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Au Canada, depuis le rapatriement de la Constitution en 1982, trois peuples sont reconnus officiellement comme étant autochtones : les Premières Nations, les Inuit et les Métis. Les Métis canadiens sont les descendants des mariages mixtes entre les femmes amérindiennes et les commerçants de la fourrure canadiens-français et britanniques (anglais ou écossais) qui ont eu lieu avant la mainmise gouvernementale sur le territoire.

Pour défendre leurs intérêts politiques, sociaux et économiques auprès des gouvernements (fédéral et provinciaux), les Métis se sont organisés en associations politiques, qui opèrent aux niveaux national, provincial, régional et local. Les branches locales de ces associations, en plus de soutenir leurs membres à l’aide de plusieurs départements s’occupant de divers enjeux comme l’éducation, la santé ou le logement, représentent aussi une communauté en milieu urbain où les Métis peuvent se retrouver et socialiser. Les femmes métisses ont également leurs propres associations, hiérarchisées de la même manière que les organisations métisses nationales. Leurs objectifs sont plus orientés vers les enjeux féminins et familiaux.

Cette étude se base sur une enquête de terrain de dix-huit mois effectuée à Winnipeg, au cours de laquelle nous avons fait de l’observation participante et réalisé trente-deux entrevues, que nous avons ensuite soumises à une analyse qualitative. Durant notre travail de terrain, au contact des associations, nous ne cessions d’entendre le discours (des hommes et des femmes), selon lequel les femmes métisses étaient idéalisées et placées sur un piédestal. Toutefois, dans la vie quotidienne et dans les organismes, nous n’avons observé aucun indice prouvant que les Métisses soient mieux traitées ou valorisées qu’ailleurs. Quant à l’importance de l’association provinciale métisse du Manitoba, la Metis Women of Manitoba (ou MWM), sur la scène politique et pour les Métisses, elle était, selon mes informateurs, très faible en raison de son inactivité et d’une question de genre : en effet, son président est un homme.

L’objectif de cet article est de confronter ce discours sur la valorisation des femmes véhiculé dans les associations avec la situation actuelle des femmes métisses au sein de leur communauté. Dans un premier temps, nous présentons la revue de la littérature et le cadre méthodologique utilisés pour cette recherche, ainsi que le cadre théorique appliqué. Dans un second temps, nous étudions le discours sur l’égalité traditionnelle des sociétés autochtones. Dans un troisième temps, nous nous penchons sur les discours sur la valorisation de la maternité et l’incitation au maintien des traditions autochtones. Enfin, en nous fondant sur notre expérience de terrain au Manitoba, nous analysons la situation des femmes métisses du Manitoba sur la scène politique autochtone.

Agencéité, violence symbolique et rôle de genres

Cette analyse repose sur le concept d’agencéité. Celui-ci correspond à « la capacité d’agir des acteurs, mais aussi de se projeter dans leurs actions » (Lallau 2008 : 6). L’agencéité est utilisée dans deux domaines de significations. Le premier est « l’agencéité de projet », il correspond à l’analyse de l’intentionnalité et à la poursuite de projet (culturellement définis). Le second est l’étude du pouvoir, la conduite dans des relations d’inégalités sociales, d’asymétries et de force. L’agencéité en termes de pouvoir est structurée autour de l’axe de la domination et de la résistance. L’agencéité de pouvoir et l’agencéité de projet ne sont pas exclusives et sont souvent associées l’une à l’autre. En effet, les désirs culturels ou intentions résultent des différences de catégories sociales et de pouvoir. Quant à l’agencéité de projet, elle est construite par ce que l’acteur veut et les moyens qu’il va utiliser pour obtenir ce qu’il veut. L’agencéité de pouvoir et l’agencéité de projet sont reliées par ce qu’Ortner (2006) appelle la structure élémentaire de l’agencéité. Grâce au concept d’agencéité, nous serons en mesure d’expliquer la position et le pouvoir des femmes métisses dans leur communauté.

Afin de saisir les limites de l’agencéité des Métisses et d’analyser les discriminations sexuelles dont elles souffrent dans le milieu associatif, nous avons recours au concept de violence symbolique. La violence symbolique correspond à l’imposition des catégories du groupe dominant sur le groupe dominé sans que ce dernier s’en rende compte, car il considère ce système de valeur comme étant « normal » et « justifié ». Ce conditionnement est réalisé sans violence physique, mais en enseignant aux dominés les normes, les us et les coutumes des dominants, en particulier à l’aide de la socialisation. Or, généralement, ces catégories mettent en valeur les dominants au détriment des dominés, dénigrant ces derniers et rabaissant leur estime de soi, mais aussi les empêchant d’accéder à certaines ressources et en bloquant leur ascension sociale. Les dominés ne se perçoivent qu’à travers le système de valeurs des dominants. Conséquemment, les dominés sont des complices inconscients de cette domination symbolique en se pliant aux limites qui leur sont fixées (Bourdieu 2002 [1998]).

Dans le cadre de cette étude sur les discriminations sexuelles, je m’intéresse aux rôles que la société attribue aux hommes et aux femmes, c’est-à-dire au rôle des genres. Le rôle des genres n’est pas naturel et implique un long apprentissage à travers les processus d’identification, de répétition, de correction et de ségrégation. Le genre constitue un instrument non seulement de séparation mais aussi de domination, de jeux de pouvoir. Il impose une vision du monde aux individus, car le monde est perçu à travers la perspective du genre avec l’application des genres grammaticaux, mais aussi des éléments, des espaces ou des comportements appropriés pour les hommes ou les femmes (Chauvin et Jaunait 2008).

Les femmes métisses dans la littérature

Pendant cette recherche, il s’est rapidement avéré qu’il existe peu d’études sur les femmes métisses, en particulier les Métisses contemporaines. La littérature académique sur les femmes métisses se concentre essentiellement sur l’histoire, en particulier sur le rôle des femmes autochtones dans le commerce de la fourrure (Brown 1978 ; Van Kirk 1999), sur la vie quotidienne des Métis francophones à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle (Payment 1990 ; Kermoal 2006), ainsi que sur la formation de l’identité métisse (St-Onge 2008 ; McDougall 2010). Sherry Farrell Racette (2001, 2005) se concentre sur l’art ; Ouellette (2002) se penche sur le féminisme, tandis que Poelzer et Poelzer (1986) abordent les communautés métisses rurales isolées.

Cet article explore les thèmes de la maternité, de la préservation des traditions et de la politique. Cette recherche tient compte du fait que de nombreuses femmes autochtones affirment être opposées au féminisme car ce mouvement reflèterait les valeurs « individualistes » de femmes non-autochtones, mais surtout parce que les sociétés autochtones n’auraient pas besoin de ce mouvement, étant donné que leur société se dit égalitaire (LaRocque 1996 ; Ouellette 2002) : « certains critiques disent qu’il n’y a pas une telle chose [le féminisme autochtone], tandis que d’autres disent que le féminisme est non-traditionnel, inauthentique, non libératoire pour les femmes autochtones et illégitime en tant que position idéologique, qu’analyse et processus politique »[1] (Green 2007 : 20).

L’ouvrage de Kermoal (2006) présente les rôles attribués aux femmes métisses entre 1850 et 1900, permettant ainsi d’explorer ce discours officiel. LaRocque (1996, 2007) et Viau (2005 [2000]) questionnent l’idée selon laquelle les sociétés autochtones seraient traditionnellement égalitaires. Ouellette (2002) et Anderson (2006) mettent de l’avant le caractère maternel des femmes autochtones, tandis que Krosenbrink-Gelissen (1983), LaRocque (1996, 2007) et Lee Maracle (1996) s’interrogent sur l’utilisation que font les politiciens de cette idéalisation de la maternité et des traditions. Quant à Hill Collins (2007), elle explique les raisons pour lesquelles les mères sont perçues comme essentielles par les sociétés.

En plus de la recension des écrits, cette recherche se base sur deux terrains qui ont pris place à Winnipeg en 2007 et 2008. La population de Winnipeg (730 000 personnes environ) regroupe 7 % de Métis, 5 % d’Amérindiens et 4 % de Franco-Manitobains du Manitoba (Statistique Canada 2009a, 2009b, 2012 ; Lepage et al. 2012). Pour être en contact avec des Métis, nous avons fréquenté des associations métisses et autochtones (rassemblant des Métis, des Amérindiens et des Inuit) et assisté à leurs réunions ainsi qu’aux évènements qu’ils organisaient. Notre position en tant qu’assistante de recherche à la Chaire de recherche du Canada sur l’identité métisse a aussi aidé à développer un réseau de contacts. Lors de nos deux enquêtes de terrain, nous avons interrogé trente-deux personnes, dont vingt-neuf Métisses, mais aussi deux Indiennes sans Statut mariées à un Métis et une Indienne à Statut dont le grand-père était Métis.

Perceptions des sociétés autochtones comme égalitaires

Les sociétés autochtones sont souvent dépeintes comme étant originellement égalitaires, mais comme ayant été perverties par le colonialisme, les Européens les ayant introduites au patriarcat :

Néanmoins, les valeurs, les modes de vie et des systèmes qui existaient dans nos communautés avant l’arrivée des Européens en général garantissaient le statut des femmes autochtones. De nombreuses cultures, valeurs et pratiques autochtones protégeaient contre les types d’abus permis et souvent encouragés par le patriarcat occidental.

Anderson 2006 : 57

Les Autochtones affirment que le travail des femmes autochtones n’était pas considéré comme inférieur à celui des hommes. Les tâches masculines et féminines étaient complémentaires et nécessaires à la survie de la communauté. Le rôle des femmes était essentiel dans la sphère domestique, mais elles participaient également aux travaux extérieurs, tels que la chasse, le traitement du gibier et la cueillette. Les hommes chassaient et pêchaient et les produits de la chasse et de la pêche étaient apprêtés par les femmes, elles cuisinaient ou salaient ces provisions et tannaient les peaux pour en faire des vêtements (Anderson 2006). L’arrivée des missionnaires et des commerçants de la fourrure changea effectivement la division traditionnelle du travail des Autochtones et le rôle des femmes. Les prêtres prônaient la soumission de la femme au mari et l’autorité absolue du père (Kermoal 2006). Les tâches féminines étaient dévalorisées et limitées à la sphère domestique ; elles consistaient essentiellement à l’éducation des enfants, à l’entretien et l’approvisionnement du foyer. Les missionnaires transformèrent cette nouvelle organisation du travail en mandats moraux (LaRocque 2007).

Toutefois, le statut des femmes autochtones avant l’arrivée des Européens n’était pas forcément idéal. Roland Viau (2005) remet en question l’idée du mythe du matriarcat (c’est-à-dire de la suprématie des femmes) iroquoien qui aurait disparu à cause de la colonisation, mythe qui a débuté avec les travaux de Lafiteau (1724). Cependant, l’étude de Viau conclut que la société iroquoienne ne constituait pas un matriarcat mais une gérontocratie, caractérisée par « des types d’organisation communautaire où les rapports entre les sexes s’articulaient sur des bases relativement égalitaires » (Viau 2005 : 16) ; malgré la réglementation stricte de la distribution des tâches, les aînés, qu’ils soient hommes ou femmes, étaient dotés d’un pouvoir décisionnel essentiel dans la société iroquoienne. Quant à Emma LaRocque (2007), elle avertit le lecteur que les traditions autochtones datant d’avant la colonisation ont tendance à être enjolivées. Effectivement, elle rappelle que dans toute l’histoire écrite, les ouvrages historiques et les archives indiquent que c’étaient les femmes autochtones – et non pas les hommes – qui s’occupaient de l’éducation des enfants et de la sphère domestique.

Valorisation de la maternité

Ce rôle de mère, primordial dans l’organisation du travail dans les sociétés autochtones originelles, est toujours perçu comme essentiel dans les discours autochtones. En effet, dans les sociétés autochtones, c’est en raison de leur responsabilité de mère que les femmes sont valorisées. Or, être mère est un acte fortement encouragé et valorisé partout dans le monde, pas uniquement chez les Autochtones car en fondant des familles, les femmes forment la base du système social.

La plupart des chercheurs assurent que la fonction maternelle est endossée avec joie par les femmes autochtones, qui ne font que reprendre le rôle traditionnel des genres dans leur société. Chez les Autochtones, les soins maternels ne sont pas réduits à la famille nucléaire mais s’étendent à la communauté et sont primordiaux pour sa survie. En effet, selon Hill Collins (2007) les mères issues des minorités ethniques doivent lutter contre les problèmes sociaux culturels qui affectent les membres de leur groupe pour préserver leur vie de famille. De fait, la maternité chez les femmes autochtones implique aussi d’être en charge de la transmission culturelle et identitaire pour sauvegarder la communauté et ses membres (Ouellette 2002 ; Hill Collins 2007).

Pour sa part, LaRocque (2007) s’interroge sur la place des femmes qui refusent d’être mères dans la société autochtone, et remet en question le fait que toutes les femmes métisses soient maternelles. Anderson (2006) aborde également le thème des femmes qui ne veulent pas d’enfants, mais pense que ces dernières font ce choix pour se consacrer à leur rôle de tante ou de grand-mère par procuration ou pour s’occuper de la communauté. Seule LaRocque revendique publiquement le droit des femmes autochtones à rejeter toute responsabilité maternelle. Le point de vue des femmes qui refusent d’être mères est donc passé sous silence dans le discours officiel autochtone.

Les résultats de mes données d’entrevues concordent avec le discours officiel autochtone. Les femmes métisses sont généralement représentées comme ayant un rôle maternel et transmetteur de culture : « Dans la culture métisse, les femmes ont été reconnues traditionnellement comme étant les gardiennes du savoir et les gardiennes de la tradition et les enseignantes de la culture » (M4[2] qui travaille dans le milieu associatif). A4 (employée dans le milieu associatif) affirme que dans la société métisse, les femmes ont toujours eu pour fonction de prendre soin de leur famille, tandis que les hommes subvenaient à leurs besoins matériels : « Quand vous regardez en arrière, quand, vous savez, c’était les hommes qui coupaient le bois, c’était les hommes qui allait préparer le feu, mais les femmes étaient celles qui prenaient soin des autres, et, je pense que c’est le rôle que nous avons pris dans notre communauté ». D’autres interlocutrices déclarent que les Métisses sont des femmes fortes qui jouent un rôle fondamental dans la cellule familiale.

Par ailleurs, certaines Métisses justifient l’existence de la violence et des discriminations contre les femmes dans les communautés autochtones en invoquant l’apparition dans la société métisse d’une hiérarchie entre les hommes et les femmes issue de la colonisation.

Et, à cause de la colonisation et de l’oppression que les femmes autochtones ont connue au fil du temps, y compris les femmes métisses et la christianisation, ils [les Autochtones] ont développé une sorte de hiérarchie qui n’était pas là avant parce que ce n’était pas la valeur que les peuples autochtones soutenaient avant, lorsque leurs nations tribales étaient en place.

B4, qui travaille dans le milieu associatif et social

L’évènement annuel organisé par l’association Kã Nĩ Kãnĩchihk (Keeping the Fires Burning) illustre bien l’importance du rôle de la mère traditionnelle. Il met en valeur la même vision des femmes autochtones que celle qui transparaît dans nos entrevues et dans le discours officiel. Cette cérémonie célèbre chaque année huit aînées autochtones qui ont participé à la préservation de leur culture. Les personnes nominées ont toutes fondé des familles nombreuses, vivent toujours de manière traditionnelle : elles parlent une langue autochtone, confectionnent les vêtements au lieu de les acheter, cuisinent de manière traditionnelle, pratiquent diverses activités autochtones et ont travaillé et fait du volontariat en même temps. Par exemple, une des aînées nominées en 2008 a élevé seule ses neuf enfants après la mort de son mari, tout en gérant sa ferme, en travaillant dans un restaurant local et pour d’autres fermiers. Elle est aussi très attachée à la danse et la musique métisse. Le message qui semble transparaître est qu’une « vraie » femme autochtone est une mère de famille nombreuse, qui prend soin de sa communauté en faisant du volontariat, en préservant et transmettant les traditions, et vivant en accord avec le mode de vie ancien.

La valorisation et la pratique des traditions sont effectivement essentielles, car elles permettent de préserver l’identité autochtone. Cependant, LaRocque (2007) se demande si toutes les coutumes sont bénéfiques pour les femmes. Elle souligne que les traditions évoluent avec le temps, car elles ne sont pas pertinentes à toutes les époques. Les traditions, dont l’idéalisation de la maternité, sont également manipulées par certains hommes autochtones pour contrôler et dominer les femmes (LaRocque 1996).

Ces interlocutrices ont donc intégré les catégories et les stéréotypes de la société autochtone selon lesquels leur culture est égalitaire, le patriarcat ayant été introduit par la colonisation. Les hommes autochtones sont lavés de toute responsabilité concernant les discriminations basées sur le genre qu’ils infligent aux femmes.

En termes de la communauté métisse, […], ils ont eu les églises, les églises étaient très influentes, alors ils ont eu ce genre de système de contrôle et c’est de là que beaucoup de valeurs patriarcales sont venues parce qu’au fond, les prêtres dirigeaient les communautés, vous savez dans les petites communautés métisses.

B4, qui travaille dans le milieu associatif et social

Elles trouvent légitime que les Autochtones attendent d’elles qu’elles accomplissent les mêmes tâches qu’avant la colonisation, à savoir s’occuper de leur foyer, de leur famille proche et étendue et de leur communauté. En revanche, elles ne remettent pas en question le fait que les hommes n’aient pas forcément à jouer leur rôle d’avant la colonisation. En outre, si les Autochtones ont identifié la cause du sexisme dans leur communauté, ils ne font pas grand-chose pour y mettre fin et se contentent de se cacher derrière l’excuse de la colonisation ; excuse derrière laquelle les femmes ne se cachent pas pour échapper aux multiples devoirs qui leur ont été imposés sous prétexte d’être « culturels ».

Les résultats de ces entretiens amènent à questionner les rôles masculins. Aucun devoir spécifique n’est attribué aux hommes puisqu’on s’attend à ce que les femmes autochtones travaillent pour subvenir aux besoins de leur famille. Ainsi, un travailleur social amérindien (L4) comparait la situation des hommes et des femmes dans les communautés autochtones :

Vous voyez dos à dos dans nos communautés, la plupart des emplois sont occupés par des femmes, nous avons comme des enseignantes, des travailleuses sociales, des infirmières. Maintenant beaucoup de nos femmes sont allées à l’école et sont en train de faire… Et je dirais que nous avons la plupart des femmes qui viennent à notre programme parce que les femmes, vous savez, elles ne sont pas tellement prises dans le déni, elles savent quand les choses ne sont pas bonnes et elles veulent aller mieux alors elles viennent chercher de l’aide. Considérant que, nos hommes sont tellement pris dans cela, et ce n’est pas une attitude autochtone, soit c’est une attitude européenne sur la façon dont l’homme doit être le gagne-pain de la famille, le mâle doit être le roi de son château, et tous ces sortes de choses et leurs expériences sont contraires à tout ça. Je veux dire ici qu’ils sont assis à la maison pris dans ce piège de l’aide sociale, totalement dépendants du système et de ce genre de choses. Et je dis que leur estime d’eux-mêmes est si fragile, tout type de blessure ou de test qui les pousse à la limite, puis vous obtenez tout un tas de choses comme la violence et ce genre de choses se passe au sein des familles.

L4, travailleur social

Dans ce discours, l’homme n’est pas responsable de la violence qu’il inflige à sa famille, il est victime de la pauvreté, de son manque de qualification et de son chômage. Quant aux femmes, dont certaines subissent ces abus, elles sont plus nombreuses à avoir une éducation et un travail et ont donc moins de problèmes (« à part » la violence familiale).

Bonita Lawrence, dans un débat avec Anderson (2006), aborde la définition des rôles de genres. Lawrence pense que les Autochtones veulent absolument déterminer les rôles des femmes, car dans les mouvements anticoloniaux, elles sont perçues comme symbolisant la Nation. Or, comme ils entreprennent de reformer les Nations autochtones, tous les regards sont tournés vers les femmes. En outre, les organisations urbaines ne tentent pas d’imposer une définition des rôles des hommes, car ils seraient plus difficiles à contrôler que les femmes. Nous ne pensons pas que les hommes définissent le rôle des femmes dans le but qu’elles représentent bien leurs Nations, mais plutôt pour renforcer leur domination masculine. Toutefois, nous voulons nuancer nos propos et préciser que ces déclarations ne concernent que la sphère politique autochtone et le milieu associatif. La plupart des Métisses choisissent volontairement ce rôle de maternité avec joie et sont aidées par leur conjoint dans ce rôle. De plus, nous avons conscience que tous les politiciens métis et autochtones ne cherchent pas à dominer les femmes.

Comme l’indiquent Lawrence et Anderson (2006), cette définition du rôle des genres est importante au niveau politique et identitaire. La maternité et le caractère égalitaire des sociétés autochtones constituent aussi un moyen positif de distinction pour les Autochtones. Premièrement, en raison de diverses politiques d’assimilation, mais aussi pour s’intégrer économiquement et socialement dans la société canadienne afin d’obtenir un travail, ou survivre tout simplement dans la société eurocanadienne, les Autochtones, y compris les Métis vivant en milieu urbain, ont un mode de vie proche de celui des Canadiens. Malgré cette stratégie d’intégration, les Autochtones sont souvent discriminés en raison de leur origine ethnique et de nombreux stéréotypes qui sont attachés à leur marginalité (« alcoolique », « paresseux »). Ainsi, non seulement, les Autochtones ont du mal à différencier leur mode de vie de celui des Eurocanadiens, mais ils souffrent toujours de racisme, engendrant ainsi uniquement une différenciation identitaire négative entre les Autochtones et les non Autochtones.

Deuxièmement, en raison de ce mode de vie proche, de nombreux non-Autochtones ont tendance à penser que les Autochtones sont comme les Canadiens, et n’ont plus de culture « authentique », en particulier pour les Métis, car nombre d’entre eux sont dotés d’un phénotype caucasien, et leur culture est fondée sur des éléments autochtones mais aussi écossais et canadiens-français. Cette remise en question est ironique étant donné que la société eurocanadienne et le gouvernement ont élaboré de nombreuses stratégies pour assimiler les Autochtones. En se basant sur ce jugement, selon lequel les Métis ne seraient plus « authentiques », des politiciens et des membres de la société estiment que les revendications des Métis sont injustifiées car ils sont assimilés et qu’il ne faudrait donc plus leur donner de droits.

Un aspect négatif de l’expérience métisse est qu’ils doivent négocier une identité distincte face à deux forces opposées – amérindienne et blanche – qui n’ont pas encore accepté la réalité de leur existence. Méprisés par les deux groupes, les Métis ont eu des difficultés à affirmer une identité culturelle légitime qui est distincte à la fois des identités amérindienne et blanche, mais néanmoins valide dans son propre droit.

Hedican 2000 : 214

Par cette valorisation de la maternité et du caractère égalitaire des sociétés autochtones, les Autochtones montrent qu’ils ont une culture distincte et qu’ils ne sont pas assimilés. Cette différenciation est positive et peut servir de base pour justifier l’existence de revendications autochtones.

La place des femmes métisses sur la scène politique autochtone

Après avoir étudié la construction de l’image des sociétés autochtones comme étant égalitaires et la valorisation supposée des femmes en raison de leur maternité, nous nous intéressons à la place réelle de ces dernières sur la scène politique. Lors de nos entretiens auprès des Métisses de Winnipeg, nous les avons interrogées sur la position des femmes au sein de l’association métisse provinciale manitobaine, la Manitoba Metis Federation (ou MMF). Certaines informatrices estiment que les hommes et les femmes sont traités de la même manière par l’association et que ces dernières sont écoutées au sein de l’organisme. Pour illustrer leurs propos, certaines ajoutent que des femmes travaillent ou font du volontariat au sein de la MMF.

Ce n’est pas une question d’homme ou de femme, c’est vraiment juste une question de si elle a un bon point et puis si elle s’exprime bien. Je sais qu’il y a beaucoup de femmes à la MMF aussi qui sont impliquées. […] je sais qu’il y a des femmes qui travaillent là et puis je sais qu’il y a des femmes qui sont impliquées et qui se font entendre.

G3, adjointe administrative

Quelques interlocutrices tenaient ce discours garantissant que les femmes métisses construisent la Nation et qu’elles sont indispensables pour le bien-être de la société.

Vous voyez, à cause de ma famille, et ceci est juste ma propre expérience personnelle, nous avions une famille matriarcale forte dont [sic] les femmes étaient les piliers de notre famille.

O1, qui travaille dans le milieu associatif

Effectivement, en 2013, selon le site Internet de la MMF, vingt personnes composent le conseil d’administration[3]. Parmi ces personnes, douze sont des hommes, et huit des femmes. De fait, 40 % du conseil d’administration est composé de femmes. Les femmes sont donc minoritaires, mais certaines occupent des positions importantes. Néanmoins, certaines interviewées estiment que celles qui ont de bons postes à la MMF ont réussi à les obtenir du fait qu’elles sont les marionnettes du président. Elles estiment que ce n’est pas forcément parce qu’il y a des femmes à la MMF que cela signifie qu’elles véhiculent la voix des femmes. Elles dénoncent que l’ascension professionnelle des femmes au sein de la MMF soit bloquée. Selon ces dernières, lorsque les femmes prennent la parole en public pour s’opposer aux dirigeants masculins, elles sont rabaissées, critiquées et humiliées.

[…] C’est toujours le même groupe d’hommes qui sont au pouvoir. Les femmes sont peut-être sur le conseil d’administration mais les hommes prennent toutes les décisions, les meilleurs postes sont tenus par des hommes. Les femmes sur le conseil d’administration sont d’accord avec eux car elles n’ont pas l’éducation ni le savoir pour comprendre ce qui se passe. Les femmes qui sont contre eux sont ostracisées.

R1, travailleuse sociale

Quand on essaye d’être plus politique, on se fait taire pas mal vite. Les hommes veulent pas entendre. La dernière élection qu’on a eue à la MMF, il y a plusieurs femmes qui se sont présentées pour les élections et celles qui étaient pas sur le bord des hommes, se sont faites, ils ont parlé contre eux autres. Elles se sont fait vraiment maganer. Tout le monde parlait contre eux autres. Toutes sortes de rumeurs.

A1, travailleuse sociale

Combien de fois avons-nous été dans un cercle, la seule femme autochtone, et nos contributions aux évènements ne sont pas reconnues ? Comme si nous étions invisibles. Nous sommes la majorité des membres de presque toutes les organisations autochtones au niveau le plus bas, les moins entendues et jamais les dirigeantes. Ce n’est pas non plus faute d’articuler nos objectifs ou en raison du manque de dirigeants. Nous avons été effacées du tableau noir de notre vie.

Maracle 1996 : 21

En outre, peu de femmes autochtones sont politiciennes. Elles sont peu nombreuses à occuper des positions élevées dans les associations autochtones ou politiques en général. Le manque de représentation dans les discussions sur les futurs gouvernements autonomes favorise les discriminations basées sur le genre dans les communautés autochtones (LaRoque 1996).

L’attitude des gouvernements fédéral et provinciaux n’arrange pas ce comportement, étant donné qu’ils ne négocient qu’avec les associations générales autochtones et non pas avec les associations de femmes autochtones. En effet, récemment, le gouvernement fédéral n’a pas accepté que l’association nationale de femmes métisses, le Métis National Council of Women[4] (ou MNCW) fasse partie du programme de Ressources humaines et du développement des compétences Canada. Le programme avait des accords avec le Ralliement National Métis (ou RNM), l’Assemblée des Premières Nations et l’Inuit Tapirisat du Canada. Or, le MNCW souhaite intégrer ce programme, car ses dirigeantes jugent que le RNM représente essentiellement les hommes métis et non pas les femmes métisses. Dans ce but, le MNCW est allé en justice pour remettre en question la décision du gouvernement fédéral. La Cour d’Appel fédérale considère qu’il n’y a pas assez de preuves indiquant que le RNM défende uniquement les intérêts des hommes métis et elle ajoute que rien n’atteste que la voix des femmes est véritablement transmise par le MNWC. Le MNCW s’est vu refuser un appel à la Cour Suprême du Canada (Teillet 2009). De plus, au sein de l’association nationale métisse (le RNM), le Secrétariat des femmes métisses possède seulement un siège sur le conseil d’Établissement et n’a pas de droit de vote au sein du RNM.

Ironiquement, même des interviewées membres de l’association provinciale de femmes métisses du Manitoba, la Métis Women of Manitoba[5] (ou MWM), se plaignent de ce que les femmes ne sont pas écoutées et qu’elles sont dominées par les hommes. Lors de mes deux séjours au Manitoba, entre 2006 et 2008, la MWM était totalement inactive, aucun programme ni réunion n’ayant lieu. Les dirigeantes de l’association justifiaient cette inactivité par le manque de moyens, mais les membres estimaient que les premières pouvaient faire des demandes de subvention auprès des gouvernements fédéral et provinciaux ou organiser des collectes de fonds. Toutefois, le plus gros reproche des membres de la MWM était que depuis l’élection de la dernière dirigeante, l’organisme n’était plus indépendant de l’association métisse provinciale, et était, selon leurs dires, à la solde du président de la MMF. Premièrement, le siège de la MWM se trouve dans le bâtiment de cette dernière. Deuxièmement, tous les membres de la MWM que nous avons interviewées m’ont affirmé qu’après son élection, la présidente de la MWM s’est rétrogradée au poste de porte-parole des femmes métisses et a donné la position de présidente au… président de la MMF. Depuis, la MWM et ses dirigeantes ont perdu toute crédibilité aux yeux de mes interlocutrices qui ne supportent pas que leur organisme soit dominé par la MMF : « Elles [les femmes métisses] n’ont pas de voix du tout, du tout, du tout, du tout. Les présidents de toutes les organisations métisses, même l’organisation des femmes, sont des hommes » (A1, travailleuse sociale). De nombreuses femmes ont même quitté l’association.

Le fait que le président de la MMF soit à la tête de la MWM d’après des interviewées rejoint le témoignage d’une ancienne présidente de la MWM qui révélait que durant son mandat, les hommes de la MMF essayaient de manipuler les femmes de leur famille qui étaient sur le conseil d’administration de la MWM pour que l’organisation suive la même orientation politique que la MMF. Ainsi, en devenant le président de la MWM, le président de la MMF serait passé à l’étape supérieure de la manipulation. « Je suis d’accord que comme président de la MMF il devrait savoir quels groupes sont associés avec la MMF mais je ne pense pas qu’il a besoin d’avoir le contrôle sur tous ces groupes-là. Moi je refuse de participer à cela » (A1, travailleuse sociale). Par contre, lorsque nous avons confronté la porte-parole de la MWM avec cette information, elle a affirmé que le président de la MMF était uniquement celui de la MMF et qu’elle était la porte-parole de la MWM.

Ces discussions indiquent que les femmes au Manitoba ont de nombreux obstacles à surmonter pour s’imposer sur la scène politique autochtone. Par contre, nous remarquons qu’en Alberta, quelques femmes jouent un rôle de dirigeantes, et que non seulement leur travail est reconnu, mais encore elles deviennent des rôles-modèles pour la population. Par exemple, Muriel Stanley-Venne est une activiste métisse albertaine spécialiste des Droits de l’Homme qui se concentre particulièrement sur les droits des femmes et des Autochtones. Audrey Poitras est la seule présidente d’association métisse au Canada. À la tête de la Nation Métisse de l’Alberta depuis 1996, elle révéla lors d’un entretien qu’elle avait été confrontée au sexisme dans son parcours politique :

Donc, j’ai été la seule femme élue à cette table [Conseil du Bureau des Gouverneurs du Ralliement National Métis], durant les douze années où j’ai été là et oui, je pense que c’était un endroit plus difficile pour moi, parce qu’il était très évident dès la première fois que je suis allée là-bas que les gens ne pensaient pas que j’en faisais partie. Ça allait de ne pas vouloir écouter ce que j’avais à dire, jusqu’à dire au fond : « Comment pourriez-vous savoir ? », vous savez, c’était, et même jusqu’à aujourd’hui, je crois que les mots ne sont pas autant prononcés mais, pour certains d’entre eux ils croient que c’est un monde d’hommes et « comment êtes-vous arrivées ici ? ».

Audrey Poitras, présidente, Nation Métisse de l’Alberta

En bref, certains politiciens tentent d’éloigner les femmes métisses de la scène politique, dans le but d’être les seuls à imposer leurs décisions. Ils essaient de tenir les femmes à distance de la scène politique en critiquant celles qui osent s’exprimer. Certains politiciens métis cherchent à donner l’illusion que la politique métisse est égalitaire, en acceptant les femmes métisses dans les échelons inférieurs de l’organisation, car les hommes savent qu’ils ne peuvent pas retirer toutes les femmes de la politique métisse. Les associations de femmes métisses sont également écartées, elles ne font pas partie des négociations avec les gouvernements et provinciaux, le Secrétariat des femmes métisses n’a pas de droit de vote au sein de l’association nationale métisse, sans oublier que l’association de femmes métisses du Manitoba (la MWM) est totalement dominée par la MMF. L’association qui pourrait regrouper des femmes, leur permettant de former leurs propres revendications et de s’opposer à la domination masculine, est neutralisée. En écartant le point de vue des femmes au profit des priorités des hommes, la domination masculine est renforcée.

Les femmes métisses sont toutefois dotées d’agencéité, car elles tentent de résister à la domination des hommes métis sur la scène politique. Par exemple, les femmes ont demandé devant un tribunal que leur association nationale soit incluse dans les négociations avec les gouvernements provinciaux et fédéral. En dépit des divers obstacles auxquels elles sont confrontées, des femmes métisses persistent à s’impliquer en politique, que ce soit en travaillant ou en étant bénévoles dans les associations, ou en s’investissant dans une association de femmes métisses, ou tout simplement en exerçant leur droit de vote. Toutefois, certaines femmes sont soumises à la violence symbolique et souscrivent au système de valeurs masculin qui proclame que les hommes et les femmes sont traités de manière égale sur la scène politique.

L’absence de collaboration hommes-femmes affaiblit la cause métisse, car du fait qu’ils sont divisés, leurs revendications ne représentent pas forcément l’ensemble ; moins de personnes soutiennent et s’inscrivent aux associations métisses. Par exemple, une Métisse me disait qu’elle en avait assez que les politiciens se battent pour les droits de chasse et de pêche métis, que les Métis avaient des problèmes beaucoup plus importants à régler. Effectivement, si nous regardons du côté des enjeux familiaux, il y a un grand nombre de mères célibataires : 27 % des enfants métis vivent dans une famille monoparentale, tandis que cette situation ne concerne que 14 % des enfants non autochtones (Statistique Canada 2009b) ; et/ou elles vivent des problèmes de violence familiale. Le taux de violence conjugale chez les Autochtones est de 10 %, contre 6 % pour la population non autochtone (Perreault 2013). Toutefois, tous les politiciens métis et autochtones ne cherchent pas à dominer les femmes.

Conclusion

En conclusion, des politiciens autochtones cherchent parfois à écarter les femmes de la sphère politique afin d’imposer leurs revendications, sans avoir à tenir compte des points de vue des femmes. Dans ce but, certains politiciens usent de diverses stratégies. Par exemple, ils découragent les femmes de prendre la parole en public, en les rabaissant. Ils ont recours à la violence symbolique dans les discours autochtones pour que les femmes « restent à leur place » et qu’elles ne se rendent pas compte qu’elles sont évincées de la politique. Ces discours mettent en avant le caractère traditionnellement égalitaire des sociétés autochtones. Dès qu’un exemple de sexisme est mentionné, les politiciens se cachent derrière l’explication selon laquelle la colonisation a introduit le patriarcat. Ce discours officiel a tendance à définir les femmes uniquement par leur rôle de mère, dévaluant ainsi les femmes sans enfants. Les Métisses se retrouvent donc exclues de la scène politique.

Certaines femmes échappent à la violence symbolique. Elles n’adhèrent pas à ce discours officiel masculin qui restreint leur sphère d’influence à la sphère domestique. Ces femmes font preuve d’agencéité en résistant à cette domination masculine par leur implication dans une association métisse générale, une association de femmes métisses, ou en votant pour un candidat favorable aux femmes.

Ce discours officiel pose également problème dans la définition du rôle des hommes, car ce dernier n’est pas clairement défini. Il n’est pas inclus dans la sphère domestique, en particulier dans l’éducation de ses enfants. À l’origine il doit subvenir aux besoins de sa famille, mais de nos jours, il partage cette tâche avec son épouse qui contribue aussi à l’économie du foyer. La chasse ou la pêche, activités traditionnelles masculines, sont devenues un loisir traditionnel occasionnel, compliqué à pratiquer de manière régulière en raison du mode de vie urbain contemporain. Le discours officiel a donc des difficultés à trouver une place réservée aux hommes, issue du mode de vie traditionnel, praticable dans la société contemporaine urbaine. De fait, la politique devient la chasse gardée des hommes, un rôle masculin traditionnel, valorisant, qui peut être exercé de nos jours dans un contexte urbain. Les hommes comme les femmes se retrouvent pris en étau dans leur volonté de préserver leurs traditions, d’oeuvrer pour leur communauté et de se différencier de la société dominante, tout en ayant un mode de vie urbain contemporain. Ils sont face à des rôles de genres auxquels ils n’adhèrent pas forcément, mais en les rejetant, ils ont peur d’être perçus comme des « assimilés ».

Notre recherche se démarque en premier lieu par le fait qu’elle ne se fonde pas sur le postulat selon lequel les sociétés autochtones sont égalitaires et que toute tradition est bonne à valoriser pour le bien de la communauté. Deuxièmement, elle analyse une population fortement ignorée des chercheurs : celle des femmes métisses.

Parmi les limites de cette étude il y a le fait que nous n’avons pas véritablement interviewé beaucoup d’hommes lors de notre enquête de terrain, notre but étant de donner la parole aux femmes. Il y a aussi que nous nous sommes rapidement rendue compte (et c’est le point de départ de cette étude) qu’ils nous répétaient constamment le même discours sur les femmes métisses fortes et respectées. De plus, nous pensons qu’un homme interviewé par une femme aura tendance à nuancer son discours et à se montrer plus « politiquement correct », voire à censurer ses paroles. Il serait intéressant de compléter cette étude en se concentrant sur la définition du rôle de père ou du rôle des hommes métis dans la famille et la communauté.