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Pour faire murir une thématique et établir un véritable dialogue interdisciplinaire, Théologiques s’associe parfois à des colloques dont le thème correspond à ses intérêts et qui sont planifiés de manière à mettre vraiment les intervenants en dialogue et en interaction. La revue sélectionne alors, par voie d’évaluation par les pairs, certaines communications aptes à former un solide dossier. Tel est le cas du présent numéro qui entend renouveler nos compréhensions et approches du phénomène de la conversion, au-delà des idées reçues, en faisant dialoguer anthropologues et théologiens, et en élargissant considérablement le champ d’investigation trop souvent restreint au seul christianisme.

Organisé par les professeurs Géraldine Mossière et Deirdre Meintel, de l’Université de Montréal, le colloque s’est tenu lors du 81e congrès annuel de l’Association francophone pour le savoir — Acfas, les 7 et 8 mai 2013, à Québec. Autour du thème Conversion, identité et ethnicité, il a réuni pas moins de vingt et un chercheurs d’institutions québécoises et françaises. Il vaut la peine de citer presque in extenso l’argumentaire du colloque, en y insérant l’un ou l’autre commentaire entre crochets, ou en soulignant certaines phrases :

Nous cherchons à comprendre la portée sociale ainsi que les implications identitaires du geste de conversion en dépassant la lecture simplement religieuse [théologique ?] du phénomène. Comment construire cohérence et continuité identitaire après avoir changé de religion ? Comment la conversion modifie-t-elle les relations de l’individu avec son milieu d’origine et avec son milieu d’adoption ? Quelle reconnaissance sociale peut-il obtenir et à quelles conditions ? Quelle est l’influence des convertis sur la définition identitaire que le groupe religieux se donne de lui-même ? Quel peut être son rôle de médiateur sur la place publique ? [On devinera que le colloque s’inscrivait dans la section des sciences sociales].

Nous proposons d’examiner les comportements identitaires des individus qui changent de religion dans les sphères familiales, amicales, professionnelles et publiques à travers l’adoption et la manifestation de marqueurs visibles (vestimentaires, alimentaires, etc.) ou de nouveaux discours identitaires. Quels sont les accommodements que les convertis et leur entourage consentent pour le vivre ensemble et quelles rhétoriques justifient ces gestes ? Nous discuterons également des modes de négociation de la reconnaissance de l’identité adoptée. Unions mixtes, projets de transmission identitaire aux enfants, modèles familiaux et structure de genre constituent en effet autant de stratégies qui permettent aux convertis de construire mais aussi de légitimer leur nouvelle identité. Au coeur des rapports entretenus avec les coreligionnaires se situe l’enjeu de l’authenticité de la religion pratiquée dans un contexte où, malgré leur prétention d’universalisme, la plupart des religions adoptées sont marquées par l’ethnicité de leur groupe historique de croyants qui en revendiquent le monopole discursif. À ce titre, le converti pourrait également constituer une figure de médiation publique entre divers groupes ; doté de cette identité de l’entre-deux, quelle est alors son autorité symbolique et sociale réelle ?

http://www.acfas.ca/evenements/congres/programme/81/400/476/c

Cette citation permet au lecteur du numéro de mieux comprendre la problématique à l’arrière-plan du dossier, de même que la distance (critique) qui s’installe nécessairement entre l’impulsion d’un colloque, sa réalisation, puis sa publication (sélective et donc partielle). Nous tenons à remercier les auteurs pour la qualité de leur réflexion, et particulièrement Madame Mossière pour avoir piloté ce projet, qui paraît en automne 2014.

En complément, ce numéro accueille également un article hors thème de Gabriel Tchonang, portant sur le rôle de la mystique dans la renaissance africaine. L’auteur y propose de repenser le « sujet africain », qu’il juge en proie à une crise plus profonde que celle qui affecte ses coordonnées sociales, politiques et économiques. Cette redéfinition passerait en particulier par une réappropriation de sa spiritualité, au coeur de laquelle les religions traditionnelles africaines et le christianisme jouent un rôle de premier plan, pour autant que celles-ci puissent éviter certains écueils dans lesquels elles se sont laissées entraîner jusqu’ici.