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Dans un article consacré au lancement de la nouvelle maquette de Liberté en octobre 2012, Stéphane Baillargeon note que la revue abandonne « l’austérité contraignante » du livre pour adopter la forme d’un grand cahier illustré, avec couleurs, rubriques, chroniques et illustrations décalées. À l’image du contenant, le contenu de la revue se « moderniserait » en se moulant davantage aux soubresauts de l’actualité et en s’intéressant de plus près aux rapports entre art et politique. Cherchant à « comprendre dangereusement », selon le titre d’un essai d’Hubert Aquin paru en 1961, c’est dans la lignée d’éminents collaborateurs de la revue que dit s’inscrire l’équipe qui dirige Liberté depuis 2006 : les auteurs invités à collaborer à cette dernière auraient même, selon le directeur Philippe Gendreau, « un regard un peu périphérique osant regarder les choses autrement, comme dans les années où les Aquin, Ricard ou Godbout jugeaient leurs propres temps[2] ». Il s’agirait même de mettre à distance « une décennie “plate à mort” et d’une “navrante monotonie” […] entre 1991 et 2003 » pour mieux « organiser à nouveau la “résistance culturelle” ».

1960 — 1980 — 2012

Ce bref préambule ne vise nullement à critiquer la démarche de la revue Liberté ni à révéler les paradoxes ou les impensés inhérents à toute tentative de franche réorientation. Liberté, de toute façon, ne prétend guère se renouveler complètement, et reconnaît, en plus de la nécessité d’une rupture avec des discours plus désengagés, l’existence d’une dette envers les fondateurs de la revue, voire une volonté plus générale de s’inscrire dans une certaine filiation, soit celle des essayistes et des écrivains qui se sont mêlés de politique et sont intervenus, ne serait-ce que de manière oblique, dans les affaires de leur cité, ce que trahissent d’ailleurs les mots « réorganiser à nouveau la résistance culturelle ». Un tel mouvement n’est pas isolé. À la lecture des récents dossiers du magazine culturel Spirale, force est également de constater la présence moins discrète du politique et de l’actualité dans le discours des collaborateurs, par l’entremise de chroniques — celles de Catherine Mavrikakis et de Louis Hamelin notamment[3] — et d’articles consacrés aux débats et aux questions de l’heure.

Pourquoi parler ainsi du présent, et de ce qui n’est peut-être pas tant le retour, mais plutôt le ressac du politique dans la culture québécoise contemporaine, au début d’un article portant sur l’année 1980 dans Liberté et Spirale ? Les allusions aux récentes réorientations des deux publications permettent, d’une part, de lier le présent au passé, de faire acte de mémoire et, par là même, de réfléchir aux enjeux de l’histoire littéraire du contemporain en montrant bien que les mouvances critiques comme les interprétations de la culture qui circulent dans l’espace public sont soumises à d’incessants mouvements de balancier et de va-et-vient. Tout se passe comme si 2012 était le miroir inversé de 1980. Dans les pages de Liberté comme dans celles de Spirale, plusieurs appellent désormais de leurs voeux une forme d’incarnation, de concrétisation des idées, d’engagement dans l’espace public qui passerait par l’écriture sans être strictement littéraire[4]. En 1980, au contraire, c’est contre la politisation à outrance des discours et des textes que se sont érigés les collaborateurs des deux revues et nombre d’intellectuels et d’écrivains québécois. Plusieurs souhaitaient en effet rompre avec le lyrisme des années 1960, l’épopée nationale, les thèmes de la fondation du territoire et du militantisme, pour mieux privilégier l’écriture seule. Dans L’écologie du réel, Pierre Nepveu associe ce changement de paradigme à ce qu’il a baptisé, non sans ironie, la littérature post-québécoise, laquelle ne serait plus « un projet fondé sur une mémoire collective et une visée totalisante » mais plutôt sur la « pluralité, la diversité, la mouvance des textes[5] ». S’intéressant aux récits qui ont accompagné la littérature québécoise depuis 1960, Micheline Cambron évoque, quant à elle, le passage de « la catalogne à la courtepointe[6] » pour mieux illustrer l’abandon progressif des références à la québécité dans le discours de la critique littéraire à l’époque contemporaine. Dans plusieurs lieux de réflexion, la borne temporelle de 1980 constitue même le contrepoint dépolitisé de l’année 1960. À l’entrée dans la modernité, à la Révolution tranquille[7], répondrait ainsi, du moins selon une certaine vulgate, l’ère du désenchantement et de la fin des idéologies. En témoignent de nombreux travaux qui, sans tomber dans le piège de la téléologie historique, considèrent que la littérature québécoise parue après 1980 serait plus dispersée, dépourvue de la cohérence qu’elle semblait avoir naguère. Pierre Nepveu repère dans la littérature des années 1980 une « pluralité de centres[8] » ; les auteurs de l’Histoire de la littérature québécoise donnent le titre « Le décentrement de la littérature[9] » au chapitre qu’ils consacrent à la littérature de 1980 à nos jours ; François Ricard, quant à lui, évoque la « normalisation » de la littérature québécoise, laquelle n’est plus « petite, unifiée et moderne[10] » comme elle l’était dans les années 1960. Des constats similaires se retrouvent également dans les récents essais de Gilles Marcotte[11] et de Michel Biron[12].

À la lumière de ces observations, force est de constater que la critique a très souvent divisé l’histoire littéraire québécoise en un avant et un après. Chez les auteurs les plus sévères, l’après se présente comme la suite endeuillée des années 1960, son prolongement moribond[13] — topos que l’on retrouve aussi parfois dans la France de l’après mai 1968. L’après se situe donc dans un espace temporel aux contours imprécis. Il aurait un commencement — autour de 1980 — mais pas de fin, car il incarnerait le dénouement sous toutes ses formes, l’épuisement des signes de la culture, la morosité sociétale, la fin des idéologies. Si ces discours dysphoriques débordent largement les frontières du Québec contemporain, ils trouveraient néanmoins une résonance particulière dans l’histoire littéraire québécoise. Mathilde Barraband le rappelle :

Dans le Québec contemporain, le post- ne serait dès lors qu’un avatar du non avenu, mais son dernier rejeton peut-être, puisqu’il regarde en amont et non plus au-devant de lui. Glissant vers cette interprétation qui fait de l’impossible avènement d’un grand écrivain la trame de toute l’histoire littéraire québécoise, Belleau, Nepveu, Ricard, Larose ou encore Yvon Rivard renouent avec une contradiction qui traverse une large part de la critique littéraire québécoise. Cette dernière, depuis les années 1950, s’est en effet souvent attachée à faire de l’écrivain empêché, démissionnaire, ou sans oeuvre, de l’écrivain négatif en somme, le grand écrivain québécois. Ce faisant, elle s’est trouvée dans la posture paradoxale de recréer une continuité autour d’une vacance, de reconstruire une cohérence autour d’une « absence de maîtres », pour reprendre l’expression de Michel Biron, en d’autres mots d’inventer une histoire de famille autour d’un fantôme[14].

Il va sans dire que les études générales, les manuels d’enseignement et les ouvrages d’histoire littéraire tentent le plus souvent de contourner ce type de lecture négative pour cartographier de manière plus nuancée le paysage littéraire d’un lieu et d’une époque donnés. Sans entrer ici dans les débats sur la prétendue objectivité de l’histoire littéraire[15], j’interrogerai les présupposés de la mise en récit de la littérature québécoise contemporaine et par là même de la fabrication de la borne temporelle de 1980. L’analyse portera plus précisément sur les dossiers que les revues Spirale et Liberté ont fait paraître en 1980. Elle tendra certes à relever les figures de la fin, de la désillusion et du désenchantement, souvent associées au contexte politique entourant le premier référendum sur la souveraineté du Québec, mais aussi celles d’un certain ressourcement, porté entre autres par le discours féministe dans les pages du magazine culturel Spirale. L’examen des dossiers parus en 1980 tendra à dégager d’un vaste ensemble de textes un récit minimal, lequel permettra de mieux y cerner l’inscription, non pas de l’année 1980, mais des oeuvres et des réflexions sur la culture qu’elle a vu naître.

Il convient d’emblée de distinguer les deux publications. Fondée en 1959, Liberté est déjà bien installée dans le paysage culturel québécois au seuil des années 1980. Elle paraît six fois par an, comprend des dossiers thématiques, des chroniques et des billets. Jean-Guy Pilon, l’un des fondateurs de la revue, vient tout juste de céder sa place de directeur à François Ricard ; le comité de rédaction rassemble des universitaires et des écrivains reconnus, Jacques Godbout, André Belleau, Robert Melançon et René Lapierre, pour ne nommer que ceux-là. Même si la revue est littéraire et culturelle avant tout, certains de ses collaborateurs s’attachent aux rapports qu’entretiennent politique et esthétique, allant même parfois jusqu’à se faire juges et censeurs de leur société.

Le contexte éditorial du magazine Spirale est tout autre : le périodique a commencé à paraître en septembre 1979 sous la forme d’un journal d’une douzaine de pages, à raison de dix numéros par an, faisant relâche pendant l’été. Les collaborateurs suivent de près l’actualité culturelle montréalaise. Nouvelles parutions, danse, théâtre, musique et arts visuels sont commentés dans des comptes rendus de longueur variable. Certains des numéros comprennent aussi des dossiers thématiques. Au cours de l’année 1980 par exemple, Spirale consacre des dossiers spéciaux à un bilan de l’année littéraire québécoise (février 1980), à la musique New Wave (avril 1980), à la question référendaire (mai et juin 1980) et à la critique féministe (septembre 1980). Plus éclectiques que ceux de Liberté, les sommaires de Spirale témoignent d’une volonté certaine de prendre le pouls d’une époque, de lieux de culture et de tendances esthétiques et idéologiques diverses. Plusieurs des collaborateurs sont déjà écrivains ou le deviendront — Claude Beausoleil, Roger Des Roches, Monique LaRue, André Roy, Gail Scott, France Théoret, entre autres. Certains d’entre eux ont gravité autour de La Barre du jour ; d’autres sont très actifs au sein du mouvement féministe. Chose certaine, bon nombre des collaborateurs sont liés à ce qui pourrait être qualifié d’avant-garde culturelle québécoise.

Liberté : le référendum de 1980 est-il un événement (littéraire) ?

L’année 1980 est forcément devenue une borne temporelle dans l’histoire québécoise parce qu’elle fut celle du premier référendum sur la souveraineté, mené sous le gouvernement péquiste de René Lévesque. 1960, 1980, l’effet d’écho est presque parfait : en amont, selon le grand récit du moins, s’impose l’éveil d’une société tout entière, enfin moderne et laïcisée ; en aval, le refus de l’indépendance et de l’autonomie, thèmes qui avaient pourtant été au coeur de presque tous les discours, politiques, sociaux, culturels, littéraires, qui avaient accompagné la Révolution tranquille[16]. Malgré leur vocation littéraire et culturelle, Liberté et Spirale témoignent, chacune à leur manière, des effets de la campagne référendaire, puis de la victoire du « non » sur la culture québécoise. Au sein des deux publications, le référendum est traité dans des dossiers distincts. Si de brèves allusions au contexte référendaire affleurent dans certains articles, celles-ci demeurent à la fois rares et elliptiques. Tout se passe comme si les essais et les articles sur le référendum se situaient en contrepoint des autres réflexions menées dans les pages des deux publications. L’événement serait certes important mais non central, et il se placerait à bonne distance de la vie littéraire et culturelle québécoise[17].

Liberté consacre deux courts dossiers à la question référendaire. Le premier paraît dans le numéro 128 (mars-avril 1980) sous le titre « Référendum », et le second dans le numéro 131 (septembre-octobre 1980) sous le titre « Tribune ». En mars-avril 1980, les essais sur le référendum, s’ils sont tous en faveur du « oui », affichent une sorte de pessimisme préventif. Les analyses d’André Belleau, de Fernand Ouellette et de François Ricard s’attachent à décrire les valeurs — au propre et au figuré — des défenseurs de l’indépendance du Québec, et à mettre en relief les angoisses, les peurs et les superstitions qui risqueraient d’entraver une victoire du « oui ». André Belleau, dans son essai « L’esthétique du “oui” », s’intéresse à la multivalence d’un vote pour la souveraineté :

Le OUI fléché sur le bulletin du référendum — et qui ne sera malheureusement pas un oui à l’indépendance — renferme donc bien des choses : les ambitions d’une partie importante de la classe moyenne, laquelle convoite le pouvoir ainsi que le budget provincial ; un québécocentrisme réactionnaire tout à fait dans la tradition nationaliste ; le ressentiment historique envers les conquérants et ceux qui sont venus par la suite grossir leur nombre ; une aspiration authentique vers la liberté ; un sentiment de fierté profondément éprouvé ; la volonté très nette de lucidité, de modernité, d’ouverture.

Ce OUI multiple, il me faut l’assumer, d’autant plus que je suis antinationaliste et fédéraliste[18].

Si André Belleau puise très peu dans la littérature, et se borne à citer allusivement Pierre Vadeboncoeur et François Ricard, à évoquer au passage le personnage d’Oliver Twist et les travaux des penseurs marxistes Max Weber et Frederic Jameson, il n’en fonde pas moins sa réflexion sur les rapports entre esthétique et politique. Par esthétique, il entend, d’une part, « esthétique élémentaire de l’existence », laquelle le contraint à ne pouvoir appartenir au camp des Paul Desmarais, Samuel Bronfman, Claude Ryan, Roger Lemelin, tous contre l’indépendance du Québec. Cette esthétique est bien sûr tributaire d’un système de valeurs qui entrelacerait le refus des valeurs capitalistes et néolibérales défendues par les magnats de la finance, mais aussi une conception strictement institutionnelle de la culture et de la vie politique, emblématisée par le « Conseil du Patronat » et la « Chambre de commerce ». Aussi vague soit-elle, cette esthétique se définirait par la négative, « CONTRE [l]e CONTRE » de l’orthodoxie et du pouvoir établi[19]. D’autre part, l’esthétique renverrait à un au-delà de la raison, serait existentielle et s’accommoderait volontiers d’imprécisions, d’incertitudes, voire de sentiments instinctifs : « Ce qui, dans le vécu, apparaîtrait comme l’exigence la plus grande, l’aspiration la plus intense, serait, de ce fait même, indémontrable. La meilleure réponse aux adversaires de l’indépendance, c’est de la faire[20]. » Les arguments de Belleau demeurent en somme peu développés et reposent sur une lecture que l’on pourrait qualifier d’opiniâtre et de partisane. Ils débouchent néanmoins sur une praxis, sur une forme de solution, partielle sans doute, au problème de l’identité collective des Québécois, qui réside tout entière en la possibilité concrète de « faire l’indépendance », au sens de se fabriquer un avenir commun. À cet égard, « L’esthétique du “oui” » se construit à la manière d’un pacte avec l’avenir et tient plus de la profession de foi que de l’argumentaire solidement étayé, renouant avec « un certain usage du temps, l’usage de la promesse[21] » pour reprendre les mots de Jacques Rancière au sujet des utopies politiques du xixe siècle.

Dans « Un cas étrange », François Ricard s’inspire largement de la littérature, relisant le réel historique et social à la lumière d’oeuvres littéraires consacrées[22]. Son essai sur le référendum de 1980 se présente comme une critique de la frange de l’intelligentsia québécoise la plus engagée dans la lutte pour la libération nationale — Pierre Vallières en tête — qui, par idéalisme, s’abstiendrait de voter lors du prochain référendum. Par là, elle se détacherait du Parti québécois, qu’elle accuse de tiédeur, et nuirait au camp du « oui ». Ricard distingue deux types d’attitude, soit « le syndrome de Péguy » et « l’effet Aquin » pour mieux analyser cette « intransigeance », « cette position abstentionniste[23] ». Le syndrome de Péguy atteindrait ceux qui verraient en la politique « une sorte de défiguration de [leur] idéal intouché[24] ». L’effet Aquin « ressemble beaucoup au syndrome de Péguy, dont il n’est peut-être, en somme, que l’une des manifestations les plus frappantes, si bien qu’il pourra nous être utile dans l’étude de l’étrange abstentionnisme vallièrien[25] ». C’est à l’art de la défaite, théorisé dans l’essai éponyme qu’Aquin fit paraître en 1965 dans Liberté, que Ricard fait référence. Hubert Aquin y a décrit l’attitude défaitiste des Patriotes de 1837-1838 qui, se croyant conditionnés à la défaite, n’ont pu croire en leur victoire de Saint-Denis, et ont par la suite pratiqué un style militaire suicidaire. Au même titre que les Patriotes déchus, les défenseurs les plus ardents de l’indépendance, ceux qui ont « [perdu] leurs emplois, se [sont fait] emprisonner, [ont subi] toutes sortes d’ostracismes, souff[ert] et lutt[é] avec un courage et une loyauté à toute épreuve[26] », ont désormais peur de vaincre. Cette peur de la victoire est traitée en d’autres termes par Fernand Ouellette dans son court texte, « La condition parasitaire ». Endormi par les valeurs consuméristes états-uniennes, le peuple québécois servirait d’abord et avant tout des intérêts économiques, cherchant à être « assimilé par le seul pays qu’il admire. Dire oui, au référendum, serait s’éveiller, prendre la responsabilité de son destin et le risque de la vie[27] ».

Une certaine cohérence discursive se dégage des trois textes du dossier « Référendum » : pour les trois auteurs, il ne s’agit guère d’analyser rationnellement les tenants et aboutissants d’une victoire du « oui » afin de convaincre le lectorat de Liberté du bien-fondé de l’indépendance nationale, mais bien de parler en leur nom propre contre — insistons sur ce dernier mot — une attitude, des valeurs, une logique qui conduirait à une sorte de peur collective, celle d’advenir enfin, de passer à l’histoire et de devenir maître de son destin. Le « je » est ici non pas le représentant de la collectivité, mais plutôt celui qui se distingue de celle-ci, qu’elle renvoie au camp du « oui », du « non » ou à la frange la plus radicale de l’intelligentsia québécoise. Aussi apparaît-il important de distinguer nettement ces prises de position de celles qu’auraient pu adopter les collaborateurs de Parti pris et, à certains égards, de Liberté dans les années 1960. Le « je collectif », tel qu’il a pu être défini en 1965 par Paul Chamberland dans son essai « Dire ce que je suis[28] », et l’écrivain porte-parole de la nation ne sont plus guère de saison.

André Belleau le confirme d’ailleurs dans « Non donc ? On ne meurt pas de mourir », son article postréférendaire paru dans le dossier « Tribune » de septembre-octobre 1980, en affirmant : « Quelque chose s’annonçait possible le vingt mai qui ne s’est pas réalisé. La défaite du OUI, c’est simultanément la victoire, dans une Amérique du Nord homogène, du MÊME sur l’AUTRE, de l’uniformité sur la différence[29]. » Sorte d’élégie pour le non-advenu, le texte de Belleau signe la mort de l’indépendance nationale et des « aspects collectifs de notre culture[30] », insistant par là même sur « le caractère absolument paradoxal de l’utopie : INDISPENSABLE À LA VIE, ELLE NE LA MODIFIE PAS[31] ». Ce dernier constat semble invalider le pacte avec l’avenir que l’auteur avait signé dans « L’esthétique du “oui” » et fait écho aux autres articles du dossier qui, de déceptions en regrets, se présentent tous comme des tombeaux de l’indépendance nationale, mais surtout d’une certaine conception de la vie collective. Reprenant l’un des topoï du discours social québécois des années 1980, Jacques Godbout oppose à la figure de l’État-nation celles de l’atomisation d’une société de plus en plus individualiste :

En mai 1980, à l’époque du jogging, du chacun pour soi, des associations de consommateurs, de femmes, d’écologistes, de garderies, de gauchistes, d’anarchistes, d’étudiants, d’homosexuels, de cyclistes, d’anti-nucléaires et j’en passe, dont les organisations syndicales, il n’y avait plus cette unanimité dont le PQ aurait eu tant besoin[32].

Faute d’unanimité, de consensus, de solidarité entre les membres de la communauté, l’échec du référendum de 1980 aurait été un « anti-événement[33] » selon François Ricard, et renverrait les Québécois à leur « non-identité[34] » selon André Belleau. Dans sa « Lettre aux bien-pensants du OUI », Yvon Rivard enfonce le clou en accusant les défenseurs de l’indépendance nationale de couardise, de frilosité intellectuelle et d’étapisme politique — reproches qui ne sont pas sans rappeler l’argumentaire développé contre les tenants du NON dans le documentaire Le confort et l’indifférence[35] de Denys Arcand. À ce portrait sévère se noue également une critique plus globale des débats intellectuels et sociopolitiques menés dans l’espace public québécois. Lors de la campagne référendaire, les « bien-pensants du OUI » n’auraient jamais osé affronter la véritable question, celle du « destin du Québec » :

Le Québec pour quoi faire ? Étrange et inquiétant de vouloir un pays sans interroger ni cette volonté ni ce pays. C’est peut-être que cette interrogation nous obligerait à descendre trop bas et à nous élever trop haut, toutes choses également condamnables pour des esprits éclairés qui sont revenus de tout (la dimension religieuse et contestataire du Québécois, la psychologie du conquérant et du conquis, l’invention d’une nouvelle société, etc.) pour n’être allés nulle part (de colloques en revues, de charades en scolies)[36].

Loin d’annoncer la fin d’une époque, ces discours pessimistes renvoient plutôt les Québécois à leur peur atavique d’advenir, à leurs échecs répétés, d’où les références à « L’art de la défaite » d’Aquin aussi cité par Rivard. Dans la perspective d’une mise en récit de la culture québécoise, force est de constater que 1980 ne marque pas le passage à une ère nouvelle modelée par la fin des idéologies et des grands récits, mais bien le prolongement d’un rapport malaisé à l’Histoire et à la souveraineté.

Spirale : effacement de la question référendaire et prolongement du combat féministe

Dans les pages de Spirale, le référendum de 1980 se fait plus discret. Certes, deux dossiers lui sont consacrés, mais ils entretiennent des rapports très distants avec les autres articles et comptes rendus publiés par le magazine. Contrairement à Liberté, Spirale refuse de se situer clairement sur l’échiquier politique, et se détache de manière assez nette des débats identitaires de l’heure. Les discours nationalistes et le thème de la fondation du pays sont mis à distance, comme si ceux-ci n’avaient pas réussi à tenir leurs promesses. Dans un article intitulé « L’héritage de Parti pris », paru en janvier 1980, Gordon Lefebvre recense la parution de l’ouvrage Parti pris : idéologies et littérature de Robert Major et en conclut que « Parti pris nous laisse un héritage encore peu assimilé et un esprit dont on peut encore espérer la reviviscence[37] ». Dans le numéro de mai 1980, le magazine publie un entretien avec les ministres Camille Laurin et Denis Vaugeois qui devait porter à l’origine sur le bilan en matière de réalisations culturelles du Parti québécois. L’entrée en scène du référendum de 1980 s’y fait sur le mode de la déploration. C’est que le référendum détournerait l’attention des politiques culturelles : « Malheureusement, le débat sur la question référendaire a empêché le long entretien projeté[38] », précisent les auteurs — André Lamarre, Gordon Lefebvre, André Roy et Laurent-Michel Vacher — qui ont recueilli les propos des ministres. Dans le même numéro, Roger Des Roches critique assez vertement l’organisation de la Nuit de la poésie 1980 : « L’entreprise fut référendaire […]. Les écrivains ne jouent plus tellement de la ceinture fléchée et des cuillers[39]. » Selon lui, la Nuit de la poésie de 1980 aurait été un fiasco, organisée uniquement pour servir le film de Masse et de Labrecque, et faire croire en la survie d’une poésie engagée, politisée, toujours arrimée aux idéaux des indépendantistes.

Rien d’étonnant alors à ce que le dossier consacré à la question référendaire se présente sous la forme d’un bilan en trois parties[40], recensant les ouvrages qui ont marqué l’évolution de la pensée indépendantiste au Québec. Le ton n’est pas opiniâtre. Il ne s’agit pas d’imiter les auteurs de la revue Liberté en donnant un tour personnel et engagé à sa réflexion, mais plutôt de construire une sorte de bibliothèque idéale mettant les événements contemporains en perspective à la fois idéologiquement et historiquement. Dans la présentation du dossier, Gordon Lefebvre explique que le comité a voulu éviter le piège de la seule hiérarchisation : « L’attitude qui veut s’appliquer ici est plus complexe. […] Elle se meut dans la labilité de l’histoire et elle se saisit en même temps qu’elle saisit la fameuse question qui rebondit d’époque en époque, dans ses contradictions, ses sursauts, ses déplacements, ses crises et son inachèvement[41]. » La première partie du dossier est prise en charge par Jean-Pierre Lamoureux et porte sur des textes publiés entre 1963 et 1974[42]. Dans cette première série de comptes rendus, Jean-Pierre Lamoureux se garde bien de glisser des commentaires éditoriaux qui trahiraient ses intentions et ses partis pris politiques. Les passages plus critiques portent exclusivement sur la cohérence interne des ouvrages recensés. Ainsi, il reproche à André D’Allemagne son « cadre théorique [peu] étincelant », ses « définitions conceptuelles peu sophistiquées » et « la précarité de la logique dont procèdent [ses] interprétations des causes et des effets[43] ». Les Québécois, l’anthologie des textes de Parti pris parue en France chez Maspero, est jugée incomplète, constituant « un reflet orthodoxe[44] » qui ne prendrait pas en compte les textes plus tardifs et moins consensuels de la revue. C’est sans doute le compte rendu consacré à La question du Québec de Rioux qui s’avère le plus sévère. L’auteur se demande notamment pourquoi l’idéologie du rattrapage « est identifiée aux promoteurs du fédéralisme » et met en cause l’idéologie de dépassement qui serait défendue par les indépendantistes progressistes. Dans la conclusion de son article, Jean-Pierre Lamoureux moque cette interprétation qui semble aller de soi : « L’engouement pour les meubles anciens, les maisons “canadiennes”, le Salon des métiers d’arts, le Musée de l’homme d’ici (!) ne procède-t-il pas, dans une certaine mesure, d’une idéologie de conservation ?[45] » De manière générale, Lamoureux cherche à présenter un tableau non complaisant de la pensée indépendantiste au Québec et dénoue volontiers les liens artificiels entre la pensée indépendantiste et le progressisme social.

La seconde série de comptes rendus sur la question référendaire est rédigée par André Lamarre et couvre la période de 1975 à 1979[46]. À l’exception de L’option de Jean-Pierre Charbonneau et de Gilbert Paquette, alors députés péquistes, les autres ouvrages recensés sont des études universitaires s’inscrivant dans les champs de la science politique (Léon Dion, Anne Légaré et Denis Monière), du droit (Jacques Brossard) et de la sociologie (Gilles Bourque) et donnent lieu à des comptes rendus plutôt descriptifs. En revanche, les recensions qui composent la troisième partie des dossiers sur la question référendaire sont plus incisives. Consacrées aux écrits marxistes ou à ceux qui ressortissent à des mouvements ouvriers et populaires, elles sont rédigées par Gordon Lefebvre qui prend nettement position en faveur d’un « Oui mais — Oui critique — Oui tactique [qui serait] l’expression d’un courant, d’une fraction du mouvement socialiste actuel en rupture avec le marxisme doctrinaire d’une part et le “souverainisme” péquiste d’autre part[47] ». Contrairement aux essayistes de Liberté, Gordon Lefebvre donne un tour très concret à sa réflexion, laquelle s’avère indissociable des revendications de la gauche ouvrière et populaire. Loin de défendre une esthétique ou une lecture existentielle de l’histoire québécoise, c’est à l’union des forces socialistes qu’en appelle Lefebvre. Si les auteurs des articles qui composent le dossier sur la question référendaire n’endossent pas de manière franche la cause de l’indépendance nationale, il n’en demeure pas moins que le choix des ouvrages recensés, tous d’allégeance indépendantiste[48], révèle un certain biais, un parti pris diffus pour le camp du OUI, cela même si les politiques péquistes sont critiquées à maintes reprises. Par ailleurs, le recours à la forme du compte rendu — signature du magazine Spirale — participe de la construction d’interprétations, non pas neutres, mais certainement moins consensuelles et dysphoriques que celles qui circulent dans les pages de la revue Liberté.

Le véritable combat de Spirale serait peut-être ailleurs, du côté de la défense et de l’illustration, non pas de la langue et de la culture québécoises, mais des valeurs et des idéaux du féminisme. Loin d’être marginale, la critique féministe est littéralement au coeur de tous les numéros publiés en 1980. Pour Gail Scott notamment, dans « Triste mais non tragique », la critique féministe mériterait de sortir des ornières où on l’a trop longtemps retenue pour mieux rompre définitivement avec les poncifs ressassés à outrance : « tout ce qui est “au féminin” est beau » ou « la critique des oeuvres féminines ne requiert point d’approche spéciale », pour ne nommer que ceux-là. Pour plusieurs des collaboratrices de Spirale, Louise Cotnoir, Louise Dupré, Suzanne Lamy, Monique LaRue, Gail Scott, entre autres, il est nécessaire de se doter d’une histoire au féminin qui permette de renouveler l’analyse du rôle des femmes dans les différentes sphères artistiques. Militantes, partisanes, ouvertement partiales, elles ne se gênent guère pour dénoncer l’intolérance de la société patriarcale et réfléchir aux relations entre le pouvoir et la parole. Tous les sommaires de l’année 1980 couvrent un nombre important d’oeuvres produites par des femmes. Des articles sont consacrés aux plus récents ouvrages de Germaine Greer, Hélène Cixous, Madeleine Ouellette-Michalska, Marguerite Duras, Anne Hébert, Anne-Marie Alonzo et j’en passe.

Le magazine fait paraître un dossier spécial sur « Les femmes et la critique » en septembre 1980, avec une photo de Marguerite Duras en page couverture. Dans le texte de présentation, Suzanne Lamy appelle de ses voeux une critique féministe qui osera séparer le bon grain de l’ivraie. Un tel projet risquerait cependant d’inspirer des rebuffades : « En période combative, passer pour une mauvaise soeur n’est pas réjouissant, dans la mesure où on se dit et où on se veut solidaire des pratiques féminines[49]. » Comment en effet conjuguer sens critique et discours apologétique ? La question hante les autres articles du dossier qui interrogent tour à tour les conditions matérielles de l’activité scripturaire des femmes[50], le peu d’écho reçu dans les médias par certaines publications — les textes-témoignages féminins[51], les productions du Théâtre expérimental des femmes[52] —, la fonction sociale de la critique[53], la nouveauté formelle des écritures féminines[54]. L’idée n’est pas tant de défendre à tout prix les écritures au féminin, mais bien de trouver une manière de lire et de juger qui ne les condamne pas à la circulation en vase clos, voire à la ghettoïsation. Louise Cotnoir en convient :

[il] nous faudrait donc creuser des brèches dans leur critique [celle des publications officielles et patriarcales] comme nous en avons créées dans leur écriture, dans leur loi… […] Occuper la place publique (autre territoire dont nous sommes exilées) comme nous avons occupé la rue lors des manifestations pour l’avortement libre et gratuit et contre le viol[55].

L’analogie avec la militance active fait clairement ressortir le caractère engagé de la critique féministe, et montre bien que le politique n’a nullement déserté les pages de Spirale[56]. Si la question de l’indépendance nationale semble renvoyer au passé, la critique féministe serait, elle, tournée vers l’avenir, en processus de réalisation, non fixée, toujours promesse vivante. Elle emprunterait la forme d’une recherche, souvent tâtonnante, se construirait en marge des discours et des héritages dominants. Le dossier « Les femmes et la critique », en somme, aurait une double mission : celle de lancer une réflexion collective sur la critique féministe, mais aussi celle de circonscrire, voire de fonder, un nouveau territoire idéel et référentiel à la fois.

Spirale se revendique d’une certaine modernité, voire d’une postmodernité, et s’inscrit sans conteste dans le prolongement des avant-gardes des années 1970, dont les explorations critiques et scripturales ont essaimé dans les pages de La Nouvelle Barre du Jour et aux Herbes rouges. Peut-être est-ce pour cette raison que les collaborateurs du magazine, tournés vers l’avenir, attachés aux productions du présent, donnent rarement dans la déploration de leur époque. S’ajoute à cela le décentrement des questions de politique nationale, des réflexions sur l’identité collective et sur la littérature québécoise. La référence québécoise n’est guère dominante dans les différents dossiers de Spirale, comme en témoignent d’ailleurs les articles sur la pensée féministe qui puisent abondamment dans un répertoire culturel international. Dans un article paru en 1981, Pierre Nepveu remarquait déjà cet important changement de paradigme :

Avec Spirale, on change de lieu et de décor. La littérature québécoise ou étrangère n’y occupe qu’une place relativement modeste parmi les autres activités culturelles : cinéma, musique, spectacles et performances, etc. Le fait que la moitié du comité de rédaction soit constituée de poètes des Herbes rouges, Des Roches, Roy, De Bellefeuille, Théoret (sans parler des collaborateurs), n’est pas à négliger. Ce qui importe davantage, c’est que ce magazine culturel offre une certaine homogénéité de points de vue. On sent une conception globale, bien que souvent implicite, de l’espace culturel : conception tournée vers les pratiques modernistes et post-modernistes (rejoignant à l’occasion l’excellente revue Parachute), démontage idéologique des pratiques artistiques et des sciences humaines (politique, sociologie, histoire)[57].

Nouvelles avenues critiques

Une micro-analyse révèlerait à n’en pas douter l’existence de différends esthétiques entre les comités de rédaction de Liberté et de Spirale. Si par exemple Robert Melançon et François Hébert font du recueil de poèmes L’équation sensible de Denys Néron le livre de l’année 1979, Normand de Bellefeuille le considère comme un ouvrage précieux, rhétoriqueur, truffé de clichés poétiques et, pire, « chrétien ». « Il y a beaucoup d’anges dans cette Équation[58] », ajoute sans ironie le critique de Spirale. Cet exemple ne peut certes suffire à illustrer toutes les différences qui s’imposent entre les deux publications, mais il manifeste tout de même un écart entre le classicisme, présumé ou non, de Liberté et les visées modernistes de Spirale[59]. Malgré cette apparente contradiction, Liberté et Spirale partagent une conception semblable de la littérature et du rôle de la critique. Encore une fois, c’est à l’idée d’un décentrement de la parole collective et des référents traditionnels de la critique — langue, nation et culture homogènes — que s’attachent plusieurs des auteurs de Liberté et de Spirale. Dans le dossier « La littérature : sept instructions » paru dans Liberté en janvier 1980, les réflexions des auteurs sont presque toutes liées à des itinéraires individuels. Encore une fois, chacun parle en son nom propre et ne propose que très rarement des vues d’ensemble, des états des lieux, des topographies de la culture québécoise. En somme, c’est vers l’universalité plus que vers la québécité que pointent les analyses plus générales des auteurs. François Ricard avoue « aimer dans la littérature non pas qu’elle soit la vérité, bien au contraire, mais plutôt ceci : qu’elle soit, parmi tout ce qui me trompe — et tout me trompe — la seule chose qui, me trompant, avoue en même temps sa tromperie[60] ». René Lapierre, quant à lui, associe le sacré, non plus aux divinités anciennes, mais à un « ici vertigineusement ouvert, [un] “peut-être” perpétuellement actuel et béant, et comme saisi de stupeur devant cette disparition soudaine des dieux. Ce qui reste, ce qui s’impose, c’est précisément la difficulté de choisir entre plusieurs morts, entre plusieurs terreurs, plusieurs formules du sacré[61]… » Du côté de Spirale, le décentrement est lié davantage à un rejet des formes littéraires traditionnelles et des discours rassembleurs. Selon Marcel Labine, « [o]n ne peut plus écrire de romans comme si cela allait de soi, comme on ne peut pas davantage parler du quotidien sans que cela risque de devenir inintéressant ou banal[62] ». Commentant le colloque sur la « littérature québécoise d’aujourd’hui » tenu à Cerisy, Roger Des Roches note que l’absence de folklore a peut-être déçu les participants : « la plupart de ceux qui furent invités se situent fort loin de la problématique du “pays” (ou s’y situent différemment : sans identification) ; les lieux et les signes de reconnaissance classiques (déjà classiques !) faisaient défaut[63]. » Pour Gail Scott, le Joshua Then and Now de Mordecai Richler relève « plus du then que du now[64] ».

Les dossiers de Liberté et de Spirale de l’année 1980 traitent en fait fort rarement de la mort de la littérature ou de la culture québécoises à l’époque contemporaine. Aux discours mortifères et aux adieux déchirants, qui s’imposeront manifestement plus tardivement ou ailleurs, les auteurs de Liberté et de Spirale d’alors préfèrent le plus souvent, non pas un optimisme de bon aloi, mais une forme de réalisme lucide permettant de juger le monde sans trop le déformer. Sans signer la fin d’une époque, l’année 1980 semble plutôt constituer un moment, un trait d’union — et encore nous ne pouvons défendre une telle lecture qu’a posteriori. Le combat féministe se concevait dans une continuité. Quant au référendum de mai 1980, comme en témoignent les dossiers sur la question référendaire parus dans les deux publications, il signalait non pas la fin, mais le prolongement d’une époque incertaine. Nul changement de paradigme, nulle réorientation ne semblaient s’imposer, le Québec, pour reprendre les mots d’André Belleau, ne « mourra pas de mourir ». Il se survivra.