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Nous voulons croire que chacun de ces programmes correspondait à l’évolution de la discipline et de la profession, telle que nous pouvions la décoder et l’interpréter.

Couture & Lajeunesse 2004, 170

En 2011, l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information (EBSI) célébrait 50 ans d’intégration à l’Université de Montréal. C’est en effet en 1961, que l’École de bibliothécaires, fondée en 1937, était officiellement intégrée à l’Université de Montréal. D’abord rattachée directement au rectorat, elle devint un département de la Faculté des lettres en 1968 avant de passer à la Faculté des arts et sciences en 1972. Bien qu’elle ait conservé son statut d’école professionnelle, l’École[1] est également un département universitaire ayant son propre directeur, son assemblée départementale, son équipe de professeurs de carrière et une certaine indépendance administrative et pédagogique.

À l’automne 2011, quelques événements ont souligné cet anniversaire important, dont un atelier présenté au Congrès des milieux documentaires sous le titre : « 1961-2011 : 50 ans de formation et de recherche à l’EBSI »[2]. Le présent article constitue une version enrichie de la présentation faite par l’auteure à cette occasion.

Pour mieux faire connaître les formations offertes à l’École et montrer comment cette dernière s’est toujours efforcée de répondre aux demandes du milieu en même temps qu’aux exigences liées à son statut de département dans une grande université de recherche, nous évoquons d’abord les facteurs et les démarches qui mènent à une révision en profondeur d’un programme d’études, ainsi que les défis auxquels doivent faire face les parties intéressées. Nous décrivons ensuite les six programmes d’études principaux qui y ont été offerts successivement depuis 1961[3].

Jalons historiques : de l’École de bibliothécaires à l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information

L’histoire de l’École, avant et depuis 1961, a été faite ailleurs et nous invitons le lecteur à consulter les textes de Durand (1977), Lajeunesse (1977), Lajeunesse (1987), Bertrand-Gastaldy et Lajeunesse (1990), Delisle et Savard (1998), Lajeunesse (2002), Couture et Lajeunesse (2004) et Bouthillier et Salaün (2008) pour en connaître les détails. Cependant, avant d’aborder le thème principal du présent article, il nous semble important de rappeler quelques moments clés de l’évolution de l’institution qui assure la formation des professionnels francophones de la bibliothéconomie et des sciences de l’information au Québec.

L’École de bibliothécaires, fondée en 1937[4], est immédiatement liée à l’Université de Montréal, ce qui, paradoxalement, ne lui procure aucun avantage particulier. L’École se donne comme mission de promouvoir et de protéger la culture et la spécificité canadiennes-françaises en formant du personnel technique compétent. Elle dispense un enseignement technique sous forme de programme court destiné aux personnes qui occupent déjà un emploi, et elle décerne un Diplôme de bibliographie et de bibliothéconomie. D’abord offert pendant la saison estivale, le programme court se transforme rapidement en un programme régulier d’une durée d’un an. À partir de 1945, l’École décerne un Baccalauréat en bibliothéconomie et en bibliographie aux étudiants déjà détenteurs d’un baccalauréat ès arts des collèges classiques. La formation est calquée sur la méthode américaine basée sur un enseignement académique formel plutôt que sur les pratiques européennes qui privilégient l’apprentissage « sur le tas » (Delisle & Savard 1998, 161). On croit déjà que la reconnaissance du programme par l’American Library Association (ALA) sera essentielle mais, vu son statut précaire et ses faibles moyens, l’École ne peut encore y prétendre.

L’École passe sous l’entière juridiction de l’Université de Montréal en 1961 et prend alors le nom d’École de bibliothéconomie, nom qu’elle conservera jusqu’en 1984. De 1961 à 1966, l’École offre un programme d’un an menant à l’obtention d’un Baccalauréat en bibliothéconomie et, de 1966 à 1970, un programme de Baccalauréat d’une durée de deux ans. Agréée pour la première fois par l’ALA en 1969[5], l’École remplace son programme de baccalauréat par un programme de maîtrise d’une durée de deux ans en 1970. Ce programme de maîtrise, initial et terminal puisqu’il n’existe plus de programme complet de premier cycle dans le domaine, reste le programme phare de l’École aujourd’hui, proposant désormais des orientations professionnelle et de recherche distinctes.

L’École de bibliothéconomie prend le nom d’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information en 1984. Au fil des ans, trois autres programmes d’études viendront s’ajouter au programme de maîtrise maintes fois remanié : un certificat de premier cycle en archivistique en 1983, un doctorat de troisième cycle (Ph. D.) en sciences de l’information en 1997 et un certificat de premier cycle en gestion d’information numérique en 2001.

L’EBSI est l’une des huit institutions canadiennes qui offrent présentement la maîtrise en sciences de l’information[6] et la seule, à ce jour, qui offre une formation complète en français au niveau de la maîtrise et du doctorat.

Facteurs menant à la restructuration d’un programme d’études

Quelle que soit la discipline, un programme d’études doit constamment s’adapter à l’évolution des connaissances, aux changements conceptuels, à la transformation de l’environnement social, politique, etc., ainsi qu’à la réorientation des finalités et des politiques de l’enseignement universitaire. Dans un programme à finalité professionnelle, l’adéquation entre la formation et le développement de la profession est évidemment recherchée. Dans le domaine de la bibliothéconomie et des sciences de l’information, chacun des programmes offerts à l’École depuis 1961 a été conçu et structuré en réponse à des besoins bien identifiés et à l’évolution de la discipline, de la pratique et de la profession.

Le tableau 1 montre qu’une révision en profondeur du programme principal offert par l’École a lieu tous les dix ans environ. Cela ne signifie pas que le contenu et la structure du programme d’études restent inchangés au cours de la période, car plusieurs modifications y sont apportées chaque année. La plupart des modifications sont mineures, consistant par exemple en un changement dans le titre ou dans la description officielle d’un cours (celle qui apparaît dans les annuaires, dans le matériel promotionnel et sur le site Web de l’Université). Il arrive que de nouveaux cours soient créés et soumis aux autorités universitaires pour approbation, alors que certains cours existants, sans être rayés de la grille des cours offerts, n’apparaissent plus à l’horaire en raison de la non-disponibilité des enseignants qui en étaient responsables, d’une redondance trop grande avec des cours similaires ou du désintérêt des étudiants pour la thématique. Les modifications majeures, tels l’ajout ou le retrait d’un cours obligatoire, ou encore la création d’une nouvelle option, sont rares. Ces modifications mineures et majeures viennent s’ajouter à celles, très nombreuses, qui sont faites par les enseignants au contenu même des cours dont ils ont la responsabilité, modifications qui n’ont pas à être officiellement déclarées si elles n’ont pas d’effet sur la structure du programme.

Tableau 1

Programmes principaux dispensés par l’École et dates d’agrément par l’ALA

Programmes principaux dispensés par l’École et dates d’agrément par l’ALA

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Parmi les facteurs qui rendent essentielle la révision en profondeur d’un programme d’études, l’évolution de la discipline elle-même et celle des milieux de travail sont les plus importants. Le domaine des sciences de l’information, dans ses dimensions technologiques notamment, a évolué à vitesse grand V au cours des cinq dernières décennies et les programmes de maîtrise ont eu fort à faire pour se maintenir à la pointe des nouveaux développements. Non seulement les cours orientés sur la technologie ont-ils dû faire l’objet de mises à jour très fréquentes, mais on les a vus remplacés d’un programme à l’autre par des cours aux titres et aux contenus complètement différents. Avec l’informatisation des institutions documentaires dans les années 1960 et 1970, et plus encore avec le développement d’Internet et des réseaux de services depuis la fin des années 1980, l’École a reconnu la nécessité de conquérir les nouveaux marchés qui s’offraient à ses diplômés et a réorienté ses programmes de formation dans des délais raisonnables.

L’évolution des milieux de travail exerce elle aussi une pression importante sur la formation initiale. D’une part, les gestionnaires et futurs employeurs ont des besoins de plus en plus précis et des attentes élevées quant à la diversité des compétences que doivent posséder les nouveaux arrivants dans la profession. D’autre part, les nombreux professionnels qui oeuvrent à l’École même comme chargés de cours ou comme conférenciers occasionnels décrivent de nouveaux besoins, diffusent de nouvelles connaissances et démontrent de nouvelles façons de faire.

L’évolution de l’institution d’attache exerce une influence non négligeable sur le contenu et la gestion des programmes. L’Université de Montréal évalue les programmes d’études sur une base régulière et exige des départements le dépôt de plans d’action triennaux ou quinquennaux qui résultent, en même temps qu’ils la nourrissent, d’une réflexion fondamentale sur le contenu, la pertinence, la compétitivité et la viabilité des formations qui y sont dispensées.

L’ALA reconnaît bien évidemment l’évolution de la discipline et des besoins et ajuste constamment les normes à respecter pour obtenir, et pour maintenir ensuite, l’agrément d’une formation en sciences de l’information. La mise à niveau des normes de l’ALA est à l’origine de révisions de programme importantes.

L’embauche de nouveaux professeurs pour occuper des postes nouvellement créés[7] ou en remplacement de professeurs de carrière partis à la retraite est un facteur important de renouvellement du programme de maîtrise. Depuis les années 1980, les professeurs embauchés par l’École doivent être titulaires d’un diplôme de troisième cycle et avoir complété une formation de chercheur. Ils ont de nouvelles compétences et surtout de nouveaux intérêts disciplinaires. Bien qu’ils doivent être capables de trouver leur place dans le programme d’études en vigueur au moment de leur embauche et assumer la responsabilité de cours déjà offerts, il est de tradition de demander à ces professeurs de créer de nouveaux cours de spécialisation, souvent pour combler des besoins décrits par le milieu. Les départs et les arrivées au sein du corps professoral exercent donc une influence directe sur le contenu et l’évolution du programme de maîtrise.

Au cours de ses 50 ans d’existence, l’École a connu une augmentation considérable de la diversité, du volume et de l’importance des activités de recherche menées par ses professeurs et ses étudiants (Mas, Larivière, Dufour & Savard 2012). L’accroissement des activités de recherche, en ouvrant de nouvelles perspectives sur la discipline et la profession, a un effet non négligeable sur la définition des contenus de cours d’abord, sur la structure générale du programme ensuite.

Démarches menant à la restructuration d’un programme

L’évaluation, la restructuration et le remplacement éventuel d’un programme de maîtrise sont les étapes d’un processus complexe auquel participent un grand nombre d’intervenants institutionnels, mais également, dans une école professionnelle comme la nôtre, d’intervenants de l’extérieur ayant une connaissance plus ou moins étendue de la structure du programme existant. Reicher et Lajeunesse (1979) et Bertrand-Gastaldy et Lajeunesse (1990) ont décrit en détail les étapes du processus de conception des deuxième et troisième versions du programme de maîtrise, implantées en 1979 et en 1989 respectivement.

Le programme de maîtrise est évalué à intervalles plus ou moins réguliers par la Faculté des arts et sciences de l’Université de Montréal et tous les sept ans par l’ALA dans le cadre de l’opération d’agrément. Ces opérations d’évaluation occasionnent la visite de l’École par des experts et la production de rapports détaillés offrant des suggestions de correctifs à apporter. On constate d’ailleurs à la lumière des données du tableau 1 que la date fixée pour le remplacement d’un programme est souvent proche de celle à laquelle l’École a obtenu le renouvellement de l’agrément de son programme de maîtrise. L’autoévaluation du programme qui doit être faite à cette occasion, à partir de critères précisément définis, permet à l’École de faire « d’une pierre deux coups » et de réutiliser les données quantitatives et qualitatives recueillies, les analyses qui en sont faites et les conclusions qui en sont tirées, pour lancer l’opération de conception d’un programme répondant aux besoins plus récemment exprimés.

La première étape de l’évaluation et de l’éventuelle restructuration du programme est celle de la collecte de données auprès des professeurs et chargés de cours, des étudiants inscrits au programme de maîtrise en vigueur, d’un échantillon de diplômés du programme en vigueur et des programmes antérieurs, d’un échantillon représentatif d’employeurs actuels et potentiels, et de tout autre intervenant intéressé à la formation dans notre discipline. Leurs réponses à des questions sur ce qui devrait être retranché, maintenu ou ajouté au programme font l’objet d’une analyse extensive générant une série de propositions qui seront examinées par l’ensemble du corps professoral. En même temps que sont menées les enquêtes, un examen de la littérature scientifique et professionnelle récente permet de confirmer des transformations déjà perçues ou de déceler des tendances non encore relevées par les divers intervenants.

L’examen attentif de programmes comparables à celui de l’École au Canada et aux États-Unis s’avère également productif. Les programmes de maîtrise agréés par l’ALA présentent parfois des différences importantes, mais on constate que les cours obligatoires, ou cours de tronc commun, tendent à aborder partout les mêmes thématiques et que les savoirs, savoir-faire et savoir-être jugés essentiels chez tous les spécialistes en sciences de l’information sont partout les mêmes. Bien que l’EBSI jouisse d’une situation privilégiée en tant que seule école offrant un programme en français en Amérique du Nord, n’ayant donc pas de concurrent direct, la mise à jour régulière de son programme de maîtrise et le maintien de l’équivalence avec les autres programmes offerts en Amérique du Nord n’ont jamais été remis en question.

Un exercice de prévision pour le court et le moyen terme doit être mené. Avant d’ouvrir un nouveau champ thématique, avant de structurer une nouvelle option et de créer un ensemble de nouveaux cours, il faut en évaluer la viabilité à moyen terme. Une thématique très populaire aujourd’hui mais qui aura perdu de son intérêt, pour des raisons de développement technologique par exemple, dans cinq ans occupera dans la structure du programme un espace qui pourrait être consacré plutôt à une autre spécialisation en pleine expansion ou en plein renouvellement. Cet exercice de prévision est l’une des étapes les plus difficiles à compléter dans les travaux de restructuration d’un programme.

L’opération engendre la production de nombreux documents de travail. Tous ces documents sont étudiés par l’ensemble du corps professoral, les coordonnatrices de stages et les professionnels responsables du laboratoire d’informatique documentaire. On s’en doute, les discussions sont longues et les négociations ardues, chacun insistant sur l’importance à accorder à telle ou telle thématique ou spécialisation. Les intervenants doivent de plus tenir compte de diverses contraintes et mettre sur pied un programme qui améliorera nécessairement la qualité de la formation et, surtout, qui gardera sa pertinence pendant la période d’une dizaine d’années au cours de laquelle il sera en vigueur. Parmi ces contraintes, citons la durée maximale du programme, le nombre minimal de crédits nécessaires à l’obtention du diplôme, le nombre optimal de cours obligatoires, la prise en compte de l’évolution des clientèles étudiantes, la disponibilité des professeurs, la nature et le coût des ressources requises pour l’établissement de nouveaux cours, etc.

La durée des études et plusieurs exigences de nature administrative sont établies soit par la Faculté des arts et sciences, soit par la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université de Montréal, et l’École doit s’y conformer. Celle-ci doit cependant déterminer le nombre de crédits académiques qui seront nécessaires à l’obtention du diplôme, le nombre et le contenu général des cours obligatoires, c’est-à-dire des cours de base auxquels tous les étudiants doivent s’inscrire, le nombre, la nature et la structure des options (spécialisations, profils, etc.), le nombre et la nature des cours optionnels, le nombre et la nature des cours au choix et hors programme, l’ordre dans lequel les cours peuvent ou doivent être suivis, les prérequis à l’inscription dans certains cours, et les modalités d’intégration de la recherche à la formation de deuxième cycle.

Une fois adoptée à l’interne, la structure du nouveau programme est soumise pour approbation aux instances facultaires et universitaires. L’opération de restructuration d’un programme s’étend normalement sur une période de deux à trois ans et il n’est pas rare que des modifications mineures soient apportées au nouveau programme d’études dès la première année d’implantation.

Structure des programmes offerts depuis 1961

Depuis 1961, l’École a offert successivement six programmes principaux structurellement distincts : un programme de baccalauréat en bibliothéconomie (B. Bibl.), deux programmes de maîtrise en bibliothéconomie (M. Bibl.), un programme de maîtrise en bibliothéconomie et sciences de l’information (M.B.S.I.) et deux programmes de maîtrise en sciences de l’information (M.S.I.). Soulignons que nous n’avons pas fait de distinction entre les programmes de baccalauréat d’un an et de deux ans offerts entre 1961 et 1970, la structure du programme d’études concernant directement la bibliothéconomie n’ayant pas subi de modifications importantes lors du passage au baccalauréat en deux ans.

Nous décrivons ici les caractéristiques principales du contenu et de la structure de chacun des programmes. Les modifications aux méthodes d’enseignement et d’évaluation, bien que souvent examinées et modifiées en même temps que les programmes, ne sont pas abordées.

1961 : Pleins feux sur la bibliothéconomie

La transformation de l’École de bibliothécaires en École de bibliothéconomie en 1961 n’a pas eu de répercussions immédiates sur les orientations et le contenu du programme de formation. Delisle et Savard (1998) ont calculé que le dernier programme d’études offert par l’École de bibliothécaires portait dans une proportion de 54 % sur des applications techniques en bibliographie, classification, catalogage, etc., de 30 % sur la gestion et l’organisation des services et des institutions, et de 16 % sur des matières connexes telles l’histoire du livre, l’édition, la reliure, etc. Au sein du premier programme offert par l’École de bibliothéconomie, ces proportions n’avaient guère varié.

Le programme en vigueur à partir de l’année universitaire 1961-1962 est un programme de 30 crédits (450 heures de cours formels) d’une durée d’un an. Le nombre de cours obligatoires est très élevé : on en compte une quinzaine (Tableau 2) pour une valeur de 26 crédits. Huit cours optionnels seulement sont offerts, dont quatre portent sur des types de bibliothèques (publiques, collégiales et universitaires, des jeunes, spécialisées) et deux sur des types de documents (officiels, audiovisuels). Un cours supplémentaire de classification et de catalographie est même proposé dans la liste des cours facultatifs.

L’offre de cours directement liés à la bibliothéconomie varie peu au cours de la période 1961-1970. À partir de 1966, un programme d’une durée de deux ans est offert à une clientèle régulière durant l’année universitaire et à des bibliothécaires en exercice pendant l’été. Le programme en deux ans est modelé sur les programmes nord-américains agréés par l’ALA, qui visent à former des bibliothécaires généralistes. Dans ce programme créé pour répondre aux exigences de l’ALA, on voit apparaître des cours sur le développement économique et social au Canada, sur les littératures canadienne-française et canadienne-anglaise, sur la sociologie, etc.

Il nous semble significatif de noter que des cours optionnels sur l’indexation (on dit alors « indexage ») et sur les systèmes électroniques pour le traitement de l’information dans les bibliothèques sont offerts dès 1966, précurseurs d’un premier élargissement de la mission de l’École.

1970 : De la bibliothéconomie aux sciences de l’information

Ayant obtenu l’agrément de l’ALA en 1969, l’École de bibliothéconomie implante dès 1970 un programme de maîtrise d’une durée de deux ans. Quarante-huit crédits (720 heures de cours formels) sont requis pour l’obtention du diplôme et le programme s’adresse désormais en priorité à des étudiants réguliers, qui s’y inscrivent dès qu’ils ont obtenu leur diplôme de baccalauréat. Le programme se donne comme objectifs de permettre aux étudiants :

  1. d’obtenir une formation de base en bibliothéconomie, en bibliographie et en information documentaire ;

  2. d’approfondir les méthodes scientifiques de recherche en bibliothéconomie et en bibliographie, et de s’initier aux méthodes de traitement de l’information ;

  3. d’étudier les meilleurs moyens de résoudre les problèmes afférents à l’administration et à la gestion des bibliothèques ;

  4. de se spécialiser dans le secteur de leur choix (bibliothèques scolaires, bibliothèques publiques, bibliothèques spécialisées, etc.)

Lajeunesse 2002, 128

Le tronc commun est constitué de cinq cours obligatoires d’une valeur de trois crédits chacun (Tableau 2). La banque de cours optionnels s’est nettement diversifiée et propose maintenant une vingtaine de cours, dont six portent sur des types de bibliothèques, deux sur la lecture et cinq sur des applications de la technologie. Bien que non officielles, certaines spécialisations basées sur les types de bibliothèques (publiques, scolaires, universitaires, etc.), sur l’indexation et les langages documentaires ainsi que sur la technologie se dessinent dans le cursus. Une option recherche avec mémoire est proposée et plusieurs cours sont offerts sous forme de séminaire.

Tableau 2

Cours obligatoires dans les programmes de 1961 et de 1970

Cours obligatoires dans les programmes de 1961 et de 1970

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En 1968, dans un commentaire sur le programme de baccalauréat en deux ans, Laurent-G. Denis, premier directeur de l’École de bibliothéconomie, avait exprimé le voeu que les cours insistent davantage sur les principes et la théorie et que professeurs et étudiants puissent se concentrer sur « le pourquoi des choses » plutôt que sur « le comment » (Denis 1968, 141). Nous suggérons que c’est plutôt ce premier programme de maîtrise, accessible à des candidats ayant déjà complété une formation universitaire, qui aura pu permettre à ce voeu de se réaliser, au moins partiellement.

Dès 1973, un projet de réforme visant à intégrer les sciences de l’information au programme de maîtrise est proposé au directeur de l’École et développé ensuite par un Comité de programme. Cette première version d’un programme modifié et plus ouvert aux sciences de l’information ne verra jamais le jour, mais elle suscite une réflexion profonde sur les fondements d’un programme d’information documentaire dont le résultat sera l’adoption d’une vingtaine de postulats devant orienter les contenus des cours, les objectifs d’apprentissage et les méthodes pédagogiques (Université de Montréal. École de bibliothéconomie. Groupe de travail pour l’élaboration du programme 1978). Les notions d’information, de document, d’information documentaire et de système d’information documentaire y sont définies ; elles occuperont désormais une place de plus en plus grande dans la description du programme et dans les contenus de cours.

En parallèle à ces initiatives de nature administrative, le programme de 1970 évolue. On sent la nécessité d’une mise à jour importante qui laissera davantage de place à la technologie et aux disciplines soeurs de la bibliothéconomie, l’archivistique par exemple. En 1976, l’opération formelle d’évaluation et de restructuration du programme est lancée. Il ne s’agira cette fois ni d’un changement de niveau ni d’un simple allongement de la scolarité, mais bien d’une sérieuse mise à jour des objectifs et du contenu de la formation. La démarche longue et complexe aboutit à l’implantation d’un nouveau programme de maîtrise en bibliothéconomie au trimestre d’automne 1979.

1979 : L’information et l’usager au centre des préoccupations

Le deuxième programme de maîtrise, en vigueur de 1979 à 1989, se caractérise par la disparition de formations distinctes pour bibliothécaires, archivistes et spécialistes de la gestion de l’information ; ce qui est visé, c’est l’unité de la formation et des professions pour prévenir les cloisonnements peu productifs (Reicher & Lajeunesse 1979). Le programme vise à assurer la formation de base et l’acquisition de compétences minimales communes à tous les diplômés ; on considère les savoir-faire tout aussi importants que les savoirs. De plus, en sciences de l’information, l’usager, ses besoins et ses comportements sont désormais au centre des préoccupations et le nouveau programme de maîtrise veut refléter cette tendance.

Cinquante et un crédits sont désormais nécessaires à l’obtention du diplôme[8]. La première année du programme est constituée de neuf cours obligatoires à valeur totale de 25 crédits (Tableau 3)[9]. Pour la deuxième année de sa formation, l’étudiant choisit l’une des sept concentrations prédéfinies et puise dans une banque d’une vingtaine de cours optionnels structurée autour de processus (Référence, Contrôle bibliographique, Gestion, Automatisation des services, etc.) plutôt qu’en fonction des types d’institution. Les concentrations proposées sont :

  • Bibliographie, référence et communication interpersonnelle ;

  • Milieu et usager ;

  • Traitement descriptif ;

  • Traitement analytique ;

  • Organisation et gestion ;

  • Informatique documentaire ;

  • Archivistique (à compter de 1982).

Tableau 3

Cours obligatoires dans les programmes de 1979 et de 1989

Cours obligatoires dans les programmes de 1979 et de 1989

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Une dizaine de cours supplémentaires, dits interdisciplinaires parce que non liés à une concentration, sont également dispensés. Un travail de recherche et un stage obligatoires exposent respectivement l’étudiant à la littérature professionnelle et scientifique et à un milieu de travail dans le domaine de spécialisation qu’il a choisi. La structure du programme d’études est donc devenue plus complexe, tant sur le plan administratif que dans ses dimensions pédagogiques puisqu’elle offre aux étudiants un éventail de cours élargi tout en imposant des contraintes au processus de sélection, notamment par l’imposition de prérequis. L’option de préparer un mémoire de recherche, une fois les cours du tronc commun complétés, reste disponible.

La période est marquée par le changement de nom de l’École et du diplôme. L’École suit en cela un mouvement nord-américain qui voit, entre 1980 et 1990, la majorité des Library Schools traditionnelles devenir des Schools of Library and Information Science. La réincarnation de l’École de bibliothéconomie en École de bibliothéconomie et des sciences de l’information (EBSI) confirme l’intégration désormais complète de la bibliothéconomie, de l’archivistique et des sciences de l’information, et l’élargissement de la portée de la formation qui y est dispensée.

1989 : Le nouveau monde de l’information

Le programme de maîtrise en bibliothéconomie et sciences de l’information implanté en 1989 a été conçu dans un environnement en rapide transformation. À la fin des années 1980, l’information a acquis le statut de commodité à valeur d’échange élevée. La technologie a envahi tous les milieux de travail et s’impose déjà dans plusieurs secteurs de la vie sociale et personnelle. Les diplômés de l’École vivent au quotidien cette évolution technologique rapide et doivent sans cesse s’adapter à de nouveaux systèmes, logiciels, fonctionnalités, etc. En outre, ils se trouvent maintenant en concurrence de plus en plus vive avec les diplômés d’autres programmes (communication, gestion, informatique, etc.) qui s’intéressent aussi à l’information comme objet d’étude. Pour marquer son territoire, l’École présente ses diplômés comme des professionnels du service, et elle s’intéresse de plus près au développement des qualités personnelles des étudiants et à leur faculté d’adaptation (Lajeunesse 2002).

Le programme de 1989 ne dévie pas de l’orientation établie dix ans plus tôt. Il accentue les avancées des sciences de l’information, intensifie la formation en archivistique et accorde une grande place à l’informatique documentaire. Celle-ci est d’ailleurs désormais exploitée dans la majorité des cours plutôt que cantonnée dans les quelques cours qui lui sont expressément consacrés.

Le nouveau programme, d’une valeur de 56 crédits, confirme, s’il en était encore besoin, la désinstitutionnalisation de la discipline ; la bibliothèque et le centre d’archives ne sont plus au centre des préoccupations. Le bloc de cours obligatoires n’aura jamais été aussi lourd : il se compose de 11 cours et a une valeur de 31 crédits (Tableau 3). Les concentrations de 1979 sont remplacées par huit profils :

  • Développement et gestion des fonds documentaires ;

  • Création et gestion de catalogues ;

  • Analyse de l’information et bases de données ;

  • Repérage et diffusion de l’information ;

  • Gestion des services et des ressources d’information ;

  • Informatique documentaire et technologies de l’information ;

  • Bibliothèques publiques ;

  • Milieu scolaire.

Une spécialisation en archivistique est également offerte. La structure de chaque profil et de la spécialisation est stricte, avec trois blocs de cours prédéfinis, dont un seul autorise un certain choix. La banque de cours est pourtant vaste, une quarantaine de cours distincts s’ajoutant aux cours de tronc commun.

Fait à noter, l’option de rédiger un mémoire au cours de la deuxième année de formation n’est plus offerte. Un travail dirigé d’une valeur de 12 crédits seulement, jugé plus adapté à une formation professionnelle, est proposé à l’étudiant qui s’intéresse à la recherche et qui possède déjà une certaine expérience de travail en milieu documentaire. Le stage de fin d’études reste obligatoire.

Les professeurs et professionnels de l’École ont fait le pari que la structure du nouveau programme permettrait à l’étudiant l’ayant complété :

  1. de manifester des attitudes en accord avec la philosophie de service et la déontologie qui gouvernent toutes les professions de l’information ;

  2. de comprendre le contexte global et les principes du transfert de l’information dans ses dimensions politiques, économiques et sociales ;

  3. de comprendre le rôle et la fonction sociale de la bibliothèque, du service d’archives et des autres services d’information dans leur action culturelle, éducative et informationnelle ;

  4. de comprendre les principes du développement des collections et ceux de l’organisation et de la communication des documents et de l’information, ainsi que les principes de gestion des bibliothèques, services d’archives et autres services d’information ;

  5. de connaître les technologies utilisées pour la gestion de l’information ;

  6. d’intégrer les connaissances, les habiletés et les attitudes acquises tout au long de sa formation

Université de Montréal. École de bibliothéconomie et des sciences de l’information 1990-1991

L’implantation du nouveau programme coïncide avec le déménagement de l’EBSI dans des locaux plus appropriés à sa clientèle en croissance, et surtout aptes à recevoir les laboratoires d’informatique et d’archivistique créés quelques années plus tôt et déjà très utilisés.

1998 : Cap sur le numérique

Le processus de révision du programme est relancé dès 1996 pour aboutir à la mise en vigueur, en 1998, d’un nouveau programme de maîtrise, une maîtrise en sciences de l’information cette fois. La structure de ce cinquième programme reflète plus clairement que les précédentes le fait que les institutions documentaires traditionnelles, bien qu’étant encore le principal milieu d’accueil des diplômés, ne constituent plus la seule option pour les finissants du programme. L’information comme objet d’étude, préoccupation sociale et bien monnayable, y occupe encore la place centrale. Deux environnements d’intervention, l’environnement numérique et l’environnement organisationnel, sont particulièrement mis en valeur.

L’École se donne pour mission de « former des professionnels et des chercheurs à la gestion de l’information consignée et des connaissances en vue de maximiser leur transfert et leur utilisation dans la société » (Université de Montréal. École de bibliothéconomie et des sciences de l’information 1999-2000, 7).

Cinquante-six crédits sont requis pour l’obtention du diplôme. Vingt-neuf crédits sont liés à la réussite de dix cours obligatoires (Tableau 4)[10]. Le stage obligatoire de fin d’études s’allonge et a maintenant une valeur de six crédits. Trois orientations, toutes imprégnées d’une forte culture technologique, sont offertes : les orientations recherche, professionnelle avec cours et professionnelle avec travaux dirigés. L’orientation professionnelle propose quatre options :

  • Archivistique ;

  • Bibliothéconomie ;

  • Gestion de l’information électronique ;

  • Gestion stratégique de l’information.

Tableau 4

Cours obligatoires dans les programmes de 1998 et de 2009

Cours obligatoires dans les programmes de 1998 et de 2009

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Au sein de chaque option, quatre cours obligatoires supplémentaires sont imposés à l’étudiant. Celui-ci complète son parcours en choisissant quelques cours dans une banque d’une vingtaine de cours au choix ou au sein des cours obligatoires dans les options autres que celle qu’il a choisie.

On doit souligner la réintroduction de la possibilité pour un étudiant de rédiger un mémoire de recherche d’une valeur de 21 crédits, redonnant ainsi à la recherche la place qui lui revient dans une école professionnelle qui a redéfini sa mission pour inclure une fonction de contribution « à l’avancement des connaissances et des pratiques en gestion de l’information par ses activités de recherche aux plans national et international » (Université de Montréal. École de bibliothéconomie et des sciences de l’information 1999-2000, 7). Même si la responsabilité d’une telle contribution revient d’abord aux professeurs-chercheurs et aux doctorants admis au programme de troisième cycle ouvert par l’EBSI en 1997, le retour du mémoire vise bien sûr à préparer une clientèle pour le doctorat en sciences de l’information, mais également à susciter l’intérêt pour la recherche en sciences de l’information, encore trop peu valorisée dans les milieux francophones.

2009- : Souplesse et polyvalence

Les grandes orientations d’un nouveau programme de maîtrise en sciences de l’information étaient déjà établies au moment de la visite du Comité d’évaluation de l’ALA en 2007. La réflexion sur un nouveau programme avait été lancée un peu plus tôt et une nouvelle version de la maîtrise en sciences de l’information sera implantée en septembre 2009. Le programme se caractérise par la souplesse de sa structure, destinée à faciliter la poursuite de cheminements variés, voire personnalisés, à des étudiants aux compétences de plus en plus diversifiées appelés à s’intégrer à des milieux professionnels fort différents les uns des autres. La structure du programme tient compte du fait que la moyenne d’âge des étudiants est plus élevée que jamais et que les circonstances font que le temps qu’ils consacrent à leurs études est limité et doit être productif. Plusieurs ont déjà une riche expérience de travail et, à un nombre croissant d’entre eux, la maîtrise en sciences de l’information permettra de commencer une deuxième ou une troisième carrière professionnelle. L’assouplissement de la structure du programme représente également une tentative d’assurer sa validité sur une durée un peu plus longue dans un environnement changeant.

Cinquante et un crédits académiques restent obligatoires pour l’obtention du diplôme, ce qui fait de la maîtrise en sciences de l’information l’une des plus « lourdes » en termes d’activités pédagogiques à la Faculté des arts et sciences. Le nombre de cours obligatoires est réduit à six (18 crédits) (Tableau 4) et deux orientations sont proposées : l’orientation professionnelle et l’orientation recherche. Au sein de l’orientation professionnelle, les options ont été abolies, permettant à chaque étudiant de se constituer un programme sur mesure répondant à ses intérêts ou à la nécessité de parfaire sa formation dans un domaine qu’il connaît déjà. La banque de cours est bien garnie, proposant une soixantaine de cours de spécialisation dont quelques-uns sont désormais offerts sur le campus ainsi qu’à distance, via le Web. Pour ceux qui ne connaissent pas les sciences de l’information et les marchés de l’emploi, neuf parcours flexibles sont proposés :

  • Architecture de l’information ;

  • Archivistique ;

  • Bibliothèques publiques ;

  • Bibliothèques scolaires ;

  • Bibliothèques spécialisées ;

  • Bibliothèques universitaires ;

  • Gestion d’un service d’information ;

  • Gestion stratégique de l’information ;

  • Traitement documentaire.

Chaque parcours est en fait une liste suggérée d’une dizaine de cours utiles à qui désire s’intégrer dans un milieu particulier. À l’étudiant qui aimerait oeuvrer dans une commission scolaire, par exemple, on recommandera les cours suivants : Gestion et développement des collections, Gestion des services en bibliothèques, Services d’information pour les jeunes, Bibliothèques scolaires et apprentissage, Formation aux compétences informationnelles. Il lui sera suggéré d’aller plus loin en choisissant quelques cours parmi les suivants : Veille stratégique, Comportements informationnels des utilisateurs, Gestion avancée des services d’information, Bibliothèques publiques, Marketing des services d’information, Recherche d’information en ligne, Information et sites Web, La lecture, le livre et l’édition. On note la réapparition dans les parcours proposés des institutions documentaires traditionnelles ainsi que des opérations de traitement documentaire qui, bien que toujours présentes, n’étaient plus à l’avant-plan dans les programmes précédents. Un stage obligatoire et bien encadré complète les activités d’apprentissage.

Le tronc commun

L’ensemble des cours obligatoires, ou tronc commun, est une composante vitale des programmes de formation offerts à l’École. Les cours obligatoires ont pour objectif de transmettre les connaissances jugées essentielles à tout professionnel de la documentation et de l’information, peu importe l’environnement au sein duquel il sera appelé à évoluer. L’élaboration de la liste des cours devant constituer le tronc commun est une étape particulièrement laborieuse du processus de restructuration d’un programme et fait l’objet de longues et de chaudes discussions.

À l’École, le nombre de cours obligatoires constituant le tronc commun a varié au gré des programmes. Presque tous les cours étaient obligatoires à l’époque du baccalauréat. Dans le programme de 2009, par contre, le tronc commun a été allégé pour faciliter notamment le passage à l’École des étudiants désirant compléter le programme à temps partiel. Malgré les variations dans le nombre de cours et les changements de titre et de terminologie, on constate que la nature des connaissances et des compétences jugées essentielles aux finissants a relativement peu varié au cours des 50 dernières années. On distingue six éléments récurrents dans le tronc commun des six programmes principaux offerts successivement à l’EBSI depuis 1961.

Introduction à la discipline, à la profession, etc.

Depuis 1961, il y a toujours eu au moins un cours obligatoire d’introduction à la discipline, à la profession, etc. Son contenu a été modifié, élargi et enrichi en même temps que l’étaient la discipline, les domaines de spécialisation et les milieux d’emploi. Les titres successifs donnés au cours d’introduction reflètent d’ailleurs l’évolution de la discipline et de l’objet d’étude (Tableau 5).

Tableau 5

Introduction à la discipline, etc. (1961-2011)

Introduction à la discipline, etc. (1961-2011)

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Il est particulièrement intéressant de noter le passage très net de la bibliothéconomie (discipline ou profession) à l’information (objet) en 1979, et l’ouverture vers les sciences de l’information (un retour à la discipline) en 2009.

Traitement documentaire

Les opérations de traitement documentaire ont toujours été présentées dans un ou plusieurs cours du tronc commun. Ces opérations sont celles du catalogage (ou description), de la classification et de l’indexation des documents.

Le tableau 6 montre que, jusqu’en 2009, la place accordée au traitement documentaire au sein du tronc commun restait considérable. Dans les programmes de 1979 et de 1989, le premier de deux cours obligatoires sur le traitement présentait les opérations liées à la bibliothéconomie traditionnelle (catalogage descriptif, catalogage-matière, classification), le deuxième cours servant d’introduction à l’indexation, au langage documentaire de type thésaurus et à la rédaction de résumés. Des changements dans la constitution du corps professoral ont entraîné une répartition différente de la matière dans le programme de 1998 ; le premier cours obligatoire était entièrement consacré à la description des documents, le deuxième, à l’analyse et à la représentation des contenus. Depuis 2009, cependant, un seul cours couvrant la description, l’indexation et la classification des documents est obligatoire pour tous les étudiants.

Tableau 6

Traitement documentaire (1961-2011)

Traitement documentaire (1961-2011)

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Diffusion

Au fil des années et des programmes, les opérations et les services de diffusion des documents et de l’information ont également vu leur importance relative varier au sein du tronc commun. Alors que dans le programme de 1961, cinq cours distincts couvraient ce secteur d’activité[11], le tronc commun du programme de maîtrise implanté en 1970, constitué de cinq cours seulement, n’intégrait aucun cours touchant cette dimension essentielle de la discipline et de la profession (Tableau 7).

Tableau 7

Diffusion (1961-2011)

Diffusion (1961-2011)

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C’est ici que les changements de terminologie, et possiblement les changements conceptuels, sont les plus marqués et peut-être les plus significatifs. D’abord axé sur la bibliographie, opération traditionnelle de précision à la base de tout travail bibliothéconomique, le cours s’est orienté en 1979 vers la communication (du document d’abord, de l’information ensuite) avant d’adopter la perspective de l’usager en 1998 pour présenter les sources principales d’information et surtout les modalités de la recherche d’information.

Méthodologie de la recherche

Depuis 1970, le tronc commun de la formation en bibliothéconomie et en sciences de l’information inclut un cours portant sur les méthodes de recherche appliquées (et applicables) dans notre domaine (Tableau 8).

Tableau 8

Méthodologie de la recherche (1961-2011)

Méthodologie de la recherche (1961-2011)

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Le cours n’a jamais été le plus populaire et son statut de cours obligatoire a régulièrement été contesté par les étudiants sondés à l’occasion d’une révision de programme. Le cours de méthodologie constitue toutefois, avec les cours d’introduction et d’informatique documentaire, la partie du tronc commun dont le caractère essentiel n’a jamais été remis en question par les membres du corps professoral et les professionnels de l’École.

Gestion

Des connaissances fondamentales en gestion sont jugées essentielles à l’ensemble des étudiants depuis l’intégration de l’École des bibliothécaires à l’Université de Montréal. D’abord axée sur la gestion des institutions documentaires et de leurs différentes composantes (les services techniques par exemple), la formation de base a été ouverte en 1989 à la notion plus large, et moins précisément définie, de gestion des services d’information (Tableau 9).

Tableau 9

Gestion (1961-2011)

Gestion (1961-2011)

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Technologies de l’information

Les technologies de l’information ont fait leur apparition tôt dans la structure des programmes d’études, dès 1966 en fait, mais il aura fallu attendre 1979 pour qu’un premier cours entièrement consacré aux dimensions technologiques de nos pratiques soit intégré au tronc commun (Tableau 10).

Tableau 10

Technologies de l’information (1961-2011)

Technologies de l’information (1961-2011)

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Bien que son titre ait peu changé au cours des ans, ce cours est certainement de ceux dont le contenu a le plus évolué d’un programme à un autre. C’est aussi l’un des cours où il est plus facile de distinguer ce qui est essentiel de ce qui ne l’est plus en raison de l’obsolescence des équipements, des systèmes et des logiciels. Le contenu du cours a également évolué pour tenir compte de l’accroissement des connaissances et de la familiarisation avec la technologie dans la société même. Lorsqu’ils entrent au programme, la vaste majorité des étudiants sont désormais familiers avec plusieurs sortes d’équipements et plusieurs logiciels courants, et le cours obligatoire peut être plus rapidement orienté vers des fonctions proprement documentaires et informationnelles.

Parmi les autres secteurs ayant fait partie du tronc commun, notons tout particulièrement le développement des collections (dans les programmes de 1979 et 1989 sous le titre Fonds documentaires) et l’archivistique (de 1984 à 2008). Hors du tronc commun, les cours portant sur le développement des collections et sur les fondements de l’archivistique continuent d’intéresser un grand nombre d’étudiants ; la nécessité d’alléger le tronc commun apparaît donc comme la raison principale de la perte de leur statut de cours obligatoire.

Les défis

L’évaluation, la mise à jour et la restructuration d’un programme d’études sont des opérations complexes qui nécessitent la manipulation et l’interprétation d’une grande variété de données. Les difficultés sont nombreuses, les défis impressionnants.

Le principal défi est sans nul doute la réconciliation des opinions et des désirs de chacune des parties intéressées. Lorsque les premiers sondages sont menés, on sait déjà que les différents intervenants ne commenteront pas tous les mêmes aspects du programme. Les étudiants s’intéressent aux méthodes pédagogiques (disponibilité des ressources, charge de travail, etc.). Les diplômés surveillent l’adéquation du programme au marché de l’emploi actuel. Les employeurs adoptent une perspective de gestionnaire, valorisant les qualités et les compétences qui ont fait leur propre succès. Les professeurs et les professionnels de l’École ont chacun une expertise et des intérêts qui leur sont propres. Non seulement doivent-ils réconcilier leur propre vision avec celle de leurs collègues, mais il leur faut aussi intégrer toutes les suggestions, les replacer dans leur contexte et les prioriser, tenir compte des exigences et des contraintes administratives et pédagogiques, et prendre enfin des décisions rationnelles qui resteront valides à moyen terme.

L’environnement informationnel, la technologie et le marché de l’emploi évoluent rapidement. Les responsables de la restructuration d’un programme n’ont pas le don de voyance et ils ne peuvent prédire exactement à quoi ressemblera l’environnement au sein duquel évolueront leurs diplômés dix ans, ou même cinq ans seulement après la mise en vigueur d’un programme d’études. Au meilleur de leurs connaissances dans leurs domaines respectifs, ils doivent structurer un cursus qui fera bien davantage que réagir aux demandes du marché actuel et qui permettra aux diplômés de s’adapter aux transformations qui ne peuvent manquer de se produire dans les années qui suivront leur passage à l’École. Cette nécessité de voir au-delà, par exemple, du logiciel de gestion de données bibliographiques qui vient de conquérir le marché ajoute une nouvelle dimension à l’éternel débat qui oppose les partisans d’une formation plutôt théorique aux partisans d’une formation davantage axée sur les pratiques courantes.

Un autre défi est lié au volume croissant d’information et de connaissances à transmettre. D’un programme de maîtrise à l’autre, d’une version à l’autre d’un cours particulier, les éléments de contenu ajoutés ont généralement été plus nombreux que les éléments qui pouvaient en être retirés pour raison d’obsolescence par exemple. Là où, dans les années 1960, un cours portant sur la description des documents exigeait des étudiants qu’ils connaissent et appliquent une seule norme principale, la même fonction requiert maintenant des connaissances sur un modèle théorique de la description, sur des normes distinctes applicables à divers types de documents, sur des formats d’échanges de données numériques, sur des systèmes informatiques permettant la gestion et l’exploitation des données, etc. Or, le programme de maîtrise en sciences de l’information est toujours d’une durée de deux ans, et le nombre de crédits (et donc de cours distincts) requis pour l’obtention du diplôme a plutôt tendance à diminuer qu’à augmenter.

Conclusion

Au cours de ses 50 ans d’existence, à l’instar des autres écoles nord-américaines de formation en bibliothéconomie et en sciences de l’information, l’École a su ajuster la structure de ses programmes, et particulièrement le tronc commun, pour refléter les avancées disciplinaires et technologiques, intégrer les propositions faites par les chercheurs et répondre aux principaux besoins du milieu. Ce rapide survol de la structure des six programmes offerts par l’École depuis 1961 témoigne :

  • d’un déplacement graduel de l’objet d’études, s’éloignant du contenant (document) pour s’intéresser davantage au contenu (information) ;

  • de la diminution graduelle de l’attention portée aux institutions (bibliothèques, centre d’archives, etc.) et de l’augmentation de l’attention portée aux objets, aux processus et aux services communs à ces institutions ;

  • du décloisonnement des sources, des pratiques, des milieux, des professions et des disciplines de la documentation et de l’information ;

  • de l’adoption d’une orientation « usagers » et « diffusion », en remplacement de l’orientation « collections » et « conservation » ;

  • de l’omniprésence de la technologie dans la formation ;

  • de l’importance accordée à la recherche, et ce, même dans une école professionnelle.

La mise en parallèle des objectifs généraux des programmes de formation proposés en 1961 et depuis 2009 montre clairement le chemin parcouru (Tableau 11). La comparaison des mots-clés (en gras dans le tableau) est particulièrement révélatrice. Les mots « bibliothécaires », « culture générale », « bibliographie », « catalogue » et « personnel technique » ont été remplacés par des termes plus généraux dans les objectifs du programme de 2009, où l’accent est plutôt mis sur la « gestion de l’information », sur les « professionnels de l’information », sur les « clientèles » et sur les « divers types de milieux documentaires ».

Tableau 11

1961-2011 : le chemin parcouru

1961-2011 : le chemin parcouru

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Même si un décalage a pu être observé entre l’adoption de grandes orientations pour l’évolution du programme et les changements réels dans sa structure et dans les contenus des cours, chacun des six programmes principaux successivement offerts par l’École reflétait clairement une vision consensuelle de la profession et des milieux au sein desquels évoluaient les professionnels au moment de sa conception.

Il est clair cependant que toutes les connaissances et les compétences qui seront éventuellement requises du professionnel, même à sa sortie de l’École, ne peuvent être acquises dans un programme aussi court. Le nouveau professionnel qui a complété le programme de maîtrise connaît les éléments fondamentaux de la discipline, les rouages des diverses fonctions documentaires, les besoins et les comportements informationnels, les principaux instruments de travail, informatiques et autres. Le diplômé doit pouvoir compter sur son milieu d’accueil, sur ses collègues professionnels en exercice et sur son employeur pour compléter sa formation de base et pour assurer sa formation continue. Laurent-G. Denis (1968) insistait, à juste titre, sur le fait que la formation des professionnels de la documentation et de l’information touche et affecte toutes les couches de la profession. Celle-ci doit donc non seulement s’intéresser, mais également s’impliquer directement dans la formation de la relève.