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Goethe-Institut Montréal, détail du luminaire et du logo au comptoir de prêt

Photo : Jean-Guy Lambert

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Contexte

Le Goethe-Institut Montréal est un institut culturel allemand dont la triple mission consiste à faire la promotion de la langue allemande, en offrant des cours de langue et en organisant des séminaires pour professeurs et étudiants; à faire la promotion de la culture, par des activités et des partenariats entre artistes et intellectuels canadiens et allemands et; à diffuser de l’information sur l’Allemagne grâce à sa bibliothèque spécialisée rassemblant 7 500 documents et à son site Internet.

C’est au printemps 1962 que le Goethe-Institut Montréal ouvre ses portes et donne ses premiers cours d’allemand à Montréal. À cette époque, il est situé dans une maison de la rue Drummond. Il y restera jusqu’en 1974, alors qu’un premier déménagement va s’imposer : la maison est devenue trop petite pour les 650 élèves qui y apprennent l’allemand chaque année. La Place Bonaventure devient la nouvelle localisation de choix : on y trouve suffisamment d’espace pour les salles de cours, une bibliothèque moderne et une salle d’activités, qui verra défiler notamment Hans Magnus Enzensberger, Günter Grass et Leni Riefenstahl. Surnommé le « bunker », vu son manque de fenestration, le Goethe-Institut Montréal y restera jusqu’en 1987.

La même année, l’architecte Shulim Rubin construit sur mesure des locaux pour le Goethe-Institut Montréal sur la rue Sherbrooke Est, tout en conservant la façade historique d’un bâtiment détruit par le feu. Après 13 ans passés dans le sous-sol de Place Bonaventure, la lumière naturelle et l’air frais ne sont pas de refus! Outre ses salles de classe et sa bibliothèque, la troisième incarnation du Goethe-Institut Montréal comprend également une salle de cinéma. Cet ajout permet au Goethe-Institut Montréal de tisser des liens avec les nombreux festivals de cinéma présents dans la métropole. La bibliothèque se trouvait au deuxième étage de ce bâtiment et souffrait d’un manque de visibilité tant pour nos étudiants (les cours avaient lieu au sous-sol) que pour les passants. La superficie de 104 m2 était sensiblement la même que celle occupée aujourd’hui (86 m2). Les rayonnages et le mobilier, acquis en 1987, ainsi qu’un nouveau comptoir du prêt et de la référence, conçu en 2005, étaient encore en bon état, quoique quelque peu désuets. En dehors des heures d’ouverture (limitées à 17 heures par semaine), la bibliothèque était verrouillée, et le prêt ou la consultation de documents ne s’effectuait que sur prise de rendez-vous.

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Goethe-Institut Montréal, vue extérieure des façades avec entrée principale (à gauche) et entrée des employés (à droite)

Photo : Jean-Guy Lambert

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Goethe-Institut Montréal, vue de l’entrée principale vers l’espace de lecture et la bibliothèque

Photo : Jean-Guy Lambert

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Dans le Quartier des spectacles

La recherche d’un nouvel emplacement commence en 2009-2010, après presque 25 ans de présence sur Sherbrooke Est. Mechtild Manus, directrice à l’époque, et Manfred Stoffl, directeur administratif et maintenant directeur du Goethe-Institut Montréal, visitent 35 locaux. Leurs critères de sélection sont les suivants : la grandeur de la bâtisse et la disposition des pièces (s’il s’agissait d’un édifice déjà aménagé); la proximité avec les transports en commun; la proximité avec les autres acteurs culturels du milieu montréalais; et la compatibilité avec le Eurocode 8 (réglementation des bâtiments, qui correspond plus ou moins aux standards canadiens depuis 2005).

En tant qu’institut chargé de présenter une image moderne de l’Allemagne, il fallait réévaluer l’emplacement géographique, la bâtisse ayant besoin de rénovations et le bail étant échu. En tenant compte de la diversification des activités, notamment des collaborations avec plusieurs partenaires situés dans le Quartier des spectacles ou à proximité, un déménagement en plein coeur de celui-ci, angle Saint-Laurent et Ontario, est apparu comme étant un choix logique. Voici d’ailleurs ce qu’affirmait Mechtild Manus, directrice du Goethe-Institut Montréal de 2004 à 2012 :

I’ve been watching the Quartier des spectacles evolve over the last four years, and when I discovered the Loft des Arts, I thought “This will be the ideal location for us” […]. I mean, look around. You have St. Laurent Blvd, the Société des arts technologiques, the Maison symphonique, Place des Arts, Le 2-22, very soon the Maison de la danse, and, up the hill, Excentris […]. And in our loft-like setting, we’ll be able to present everything we are on one big floor.

Heinrich 2012

Choix des architectes et des fournisseurs de mobilier

Un appel d’offres public a été fait afin d’embaucher les architectes en charge de notre aménagement. Cinq firmes ont soumis leur concept, basé sur les plans du local choisi. Ce fut un appel d’offres limité, car le coût total du projet ne devait pas dépasser un certain montant. À la suite de cet appel d’offres, la firme Atelier TauTem a obtenu le contrat.

En collaboration avec la direction et l’administration du Goethe-Institut Montréal, ainsi qu’avec les architectes d’Atelier TauTem et ceux du Goethe-Institut à la direction centrale de Munich, et grâce aussi à des recherches effectuées sur Internet, des réponses ont été trouvées aux questions suivantes : comment les bibliothèques modernes sont-elles aménagées en Allemagne et en Europe? Quelles sont leurs innovations? Qu’est-ce qu’on y trouve comme mobilier? Le nom d’un fournisseur revenait souvent : SCHULZ SPEYER. Plusieurs autres Goethe-Institut ont fait affaire avec cette compagnie allemande fondée en 1955. Une demande de soumission de mobilier lui a été adressée, ainsi qu’à deux fournisseurs locaux reconnus : Brodart et PRISMA. En termes de coûts, les trois soumissions étaient plutôt similaires. Après avoir évalué les différents types de mobiliers offerts, les matériaux, les services connexes (livraison, assemblage), l’originalité et la compatibilité avec la vision de nos architectes, la décision a été prise de retenir les services de SCHULZ SPEYER.

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Goethe-Institut Montréal, vue de la bibliothèque à partir du bureau de la référence

Photo : Jean-Guy Lambert

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Différences de vision

En parallèle avec le processus de sélection du fournisseur, les architectes de TauTem travaillaient encore au design final des plans du nouvel Institut. C’est là que sont apparues les premières différences de vision : le premier plan soumis ne correspondait pas à l’idée que nous nous faisions de notre future bibliothèque (répartition de l’espace prévu pour les étagères et de celui prévu pour les usagers). TauTem s’est montré flexible et après quelques échanges de courriels, nous avions un plan qui convenait à tous.

Voici les quelques conciliations qui ont été faites entre nos besoins de fonctionnement et la vision esthétique des architectes :

  • les rayonnages devaient s’aligner sur la salle multimédia. Ils ont été repoussés vers l’intérieur de l’espace de la bibliothèque, afin que le couloir soit plus large;

  • des étagères ont été ajoutées au mur, près des ordinateurs pour les usagers, une idée préconisée par les architectes et qui a bien servi la bibliothèque, car il manquait un emplacement distinct pour le coin jeunesse;

  • pour tenir compte des tuiles colorées au plafond, le choix d’une couleur plus sobre pour les rayonnages a été préférée à celle qui fut initialement envisagée;

  • lors du montage des rayonnages, les architectes privilégiaient que le haut de ceux-ci demeure ouvert, alors que notre préférence du haut fermé a été maintenue, afin d’avoir moins d’accumulation de poussière sur les documents.

Changements et impacts à la bibliothèque depuis le déménagement

D’un point de vue plus général, le réaménagement du Goethe-Institut Montréal se veut le reflet d’une « nouvelle Allemagne », plus écologique : réduction de l’utilisation de matériaux (par exemple, planchers, plafonds et colonnes de béton ainsi que tuyaux laissés à nus avec une simple couche de protection); intégration de mobilier québécois et allemand avec contenu recyclé certifié; utilisation de peinture, scellants et enduits à faible quantité de composés organiques volatils; utilisation d’appareils sanitaires à faible consommation d’eau; optimisation énergétique; cloisons intérieures vitrées laissant passer la lumière naturelle; tous les postes des employés situés à six mètres et moins d’une fenêtre. Ces mesures visent l’obtention éventuelle d’une certification LEED-CI Argent. Le résultat est une ambiance contemporaine inspirée de l’écodesign allemand : une palette épurée (verre, bois, béton, couleur blanche) qui se combine aux couleurs propres au Goethe-Institut.

Les deux changements majeurs pour la bibliothèque sont sans conteste son accessibilité, tant à l’intérieur de l’institut que pour les passants, à l’extérieur, et son nouvel emplacement, en plein coeur de toutes les activités de l’institut. En effet, aucun mur ni porte ne la sépare désormais des salles de classe qui longent la bibliothèque. Il s’agit d’un changement d’orientation radical par rapport à ses incarnations précédentes. La bibliothèque sert désormais de lieu de rencontre et d’échanges entre l’axe culturel de l’institut (salles de classe, salle multimédia, le café) et l’axe administratif. Visible depuis l’entrée, elle pique la curiosité, enchante les visiteurs et surprend ceux qui en découvrent l’existence.

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Goethe-Institut Montréal, mur de verre des salles de classe longeant la bibliothèque

Photo : Jean-Guy Lambert

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Après une période d’adaptation et de formation des réceptionnistes, la consultation et le prêt sont, depuis février 2013, disponibles en tout temps lors des heures d’ouverture de l’Institut. L’horaire de la bibliothèque compte désormais 63,5 heures par semaine, soit une augmentation de 370 % d’heures disponibles.

Un déménagement constitue l’occasion idéale de revoir la disposition des documents et de leur accorder plus d’espace afin de mieux mettre en valeur certaines collections, notamment la littérature contemporaine, les livres jeunesse, l’apprentissage de l’allemand, le cinéma, le théâtre et les DVD. C’est aussi une belle occasion d’acquérir un présentoir de nouveautés et un deuxième présentoir pour les collections de CD (musique et livres audio). Ces ajouts permettent un furetage plus aisé et favorisent la possibilité d’accroître ces collections au cours des prochaines années. À la grande satisfaction des usagers, une chute à documents, disponible hors des heures d’ouverture, a également été ajoutée.

L’impact le plus visible est l’achalandage : les étudiants s’intéressent beaucoup plus à la bibliothèque, les visiteurs et les usagers actifs sont plus nombreux. Informés de notre déménagement, d’anciens usagers reviennent après une absence de trois, cinq ou dix ans et plus. Grâce à l’emplacement, au coeur du Quartier des spectacles, aux nouveaux locaux aux grandes fenêtres, notre visibilité est plusieurs fois décuplée. Presque tous les jours, des gens entrent et demandent : « Quels services offrez-vous? Avez-vous une bibliothèque? » La réaction des usagers est éminemment positive : ils apprécient la plus grande luminosité, les heures d’accès prolongées et la nouvelle esthétique, plus moderne, de l’institut.

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Goethe-Institut Montréal, vue de l’entrée principale vers la réception (au centre) et le comptoir de prêt (à droite)

Photo : Jean-Guy Lambert

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La nouvelle bibliothèque du Goethe-Institut Montréal constitue également un test pour les Goethe-Institut disséminés à travers le monde : jusqu’à maintenant, elle est la seule, parmi la centaine de bibliothèques du réseau, à être systématiquement ouverte et à être située au centre de toutes les activités d’un institut. La direction centrale de Munich est très intéressée par l’évaluation éventuelle de l’impact de ce changement sur le taux de fréquentation et le nombre de prêts. En effet, ce nouvel emplacement au coeur de l’institution permet à la bibliothèque de jouer un plus grand rôle au sein de la programmation culturelle du Goethe-Institut Montréal. À titre d’exemple, dans le cadre de Nuit blanche à Montréal 2013, le compositeur Sandeep Bhagwati et son groupe de recherche interdisciplinaire matralab ont composé une oeuvre qui a été interprétée dans la salle de lecture de la bibliothèque et dans les salles de classe; en juin 2013, toujours avec M. Bhagwati et matralab, l’artiste sonore Chantale Laplante a créé une installation interactive avec des détecteurs de mouvements et des haut-parleurs dissimulés dans les rayonnages. En septembre 2013, Daniel Brière et Evelyne de la Chenelière ont créé Berlin appelle, une pièce de théâtre avec installations vidéo, et suscité une présence médiatique remarquée, les quotidiens La Presse et Le Devoir ayant publié des articles à propos de cette performance. D’autres collaborations et projets spéciaux sont à prévoir au cours des prochaines années.

Conclusion

Au cours de ses 50 ans d’existence à Montréal, le Goethe-Institut a connu trois déménagements et réaménagements majeurs, pour différentes raisons : le manque d’espace, le manque de lumière, le besoin de se rapprocher de ses partenaires et de se moderniser. Chaque fois, une analyse de la situation a été effectuée, et l’identification des besoins à combler a guidé les différentes étapes du processus, de la recherche d’un local à l’embauche d’architectes, en passant par le choix des fournisseurs de mobilier.

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Goethe-Institut Montréal, vue d’ensemble de l’entrée des employés

Photo : Jean-Guy Lambert

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Il importe de toujours garder en tête les différentes visions et priorités des partenaires du projet, et les besoins des usagers qui en bénéficieront. Des compromis de part et d’autre sont souvent de mise afin de mener son déménagement et son réaménagement à bon port. Ce déménagement récent a des résultats très positifs, notamment une plus grande visibilité auprès de nos étudiants, des passants et des médias, de meilleurs services offerts et la possibilité de générer des projets innovateurs. Si des efforts importants ont été requis de la part des employés, ceux-ci ont relevé le défi avec brio et ils en apprécient désormais les retombées.