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Créé en 2011, le Forum Vies Mobiles est un institut autonome de recherche et d’échanges sur les mobilités qui se veut transdisciplinaire, transfrontalier et transgressif. Cet ouvrage rend compte de ses deuxièmes Rencontres internationales qui ont rassemblé, début 2013, plus de 300 artistes, chercheurs et praticiens pour scruter le périurbain sous l’angle des mobilités durables.

Le parti pris pour une diffusion large s’exprime dans la facture visuelle du livre. La présentation très aérée, illustrant la contribution des artistes par de nombreuses photographies, faisant une large place aux encadrés et à la simplification des figures, s’approche du modèle hypertextuel des documents électroniques. Émaillé de courts résumés de projets en cours ou à venir, de porte-folios d’artistes ainsi que d’extraits d’entretiens, l’ouvrage atteint ses objectifs de vulgarisation scientifique et d’illustration du croisement disciplinaire.

La réflexion, basée essentiellement sur le territoire français, est découpée en trois grandes parties. La première invite à nuancer, sinon à renouveler, le regard scientifique sur la périphérie, à prendre acte de l’évolution et du polymorphisme des espaces périurbains et propose le terme « rurbain » pour mieux rendre compte des frontières de plus en plus floues et des imbrications indéniables entre le rural et l’urbain, sans toutefois occulter le phénomène d’automisation croissante de ces espaces par rapport au centre.

La deuxième partie déboulonne certains mythes, toujours véhiculés, opposant modes de vie urbains et rurbains en faisant des derniers, du fait de leur dépendance à l’automobile, des modes particulièrement néfastes au regard du bilan carbone. Par exemple, en comparant plus exhaustivement les pratiques de mobilité des résidants des centres de Paris et de Rome et de ceux de leurs périphéries, c’est-à-dire en tenant compte de l’ensemble des déplacements (travail, magasinage, loisirs), les urbains, même à position socioéconomique équivalente, auraient un bilan d’émission de GES plus lourd que les périurbains. S’ajoute à cela le kilométrage des biens de consommation, notamment celui des aliments. L’alimentation originale, souvent le fait des ménages à plus forts revenus, basée sur des importations et donc des circuits longs d’approvisionnement, alourdirait également le bilan carbone des urbains par rapport aux autres.

La troisième partie, plus prospective, mise sur le potentiel jugé prometteur des espaces rurbains et propose des avenues pour y instaurer des offres de mobilité de rechange à l’automobile individuelle. On propose ici la conversion des formes existantes, comme les centres commerciaux et le réseau routier, pour favoriser l’intermodalité et le recours aux modes doux, notamment au vélo. On termine avec des pistes de recherche sur les possibilités de généraliser les altermobilités déjà observées dans le rurbain et d’instaurer des circuits courts dans l’offre alimentaire, de même que pour étudier l’équilibre souhaitable entre auto-organisation et intervention publique pour une diversification des offres de service en mobilité.

La conclusion en trois points de vue rétrospectifs sur ces Rencontres souligne la pertinence d’intégrer l’art à la réflexion, démonstration largement faite, mais elle rend également compte de certaines limites : une approche un peu moins transfrontalière que les prétentions du Forum Vies Mobiles, faisant ici peu référence aux réflexions élaborées ailleurs qu’en Europe. Et peut-être un peu trop optimiste quand à la résilience des espaces rurbains, comme le conclut Javier Caletrio, selon qui la foi en la capacité des technologies numériques de tout régler nous fragilise plus qu’elle nous outille pour faire face aux défis de l’après-pétrole, un enjeu particulièrement crucial pour ces territoires.