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Si le 20ème siècle a été très orienté sur la technologie, le capital humain reste toujours l’élément majeur d’une entreprise, la clé de la mise en place de ses stratégies et de l’atteinte de ses objectifs. L’émergence de la société de services après la deuxième guerre mondiale a amené une prise de conscience accrue du rôle des employés dans la création de la valeur ajoutée de l’entreprise (Hai-Yan et Baum, 2006). Il est souvent affirmé que, compte tenu de l’importance de l’interaction entre le client et le salarié lors de la servuction, la gestion des ressources humaines (RH) a un rôle clé à jouer pour garantir un niveau élevé de qualité de service (Haynes et Fryer, 2000). Selon Haynes et Fryer (2000), les hôtels disposant d’une haute qualité de service peuvent améliorer la satisfaction des clients et leur rentabilité. D’autres travaux, dans le cadre d’une expérience de service, corroborent également ce lien de causalité, qualité-satisfaction (Cronin et Taylor, 1992; Lee, Lee et Yoo, 2000). Le consommateur d’un service s’engage dans une complexe expérience qui est à la fois personnelle, professionnelle et psychologique, à la différence de l’acte de la consommation d’un produit (Schneider et Bowen, 1993). Le capital humain devient donc une ressource précieuse de l’entreprise (Barney, 1991; Hai-Yan et Baum, 2006) et cette ressource doit être gérée (Barney, 1991). De ce point de vue, selon Gherra (2010, p. 142), « les chercheurs en théorie des ressources et compétences ont tout d’abord mis en évidence le rôle stratégique des ressources et des compétences de l’entreprise, dans la construction d’un avantage concurrentiel solide ». Wernerfelt (1984, p. 72) envisage les ressources comme « les actifs tangibles et intangibles qui sont attachés de manière semi-permanente à une entreprise ». Plus récemment, Helfat et Peteraf (2003, p. 999) considèrent que le concept de ressource « fait référence à un actif tangible ou intangible qu’une organisation possède, contrôle, ou auquel elle a accès de façon quasi permanente ». Dans une perspective stratégique, les spécialistes sont parvenus à une définition convergente où les ressources sont envisagées comme les actifs tangibles et intangibles que la firme utilise, pour concevoir et mettre en oeuvre sa stratégie (Gherra, 2010). Le lien entre ressources et compétences est évident dans la mesure où la compétence est considérée comme un savoir-faire pour combiner les ressources tangibles et intangibles (Barney, 1991), car « la compétence fait référence à la capacité d’accomplissement en ayant recours à des ressources tangibles (équipement, machines, mailing liste) et des ressources intangibles (savoir-faire, compréhension des besoins clients) » (Danneels, 2002, p. 1102). Ainsi, elle permet de créer de nouvelles ressources, de faciliter leur développement et leur accumulation (Gherra, 2010). En ce sens, le management stratégique des compétences est un des moyens d’amélioration de la performance organisationnelle (Haynes et Fryer, 2000).

Pratiques RH, satisfaction au travail, roulement du personnel et performance

L’adoption des pratiques RH peut avoir une fonction instrumentale. Elle peut influer sur les attitudes telles que la satisfaction au travail, le moral, et les sentiments positifs sur les perspectives d’avenir manifestées dans la compétitivité perçue. Ces attitudes, à leur tour, peuvent affecter la probabilité qu’un employé cherche un autre emploi (Chow, Haddad et Singh, 2007). Pris dans leur ensemble, les attitudes et le roulement du personnel peuvent avoir un effet significatif sur la performance organisationnelle (Choi et Dickson, 2010). En effet, la satisfaction au travail peut conduire à une meilleure productivité et à un meilleur RevPar (revenu par chambre disponible) (Cho et Erdem, 2006), et est en lien négatif avec le roulement du personnel (McBey et Karakowsky, 2000). Dans le même ordre d’idée, l’étude menée dans le contexte hôtelier au Kenya par Onyango et al. (2009) et celle par Taylor et Finley (2009) dans le contexte de l’hôtellerie de luxe aux Etats-Unis ont également mis en évidence l’impact positif des pratiques RH sur la satisfaction des employés et la performance organisationnelle. D’une manière générale, les recherches antérieures ont tendance à souligner le lien positif entre pratiques RH et performance organisationnelle (Haynes et Dryer, 2000; Cho et Erdem, 2006). En effet, les écoles économique et du comportement organisationnel ont, toutes les deux, établi le lien entre pratiques RH et performance des firmes. Les économistes ont longtemps noté que les employés sont une ressource précieuse qui doit être gérée (Barney, 1991). Quant aux chercheurs en comportement organisationnel, ils ont soutenu l’argument selon lequel l’accent mis sur les pratiques RH montre l’importance que l’organisation place sur ses employés, et ceci est à la base des attitudes positives (Wright et McMahan, 1992).

Dans le secteur du tourisme, malgré un champ très vaste de recherches portant sur les relations entre les pratiques RH, la satisfaction au travail, le roulement du personnel et la performance des firmes, ainsi qu’un lien évident particulièrement mis en avant par les travaux antérieurs entre les compétences des employés, la qualité de service et la performance organisationnelle, peu de recherches examinent d’une manière détaillée le développement des compétences et les plans de carrière du point de vue des employés dans une perspective de les fidéliser, et sont très rares des recherches tant théoriques qu’empiriques de la même nature s’intéressant au personnel du service de réception hôtelière (Dogor Di Nuzzo, 2009). Par conséquent, cette lacune dans les recherches sur le tourisme mérite d’être prise en compte, sachant que, dans l’hôtellerie, le degré de contrôle interne exercé par le personnel est relativement élevé et qu’une des solutions face à la pénurie de main d’oeuvre consiste en développement de ses compétences (Haynes et Fryer, 2000).

Nature stratégique du service de réception hôtelière

Dans l’hôtellerie, le service de réception, avec son rôle à la fois d’accueil, de marketing et de liaison des activités opérationnelles, est un service central de l’hôtel (Hai-Yan et Baum, 2006; Dogor Di Nuzzo, 2009). Les réceptionnistes doivent assumer une tâche importante dans la construction de l’image et de la réputation de l’hôtel (Dogor Di Nuzzo, 2009). Par conséquent, les compétences de ces employés sont parmi les facteurs les plus importants dans la compétitivité d’une entreprise hôtelière.

Par ailleurs, comme souligné par Sila et Ebrahimpour (2003), l’accueil est de nature stratégique dans l’hôtellerie de luxe. L’accueil est, selon eux, un des critères les plus souvent intégrés dans les programmes de Total Quality Management par les hôtels. Les managers de ces établissements sont amenés, tout naturellement, à y accorder une attention plus importante que leurs homologues d’établissements de catégories inférieures. Maroudas, Kyriakidou et Vacharis (2008) insistent sur la nécessité de mettre en oeuvre au sein des hôtels de luxe les meilleures pratiques de management des RH. On remarque aussi que la mise en place d’un service de réception à part entière au sens d’une vraie entité organisationnelle n’existe que dans les grandes structures hôtelières. En ce sens, les recherches sur les compétences du personnel à l’accueil auront plus de sens si elles sont menées dans les établissements hôteliers de catégories importantes.

En outre, Teare et Olsen (1996) soulignent une pénurie de main-d’oeuvre dans l’hôtellerie où le travail est généralement qualifié d’« intensif »; par exemple, les heures assurées par des intérimaires sont plus nombreuses que dans d’autres secteurs. Les conditions de travail (horaires décalés, activités saisonnières et fluctuantes, etc.) en font un secteur très exigeant sur le plan social et l’instabilité du marché de travail hôtelier est très alarmante (Bureau International du Travail - BIT, 2001). Selon Woods, Heck et Sciarini (1998), le taux de roulement du personnel annuel était de 30 % en Asie et de plus de 50 % à Hong Kong.

Dans ces contextes, cet article a pour but de répondre à la lacune évoquée précédemment dans les travaux académiques, en se proposant de couvrir un double objectif : dresser un état des lieux du profil général, des compétences, ainsi que des plans de carrière des employés du service de réception dans les hôtels et resorts de catégories 4 et 5 étoiles au Vietnam, et permettre aux praticiens souhaitant y investir dans le secteur hôtelier d’appréhender dans les meilleures conditions le marché de travail hôtelier. Les résultats de cette recherche fourniront des informations précieuses dans la définition des stratégies de gestion des RH au sein de l’industrie hôtelière et dans la mise en oeuvre des formations aux métiers de l’hôtellerie au Vietnam. Dans le cadre de cette étude, les hôtels de luxe ont été choisis en raison du fait que leurs clients y attendent une qualité d’accueil et de prestations exceptionnelle et que la qualité de l’échange entre employé et client dans l’hôtellerie de luxe est essentielle pour la performance organisationnelle (Fuller et Smith, 1991; Choi et Dickson, 2010).

Raisons du choix du Vietnam

Le choix du Vietnam comme terrain d’étude est dû aux remarques suivantes : (1) Les recherches académiques portant sur le développement des compétences et les plans de carrière des employés au service de réception hôtelière sont à l’heure actuelle inexistantes dans le contexte vietnamien; (2) Les structures hôtelières 4 et 5 étoiles sont en augmentation, passant de 46 établissements avec 11 756 chambres en 2010 à 53 établissements avec 12 121 chambres en septembre 2011 pour la catégorie 5 étoiles et de 110 établissements avec 13 493 chambres en 2010 à 127 établissements avec 15 517 chambres en septembre 2011 pour la catégorie 4 étoiles (Administration Nationale des Statistiques du Vietnam, 2012); (3) Une part non négligeable des investissements directs étrangers au Vietnam se concentre sur le secteur du tourisme, y compris l’hôtellerie (Vo Thanh, 2012); (4) Dans le contexte économique du Vietnam, l’industrie touristique représente le secteur d’activité qui connaît le boom le plus remarquable depuis la dernière décennie et ce pays est considéré comme une des destinations touristiques les plus dynamiques sur le marché touristique international (Combes, 2002/2003; Vo Thanh, 2010). A titre d’exemple, les arrivées touristiques internationales en 2011 ont connu une augmentation de 19,1 % par rapport à 2010 (Tableau 1). En 2011, les principales clientèles ont été les Chinois (23,6 %), les Coréens (8,9 %), les Japonais (8,0 %) et les Américains (7,3 %) (Tableau 1). De plus, grâce au développement économique et social du pays, le tourisme domestique vietnamien connaît une forte croissance depuis ces dernières années (Vo Thanh, 2012); (5) Les enjeux de l’industrie touristique du Vietnam résident à la fois sur la réponse aux besoins divers des touristes internationaux dus à la diversité de ses principaux marchés (Combes, 2002/2003; Vo Thanh, 2010), sur le manque de personnel qualifié (Combes, 2002/2003) et sur la concurrence intra régionale, à savoir le Vietnam se trouve en Asie du Sud-Est où la concurrence touristique entre pays de la zone est intense (Vo Thanh, 2012); (6) L’étude de Doherty, Klenert et Manfredi (2007) souligne les défis des RH dans l’expansion du secteur de services en Asie.

Afin de répondre aux objectifs de recherche précités, dans un premier temps, une revue de littérature sur les compétences requises pour la fonction de réceptionniste hôtelier, sur les pratiques RH centrales en milieu hôtelier et sur les RH dans l’hôtellerie vietnamienne est abordée. La méthodologie et les résultats empiriques sont par la suite discutés. Enfin, les implications managériales sont préconisées.

Tableau 1

Arrivées touristiques internationales au Vietnam de 2009 à 2011

Arrivées touristiques internationales au Vietnam de 2009 à 2011
Source : Administration Nationale des Statistiques du Vietnam, 2012

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Revue de littérature

Selon Hai-Yan et Baum (2006) et Dogor Di Nuzzo (2009), en raison des différentes catégories d’hôtel, le service de réception est un endroit de travail qui varie d’un hôtel à l’autre. Il est fortement influencé par la taille, l’emplacement et l’orientation commerciale de l’hôtel concerné. D’une perspective de son rôle fonctionnel, Dogor Di Nuzzo (2009) définit le service de réception comme le point de contact principal pour les clients au sein de l’hôtel, quelle que soit la catégorie de l’hôtel. En règle générale, la réception hôtelière implique toutes les activités tournant autour du bureau de réception et des endroits du même ordre où l’accent est mis sur la réunion et l’accueil des clients. Elle a pour missions essentielles de fournir aux clients des informations avant et durant leur séjour[1] et de se charger de leur départ. Les fonctions de conciergerie et de portage peuvent aussi y être associées, avec des activités de back-office comme la réservation et la comptabilité (Hai-Yan et Baum, 2006). Baum et Odgers (2001) ont effectué une étude concernant la nature du travail au service de réception à travers huit pays européens. Cette recherche consistait à mettre en évidence le rôle central du service de réception dans l’hôtel, à la fois en termes de flux de gestion de l’information et par rapport à la façon dont le client découvre les produits et services offerts par l’établissement. Aung (2000), dans son article sur les compétences clés réalisé auprès des hôtels du Groupe Accor en Thaïlande, constate que le personnel en contact direct avec la clientèle, en particulier celui travaillant à la réception est le coeur de l’organisation.

Compétences associées à la fonction de réceptionniste hôtelier

Concernant les compétences d’un réceptionniste hôtelier, elles doivent être multiples et variées (Dogor Di Nuzzo, 2009). Liu (2002) suggère qu’un réceptionniste devrait être vif d’esprit, aimable, bon en langues étrangères et en communication. Selon Guo (2004), afin d’améliorer la satisfaction de la clientèle, tout le personnel du service de réception devrait, avant tout, comprendre les clients, puis être familier avec les produits et services offerts par l’hôtel et être compétent en marketing. De plus, ces employés devraient également disposer des compétences en communication et en contrôle de l’émotion. Quant à Dogor Di Nuzzo (2009), le terme « compétence » regroupe de nos jours trois éléments fondamentaux : le savoir, le savoir-faire et le savoir-être. La conjugaison de ces éléments procure au client la satisfaction. Selon le rapport du BIT (2001), les employeurs soutiennent, dans l’industrie touristique, que la façon de créer des emplois durables et réalistes consiste à mettre en oeuvre une politique de « polyvalence ». Ce rapport insiste sur l’importance de la compétence en langues étrangères, en raison de la diversité de la clientèle. D’une manière générale, les employés devraient être formés aux langues de leur clientèle principale et potentielle. A titre d’exemple, Sheraton exploite un certain nombre d’hôtels-resorts à Hawaii, où la présence de la clientèle japonaise l’a suscité la création des cours de culture et de langue japonaises au profit de ses employés. Cette initiative lui a permis d’enregistrer une augmentation significative de la clientèle japonaise. Selon ce rapport, certaines compétences clés que les employés doivent acquérir sont la culture de leurs établissements, l’utilisation des équipements de travail et de la technologie, les nouvelles méthodes de travail de leurs établissements, un minimum de connaissances en matière de santé et de sécurité, la capacité à renseigner la clientèle, la maîtrise des langues étrangères et une sensibilité interculturelle. Devine et al. (2007) considèrent, à travers leur étude menée en Irlande du Nord, la maîtrise de plusieurs langues comme un réel atout dans les métiers de l’hôtellerie.

Dans le cadre de son programme de formation au métier de réceptionniste hôtelier, l’Observatoire de l’hôtellerie et de la restauration de Paris a élaboré une fiche métier définissant les compétences dont un réceptionniste devrait se doter. Elles recouvrent à la fois les compétences techniques, fonctionnelles et relationnelles. Les compétences techniques et fonctionnelles sont : appliquer les procédures de communication interservices; assurer la transmission des informations aux autres services à bon escient; élaborer des statistiques commerciales; évaluer le niveau de satisfaction du client; faire preuve de mémoire auditive et visuelle; mener simultanément et en temps réel des activités de nature différente; optimiser le taux d’occupation et le chiffre d’affaires; passer avec aisance d’une langue à l’autre; s’adapter à la diversité de la clientèle; satisfaire aux besoins de la clientèle pendant toute la durée du séjour; travailler en autonomie d’après des consignes de travail et des procédures préétablies; travailler en équipe. En matière de compétences relationnelles, elles comprennent : manifester visiblement son intérêt pour le client; adapter son comportement à la culture et à l’image de l’entreprise; adapter son comportement, son langage, à la diversité sociologique des clients; être à l’aise dans le contact physique ou téléphonique; anticiper les conflits et les gérer dans les limites de ses responsabilités; se montrer courtois, discret et discerner les informations devant rester confidentielles; entretenir des relations commerciales efficaces avec les prestataires et fournisseurs externes.

Dans le but d’apprécier les compétences spécifiques des employés du service de réception dans les hôtels 4 et 5 étoiles en Chine, Hai-Yan et Baum (2006) ont fait appel aux compétences telles que communication orale; communication écrite; travail en équipe; normes éthiques et professionnelles (envers des clients, collègues et du métier; connaissances en matière de tourisme, etc.); leadership; utilisation des équipements en réception; soin de la clientèle; relations interpersonnelles (adaptation à la diversité de la clientèle, des autres parties prenantes par exemple); comptabilité; marketing; utilisation de la technologie; santé et sécurité; et compétences juridiques. Selon cette recherche, les interviewés trouvent que les compétences en communication orale, en normes éthiques et professionnelles, en travail en équipe et en leadership sont les compétences les plus importantes qu’un réceptionniste hôtelier devrait posséder afin d’accomplir dans les meilleures conditions son travail.

Force est de constater que les compétences requises pour un travail donné sont universelles et que les compétences associées au poste de réceptionniste employées par les différents auteurs dans les recherches évoquées sont assez proches les unes des autres. Il sera donc approprié de prendre en considération les variables développées par Hai-Yan et Baum (2006) dans le cadre de notre recherche appliquée au contexte hôtelier vietnamien, compte tenu de leur simplicité de compréhension, de leur contenu adéquat aux compétences requises pour le poste de réceptionniste hôtelier, et de la proximité géographique et culturelle de cette recherche. Néanmoins, nous en éliminons certaines qui, comme le démontre l’étude menée par Hai-Yan et Baum (2006), ne paraissent pas vraiment nécessaires au poste de réceptionniste hôtelier telles que les compétences juridiques et la santé. Par conséquent, il nous semble opportun de retenir les variables telles que communication orale (y compris en langues étrangères); communication écrite (y compris en langues étrangères); travail en équipe; normes éthiques et professionnelles; leadership; utilisation des équipements en réception (y compris des nouvelles technologies); soin de la clientèle; relations interpersonnelles; comptabilité; marketing; et sécurité.

Pratiques RH centrales en milieu hôtelier

Concernant les pratiques RH considérées comme centrales en milieu hôtelier, Chow, Haddad et Singh (2007) montrent que les hôtels comptent sur la formation et le développement pour amener les employés à un niveau de performance acceptable, et utilisent ensuite la voix des employés pour maintenir leur engagement. Cho et Erdem (2006) soulignent aussi l’importance de faire appel à la voix des employés, en constatant que si les employés n’ont pas l’occasion d’exprimer leurs suggestions, ils sont susceptibles de quitter leur entreprise et qu’ils se sentent plus satisfaits et valorisés quand ils voient leurs suggestions prises en considération. Cho et al. (2006) mentionnent l’importance des pratiques RH comme les programmes de participation à la gestion, les plans d’incitation, et les tests de pré-emploi afin de maintenir un taux de rétention élevé des employés. Les plans d’incitation et la formation et le développement sont également soutenus par Allen, Shore et Griffeth (2003). De fait, selon Sturman et Trevor (2001), afin de retenir les employés qualifiés, la formation, l’enrichissement de l’emploi et la mise en oeuvre des systèmes de récompense sont les pratiques RH clés. Quant à Onyango et al. (2009), dans l’industrie hôtelière kényane, la mise en oeuvre des perspectives de promotion est considérée comme une des pratiques essentielles dans la satisfaction des employés, la réduction du roulement du personnel et la performance organisationnelle.

RH dans l’hôtellerie vietnamienne

Afin d’apprécier les enjeux et perspectives du tourisme et de l’hôtellerie au Vietnam, Combes (2002/2003) a mené une étude portant sur les points tels que la formation d’origine des personnels employés dans le secteur; les langues étrangères parlées par le personnel; les problèmes rencontrés par les professionnels avec leur personnel selon l’origine des formations; les formations organisées par les entreprises; les critères de base retenus par les professionnels pour l’embauche de leur personnel; les perspectives d’embauche des entreprises du secteur; les faiblesses des formations vietnamiennes aux yeux des professionnels du secteur. C’est d’ailleurs la seule étude concernant les RH dans l’hôtellerie vietnamienne dont nous disposions à l’heure de notre recherche. Selon Combes (2012/2013), le marché vietnamien de l’emploi dans l’hôtellerie se caractérise par une forte demande des entreprises en personnel qualifié dans les différents domaines opérationnels : de la cuisine, du service en salle de restaurants, de l’accueil, etc.

Il est à noter que cette étude s’est uniquement positionnée sur le point de vue des professionnels et a été réalisée auprès des responsables de trois secteurs : hôtellerie, restauration et industrie de voyages. L’étude montre que ces responsables portent un jugement négatif sur le système éducatif initial et sur certains domaines de compétence de leur personnel, en particulier les langues étrangères. La plupart d’entre eux considèrent que les formations dispensées dans les écoles et universités vietnamiennes sont inadaptées. Tout particulièrement, le jugement porté sur les formations en écoles hôtelières est très sévère de la part des responsables d’établissements de chaînes internationales qui constatent que les formations dispensées par les écoles vietnamiennes sont loin d’atteindre le niveau minimal requis.

Au niveau des langues étrangères, dans les hôtels de catégories 4 et 5 étoiles, l’étude souligne que le personnel de réception est apte à communiquer en anglais, beaucoup plus rarement en français ou dans une autre langue, c’est loin d’être le cas dans les autres départements, en restauration notamment, et dans les autres établissements hôteliers de catégories 2 et 3 étoiles. Concernant les critères pris en compte par les professionnels du secteur pour embaucher le personnel, la recherche note que le critère « langues étrangères » est le plus souvent cité et que les employeurs accordent moins d’importance aux « compétences techniques » et à l’« origine de la formation » des candidats.

Méthodologie et terrain de recherche

Nous avons opté pour une étude quantitative par le biais d’une enquête auprès d’employés du service de réception dans 63 hôtels et resorts de catégories 4 et 5 étoiles de nationalité vietnamienne, situés dans les principales agglomérations touristiques du Vietnam, à savoir : Ho Chi Minh-Ville, Hanoï, Phan Thiet, Da Nang, Hue, Quang Ninh, Nha Trang, Quang Binh et Hoi An. Il s’agit en effet de :

  • 19 resorts 5 étoiles indépendants;

  • 15 hôtels et/ou resorts 4 et 5 étoiles franchisés dont 5 du Groupe Accor, 3 du Groupe Victoria, 2 du Groupe InterContinental Hotels, 2 du Groupe Sheraton, 2 du Groupe Marriott International, et 1 de Hilton Hotels;

  • 29 hôtels 4 et 5 étoiles indépendants.

L’adoption de l’approche quantitative repose essentiellement sur l’objectif de recherche consistant à établir un état des lieux du profil général des employés du service de réception, de leurs compétences et de leurs plans de carrière. En plus, avant de conduire cette étude quantitative, nous avons mené auprès de deux directeurs des ressources humaines (DRH) une étude qualitative, dont le but était de valider la liste des compétences nécessaires au poste de réceptionniste hôtelier identifiées dans la littérature. Ces deux entretiens semi-directifs ont été réalisés en avril 2009 à Hue au Centre du Vietnam. Le premier entretien a été mené auprès du DRH de Pilgrimage Village à son lieu de travail pour une durée d’environ 35 minutes. Le deuxième a été réalisé auprès du DRH de La Résidence Hôtel & Spa à son lieu de travail pour une durée de 25 minutes. Concernant le déroulement des entretiens, l’objectif de la recherche était présenté en premier lieu, puis les discussions se concentraient sur les compétences requises pour le poste de réceptionniste hôtelier en nous basant sur le guide d’entretien préalablement construit à partir de la littérature. Les résultats de ces entretiens nous ont permis de retenir la liste des compétences initialement établie qui a été trouvée exhaustive par les deux DRH interviewés, avant la mise en oeuvre de l’enquête quantitative.

La liste des hôtels et resorts dans lesquels travaillent les employés constituant notre échantillon a été fournie par les Départements provinciaux de la Culture, des Sports et du Tourisme des agglomérations concernées. Nous avons distribué au total 567 questionnaires dont 451 nous ont été retournés. Après vérification de la validité de ceux-ci, nous n’en avons retenu que 409, soit un taux de questionnaires remplis valides sur ceux distribués de 72,1 %.

Afin d’identifier les besoins en formation supplémentaire et les compétences requises pour la fonction de réceptionniste hôtelier, nous avons choisi d’interroger plutôt les employés au service de réception que les DRH pour les raisons essentielles suivantes :

  • La liste des compétences requises pour le poste de réceptionniste hôtelier mobilisée a été établie à partir d’une revue de littérature conséquente et validée par l’étude qualitative;

  • Etant en contact direct et en permanence avec les clients, ces employés seraient mieux placés que les DRH pour savoir ce que les clients attendent d’eux en termes de compétences;

  • Ces employés savent bien quelles compétences qu’ils souhaitent améliorer afin de répondre aux attentes des clients grâce à leurs expériences avec les clients;

  • L’étude de Combes (2002/2003) s’est déjà positionnée sur les responsables des établissements touristiques. Notre recherche viendra donc compléter celle-ci.

Avant de mener l’enquête, nous avons également procédé au test de la compréhension du questionnaire et de l’exhaustivité des compétences requises en prenant contact avec quatre réceptionnistes de quatre hôtels à Hue. Dans l’ensemble, ces quatre réceptionnistes ont tous bien saisi le contenu exposé dans le questionnaire après une première lecture et reconnu l’exhaustivité de la liste des compétences proposée, étant parfaitement en ligne avec les réflexions de deux DRH lors des entretiens semi-directifs. Toutefois, ils nous ont suggéré de reformuler certaines phrases en vue de clarifier certains propos et de faciliter la compréhension des futurs répondants. Après avoir apporté une première retouche au questionnaire, conformément à leurs recommandations, nous leur avons sollicité une deuxième lecture qui nous a permis de valider définitivement le questionnaire. Ce dernier construit à partir de l’état de l’art sur les compétences requises pour le poste de réceptionniste hôtelier et des objectifs de recherche formulés précédemment se concentrait sur les thèmes principaux suivants : les informations sur la formation professionnelle d’origine, les langues étrangères parlées, l’ancienneté et l’expérience dans le secteur hôtelier; les informations sur les plans de carrière; les informations sur les perceptions des compétences relatives au poste de réceptionniste hôtelier; et les informations signalétiques. Le questionnaire était en vietnamien, étant donné que l’échantillon n’était composé que des employés vietnamiens. L’administration de l’enquête et la traduction du questionnaire ont été assurées par un des auteurs bénéficiant d’une double culture franco-vietnamienne. Toutefois, afin d’éviter d’éventuels biais, la méthode de traduction de retour a été rigoureusement employée.

L’enquête a été menée pendant trois mois, de mai à juillet 2009. Pour les agglomérations Ho Chi Minh-Ville, Hanoï, Hue, Da Nang et Hoi An, nous nous sommes rendus sur place pour interroger les employés et collecter les réponses. Tandis que pour les agglomérations Phan Thiet, Quang Ninh, Nha Trang et Quang Binh, la collecte s’est effectuée soit par voie postale, soit par téléphone. Les résultats de l’étude quantitative ont été par ailleurs alimentés par l’observation et les discussions sur place avec les répondants. De plus, une grille de lecture socio-culturelle a été mobilisée dans le but de mettre en lumière ces résultats.

Concernant les mesures, afin d’apprécier le niveau d’importance des compétences requises pour le travail au service de réception hôtelier, nous avons fait appel à l’échelle de mesure de Likert en 5 points. Les répondants ont été appelés à nous fournir les éléments de réponse sur les compétences requises en cochant le numéro approprié en fonction du niveau d’importance qu’ils accordent à chaque compétence citée, de 1 (pas du tout important) à 5 (très important). Par ailleurs, dans le but d’identifier les domaines de compétence que les répondants aimeraient bien améliorer et sur lesquels ils souhaiteraient suivre une formation supplémentaire pour rendre leur travail plus performant, nous leur avons proposé d’indiquer leur niveau de besoin en cochant le numéro approprié sur une échelle de mesure de Likert en 5 échelons, de 1 (pas du tout nécessaire) à 5 (très nécessaire).

Résultats et interprétations

Dans cette partie, nous discutons des résultats de notre étude empirique portant sur un échantillon final de 409 observations. Il est à noter que les employés interrogés travaillent tous à temps plein. Il est très rare de trouver un(e) employé(e) travaillant à temps partiel, car le travail à temps partiel est à ce jour quasi inexistant au Vietnam. Le Tableau 2 nous renseigne sur le profil des répondants de l’échantillon final.

Tableau 2

Profil des répondants (n = 409)

Profil des répondants (n = 409)

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Origine de la formation et niveau d’études

Les résultats de notre recherche montrent bien que la plupart des employés du service de réception dans les hôtels et resorts 4 et 5 étoiles au Vietnam sont issus des universités (60,6 %) ou des écoles hôtelières et de tourisme (32,8 %) (Tableau 3). En outre, selon notre observation sur place, la majorité des employés ayant une formation universitaire viennent essentiellement des écoles de langues.

Tableau 3

Origine de la formation professionnelle

Origine de la formation professionnelle

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De plus, ils sont pour la plupart titulaires d’un diplôme de niveau du premier cycle universitaire (92,7 %). Seulement 3,7 % des interviewés sont titulaires d’un Master (Tableau 4).

Tableau 4

Niveau d’études des répondants

Niveau d’études des répondants

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Comme abordé précédemment, la formation d’origine de la plupart des répondants est une formation de langues étrangères, ce qui explique que 89 % d’entre eux parlent l’anglais. Les employés parlant le français et le chinois représentent respectivement 10 % et 2,2 % (Tableau 5). De ce fait, on peut constater que bon nombre de répondants sont issus d’une formation universitaire de langue anglaise. Dans le contexte hôtelier vietnamien, il en résulte que l’anglais est la langue étrangère la plus utilisée. Ce résultat rejoint celui obtenu par Combes (2002/2003). En effet, ce résultat reflète fidèlement les spécificités du Vietnam :

  • Dans les établissements de formation aux langues étrangères, la proportion des étudiants en formation à l’anglais est beaucoup plus importante que celle aux autres langues;

  • La langue de travail des multinationales au Vietnam est l’anglais;

  • Ces dernières années, les arrivées des touristes anglophones, surtout américains au Vietnam sont en constante augmentation (Vo Thanh, 2010);

  • Le marché français est le marché traditionnel en raison du lien historique entre France et Vietnam, et fait toujours partie des principaux marchés touristiques de la destination vietnamienne (Tableau 1);

  • Le soutien du gouvernement français en matière d’enseignement du français et en français est très présent, avec la mise en place des programmes de classes bilingues et de filières universitaires francophones conduits par le Ministère Vietnamien de l’Education et de la Formation et l’Agence Universitaire de la Francophonie;

  • Dans les établissements supérieurs de formation aux langues étrangères, la formation à la langue chinoise ne se développe que depuis ces dix dernières années;

  • En l’état actuel, bien que la Chine soit le premier marché émetteur de touristes pour le tourisme vietnamien, l’une des raisons peut être le choix de modes d’hébergements plus économiques des touristes chinois, ce qui explique une certaine négligence dans la maîtrise de la langue chinoise des employés des établissements hôteliers 4 et 5 étoiles.

Tableau 5

Langues étrangères parlées par les répondants

Langues étrangères parlées par les répondants

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Perspectives et plans de carrière

Parmi les répondants, il y avait 16 chefs de réception, 44 surveillants (supervisor), 330 réceptionnistes, 15 bagagistes et 4 stagiaires (Tableau 6). Par ailleurs, 63,8 % des répondants confirment qu’il s’agit de leur première expérience dans le secteur hôtelier (Tableau 7). Dans le contexte vietnamien, ce résultat se traduit en partie par la jeunesse de ce secteur qui a vraiment connu son envol depuis seulement une vingtaine d’années.

Tableau 6

Fonction des répondants

Fonction des répondants

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Tableau 7

Expérience dans l’hôtellerie

Expérience dans l’hôtellerie

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En matière de fidélité à l’emploi, il y a seulement 12,7 % des employés interrogés prévoyant de rester dans leur emploi actuel pour une durée d’entre 3 et 5 ans (Tableau 8). Ce résultat vérifie en partie le taux de 21 % des répondants ayant une ancienneté de 3 ans et plus (Tableau 2). Ceci reflète une certaine instabilité du marché de travail hôtelier au Vietnam. Cette instabilité pourrait s’expliquer soit par la concurrence de plus en plus intense entre les entreprises hôtelières dans le recrutement de leurs employés du fait du rayonnement du secteur, soit par une pauvre perspective de promotion et de développement dans l’emploi actuel des interrogés, soit par la faible compétitivité du secteur par rapport aux autres secteurs en termes de salaire et de conditions de travail. Selon le rapport du BIT (2001), les causes du fort taux de roulement du personnel s’expliquent à la fois du point de vue des employés et des employeurs. Les employés citent fréquemment le bas salaire comme la raison de leur changement de l’emploi, bien que le manque d’une structure de carrière et des avantages semble être d’une importance encore plus grande. Quant aux employeurs, ils considèrent que le roulement du personnel est essentiellement lié à la nature transitoire de la main-d’oeuvre composée majoritairement de jeunes employés, jeunes femmes et étudiants. Cette explication semblerait être en partie valable dans le contexte hôtelier vietnamien où la plupart des employés sont jeunes (84,8 % des répondants appartenant à la tranche d’âge de 18 à 34 ans) et célibataire (61,3 %) (Tableau 2). Dans tous les cas, nous pouvons affirmer que l’instabilité du marché de travail hôtelier n’est pas seulement un problème particulier du Vietnam, mais c’est le cas partout au niveau mondial (BIT, 2001; Woods, Heck et Sciarini, 1998).

Tableau 8

Fidélité à l’emploi

Fidélité à l’emploi

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Les résultats de notre enquête concernant les « plans de carrière » et la « perspective de promotion dans l’emploi actuel » nous ont amené à conclure que le secteur hôtelier reste tout de même un secteur attirant pour ces employés : seulement 13,9 % souhaiteraient chercher un autre travail dans un autre secteur d’activités (Tableau 9). Toutefois, 34,7 % désireraient travailler dans un autre hôtel (Tableau 9), parce que la perspective de promotion dans leur emploi actuel est pauvre ou invisible : 20,3 % avouent qu’ils la trouvent pauvre, 68,7 % n’ont aucune visibilité concernant la promotion dans leur emploi actuel, alors que seulement 7,3 % trouvent qu’elle est satisfaisante (Tableau 10). En effet, bon nombre d’employés au service de réception ne sont pas très fidèles à leurs postes à cause de la pauvre et invisible perspective de promotion ou du manque d’un plan transparent de formation et de développement de carrière (Tableau 10). Ce résultat parfaitement en ligne avec les études d’Allen, Shore et Griffeth (2003), Sturman et Trevor (2003), Chow, Haddad et Singh (2007) et Onyango et al. (2009) montre une certaine inefficacité dans la gestion des RH dans le secteur hôtelier vietnamien. Par ailleurs, l’influence de la perspective de promotion sur le roulement du personnel est confirmée par le test exact de Fisher[2] qui est significatif (0,000) (Encadré 1). Il existe donc une relation entre la variable « fidélité à l’emploi » et la variable « perspective de promotion ». De plus, l’intensité de cette relation est très forte, car le nouveau coefficient de contingence est égal à 0,701 (= coefficient de contingence/facteur de correction pour un tableau de taille 4x5 = 0,605/0,863) (Encadré 2) (Stafford et Bodson, 2007).

Tableau 9

Plans de carrière

Plans de carrière

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Tableau 10

Perspective de promotion dans l’emploi actuel

Perspective de promotion dans l’emploi actuel

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Encadre 1

Lien entre perspective de promotion et fidélité à l’emploi

Lien entre perspective de promotion et fidélité à l’emploi

a. 11 cellules (55,0 %) ont un effectif théorique inférieur à 5. L’effectif théorique minimum est de, 26.

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Encadre 2

Test de contingence

Test de contingence

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Compétences requises et besoins en formation

Avant d’effectuer des analyses plus approfondies, nous avons testé dans un premier temps la validité et la fiabilité de l’échelle de mesure. Pour cela, nous avons procédé à une analyse en composantes principales[3] et au calcul du coefficient alpha de Cronbach. L’analyse en composantes principales, rotation Varimax avec normalisation de Kaiser, nous suggère une structure tridimensionnelle[4]. La fiabilité de la mesure est satisfaisante, avec le coefficient alpha de Cronbach supérieur à 0,60 (Tableau 11).

Le tableau 12 nous expose le niveau d’importance accordé par les répondants aux domaines de compétence retenus suite à l’analyse en composantes principales.

Parmi les compétences requises pour le travail au service de réception, les employés accordent le plus d’importance à la « communication orale », suivie du « marketing » avec les notes moyennes respectives de 4,93 et 4,46 (Tableau 12). Ce résultat rejoint celui obtenu dans l’industrie hôtelière chinoise par Hai-Yan et Baum (2006) et Huang et Li (2011); les employés chinois du service de réception considèrent également la « communication orale » comme la compétence la plus importante. A part le « leadership » et la « comptabilité » (compétences d’encadrement), les autres domaines de compétence sont aussi reconnus importants par les répondants : les moyennes sont supérieures à 4 (Tableau 12). Du point de vue culturel, on peut expliquer en partie pourquoi ces répondants ne donnent pas d’importance au « leadership ». Au Vietnam, le confucianisme a érigé le respect des anciens et des supérieurs hiérarchiques en une obligation morale très forte. Il en résulte que le subalterne risque de se limiter à un rôle d’exécutant de tâches. Il évitera de faire preuve de créativité et de « leadership », de peur de rompre un système où les idées circulent du sommet vers le bas. En effet, l’employé exécutant doit une obéissance quasi-totale à son supérieur. On peut imaginer que même si les ordres donnés semblent erronés, le bon employé exécutant vietnamien les exécutera (Venard, 2000).

Les résultats concernant les domaines de compétence que les répondants aimeraient bien améliorer et sur lesquels ils souhaiteraient suivre une formation supplémentaire pour rendre leur travail plus performant sont résumés dans le tableau 13.

Ces résultats mettent en avant la « communication orale » et le « marketing » avec les moyennes respectives de 4,46 et 4,15 (Tableau 13), ce qui confirme l’importance de ces deux domaines de compétence mise en lumière par les répondants (Tableau 12). Ces derniers avouent aussi la nécessité de renforcer leur compétence en « soin de la clientèle » (moyenne = 3,24) (Tableau 13). Par contre, en ce qui concerne les autres domaines de compétence, ils croient être suffisamment bons pour faire face aux exigences de leur travail : les moyennes se situent entre 1,59 et 2,36 (Tableau 13). Il est à noter que le « leadership » enregistre un score le plus bas (moyenne = 1,59). Ceci veut dire que les répondants n’ont pas de besoin en formation afin d’améliorer ce domaine de compétence pour la raison culturelle expliquée précédemment. Les répondants ne pensent pas non plus que ce soit vraiment nécessaire d’améliorer leur compétence en « comptabilité » (compétence d’encadrement) (moyenne = 1,89).

Tableau 11

Analyse en composantes principales des compétences

Analyse en composantes principales des compétences

Mesure de précision de l’échantillonnage de Kaiser-Meyer-Olkin : 0,835

Test de sphéricité de Bartlett

Khi-deux approximé : 1904,953

ddl : 45

Signification de Bartlett : 0,000

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Tableau 12

Niveau d’importance des compétences

Niveau d’importance des compétences

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Tableau 13

Besoins en formation supplémentaire

Besoins en formation supplémentaire

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Encadre 3

Test d’homogénéité des variances

Test d’homogénéité des variances

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Encadre 4

Résultat de l’ANOVA sur le lien entre origine formation et « soin de clientèle »

Résultat de l’ANOVA sur le lien entre origine formation et « soin de clientèle »

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Lien entre formation d’origine et besoins en formation

Afin d’identifier s’il existe un lien entre l’origine de la formation professionnelle des répondants et leurs besoins en formation supplémentaire concernant les trois compétences (communication orale, marketing, soin de la clientèle), nous avons adopté la technique d’ANOVA à un facteur. Toutefois, pour que les conclusions d’une ANOVA soient valides, nous avons préalablement procédé au test de Levene (p > 0,05) qui est utilisé pour accepter l’hypothèse nulle selon laquelle les variances sont égales dans les groupes (Carricano, Poujol et Bertrandias, 2010, p. 127). Le test de Levene n’est significatif que pour le variable « soin de la clientèle » (p = 0,089 > 0,05) (Encadré 3). Le résultat de l’ANOVA montre qu’il n’existe pas de différences de moyennes significatives concernant le besoin en formation supplémentaire pour la compétence « soin de la clientèle » suivant l’origine de la formation des individus interrogés (p = 0,451) (Encadré 4).

Pour les deux variables « communication orale » et « marketing », nous avons fait appel au test non paramétrique de Kruskal-Wallis qui suppose ni l’homogénéité des variances, ni une distribution normale. Ce dernier montre qu’il existe un lien entre « communication orale » et « origine de la formation » (p = 0,000) (Encadré 5). En d’autres termes, le besoin en formation supplémentaire pour la compétence « communication orale » est significativement différent suivant l’origine de la formation des répondants. Concrètement, le test de T3 de Dunnett de comparaisons multiples souligne que les employés issus d’une école hôtelière et de tourisme expriment un besoin plus important que ceux issus d’une formation universitaire en termes de formation supplémentaire pour la compétence « communication orale » (Encadré 6).

Encadre 5

Test de Kruskal-Wallis

Test de Kruskal-Wallis
  1. Test de Kruskal Wallis

  2. Critère de regroupement : Origine de la formation professionnelle

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Encadre 6

Test de T3 de Dunnett de comparaisons multiples

Test de T3 de Dunnett de comparaisons multiples

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Conclusions et recommandations

Les apports de cette étude relèvent à la fois des compétences pour le poste de réceptionniste hôtelier et des plans de carrière du point de vue des employés, et concernent tant l’aspect théorique que celui pratique. L’apport théorique repose sur les points essentiels suivants :

  • Conformément aux résultats de l’étude menée par Hai-Yan et Baum (2006), notre étude confirme que la majorité des compétences mobilisées sont considérées comme celles les plus indispensables pour la fonction de réceptionniste hôtelier. En effet, bon nombre de compétences citées dans la liste sont jugées importantes et même très importantes par les répondants. Théoriquement, cette liste pourrait ainsi constituer un référentiel des compétences requises pour la fonction de réceptionniste hôtelier et être généralisable aux futures recherches de même nature.

  • Parmi les compétences mobilisées, l’étude met l’accent sur l’importance des compétences en communication orale, marketing et soin de la clientèle. En d’autres termes, ce sont, pour un réceptionniste hôtelier, les trois compétences clés. Par ailleurs, les recherches menées par Hai-Yan et Baum (2006) et Johanson et al. (2011) ont aussi considéré la communication orale et le soin de la clientèle comme deux compétences clés dans l’industrie hôtelière.

  • Notre étude montre aussi que les employés vietnamiens sont plutôt faibles en communication orale, marketing et soin de la clientèle. D’un point de vue théorique, à notre avis, ceci est dû en partie à la culture comme expliqué précédemment. En effet, ces employés ne manquent ni d’empathie ni d’amabilité, mais ils n’osent parfois pas se rapprocher des clients et perdent généralement leur confiance en matière de communication orale à cause de leur timidité.

  • Les résultats de cette recherche viennent soutenir ceux des études antérieures (Allen, Shore et Griffeth (2003); Sturman et Trevor, 2003; Chow, Haddad et Singh, 2007; Onyango et al., 2009) quant au lien positif entre formation et développement et roulement du personnel.

Concernant l’apport pratique, cette recherche permet d’une part de formuler des recommandations dans la définition des stratégies de gestion des RH au sein de l’industrie hôtelière et dans l’amélioration des formations aux métiers de l’hôtellerie au Vietnam, sachant que Huang et Lin (2011) en menant une étude portant sur les compétences clés pour un futur manager dans l’industrie hôtelière à Taïwan constatent les différences substantielles entre le regard des managers d’hôtels et celui des académiques. D’autre part, elle fournit aux investisseurs des renseignements leur permettant d’apprécier dans les meilleures conditions le marché de travail dans l’industrie hôtelière vietnamienne.

  • Dans le recrutement du personnel pour leur service de réception, les hôtels devraient placer une attention toute particulière sur les trois compétences clés qui sont communication orale, marketing et soin de la clientèle.

  • Dans l’industrie hôtelière vietnamienne, les employés du service de réception expriment un net besoin en formation supplémentaire pour trois compétences clés du poste de réceptionniste évoquées précédemment. Il en résulte que les formations dispensées par les universités de langues étrangères et écoles hôtelières et de tourisme au Vietnam ne sont pour le moment pas en mesure de permettre à leurs étudiants de maîtriser ces trois domaines de compétence. Il serait donc nécessaire de réviser les programmes de formation de ces établissements de façon à ce qu’ils permettent aux étudiants de renforcer ces trois domaines de compétence. Sachant que ces deux types d’établissement d’enseignement sont, dans le contexte actuel, deux acteurs principaux dans la fourniture du personnel pour l’industrie hôtelière vietnamienne. Particulièrement, notre analyse souligne que les employés issus d’une école hôtelière et de tourisme expriment un besoin plus important en matière de formation supplémentaire pour la compétence « communication orale ». De ce fait, cette compétence devrait être davantage prise en compte dans la mise en oeuvre des programmes de formation dans les écoles hôtelières et de tourisme que dans les universités de langues étrangères. Du point de vue des hôteliers, ils peuvent aussi mettre en place un plan de formation afin de renforcer ces trois compétences de leurs employés et de les retenir, puisque cette pratique RH s’avère très efficace dans la réduction du taux de roulement du personnel et donc dans la contribution à la performance organisationnelle (Sturman et Trevor, 2001; Chow, Haddad et Singh, 2007).

  • De même, selon notre discussion avec les répondants, une bonne partie des répondants affirment qu’une formation spécialisée en hôtellerie serait utile pour leur travail en réception, ce qui remet effectivement en cause leurs compétences spécialisées dans ce secteur. En conséquence, comme le soulignent Curran et al. (1996), la formation peut être formelle ou informelle, interne ou externe à une organisation, les entreprises hôtelières peuvent aussi envisager d’autres types de formation afin de combler les compétences manquantes de certains membres de leur personnel : formation continue, formation interne mise en place par l’entreprise elle-même ou formation dans le processus de travail. Par exemple, dans l’industrie touristique mondiale en général et au Vietnam en particulier, la formation continue demeure rare, pourtant elle joue un rôle très important dans la mesure où elle est orientée vers les compétences nouvelles et a donc l’avantage d’être utilisée pour réagir rapidement aux circonstances changeantes (BIT, 2001).

  • Concernant l’utilisation des langues étrangères, en dehors de leur langue maternelle, les répondants parlent quasiment tous l’anglais, ce qui correspond aux résultats obtenus par Combes (2002/2003). Cependant, il est rare de trouver les employés maîtrisant à la fois deux langues étrangères. Sur le long terme, il serait préférable pour ces employés de maîtriser davantage de langues étrangères afin de répondre à la diversité des clientèles de la destination vietnamienne. En particulier, il semblerait indispensable pour eux de maîtriser la langue chinoise, étant donné que les Chinois sont la première clientèle du tourisme vietnamien, que cette clientèle continuerait à augmenter dans les années à venir (Combes, 2002/2003; Vo Thanh, 2010) et que les langues étrangères sont un des facteurs clés de succès dans l’hôtellerie (BIT, 2001; Devine et al., 2007).

  • En matière de plans de carrière, il est à noter qu’une assez grande partie des répondants ne sont pas stables dans leur emploi actuel. Ceci est dû à la faible et invisible perspective de promotion. Il en ressort qu’une partie d’entre eux prévoient de partir travailler dans un autre hôtel ou dans un autre secteur d’activités. Certes, l’influence de la perspective de promotion sur le roulement du personnel est nettement confirmée par le test exact de Fisher (Encadré 1). Si ce phénomène persiste, à moyen terme, les hôtels 4 et 5 étoiles vietnamiens connaîtront une crise de RH qualifiées et auront du mal à faire face à la concurrence régionale. Par conséquent, la mise en place d’un plan transparent de formation et de développement professionnel devient vitale pour chaque établissement hôtelier afin de développer et fidéliser son personnel (McBey et Karakowsky, 2000; Allen, Shore et Griffeth, 2003; Sturman et Trevor, 2003; Chow, Haddad et Singh, 2007; Onyango et al., 2009; Choi et Dickson, 2010). Il est ainsi nécessaire de préciser au personnel ses propres perspectives de promotion et les plans de développement à long terme de l’hôtel. Le résultat d’un véritable système de développement professionnel permettra aux employés d’être plus optimistes et plus confiants tant en ce qui concerne leur carrière que leur hôtel. A titre d’exemple, un certain nombre de chaînes hôtelières ont introduit des plans pour améliorer la carrière au sein de leurs structures, en vue de réduire le roulement du personnel. Aux Etats-Unis, Choice Hotels International, un des franchiseurs les plus importants en matière d’hébergement touristique dans le monde, analyse les exigences à destination de ses cadres supérieurs sur la base des modèles de compétences appropriés existants, puis évalue les compétences des actuels dirigeants et les compare avec celles nécessaires pour l’avenir. Cela lui permet d’effectuer dans les meilleures conditions des évaluations annuelles et d’établir une véritable structure de carrière au sein du groupe, évitant ainsi les perturbations et les frais de remplacement du personnel de direction. Un autre exemple est fourni par Motel 6, qui a établi une pratique RH selon laquelle chaque employé(e) est admissible à devenir manager, via un programme de formation à trois niveaux. Au début des années 1998, ce système a permis à près de 300 employés de Motel 6 d’atteindre le poste de directeurs généraux, ce qui contribue à combler un besoin de cadres qualifiés (BIT, 2001).

  • Par ailleurs, la majorité des répondants disposent d’une licence en langues étrangères ou sont issus d’une école professionnelle hôtelière et de tourisme. Il s’agit, pour la plupart, de leur première expérience dans l’industrie hôtelière. En effet, notre discussion avec certains réceptionnistes nous fait comprendre qu’il est, dans une certaine mesure, plus facile pour eux, en tant que diplômés des établissements de formation cités, de trouver un emploi dans le secteur du tourisme, ce qui constitue une certaine spécificité du marché de travail hôtelier au Vietnam.

Limites et nouvelles voies de recherche

Les résultats de cette recherche ont été obtenus à partir des déclarations des acteurs sans tenir compte de leurs caractéristiques individuelles, or l’efficacité des pratiques professionnelles repose aussi sur l’ergonomie, c’est-à-dire sur l’équilibrage entre caractéristiques de l’employé et facteurs socio-techniques du poste que celui-ci occupe. Une bonne ergonomie en milieu de travail entraîne moins d’absentéisme et une meilleure productivité (Naidu et Ramesh, 2011). Par conséquent, afin de rendre leurs employés plus efficaces et performants, les hôteliers devraient aussi prendre en considération l’importance de l’ergonomie.

Les compétences clés ainsi que les besoins en formation supplémentaire ont été appréciés par les employés, alors que l’exemple de Marriott International démontré par Adler (2002) nous renseigne sur l’importance de la liaison entre établissements de formation et organisations hôtelières dans le développement des compétences clés. Une recherche sur le regard croisé des hôtels et établissements de formation permettrait d’enrichir les résultats de cette étude.

Bien que cette recherche ait pour un des objectifs principaux d’établir un état des lieux du profil général, des compétences ainsi que des plans de carrière des employés du service de réception dans l’industrie hôtelière au Vietnam, on doute tout de même de sa généralisation dans le contexte global de l’hôtellerie vietnamienne, puisqu’elle portait seulement sur les hôtels et resorts de catégories 4 et 5 étoiles. Une recherche supplémentaire de ce genre sur les établissements hôteliers de catégories inférieures permettrait d’avoir une vision plus complète sur le marché de travail dans le secteur hôtelier au Vietnam.