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Ce livre est une description très détaillée et une analyse très fouillée du deuil dans les différents groupes et sous-groupes du Bénin (autrefois Dahomey) du sud. La plupart sont des Fon mais il y a aussi des Yorouba et des Afro-Brésiliens (descendants d’esclaves rapatriés en Afrique après avoir été rachetés aux États-Unis). Tous ces groupes vivent soit à la campagne, soit dans les grandes villes que sont Porto Novo, Cotonou, Abomey et Ouidah. Outre le fait que les rites traditionnels d’« ancestralisation » (terme de l’auteur) des défunts soient presque toujours faits au niveau des lignages et des clans, les gens se définissent comme catholiques, pentecôtistes, méthodistes, musulmans ou encore comme membres d’une secte locale dérivant surtout du catholicisme.

L’ouvrage suit le deuil d’une vieille femme, Mireille, tout au long des préparations de l’enterrement, qui peuvent être plus longues que traditionnellement grâce à plusieurs morgues qui permettent d’y entreposer le cadavre pour un temps plus ou moins long pendant lequel les divers groupes impliqués décident de l’endroit où le défunt ou la défunte sera enterré(e). Pour un homme, ce sera surtout dans sa maison, mais il est possible que le lignage de sa mère reçoive un substitut du cadavre sous la forme de quelques mèches de ses cheveux et des ongles. Dans le cas d’une femme, le choix du lieu de la tombe est plus compliqué. Peuvent se disputer le site de l’enterrement ses enfants de différents lits, les résidents de la maison de son dernier mari, et ceux de sa maison natale.

Les lignages ascendants du ou de la défunte se querellent au sujet des diverses et nombreuses cérémonies qui accompagnent le parcours du deuil depuis son annonce jusqu’aux derniers rites qui suivent l’ensevelissement proprement dit. Les principaux de ces rites impliquent des invitations à des festins qui sont jugés selon que les invités sont plus ou moins nombreux. Cela sous-entend une féroce compétition dont ces cérémonies donnent la mesure. Les organisateurs de ces festins peuvent fortement s’endetter : c’est qu’il y va de leur prestige. Nous sont présentées une foule de stratégies pour essayer de s’en tirer au meilleur compte tout en conservant son prestige – ou éventuellement, mais rarement, en l’augmentant.

L’auteur s’intéresse aussi au deuil psychique, c’est-à-dire à comment l’individu réagit au décès d’un parent, ce qui est loin d’être la même réaction partout. Les trois chapitres et la conclusion du livre tiennent compte de cette dimension qui est, ici, envisagée sur le plan sociologique, et non plus comme l’ont fait les psychiatres à la suite de Freud. Ceux qui s’intéressent à cette dimension liront donc cet ouvrage de Joël Noret avec profit.