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En 2006, Pastré, Mayen et Vergnaud déclarent que les situations d’enseignement sont encore peu explorées par la didactique professionnelle, et que, d’une manière générale, les relations entre humains nécessitent que l’on recoure à des disciplines qui s’intéressent au langage en usage. C’est sur cette voie que nous engage Isabelle Vinatier lorsqu’elle analyse les interactions entre des professeurs et leurs élèves, faisant de cette analyse des ressources au service du travail de l’enseignant. La genèse et les fondements de la didactique professionnelle sont rappelés, mais l’auteur bâtit son propre cadre d’analyse pour identifier ce qui lui apparaît comme des invariants de l’activité des professeurs débutants.

Cet ouvrage pose les jalons de ce que peut être l’analyse du travail enseignant dans une approche par la didactique professionnelle. À l’instar de Clot (2008), Vinatier souhaite redonner du pouvoir d’agir aux acteurs. Pour cela, elle demande aux professeurs de repérer et de transcrire un épisode significatif de leur activité, épisode qui relate une difficulté à enseigner. Les transcriptions interactionnelles sont analysées puis catégorisées avec l’aide de la chercheure, en fonction des enjeux dont elles sont porteuses : les enjeux pragmatiques (conduite de séances), les enjeux épistémiques (cheminement du savoir) et les enjeux relationnels (relations entre les personnes). L’auteure souhaite mettre en évidence les aspects structurels des situations rencontrées, qui ne sont généralement pas perçus par les enseignants. Ainsi, elle offre une perspective développementale aux professionnels, en levant les implicites et en leur permettant de faire des liens entre les situations vécues et les situations nouvelles auxquelles ils seront confrontés. L’analyse du travail enseignant, telle qu’elle est conduite, se rapproche davantage de la théorie de Vergnaud que de celle de Pastré. Pourtant, Vinatier n’a pas orienté ses recherches vers l’identification des conduites déterminées dans des classes de situations, les schèmes. Au contraire, elle privilégie l’analyse discursive et les manifestations de l’intersubjectivité, et convoque pour cela les travaux de Kerbrat-Orecchioni (1992).

Nous nous interrogeons sur le choix de la classe de situations faite par l’auteure, celle des interactions dites problématiques. Selon nous, il aurait été plus opportun de se référer à une classe de situations d’enseignement-apprentissage, dans une approche plus globale qui prendrait en compte le travail de conception des professeurs. Les interactions feraient alors apparaître les buts que les enseignants poursuivent pour conduire les élèves à l’appropriation d’un savoir. Une autre perspective serait de revenir sur les concepts princeps définis par Pastré au cours de ses recherches dans le domaine industriel. L’analyse des interactions servirait alors à identifier les organisateurs et les indicateurs sur lesquels les enseignants s’appuient pour conduire leur activité, et cela, dans une visée formative.