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Le soutien social est considéré depuis de nombreuses décennies comme un facteur essentiel à l’adaptation humaine. Dans le domaine de la santé, certains auteurs le considèrent comme une variable tampon, produisant un effet modérateur entre les événements générateurs de stress et le développement d’une symptomatologie (Cohen et Wills, 1985 ; Cutrona et Russell, 1990), d’autres lui attribuent cependant un effet direct et une valeur intrinsèque nécessaire à l’adaptation (Leary et Downs, 1995 ; Caron, 1996).

Dans le domaine de la santé mentale, la perception de la disponibilité du soutien social est fortement associée à une meilleure qualité de vie et elle constitue un facteur de protection contre la détresse psychologique et la plupart des troubles mentaux. De plus, la présence du soutien social favorise la rémission, la réadaptation et le rétablissement des personnes atteintes de troubles mentaux. Pour une recension exhaustive des relations entre le soutien social et la santé mentale et les principaux instruments de mesure s’y rapportant, voir Caron et Guay (2007) et Wills et Shinar (2000).

Le soutien social est un construit multidimensionnel pour lequel les recherches empiriques ont identifié cinq fonctions distinctes : le soutien émotif, l’intégration sociale, le soutien de valorisation personnelle, l’aide tangible (instrumentale et matérielle) et le soutien informatif. Il est possible de classifier les instruments qui l’opérationnalisent en trois types de mesure : la perception du soutien reçu (received), la perception de sa disponibilité (availability) et enfin la satisfaction du soutien (adequacy). La plupart des études épidémiologiques montrent que les mesures de disponibilité du soutien sont celles qui prédisent le mieux les effets positifs du soutien social sur la santé. Wills et Shinar (2000) recommandent leur utilisation, lorsqu’un choix de mesures est contraint par le temps d’administration, car les mesures de satisfaction du soutien ne se sont pas toujours montrées consistantes. Les instruments multidimensionnels les plus complets et les plus couramment utilisés pour mesurer la disponibilité du soutien sont l’Interpersonal Support Evaluation List de Cohen et Hoberman (1983), la Social Support Behavior Scale de Vaux et Harrison (1985), la Social Provisions Scale de Cutrona et Russell (1987), l’Arizona Social Support Interview Schedule de Barrera (1981) et l’UCLA Social Support Interview de Dunkel-Schetter et Bennett (1990).

La Social Provisions Scale de Cutrona et Russell (1987) est parmi les outils qui présentent les meilleures propriétés psychométriques et elle a été traduite et validée en langue française au Québec par Caron (1996) sous le nom d’Échelle de provisions sociales (ÉPS).

L’article présente la validation d’une version abrégée de cette échelle (ÉPS-10), en la réduisant de 24 items à 10 items de façon à produire un instrument fiable et valide de mesure de la perception de la disponibilité du soutien social, tout en offrant un temps d’administration plus court se prêtant mieux aux études épidémiologiques. Cet article présente l’origine de l’ÉPS, ses propriétés psychométriques en anglais et en français ainsi que le processus de validation de la version de l’ÉPS-10 dont les résultats ont été présentés à Statistiques Canada (Caron, 2010a), qui utilise l’ÉPS-10 dans son enquête nationale : Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes - Santé mentale (ESCC) 2012.

Cutrona et Russell (1987) ont développé et validé la Social Provisions Scale (SPS), une échelle basée sur l’opérationnalisation de six besoins sociaux postulés par Weiss (1973) : le soutien émotif ou l’attachement (attachment), l’intégration sociale (social intégration), la confirmation de sa valeur (reassurance of worth), l’aide matérielle (reliable alliance), l’orientation qui inclut les conseils et les informations (guidance) et le besoin de se sentir utile et nécessaire (opportunity for nurturance). Le terme « provisions » n’est pas fortuit ; il provient d’une conception écologique du comportement humain qui préconise que pour se développer et s’épanouir, l’être humain, comme les autres espèces, a besoin d’avoir accès et de préserver un certain nombre de ressources, dont les ressources sociales en constituent un aspect fondamental (Caron, 1996 ; Hobfoll, 1989).

Le SPS est composé de 24 items, soit 4 items par composante du soutien, dont deux ont une formulation positive et les deux autres sont énoncés de façon négative. Il permet d’évaluer la perception de la disponibilité du soutien pour chacune de ces dimensions au moyen d’une échelle de Likert en quatre points (1 = fortement en désaccord, 2 = en désaccord, 3 = en accord, 4 = fortement en accord). Sa validation a été réalisée auprès d’un vaste échantillon de 1 792 personnes. Cet instrument possède une consistance interne variant de 0,85 à 0,92 selon les études. Le coefficient alpha pour les sous-échelles varie de 0,64 à 0,76. Des analyses factorielles ont permis de vérifier l’indépendance des dimensions tout en identifiant un facteur de second niveau qui représente une dimension globale de soutien.

L’instrument démontre une validité concomitante par des corrélations positives avec plusieurs instruments : la satisfaction du soutien reçu (Social Support Questionnaire : Sarason et al., 1983), la taille du réseau social et les comportements de soutien (Index of Socially Supportive Behaviors : Barrera, Sandler, Ramsay, 1981), et les attitudes envers le support (Attitudes toward use of social support : Eckenrode, 1983). Toutefois, cette échelle est peu reliée à la désirabilité sociale r = 0,12 (Marlowe-Crowne Social Desirability : Crowe et Marlowe, 1964). Quant à sa validité de construit, l’instrument est négativement relié à l’Échelle de dépression de Beck (Beck et al., 1961) et à la névrose telle que mesurée par l’Inventaire de personnalité de Eysenck (Eysenck et Eysenck, 1975).

L’Échelle de provisions sociales (ÉPS) a été traduite et validée au Québec par Caron (1996b) sur un échantillon de 790 personnes. La consistance interne de l’instrument est excellente (alpha = 0,96) et l’alpha des sous-échelles varie entre 0,73 et 0,88. La stabilité temporelle de l’instrument est très bonne (r = 0,86). Les analyses factorielles sur la population québécoise confirment la structure multidimensionnelle de l’instrument.

L’instrument a été utilisé dans plusieurs études au Canada en version française et anglaise, et ce, sur différentes populations : population générale, population à faible revenu, population de personnes souffrant de schizophrénie et leur famille, personnes ayant fait une tentative suicidaire et de familles ayant des enfants en garderie (Caron et al., 2012, 2011, 2007, 2005b, 2005c, 1998 ; Houle, Mishara, Chagnon, 2005 ; Sainclair et Naud, 2005 ; Lecomte, Stip, Caron et Renaud, 2004). Ces différentes études montrent que le soutien social mesuré avec cette échelle s’avère un des meilleurs prédicteurs de la détresse psychologique et de la qualité de vie. L’Échelle de provisions sociales est actuellement utilisée sur un échantillon de 2400 personnes dans la zone d’épidémiologie sociale et psychiatrique de Montréal (Caron, 2007a).

Méthode

Construction de l’ÉPS-10

Cinq des six sous-échelles l’ÉPS ont été retenues : le soutien émotif (attachment), l’intégration sociale (social intégration), la réassurance de sa valeur (reassurance of worth), l’aide matérielle (reliable alliance) et l’orientation qui inclut les conseils et les informations (guidance). Dans l’instrument originel, chacune de ces sous-échelles comporte 4 items – 2 avec une formulation positive et 2 avec une formulation négative. Nous n’avons conservé que les items formulés positivement afin de faciliter sa passation, particulièrement lorsque l’instrument est autoadministré. En effet, lors de l’expérimentation de l’échelle sur plusieurs échantillons, nous avons pu constater que les items négatifs posent parfois des difficultés aux répondants qui maîtrisent moins bien la langue ou qui ont certains problèmes cognitifs. À titre d’exemple, lorsque l’on demande aux répondants à quel point ils sont d’accord avec l’énoncé suivant : « Je n’ai personne à qui m’adresser en période de stress » certains reprennent la question en demandant à l’interviewer : « Vous voulez savoir si j’ai quelqu’un pour m’orienter en période de stress ? » L’interviewer doit donc préciser que le niveau d’accord doit porter sur la non-disponibilité de quelqu’un. De plus, lors de la validation de l’ÉPS (Caron, 1996), les saturations des énoncés négatifs sur leur facteur respectif étaient plus faibles que celles obtenues pour les énoncés positifs.

La sous-échelle qui mesure le besoin de se sentir utile et nécessaire (opportunity for nurturance) n’a pas été retenue pour les raisons suivantes : 1) cette dimension des provisions sociales mesure davantage le soutien offert que le soutien reçu ; 2) dans plusieurs recherches réalisées précédemment, cette dimension était la moins reliée à la santé mentale ; 3) réduire le temps d’administration.

L’ÉPS-10 comporte donc 10 items, 2 items formulés positivement pour les 5 dimensions retenues, soit : le soutien émotif, l’intégration sociale, la réassurance de sa valeur, l’aide tangible et matérielle, et l’orientation. Le répondant utilise la même échelle de Likert en quatre points que l’ÉPS pour évaluer son niveau d’accord avec chacun des 10 énoncés (1 = fortement en désaccord, 2 = en désaccord, 3 = en accord, 4 = fortement en accord). L’instrument est présenté au tableau 1.

Tableau 1

L’Échelle de provisions sociales à 10 items

L’Échelle de provisions sociales à 10 items

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Échantillon 

L’échantillon provient de la zone circonscrite d’épidémiologie sociale et psychiatrique du sud-ouest de Montréal (Caron et al., 2007). Il s’agit d’un échantillon représentatif de la population à la fois géographiquement, à savoir le recrutement des participants de toutes les régions du territoire, et en proportion de la densité de population, tout en tenant compte du statut socioéconomique et en utilisant le niveau de scolarité comme élément de pondération. Le plan d’échantillonnage ainsi que la procédure de recrutement peuvent être consultés dans Caron et al. (2012a).

L’échantillon se compose de 2 433 participants âgés entre 15-65 ans, avec environ 600 participants pour chaque quartier : Saint-Henri/Pointe-Saint-Charles (612), Lachine/Dorval (603), LaSalle (584), Verdun (635). Les comparaisons de notre échantillon avec les données populationnelles nous ont indiqué que les hommes et les jeunes de moins de 25 ans ont été sous-représentés par rapport à la population générale. Les données ont donc été pondérées pour l’âge et le genre, permettant ainsi d’obtenir un échantillon représentatif de la population (tableau 2).

L’âge moyen des participants est de 40,72 ans (é.-t. = 14,08), dont 49 % sont de sexe masculin, 38 % sont célibataires, 45 % sont mariés ou vivent en union de fait et 12 % sont divorcés ou séparés. Parmi eux, 71 % ont reçu une éducation postsecondaire, 79 % avaient un emploi dans les 12 derniers mois ; 25 % étaient des immigrants (tableau 2). La langue maternelle pour 55 % est le français et l’anglais pour 21 %, 82 % sont de race blanche. Le revenu personnel moyen est de 33 192 $CAN (é.-t. = 33,151) et le revenu familial moyen était de 59 056 $ (é.-t. = 49,851). Dans l’échantillon, 33,4 % des personnes ont été classées comme étant à faible revenu à partir de la mesure de faible revenu établie par Statistiques Canada (LIM).

Instruments

La Satisfaction with Life Domains Scale (SLDS) (Baker et Intagliata, 1982) est utilisée pour mesurer la qualité de vie. Traduite et adaptée en français par Mercier et Cortens (1989), l’Échelle de satisfaction des domaines de vie (ÉSVD) a été validée au Québec, et ses propriétés psychométriques ont été établies par Caron et al. (1997). Cette échelle permet d’évaluer la satisfaction de 20 domaines de vie. Pour chacun des items, le répondant doit indiquer sa satisfaction sur une échelle représentant des visages allant du plus triste (1) au plus joyeux (7). Des analyses factorielles ont permis d’identifier 5 dimensions représentées par ces sous-échelles : la vie quotidienne et les relations sociales, le milieu de vie, l’autonomie, les relations intimes et les loisirs. La consistance interne de l’instrument est excellente (alpha = 0,92) et l’alpha des sous-échelles se maintient entre 0,71 et 0,84. La stabilité temporelle de l’instrument est très bonne (r = 0,73).

Tableau 2

Les caractéristiques sociodémographiques de l’échantillon, fréquence et pourcentage pondéré

Les caractéristiques sociodémographiques de l’échantillon, fréquence et pourcentage pondéré

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K-10. La détresse psychologique a été mesurée en utilisant le K-10 (Kessler et al., 2005). Cette échelle se compose de 10 items mesurés à partir d’une échelle de Likert de 5 points demandant aux répondants d’estimer la fréquence des symptômes de détresse psychologique au cours du mois précédant l’évaluation. Sa consistance interne est excellente (alpha = 0,93), son niveau de sensibilité de 0,45 et son niveau de spécificité de 0,92. Cette échelle est utilisée dans l’Enquête sur la santé mentale dans le monde (WMH2000) ainsi que dans l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes ; santé mentale et bien-être : 2002 (ESCC 1.2).

Procédure

Le projet a été approuvé par le comité d’éthique de la recherche de l’Institut universitaire en santé mentale Douglas en conformité avec les lignes directrices l’Énoncé de politique des trois Conseils canadiens. L’Échelle de provisions sociales, le K-10 et l’ÉSVD ont été administrés dans le cadre d’une vaste étude épidémiologique en santé mentale, conduite par l’Équipe des Instituts de recherche en santé du Canada en épidémiologie sociale et psychiatrique. Plusieurs autres instruments étaient également administrés pendant les entrevues (Caron et al., 2012a). Une fois recruté, chaque participant était contacté par un interviewer professionnel dans les 48 heures pour confirmer le rendez-vous d’entrevue qui pouvait se faire au domicile du participant ou au Centre de recherche de l’Institut Douglas. La grande majorité des participants ont choisi de faire l’entrevue à domicile. Après la signature en bonne et due forme des formulaires de consentement, l’entrevue dure entre 1 ½ et 3 heures, selon qu’un trouble de santé mentale est détecté ou non par le questionnaire.

Analyses

Dans un premier temps, la moyenne, l’écart type, la médiane et l’étendue des scores entre le score total des 10 items positifs et négatifs de l’échelle de soutien social ont été comparés. Afin de déterminer la validité concomitante ou concourante des corrélations de Pearson ont été réalisées entre le score total des 10 items formulés positivement et celui des 10 items formulés négativement, de même qu’avec le score total de l’ÉPS. Puis une matrice de corrélation de Pearson a été créée avec chacun des 10 items de l’ÉPS-10, son score total et le score de l’échelle originale à 24 items (ÉPS).

Afin de vérifier la fidélité de l’ÉPS-10, la consistance interne a été évaluée par des alphas de Cronbach et comparée à celle de l’échelle originale ÉPS à 24 items. La même procédure a été conduite pour les 5 sous-échelles correspondant aux 5 provisions sociales. La validité de construit de l’ÉPS-10 a été vérifiée par l’analyse de ses composantes au moyen de corrélations de Pearson entre le score des 5 sous-échelles de même qu’avec le score total. Par la suite, une analyse factorielle en composantes principales a été effectuée en utilisant une rotation oblique et le nombre de facteurs a été limité à cinq, correspondant au nombre de sous-échelles. Afin d’évaluer les conséquences du construit, des régressions linéaires utilisant un modèle hiérarchique (Tabachnick et Fidell, 2001) ont été réalisées pour déterminer le pourcentage de variance, expliqué par ÉPS-10, de la détresse psychologique (K-10) et de la qualité de vie (ÉSVD). Afin de comparer le pouvoir prédictif de l’ÉPS-10 à celui de l’ÉPS, les mêmes régressions ont été réalisées avec l’instrument originel.

Résultats

Validité concomitante

Les moyennes sont comparables entre le score des 10 items positifs (X = 33,97) et le score des 10 items négatifs (X = 33,70) et la médiane est la même (34) ; seul l’écart type de l’échelle à 10 items positifs (é.-t.= 4,70) est légèrement supérieur à celui de l’échelle à 10 items négatifs (é.-t. = 4,23). L’étendue des scores est légèrement supérieure pour les items négatifs où elle varie de 10 à 40 contre 13 à 40 pour les items positifs.

L’ÉPS-10 présente une excellente validité concomitante, sa corrélation est très élevée avec l’échelle originelle (ÉPS) et atteint r = 0,930, p < 0,001, ce qui est comparable à celle des 10 items négatifs (r = 0,939, p < 0,001). La corrélation avec l’échelle à 10 items négatifs est également élevée et significative (r = 0,820, p < 0,001).

Le tableau 3 présente la matrice de corrélation entre les 10 items de ÉPS-10, son score total et le score total de l’ÉPS-24 items. Toutes les corrélations des items de l’ÉPS-10 sont élevées et significativement reliées (p < 0,01) à son score total. À titre d’exemple, ces corrélations varient de r = 0,600 pour l’aide tangible à r = 0,710 pour la confirmation de sa valeur. Elles sont comparables avec celles obtenues pour ces mêmes items avec le score total de l’ÉPS (r = 0,568 pour l’aide tangible à r = 0,698 pour la confirmation de sa valeur). D’autre part, les corrélations entre les items sont modérées et plus faibles qu’avec le score total, elles varient de r = 0,265 à 0,584.

Tableau 3

Matrice de corrélation entre les 10 items de ÉPS-10, son score total et le score total de l’ÉPS

Matrice de corrélation entre les 10 items de ÉPS-10, son score total et le score total de l’ÉPS

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Validation de construit

Théoriquement, chacune des sous-échelles constitue un indicateur propre à la disponibilité globale du soutien social dans un domaine des relations, ce qui implique que l’on devrait rencontrer des corrélations modérées entre les sous-échelles et des relations plus fortes entre les sous-échelles et le score global. Le tableau 4 présente les corrélations entre les 5 sous-échelles de l’ÉPS-10 items, son score total et le score total de l’ÉPS. L’ÉPS-10 semble refléter une indépendance des dimensions (sous-échelles) avec des corrélations modérées mais significatives (p minimum < 0,01) variant entre 0,469 et 0,632. Néanmoins, toutes les dimensions de l’ÉPS-10 sont plus fortement reliées au score global de support (r minimum = 0,755 p < 0,001 et r maximum 0,835 p < 0,001.

L’analyse factorielle en composante principale avec rotation oblique a permis d’identifier 5 facteurs qui rendent compte de 82,7 % de la variance (tableau 5). Un premier facteur (49 % de la variance) regroupe les 2 items de l’attachement dont les saturations sont les plus élevées pour ce facteur, ce facteur peut également être considéré comme un facteur commun, en effet tous les items ont des saturations significativement reliées (> 0,30 ; Stevens, 1992) sur ce facteur, variant de 0,407 pour l’item 20 de la confirmation de sa valeur à 0,852 pour l’item 12 de l’orientation. Le second facteur (13,4 %) regroupe les 2 items de la confirmation de sa valeur, les items 13 et 16 ayant des saturations significatives, mais l’item 16 de l’orientation y obtient également une saturation très élevée. Le troisième facteur (8,4 %) regroupe les items 5 et 8 de l’intégration sociale et le quatrième facteur (6,5 %) regroupe les items 1 et 23 de l’aide tangible. Le cinquième facteur (5,5 %) regroupe tous les items dont les saturations sont négatives. La dimension de l’orientation n’émerge pas comme un facteur distinct ; l’item 12 sature fortement sur le premier facteur (attachement et facteur commun) et l’item 20 sature fortement sur le facteur 2 (confirmation de sa valeur)

Tableau 4

Corrélations entre les sous-échelles de l’ÉPS-10, son score total et le score total de l’ÉPS

Corrélations entre les sous-échelles de l’ÉPS-10, son score total et le score total de l’ÉPS

P < 0,01

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Tableau 5

Saturations des items sur les facteurs de l’ÉPS-10

Saturations des items sur les facteurs de l’ÉPS-10

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Les conséquences du construit

L’échelle de provisions sociales est négativement reliée à la détresse psychologique et positivement reliée à la qualité de vie. La corrélation avec le K-10, obtenue avec l’ÉPS-10 (r = -339) est comparable à celle obtenue avec la version originelle à 24 items (r = -352). Le même phénomène est observé pour la qualité de vie : ÉPS-10 (r = 0,463) et versions de 24 items (r = 0,461). Le même constat s’applique pour chacune des sous-échelles de l’ÉPS-10, toutes positivement reliées à la qualité de vie et négativement à la détresse psychologique (tableau 6).

La validité de construit de l’ÉPS-10 a également été vérifiée au moyen des régressions linéaires utilisant un modèle hiérarchique pour prédire la détresse psychologique (K-10) et la qualité de vie (ÉSVD). Afin de comparer le pouvoir prédictif de l’ÉPS-10 à celui de l’échelle originale ÉPS-24 items, les mêmes régressions ont été réalisées avec l’instrument original.

Tableau 6

Corrélations entre les 5 sous-échelles de l’ÉPS-10, l’Échelle de satisfaction des domaines de vie (ÉSVD) et le K-10

Corrélations entre les 5 sous-échelles de l’ÉPS-10, l’Échelle de satisfaction des domaines de vie (ÉSVD) et le K-10

P < 0,01

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Tableau 7

Régressions linéaires utilisant un modèle hiérarchique pour prédire la détresse psychologique (K10), comparaison entre le pouvoir prédictif de l’ÉPS-10 et celui de ÉPS

Régressions linéaires utilisant un modèle hiérarchique pour prédire la détresse psychologique (K10), comparaison entre le pouvoir prédictif de l’ÉPS-10 et celui de ÉPS

a. Valeurs prédites : (constantes), aide tangible et matérielle

b. Valeurs prédites : (constantes), aide tangible et matérielle, confirmation de sa valeur

c. Valeurs prédites : (constantes), aide tangible et matérielle, confirmation de sa valeur, attachement

d. Valeurs prédites : (constantes), aide tangible et matérielle, confirmation de sa valeur, attachement, intégration sociale

e. Valeurs prédites : (constantes), aide tangible et matérielle, confirmation de sa valeur, attachement, intégration sociale, orientation en période de stress

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Le tableau 7 indique que l’ÉPS-10 explique 14,1 % de la variance de la détresse psychologique. Chacune des dimensions (sous-échelles) a une contribution significative à l’exception de l’orientation. L’ÉPS-24 explique 14, 9 % de la variance et encore une fois chacune des dimensions (sous-échelles) a une contribution significative, à l’exception de l’orientation. De plus, sa corrélation est significative avec le K-10 (r = -0,320) (tableau 6). L’ÉPS-10 conserve donc un pouvoir prédictif de 95 % de l’ÉPS-24 et toutes ses sous-échelles sont négativement corrélées (p < 0,001) à la détresse psychologique.

Le tableau 8 indique que l’ÉPS-10 explique 25,4 % de la variance de la qualité de vie. Chacune des dimensions (sous-échelles) a une contribution significative à l’exception de l’orientation. L’ÉPS explique 24,7 % de la variance et encore une fois chacune des dimensions (sous-échelles) a une contribution significative à l’exception de l’orientation. Il ne faut pas conclure que l’orientation n’est pas reliée à la détresse psychologique et à la qualité de vie. Encore une fois, l’ordre d’entrée fait en sorte que cette dimension n’est plus significative après l’entrée des 4 dimensions précédentes. Nous avons testé cette dimension et elle s’est montrée également significative lorsqu’elle est entrée antérieurement aux autres. De plus, la corrélation de l’ÉPS et de toutes ses sous-échelles est positivement reliée avec le l’ÉSVD, r = -0,390, p < 0 ,001 (tableau 6). L’échelle à 10 items a donc un pouvoir prédictif équivalent, voire légèrement supérieur, de la qualité de vie à celle de l’ÉPS et toutes ses sous-échelles sont positivement corrélées (p < 0,001) à la qualité de vie.

Tableau 8

Régressions linéaires utilisant un modèle hiérarchique pour prédire la qualité de vie (ÉSVD), comparaison entre le pouvoir prédictif de l’ÉPS-10 et celui de l’ÉPS

Régressions linéaires utilisant un modèle hiérarchique pour prédire la qualité de vie (ÉSVD), comparaison entre le pouvoir prédictif de l’ÉPS-10 et celui de l’ÉPS

a. Valeurs prédites : (constantes), aide tangible et matérielle

b. Valeurs prédites : (constantes), aide tangible et matérielle, confirmation de sa valeur

c. Valeurs prédites : (constantes), aide tangible et matérielle, confirmation de sa valeur, attachement

d. Valeurs prédites : (constantes), aide tangible et matérielle, confirmation de sa valeur, attachement, intégration sociale

e. Valeurs prédites : (constantes), aide tangible et matérielle, confirmation de sa valeur, attachement, intégration sociale, orientation en période de stress

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La fidélité

La consistance interne de l’ÉPS-10 est excellente avec un alpha de 0,880 (tableau 9). Il est légèrement inférieur à celui de l’échelle originelle (0,923) mais tout de même très élevé (tableau 4). Les alphas pour chacune des sous-échelles varient de 0,528 à 0,690.

Tableau 9

Alpha de Cronbach pour l’ÉPS-10 et l’ÉPS et leurs 5 sous-échelles

Alpha de Cronbach pour l’ÉPS-10 et l’ÉPS et leurs 5 sous-échelles

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Discussion

Nous avons procédé à la validation d’une version abrégée de l’Échelle de provisions sociales en la réduisant de 24 items à 10 items de façon à produire un instrument fiable et valide de mesure de la perception de la disponibilité du soutien social et qui a un temps d’administration plus court.

À la suite des analyses effectuées, l’ÉPS-10 conserve d’excellentes propriétés psychométriques. Elle a une forte validité concomitante avec l’Échelle de provisions sociales (ÉPS) et tous ses items sont fortement corrélés au score total de l’échelle.

Sa fidélité a été vérifiée par des analyses de la consistance interne qui s’est avérée excellente. L’alpha global de l’ÉPS-10 est légèrement inférieur à celui de l’échelle originelle, mais tout de même très élevé. Les alphas pour chacune des cinq sous-échelles varient de 0,528 à 0,690. Ils sont légèrement inférieurs à ceux de l’ÉPS, mais sont tout à fait acceptables étant donné qu’ils ne comportent que 2 items. Selon Martinez Arias (1995) et Gulliksen (1950), deux facteurs contribuent à la variabilité du coefficient de consistance interne : la taille de l’échantillon et le nombre d’items que comporte l’instrument. Ces auteurs suggèrent que l’alpha devrait excéder 0,70 pour un instrument comportant 10 items et plus. Par ailleurs, celui-ci devrait se situer autour de 0,50 lorsqu’une échelle comporte 4 items, comme dans le cas des sous-échelles de l’ÉPS. Pour l’ÉPS-10, tous les alphas dépassent 0,50 et ce, avec seulement 2 items par sous-échelle. Les valeurs des alphas obtenus pour l’ÉPS-10 sont, de plus, comparables à ceux obtenus lors de la validation originelle de l’ÉPS sur la population générale québécoise (Caron, 1996).

Dans le cadre du processus de validation, seule la consistance interne été évaluée pour déterminer sa fidélité ; sa stabilité temporelle n’a toutefois pu être vérifiée compte tenu du devis de recherche utilisé, ce qui constitue une limite de la présente étude. Nous ne croyons toutefois pas que la stabilité temporelle sera affectée par la réduction des items puisque les moyennes des 10 items positifs qui constituent l’ÉPS-10 et celle des items négatifs de l’ÉPS sont quasi identiques ; de plus, la corrélation entre l’ÉPS-10 et la somme des 10 items négatifs est très forte (r = 0,820). Des test/retest devront toutefois être effectués dans des études ultérieures pour vérifier si la stabilité temporelle de l’ÉPS évaluée à r = 0,86 se maintient dans la version abrégée (ÉPS-10). Une autre limite de l’étude réside dans le fait que l’échantillon ne compte que des personnes de 65 ans et moins.

Sa validité de construit est également préservée. Les corrélations modérées entre les sous-échelles de l’ÉPS-10 soutiennent la validité du construit multidimensionnel du soutien social à l’effet que chacune des sous-échelles constitue un indicateur spécifique de la disponibilité du soutien social dans un domaine des relations et les plus fortes corrélations des sous-échelles avec le score global indiquent qu’elles constituent également des indicateurs de la disponibilité globale des provisions sociales. Les patrons de corrélations des sous-échelles de l’ÉPS se comparent à ceux obtenus lors de la validation originelle de l’ÉPS sur la population générale québécoise (Caron, 1996) et les corrélations entre les sous-échelles sont dans l’ensemble inférieures à celles obtenues sur la population américaine SPS (Cutrona et Russel, 1987), suggérant ainsi une plus grande indépendance des sous-échelles. Les corrélations les plus élevées se présentent entre les dimensions de l’attachement, de l’aide tangible et matérielle et l’orientation, ce qui est cohérent avec les postulats théoriques de Weiss (1973) qui sont à la base de la construction du SPS. En effet, l’aide tangible et matérielle ainsi que l’attachement et les conseils sont des provisions sociales qui proviennent habituellement de personnes proches : la famille et les amis intimes. On peut donc s’attendre à une plus grande proximité de ces dimensions puisqu’elles proviennent d’un réseau plus restreint des relations sociales.

La structure factorielle obtenue avec l’EPS-10 confirme la proximité de ces sous-échelles et correspond à celle retrouvée lors de la validation en langue française de l’ÉPS (Caron, 1996), mais ne se conforme pas à celle rapportée pour le SPS (Cutrona et Russell, 1987). En effet, plusieurs items des sous-échelles de l’attachement, de l’aide tangible et matérielle et des conseils et orientations, obtiennent des saturations supérieures sur un facteur commun alors que les autres dimensions (confirmation de sa valeur et intégration sociale) se comportent sensiblement comme le SPS.

La théorie qui sous-tend l’Échelle de provisions sociales postule que le score de disponibilité de soutien social devrait être positivement associé à des indicateurs de santé mentale et négativement associé à des indicateurs de troubles mentaux. Le score total de l’ÉPS-10 et toutes ses sous-échelles sont positivement reliés à la qualité de vie et négativement à la détresse psychologique et les corrélations sont comparables à celles obtenues avec l’ÉPS pour cet échantillon et d’autres échantillons de la population québécoise (Caron et al., 2012b, 2011, 2007, 2005b, 2005c, 1998). Cette validité de convergence et de divergence soutient également la validité du construit.

Lorsque sont comparés les patrons de prédiction de la détresse psychologique et de la qualité de vie de l’ÉPS-10 et de l’ÉPS, on se rend compte qu’ils sont quasi identiques. Dans les deux cas, les quatre mêmes sous-échelles – l’aide tangible, l’attachement, la confirmation de sa valeur et l’intégration sociale – ont une contribution singulière et significative à la variance de ces deux variables. Ce qui confirme la contribution indépendante de chacune de ces dimensions du soutien social, soit comme facteurs de protection de la détresse psychologique et comme facteur contribuant à la qualité de vie. Ces données contribuent également à renforcer la validité de construit de l’ÉPS-10 et de l’ÉPS en confirmant la structure multidimensionnelle des deux instruments.

Lorsque la sous-échelle de l’orientation est entrée en dernière étape de la régression, elle n’ajoute plus significativement à la variance de la détresse psychologique et à la qualité de vie. Ce phénomène s’explique par le fait que cette sous-échelle est la plus fortement reliée aux autres sous-échelles de l’ÉPS-10. Ces résultats convergent avec ceux de l’analyse factorielle montrant que les saturations des items de l’orientation sont fortement reliées à un facteur commun, et un d’entre eux au facteur ayant trait à la confirmation de sa valeur. Toutefois, lorsque cette sous-échelle est entrée à une étape antérieure dans le modèle de régression, elle s’avère significative, et une autre sous-échelle perd sa contribution significative. Il ne faut donc pas en conclure que le soutien d’orientation ne contribue pas à la qualité de vie ou à la protection de la détresse psychologique ; en effet, ses corrélations sont toutes fortement significatives avec ces variables, voire comparables, et même parfois légèrement supérieures aux autres dimensions du soutien social.

L’ÉPS-10 explique 14,1 % de la variance de la détresse psychologique et conserve donc un pouvoir prédictif de 95 % de l’ÉPS et toutes ses sous-échelles sont négativement corrélées à la détresse psychologique. Elle explique 25,4 % de la variance de la qualité de vie et a un pouvoir prédictif de la qualité de vie équivalent à l’ÉPS et toutes ses sous-échelles sont positivement corrélées à la qualité de vie. Ces résultats vont dans le même sens que ceux obtenus par l’instrument originel (SPS et ÉPS) avec des échantillons différents et les résultats de plusieurs études utilisant d’autres instruments mesurant le soutien social et sa contribution à la santé mentale. En effet, le soutien social est négativement relié au développement d’une symptomatologie (Brewin, Andrews et Valentine, 2000 ; Caron et al., 2011, 2007 ; Koivumaa-Honkanen et al.,1996 ; Ozer, Best, Lipsey et Weiss, 2003 ; Wade et Kendler, 2000), favorise la rémission et le rétablissement (Brugha, Morgan, Bebbington, Jenkins et al., 2003 ; Keitner, Ryan, Miller et Norman, 1992 ; Lecomte et al., 2004) et est associé à une meilleure qualité de vie (Caron et al., 2012b, 2005b, 2005c, 1998 ; Koivumaa-Honkanen et al., 1996, Wills et Shinar, 2000).

En conclusion, l’ensemble des analyses suggère que l’ÉPS-10 constitue un excellent instrument pour mesurer la disponibilité du soutien social. Il a une consistance interne et une validité comparables à la version originelle en anglais (SPS) et en français (ÉPS), et son temps d’administration a été réduit de plus de la moitié. La durée d’administration d’un instrument est une qualité essentielle dans les recherches administrant plusieurs instruments lorsque le temps d’entrevue est limité, tel qu’il en est dans les enquêtes épidémiologiques en population générale.