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Selon les résultats d’une étude menée en 2007 et citée par Federica Scarpa (p. 85), 99 % des textes traduits en 2006 en Europe sont des textes spécialisés (techniques, économiques, juridiques, médicaux, scientifiques, etc.). Cette proportion peut varier d’un pays à l’autre, mais il n’est pas exagéré d’affirmer que le pourcentage des textes littéraires traduits dépasse rarement 5 % des textes traduits dans le monde. Les futurs traducteurs sont avertis que leur travail portera, la plupart du temps, sur des textes spécialisés.

Dans l’avant-propos, Marco Fiola, l’auteur de la traduction-adaptation en français, affirme que cet ouvrage comble un vide dans la formation des traducteurs. Les ouvrages qui portent sur la traduction spécialisée ne sont guère nombreux, et ceux qui existent se limitent à offrir des recueils de difficultés de traduction et des exercices pratiques. Scarpa, elle, propose une analyse exhaustive – plus de 150 pages – des caractéristiques textuelles et discursives des langues de spécialité. C’est là que tant les traducteurs en exercice que les traducteurs en formation trouveront des renseignements fort utiles à leur pratique ou à leur formation.

Les contributions les plus importantes de cet ouvrage à la formation des traducteurs se situent, premièrement, dans un savant alliage de la théorie de la traduction et de la pratique de la traduction spécialisée et, deuxièmement, dans la richesse de la description des langues de spécialité. Le colossal travail de documentation effectué par l’auteure lui permet d’adopter une approche qu’elle appelle holistique. Elle extrait d’une imposante bibliographie ce qu’il y a de plus utile et de plus applicable à la formation des traducteurs spécialisés. Scarpa arrive à faire le lien entre les visions les plus pragmatiques de la traduction centrées sur des textes autres que littéraires et des visions plutôt théoriques, fondées principalement sur des analyses de traductions de textes littéraires. Force est de reconnaître que le lien entre théorie et pratique est excellemment réussi dans cet ouvrage.

L’analyse détaillée des particularités de la traduction de textes spécialisés constitue l’autre grand atout de ce livre. L’auteure nous rappelle que la complexité de la traduction spécialisée ne se réduit pas à une question de terminologie. Les grandes difficultés auxquelles se heurtent les traducteurs des textes spécialisés sont les attentes textuelles et discursives des lecteurs cibles. Le traducteur des textes spécialisés doit s’approprier le discours, les connaissances et les conventions d’écriture d’une communauté scientifique afin de permettre la communication interlinguistique et interculturelle au sein de cette même communauté.

Pour conclure, une brève note sur la traduction-adaptation. Marco Fiola a recréé le texte en français pour un public francophone sans la prétention d’offrir un texte qui pourrait se lire comme si l’auteure l’avait écrit en français. Le texte se détache intelligemment de son original pour en livrer le contenu. La traduction remplit parfaitement le mandat d’offrir un ouvrage adapté au public francophone tout en permettant de reconnaître les apports des traductologues italiens à la traductologie. Il nous apparaît que le texte de Scarpa a trouvé en Marco Fiola le traducteur idéal que recherchent les éditeurs.