment chaque curé a pu influencer le déroulement de la vie paroissiale. Très tôt, toutefois, on constate l’importance de l’emprise du quotidien sur les activités des curés. En voici quelques exemples tirés de la biographie de Joseph Auclair, curé de 1851 à 1887 (pages 226-227), où chacun des sujets traités fait l’objet d’une explication d’une dizaine de lignes :

  • Malgré les positions des bien-pensants, il crée une maison pour accueillir les filles-mères;

  • Érection civile de la paroisse des Irlandais;

  • Érection d’un muret et d’une clôture en fer forgé par Charles Baillargé pour réserver le parvis de l’église aux fidèles et les protéger de la place publique;

  • Manquant de place pour ensevelir les morts, il acquiert un grand terrain qui deviendra le cimetière Belmont;

  • Déménagement à Saint-Roch de la confrérie de Sainte-Anne, mais l’autel demeure dans la basilique-cathédrale;

  • Il fonde l’Académie commerciale pour offrir aux jeunes des cours de comptabilité, offerts jusque-là uniquement dans des écoles privées anglaises;

  • Instauration d’une quête annuelle pour la Propagation de la foi et éventuellement pour la Sainte-Enfance.

  • Changement d’organiste à la suite d’une dispute publique entre deux personnes sur la question des techniques musicales.

Le tout tient en deux pages. Imaginez l’ampleur et l’intérêt de l’information livrée dans un texte de 345 pages. Pensez aux sujets comme les guerres, les épidémies, les grèves, les destructions par le feu, dont celle de 1922, le partage du territoire lors de la création de nouvelles paroisses, etc.

L’étude architecturale signale les intentions originales. Dès le 17e siècle, on souhaite ériger une église monumentale. Les coûts imposent évidemment des contraintes. Le Conseil souverain oblige le respect du contrat original par crainte d’un dépassement de coûts considérable. La situation est telle que, dès 1725, on pense à créer une loterie pour financer la construction, ce que le chapitre refuse. Comme quoi le passé n’est pas toujours si lointain!

Au-delà de l’anecdote sur le financement et des tiraillements sur le statut de l’édifice, il faut surtout retenir les informations de nature architecturale et le détail des constructions. L’auteure prend en considération, pour la vue de l’extérieur, la façade, les clochers, le fronton, les pilastres, la fenestration; à l’intérieur, elle décrit le maître-autel, le banc d’oeuvre, les boiseries, les bancs, la tribune de l’orgue, les niches des piliers, mais surtout les cinq chapelles des bas-côtés avec leurs peintures et leurs sculptures. Elle signale toute une série de trésors à découvrir dans les galeries latérales : vêtements, vases, tableaux, reliquaire de François de Laval. Elle conclut avec 10 pages d’illustrations et 9 lignes de texte sur la Porte Sainte, une icône exceptionnelle qui vise à concrétiser le sens de la commémoration et à ouvrir sur l’avenir.

L’étude des vitraux est lumineuse. Le photographe souhaite que le lecteur se laisse toucher par la beauté de la lumière pour la joie des yeux et du coeur. Le religieux fait valoir que les vitraux sont à la fois des éléments décoratifs et le reflet de la foi des croyants. Les auteurs réussissent fort bien à mettre en relation le sacré, la science et la réalité, le tout avec humour. Retenons l’exemple de ce lien sacré expliquant que chaque matin les chanoines célèbrent la messe tournés vers l’Orient, sous un beau baldaquin dominé par un Christ ressuscité tout en gloire. Il y a toutefois une autre raison pratique : mettre les façades à l’abri des nordets qui rendent le chauffage impossible.

La fabrication des vitraux, selon leur provenance, leur mode de confection, les choix de luminosité et les éléments de contenu, parfois par comparaison avec d’autres, similaires, est éclairante. Les 19 verrières où sont représentés Marie, l’Eucharistie, les sacrements, les martyrs canadiens et 16 statues de saints et de saintes relatives à des anges, à des évangélistes, aux pères de l’Église, à des théologiens et à des femmes font l’objet d’explications détaillées sur leur contenu, aussi bien sur le plan concret que symbolique. La comparaison des illustrations avec des extraits de la bible ou des évangiles, par exemple, est fascinante. La qualité des reproductions photographiques est absolument remarquable. Tout, le texte comme l’image, y est présenté avec finesse et nuance : un pur délice.

Le 350e anniversaire de Notre-Dame de Québec a fourni l’occasion de dresser une synthèse magistrale de son histoire, en textes et en images, à partir d’une grande diversité d’écrits et de sources documentaires. Un livre à garder à portée de la main pour le parcourir à l’occasion.