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1. L’intervention éducative à domicile en Italie

Le parcours de chaque famille est caractérisé par une succession d’événements agréables, comme le fait pour ses membres de passer du temps ensemble, et désagréables lorsque ses membres sont mis à l’épreuve par des changements, des crises et des événements traumatisants. Dans de telles circonstances, selon ses caractéristiques et ses conditions de vie, la famille peut vivre une situation de déséquilibre et de vulnérabilité. Pour certaines familles, la gestion du stress peut être difficile et entraîner l’adoption plus ou moins fréquente de comportements inadéquats pouvant nuire à la sécurité et au développement de leurs enfants.

Dans l’intervention, il faudrait donc mettre les ressources nécessaires à la disposition des familles pour qu’elles puissent, d’une part, mieux faire face aux situations difficiles et, d’autre part, s’engager dans un processus de réorganisation positive. En effet, quand la famille se développe dans un contexte difficile, elle est habituellement plus vulnérable et il est plus risqué qu’elle entreprenne des processus de réorganisation inadéquats (Daniel et al., 2010; Rodrigo et al., 2008; Walsh, 1998).

Certaines familles sont caractérisées par un niveau de vulnérabilité plus grand en raison de différents facteurs, dont certains peuvent concerner l’histoire personnelle et familiale (caractérisés par des drames ou des séparations), des situations de pauvreté, d’exclusion du monde du travail, de sous-scolarisation ou d’isolement social (Biehal et Wade, 2006; Flynn et al., 2006; Lavigueur et al., 2010; Palacio-Quintin et Ethier, 2000).Ces facteurs sont une source importante de stress et ils peuvent influencer la capacité d’adaptation des familles, notamment parce que celles-ci doivent faire face simultanément à plusieurs situations problématiques, soit de nature sociale, soit de nature sanitaire. Faire face sans cesse à des événements stressants met à dure épreuve la capacité des parents à développer un processus de « bientraitance » (Barudy et Marquebreucq, 2005; Desmet et Pourtois, 2005) envers leurs enfants. Ce qui les amènent parfois à manifester « une carence significative ou une absence dans les réponses à apporter aux besoins d’un enfant » (Lacharité et al., 2006 : 383), c’est-à-dire une forme de négligence se traduisant par « une lacune importante ou l’absence de réponses aux besoins d’un enfant, besoins reconnus comme fondamentaux sur la base des connaissances scientifiques actuelles et/ou des valeurs sociales adoptées par la communauté dont l’enfant fait partie » (ibid. : 384). Dans ces situations de négligence, la capacité des parents de prendre soin de leurs enfants peut se révéler plutôt limitée, notamment lorsqu’il y a absence de modèles parentaux efficaces et de soutien social adéquat (Barudy et Dantagnan, 2005). L’État doit alors protéger les enfants, mais l’idée émergente dans certaines recherches (Sellenet, 2006) est que la protection de l’enfant puisse se dérouler à travers un soutien et un développement des compétences parentales plutôt que par des interventions de substitution des parents se traduisant par le retrait de l’enfant de sa famille. Protéger l’enfant signifie, dans cette perspective, penser à des interventions qui le concernent dans ses relations à l’intérieur de sa famille et de sa communauté en étant conscient que c’est en renforçant les parents que l’on peut le mieux promouvoir le bien-être des enfants (Bronfenbrenner, 1979 et 2005; Chamberland et Trocmé, 2007; Willis et Holland, 2009).

Les interventions éducatives auprès de la famille sont très importantes dans ce contexte, puisqu’elles ne sont pas prévues pour « soigner » un seul dysfonctionnement, mais pour projeter un travail avec la famille qui favorise le développement de ses ressources internes et celles de son entourage en vue de créer des facteurs de protection (Ius et Milani, 2010; Sellenet, 2006).

Dans les 15 dernières années, en Italie, un dispositif particulier a été mis en place pour tenter de répondre aux exigences des enfants issus des familles négligentes : il s’agit de l’intervention éducative à domicile, qui prévoit la présence d’un éducateur[2] dans la famille en difficulté pendant un certain nombre d’heures par semaine. Cette typologie d’intervention est très connue et répandue au niveau international, avec différentes appellations (il suffit de penser aux Home Care Services britanniques, ou bien à l’action en milieu ouvert, AEMO, française). Nombreux sont aussi les programmes de type evidence-based qui utilisent la formule de l’éducateur dans la famille : les plus connus étant Homebuilders (É.-U.), Families First (Pays-Bas et Royaume-Uni), Head Start (États-Unis), Sure Start (Royaume-Uni).

En Italie, la diffusion de l’intervention éducative à domicile est liée à une disposition législative de 1997 (loi 285) qui prévoit des instruments répondant aux droits des enfants proclamés par la Convention relative aux droits de l’enfant de 1989.

Cette loi a marqué une époque dans le panorama des interventions sociales pour les enfants et les familles en Italie en fournissant à la société civile de nouvelles formules d’intervention pour répondre aux besoins des enfants et des familles qui vivent des situations de négligence. Ce qui fait de cette loi un point de repère est la promotion et le financement des interventions sociales nouvelles qui visent à éviter l’institutionnalisation des enfants victimes de négligence et le retrait de l’enfant de sa famille. En outre, cette loi souligne l’importance d’une intervention intégrée à la communauté locale dans laquelle l’enfant et sa famille vivent afin de développer une nouvelle conception de l’intervention à domicile où l’intervenant n’est pas là pour soigner, mais pour accomplir des tâches éducatives visant à promouvoir le bien-être de l’enfant dans son contexte de vie.

Un certain nombre d’expériences de ce type avaient déjà été appliquées avant la promulgation de la loi. Elles restaient localisées et limitées à quelques territoires. C’est avec la loi 285 de 1997 que le soutien éducatif à domicile est devenu une pratique d’intervention très répandue sur le territoire italien. Pourtant, il y a peu d’expériences, dans le panorama de la recherche italienne, qui documentent scientifiquement l’évaluation des résultats et des processus.

2. Améliorer les pratiques par l’évaluation des résultats : objectif, population et méthodologie

La recherche que nous présentons veut explorer certaines questions liées à l’intervention éducative à domicile. Plus particulièrement, nous avons voulu comprendre si ce type d’intervention peut se révéler efficace et dans quelle mesure il peut répondre aux exigences des familles négligentes.

La population a l’étude est composée de 12 éducateurs qui ont participé à la recherche et qui ont identifié 23 enfants pris en charge par leurs services appartenant à 18 familles où a été appliqué l’instrument pour planifier et évaluer les interventions, instrument que nous avons construit avec les éducateurs (voir à la section 2.2.1).

La recherche a commencé par l’analyse préliminaire des pratiques mises en oeuvre dans l’intervention éducative à domicile dans le territoire de l’autorité compétente en matière de santé à Belluno, en Italie du Nord. Cette structure dépend du Service sanitaire national italien qui garantit l’accès aux soins à tout citoyen.

L’intervention éducative était assurée par trois catégories de professionnels, soit l’éducateur, le travailleur social et parfois le psychologue. Ces derniers ont fourni 29 dossiers sociaux concernant les familles, qui ont été analysés manuellement sur la base d’une grille de lecture prenant en compte les différentes étapes du processus de prise en charge (analyse de la situation, définition du projet d’intervention, mise en oeuvre du projet, évaluation et redéfinition du projet). Les informations contenues dans les dossiers ont par la suite été validées lors d’un entretien avec l’équipe des professionnels ayant suivi la famille en question.

L’analyse a montré que la plupart des projets accordent beaucoup d’importance à l’équipe et aux interventions de l’éducateur avec l’enfant, mais moins à celles centrées sur le soutien de la relation parent-enfant.

La recherche mise en oeuvre adonc fourni aux professionnels impliqués, et aux éducateurs en particulier (n=12), des outils pour soutenir leurs pratiques de travail auprès des familles négligentes en se concentrant notamment sur la relation parent-enfant-communauté. La démarche de recherche est ainsi devenue un processus d’apprentissage, un parcours de construction de sens qu’il a conduit les éducateurs dans une stratégie d’empowerment afin d’améliorer les actions et favoriser les interventions les plus efficaces (Lacharité, 2010; Patton, 1998).

L’objectif de la recherche vise à soutenir l’intervention des éducateurs par l’utilisation d’un instrument portant sur l’évaluation du processus et des résultats des interventions, et ce, afin d’identifier les facteurs clés favorisant l’adaptation des familles. Ultimement, cette démarche veut orienter l’action éducative des parents de manière à promouvoir une parentalité positive[3] qui puisse assurer la bientraitance des enfants, même lorsque la famille vit dans des conditions de vie marquées par la vulnérabilité (Barudy et Marquebreuq, 2005).

La méthodologie utilisée s’appuie sur les principes de la recherche participative, qui cherche à co-construire des connaissances sur un phénomène à partir de comparaison des points de vue du chercheur et du participant à la recherche. La négociation est la caractéristique principale de la recherche participative (Guba et Lincoln, 1989) où la démarche et les outils de recherche permettent d’interroger l’ensemble des pratiques, des règles, des habitudes, des routines, des événements, des activités et des coutumes. Le but est de les améliorer, ce qui est propre à la recherche évaluative-formative, laquelle permet d’apprendre grâce à l’expérience que les acteurs impliqués vivent en tant que sujets et non objets de la démarche évaluative (Scriven, 1995).

2.1. Mode de collecte des données

La méthodologie utilisée est mixte, c’est-à-dire quantitative et qualitative, en utilisant autant des échelles d’évaluation que des entretiens, des groupes de discussion et des analyses de documentation. Cette double démarche nous a permis de répondre au besoin d’analyse de ce qui se passe réellement dans la pratique et de mettre en évidence la complexité des pratiques (Shaw et al., 2006; Sherman, Reid, 1994).

Pour approfondir et mieux comprendre les résultats, les points de vue des éducateurs ont été recueillis par :

  • onze entretiens individuels avec chaque éducateur à la fin de la recherche;

  • trois rencontres de groupe de restitution des résultats (à la fin de l’analyse préliminaire des pratiques, à la fin de T0 et de T2);

  • deux groupes de discussion pour l’analyse des résultats (à la fin de T0 et T2).

Les données verbales ont été enregistrées sur bande audio. L’analyse de contenu thématique (Gubrium et Holstein, 2002) a été réalisée manuellement, selon les catégories utilisées dans l’instrument de planification et d’évaluation des interventions (voir section 2.2.1) afin d’identifier certains facteurs clés pouvant favoriser une parentalité positive.

Tous les résultats ont été remis aux intervenants respectivement à la fin de la phase de départ de la recherche, à la fin de la première phase (T0) et au terme de la recherche (T2) afin d’analyser et de rechercher ensemble le sens pour leur permettre de les transmettre, à leur tour, aux familles impliquées.

La synthèse des résultats partiels a été utilisée, à plusieurs reprises, pour dynamiser un nouveau contexte d’apprentissage avec les éducateurs où de nouveaux processus de discussion et de négociation ont eu lieu (Patton, 1998; Scriven, 1995; Weiss, 1998).

2.2. Le démarrage du projet de recherche : la définition des outils avec les éducateurs

Avant de faire un plan des instruments à utiliser pour planifier et évaluer les interventions avec les participants de la recherche, une recherche documentaire a été réalisée sur les instruments déjà existants dans la littérature scientifique italienne et internationale. Nous avons par la suite proposé aux participants une sélection des instruments répertoriés dans la littérature (Assessment Framework; North Carolina Family Assessment Scale, NCFAS; Child Well-BeingScales, CWBS). Cette recension a permis de choisir ceux considérés comme les plus indiqués pour répondre aux besoins et réalités de leur contexte d’intervention. En particulier, les discussions ont porté sur le modèle de l’Assessment Framework, utilisé dans l’expérimentation du programme Looking After Children (Department of Health, 2000). Ce programme, qui a démarré au début des années 1990 (Parker et al., 1991), vise à assurer le suivi des enfants qui sont placés en dehors de leur milieu familial. Le suivi des enfants est balisé par différents instruments de travail qui se sont progressivement répandus au niveau international.

Les professionnels ayant participé à la démarche ont trouvé particulièrement efficace de se référer au schéma de l’Assessment Framework parce qu’il considère toutes les dimensions qui contribuent au développement de l’enfant, selon l’approche bioécologique du développement humain sur lequel il est basé (Bronfenbrenner, 1979). Le schéma de l’Assessment Framework a été révisé par les chercheurs et les éducateurs à partir des autres instruments proposés et en fonction des besoins des professionnels de l’intervention éducative à domicile. Cette réflexion a donné lieu à une nouvelle fiche pour planifier les interventions de soutien éducatif à domicile (fiche PEIF, projet éducatif d’intervention en famille). Cette fiche, qui n’est pas un instrument standardisé pour mesurer les changements de la famille, a été utilisée par les professionnels pour la définition des interventions et la vérification des résultats obtenus. Notamment, la fiche avait deux cibles principales pour l’observation :

  • l’enfant (les besoins par rapport à son développement)

  • les parents (les compétences parentales et les facteurs familiaux et environnementaux).

La fiche se compose de 30 facteurs observables qui concernent le travail éducatif pour le soutien des enfants et des familles négligentes. Chaque facteur est expliqué dans un guide d’accompagnement. Les facteurs sont subdivisés en 16 sous-facteurs qui concernent le travail avec la famille et 14 sous-facteurs qui concernent le travail avec l’enfant (tableau 1).

Tableau 1

Les facteurs observables de la fiche PEIF

Les facteurs observables de la fiche PEIF

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Pour chaque facteur observable, les professionnels ont évalué le niveau d’influence comme une force ou un problème en utilisant l’échelle ci-dessous, empruntée à l’échelle du NCFAS:

  • 0 point : problème grave

  • 0,2 point : problème modéré

  • 0,4 point : problème léger

  • 0,6 point : normal/adéquat

  • 0,8 point : force légère

  • 1 point : force claire

Pour comprendre et évaluer non seulement l’efficacité des interventions, mais aussi le processus conduisant à l’efficacité, les éducateurs ont été invités à construire le plan d’intervention à partir de l’identification des facteurs observables qui permettent de décrire les catégories suivantes :

  • problème à traiter, soit la situation initiale où l’on attend un changement;

  • objectif à atteindre, soit le résultat que l’éducateur veut atteindre avec son intervention;

  • actions à mener, ce que les gens impliqués dans l’intervention s’engagent à faire pour atteindre l’objectif;

  • système des responsabilités, c’est-à-dire les personnes qui réalisent les actions (par exemple : éducateur, mère, père, enfant, etc.).

L’implantation d’une telle méthode pour les interventions répond à l’exigence d’un langage plus concret et au besoin de mettre l’accent sur les changements réels à poursuivre. La fiche PEIF est donc pensée pour traduire les projets en actions concrètes, démarches, mots, perspectives vérifiables qui permettent de tracer avec précision la route à parcourir avec la famille en utilisant la technique du micro-planning (Roachet Sanders, 2008).

2.3. La démarche de la recherche

Comme le montre la Figure 1, les instruments ont été utilisés à trois reprises pour la collecte des données, à un intervalle de six mois : mai-juin 2009, décembre 2009 et juin 2010. Ces différents temps ont été appelés respectivement T0, T1 et T2.

Figure 1

La démarche de la recherche

La démarche de la recherche

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Dans les deux périodes qui se sont écoulées entre la première et la deuxième collecte de données (entre T0 et T1) et entre la deuxième et la troisième (entre T1 et T2), les éducateurs ont mis en place une intervention éducative à domicile sur la base des actions expérimentales identifiées dans les collectes de données précédentes (T0 et T1). La dernière collecte de données (T2) n’a pas été suivie par une nouvelle définition des actions expérimentales, mais a été utilisée pour la vérification des actions précédentes. L’utilisation des instruments à différents moments de l’intervention visait la réalisation de mesures de comparaison avant-après qu’elles ont permis d’évaluer les résultats des interventions éducatives à domicile.

3. Caractéristiques des familles et résultats des interventions

Les familles impliquées dans le programme sont au nombre de dix-huit, pour un total de vingt-trois enfants. Parmi ces derniers, 90 % sont d’âge scolaire, fréquentant surtout l’école primaire (6-11 ans). Soixante-cinq pour cent des enfants vivent avec les deux parents. Quand cela n’est pas le cas, c’est surtout en raison de la séparation des parents, à l’exception de deux enfants dont les pères sont veufs.

Dans toutes les familles, on trouve des situations de sous-scolarisation des parents qui ont des emplois à faible revenu ou des emplois irréguliers ou saisonniers ; 43 % des mères sont ménagères et 26 % des pères sont au chômage.

Dans quinze familles sur dix-huit (83 %), on constate, en même temps, plusieurs problèmes sociaux et de santé, soit des deux parents, soit des enfants. Seize familles sur dix-huit (89 %) nécessitent plusieurs services et onze familles (61 %) ont des contacts avec plus de deux services. Selon les professionnels, vingt-deux enfants sur vingt-trois (95,7 %) bénéficient d’une intervention éducative à domicile pour des raisons liées à la négligence des parents.

Seulement 11 projets éducatifs (11 enfants dans 10 familles) sur 23 ont bénéficié de deux contrôles intermédiaires (à T1 et T2). Si le nombre de comparaisons effectuées au T1 est plus élevé, il semble que les comparaisons les plus significatives sont celles faites à la fin du parcours, le temps de prise en charge ayant été plus important.

En ce qui concerne les résultats quantitatifs de la fiche PEIF, on constate que la majorité des situations familiales s’améliore avec le temps, soit entre T0 et T1 (15 situations sur 18 s’améliorent, avec une moyenne de +0,13), soit entre T1 et T2 (9 situations sur 10 s’améliorent, avec une moyenne de +0,05).

On peut reconnaitre une amélioration à l’égard de presque tous les objectifs, ceux-ci étant confirmés dans le temps (entre T0 etT2). L’objectif de socialisation pour les enfants est la seule exception. Mais il faut considérer qu’il s’agit de l’objectif avec les attributions de valeurs les plus élevées (supérieur à 0,8) et faisant référence seulement aux enfants qui participent à une activité en dehors de l’école.

Dans le tableau 2 (qui fait référence aux dix familles avec trois collectes, mais dont les considérations que l’on peut faire sont tout à fait semblables pour les familles qui ont effectué deux collectes), on peut remarquer que les valeurs moyennes assignées aux parents sont en général plus faibles par rapport à celles assignées aux enfants (0,33 vs 0,41 à T0). La variation en pourcentage entre les collectes est plus importante chez les enfants, par rapport aux parents, si l’on considère un même laps de temps (49,08 % vs 46,16 % entre T0 et T2).

Tableau 2

Valeurs moyennes pour le domaine des parents et des enfants (11 enfants et 10 familles avec trois collectes)

Valeurs moyennes pour le domaine des parents et des enfants (11 enfants et 10 familles avec trois collectes)

* Amélioration statistiquement significative

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Ces données suggèrent que les parents vivent des situations plus problématiques par rapport aux enfants. Également, les enfants semblent savoir mieux répondre par rapport aux parents lorsqu’ils sont sollicités par les intervenants.

Les objectifs faisant le plus l’objet d’une intervention auprès des parents sont ceux reliés à la « communication » (50 %), la « promotion de l’autonomie et la compétence du parent » (29 %). Ces deux objectifs font référence à l’objectif sémantique des compétences parentales. Ce sont également les objectifs qui connaissent les progrès les plus importants (respectivement 141,27 et 59,68 % entre T0 et T2).

Pour l’enfant, au contraire, les objectifs pour lesquels il est nécessaire d’intervenir sont le plus souvent la « promotion de l’autonomie personnelle » (29 %) et l’« engagement scolaire » (34 %), particulièrement en ce qui concerne le rendement scolaire. Ici aussi on obtient, suite à de telles interventions, les progrès les plus évidents (respectivement 53,62 et 61,13 % entre T0 et T2).

Le petit nombre de cas qui ont participé à l’expérimentation ne permet pas de vérifier statistiquement les résultats quantitatifs de la fiche PEIF. Cependant, nous avons tenté de vérifier la signification des résultats obtenus grâce à l’application du test de Wilcoxon, test non paramétrique qui s’applique dans le cas d’un échantillon unique avec deux mesures et qui est également utilisable dans le cas de petits échantillons (n <20).

L’analyse a montré que les différences significatives concernent des améliorations. En particulier, dans les facteurs de la famille, et entre T0 à T1, et entre T1 à T2, on observe une amélioration statistiquement significative (p <.05) pour tous les facteurs observables liés à la « communication » et à la « promotion de l’autonomie et de la compétence du parent ». Pour les facteurs concernant les enfants, on observe entre T0 et T1 une amélioration significative (p<.05) pour les aspects suivants : respect des règles, capacité organisationnelle dans le travail scolaire, rendement scolaire, autonomie dans le travail scolaire.

Inversement, il n’y a pas d’améliorations statistiquement significatives dans les facteurs concernant l’enfant en passant de T1 à T2.

L’analyse des données a permis de recueillir des informations relativement aux facteurs observables qui font le plus fréquemment l’objet d’une intervention et sur les modalités de participation de l’enfant ou de la famille dans la définition et la mise en oeuvre de l’intervention.

Aussi bien pour les parents que pour les enfants, les objectifs qui concernent les relations sociales font peu l’objet d’une intervention (0 % pour les parents, 3,5 % pour les enfants), et, pour les parents, celles-ci sont même souvent inconnues (40,5 %).

La majorité des interventions sont pratiquées selon des modalités qui n’envisagent pas l’engagement du parent dans la définition ni dans la réalisation de l’objectif, et cela est plus visible dans le domaine de l’enfant (65 %) que celui du parent (45 %).

Avec le temps, on constate une augmentation moyenne du nombre d’interventions qui font référence à l’engagement du parent dans la réalisation de l’objectif et également dans sa définition. Cette croissance est particulièrement visible dans le domaine des enfants (83 % à T0, 64 % à T1, 24 % à T2), alors que pour le domaine des parents, l’engagement de ceux-ci pour la réalisation de l’objectif est déjà présent pour presque la moitié des interventions depuis T0. Dans cet objectif, les interventions qui envisagent l’engagement du parent également dans la définition des objectifs deviennent plus nombreuses avec le temps (de 0 à 25 %).

En ce qui concerne les auteurs des interventions, la forte présence de l’éducateur est évidente à T0 comme auteur unique des interventions auprès de l’enfant (92 %). L’éducateur et/ou les autres professionnels sont très présents également auprès des parents à T0, même si la présence de la mère et/ou du père aux côtés de l’éducateur (35 %) comme acteurs des interventions devient plus fréquente.

Avec le temps, la forte présence des professionnels comme acteurs uniques diminue. Cette évolution est particulièrement évidente auprès de l’enfant : les interventions qui considèrent l’éducateur comme acteur unique des interventions diminuent presque de moitié (de 92 à 50 %), laissant place à la participation de la mère, de l’enfant et des parents.

Les résultats relatifs à l’analyse des projets éducatifs et aux entretiens avec les éducateurs pour les 10 situations familiales utilisées pour les trois collectes ont permis de déterminer les éléments qui semblent avoir favorisé ou entravé le cours des interventions.

Parmi les conditions qui, selon les éducateurs, permettent fréquemment de faciliter l’intervention, on trouve la présence d’un réseau social formel qui soutient les interventions, en référence à l’appui donné au projet éducatif des autres réalités professionnelles et/ou bénévoles (6 fois sur 10).

D’autre part, la disponibilité du parent dans le partage du projet d’intervention (2 fois sur 10) s’avère très importante, fait qui semble déterminé également par la présence d’une relation de confiance entre les parents et l’éducateur (4 fois sur 10), ou par le partage de l’intervention avec les deux parents.

Parmi les obstacles les plus récurrents, les éducateurs ont relevé la difficulté à impliquer l’autre parent (en général le père, 4 sur 10).

S’ensuivent les habiletés et compétences insuffisantes du parent (3 sur 10) ainsi que la faiblesse institutionnelle (3 sur 10) qui serait due au manque de clarté du direction du projet, au manque de cohérence des interventions entre les professionnels des services sociaux, et à l’absence de soutien de la part du réseau social formel et/ou informel (2 sur 10).

4. Discussion des résultats quantitatifs et qualitatifs

Dans son ensemble, le projet de recherche a véritablement fait l’objet d’un pluralisme méthodologique en prévoyant l’utilisation d’entretiens et de focus group, la réalisation d’analyse de documents et l’administration de questionnaires. Toutes les données recueillies avec leurs sources, leurs techniques et leurs durées différentes ont été considérées afin de favoriser lors de la réflexion la prise en compte des progrès liés non seulement aux résultats quantitatifs des interventions, mais aussi aux aspects en rapport avec le processus et le contenu des interventions elles-mêmes, avec l’objectif de comprendre comment et pourquoi une intervention peut fonctionner ou non. Ce processus de réflexion s’est déroulé en collaboration avec les éducateurs et a amené au repérage de certains facteurs de changement qui ont favorisé une réponse à la situation de négligence de la famille. Ces facteurs ont ensuite été examinés à la lumière de la documentation scientifique disponible sur ce thème.

4.1. Construire une relation de confiance avec les parents

La présence d’une relation de confiance entre les éducateurs et les familles semble être un facteur clé important pour le changement et pour le succès des interventions. Différentes études ont montré que les résultats des interventions sont, entre autres, liés à la nature de la relation qui s’instaure entre les éducateurs et les familles (Biehal, 2008; Fernandez, 2009). À ce propos, une récente étude qualitative de Dumbrill (2006) a révélé que les résultats des interventions sont influencés par la distribution du pouvoir décisionnel dans la relation entre éducateurs et parents. Quand le pouvoir décisionnel n’est pas partagé et reste l’apanage des éducateurs (power over), cela produit de la part des familles une réponse de l’ordre de la lutte ou du faire-semblant, faisant ainsi obstacle à l’obtention de résultats et de changements. Au contraire, quand la relation se manifeste grâce au partage du pouvoir décisionnel (power with), on observe alors des comportements de « co-opération », ce qui permet d’atteindre plus facilement les objectifs de l’intervention (Platt, 2007).

Les éducateurs qui ont participé à la recherche ont soutenu également que la participation des parents à la planification et à la réalisation des interventions est un facteur crucial, garantissant la cohérence et la cohésion entre les différents acteurs et assurant davantage l’obtention de résultats positifs. Cependant, les éducateurs ont révélé que la construction d’une relation de confiance est un processus lent qui n’est pas toujours facile à réaliser, exigeant beaucoup d’attention et de soin. En ce qui concerne cet aspect, ils affirment ne pas avoir reçu de préparation adéquate dans leur parcours de formation de base, au sein duquel les dispositifs de formation consacrés aux habiletés et aux compétences relationnelles des éducateurs sont trop peu pris en considération. Les éducateurs reconnaissent dans cette recherche le mérite de les avoir soutenues dans la compréhension de l’importance de l’investissement dans un processus participatif avec les parents accordant une grande attention aux aspects relationnels. Les plus grandes difficultés se rencontrent en particulier dans les moments initiaux, quand parents et éducateurs s’opposent les uns aux autres comme natural enemies (Lawrence-Lighfoot, 2003), et avant d’entreprendre toute action et de s’engager les uns avec les autres, ils ont besoin de prendre le temps, de se « renifler », de s’examiner, de comprendre ce qu’ils pensent et ce qu’ils veulent les uns des autres. C’est surtout dans ces moments initiaux que se joue la construction d’une relation de confiance, en faisant ressentir à l’autre qu’on n’est pas là pour juger, mais qu’on se place à ses côtés, avec l’idée de créer une atmosphère où l’on travaille ensemble en vue d’un objectif commun : le bien-être de l’enfant. Le professionnel qui sait se décentrer fait ressentir à l’autre qu’il désire comprendre et tenir compte de son point de vue pour construire une relation d’alliance en vue du changement (Sellenet, 2006). La création d’un véritable partenariat et d’une confiance mutuelle avec la famille de l’enfant constitue le point de départ important pour un travail éducatif orienté vers la réalisation du bien-être des enfants et de leurs familles, pouvant se produire seulement grâce à un parcours d’accompagnement qui commence par la (re)construction de l’image du parent et par la (re)découverte de ses compétences (Bouchard, 1999; Dumar et et al., 2007).

4.2. La participation des parents dans la définition et la réalisation du plan d’intervention

Malgré l’engagement évident des éducateurs pour réussir à mettre en place des modalités plus participatives pour les parents, il est possible de reconnaître la difficulté de la réalisation de telles modalités, ce fait ayant été confirmé aussi par les éducateurs. Même la documentation reliée à ce domaine souligne les difficultés ardues des professionnels qui s’efforcent d’appliquer une approche participative dans les services pour les enfants et les familles négligentes (Dumbrill, 2006). Ces difficultés impliquent deux niveaux de motivation, dont le premier concerne le système des services. Les éducateurs ressentent la responsabilité de « devoir prendre la bonne décision » en peu de temps. La situation apparaît ultérieurement exacerbée par le manque de ressources et la charge de travail excessive. De plus, là où il existe un mandat du tribunal, il s’avère d’autant plus difficile pour les éducateurs de s’engager dans une approche participative à cause du déséquilibre du pouvoir.

Le second niveau concerne la relation parent-éducateurs : selon eux, si les parents sont incapables de voir les risques inhérents aux conditions de vie de leurs enfants et de s’engager pour changer la situation, il ne peut y avoir les conditions nécessaires à leur participation aux processus décisionnels.

Il existe un certain malaise, dans la pratique quotidienne des éducateurs, à « être avec la famille » et à tenter des parcours et des projets adaptés dans le but de fortifier le lien entre parents et enfants (Bouchard 1999).Ce n’est pas évident de passer d’une culture unidimensionnelle centrée sur la « protection du mineur » à une culture multidimensionnelle orientée vers la « protection de la famille » dans son ensemble et de pouvoir ainsi aider les parents à prendre soin de leurs enfants de façon adéquate.

Les recherches qui mettent en lumière le point de vue des parents confirment une césure forte entre le monde des familles et celui des services : les parents se sentent souvent blâmés par les éducateurs, exclus des décisions qui concernent les interventions, confus face à un système de pouvoir exercé sur eux qui est souvent utilisé de manière négative et coercitive, plutôt que de manière positive, pour fournir un appui (Dale, 2004; Dumbrill, 2006). Toutes les recherches qualitatives qui viennent d’être mentionnées renvoient à l’éloignement initial de deux mondes, celui de la famille et celui des services. Parfois, cet éloignement est perçu par les éducateurs et par les familles comme un mal nécessaire, un élément non modifiable à cause des conditions qui le caractérisent. Cependant, il est rare que les professionnels ne reconnaissent pas et n’affirment pas l’importance de la participation comme principe général. Pour les éducateurs qui ont participé à la recherche, l’implication des parents est vue également comme un objectif souhaitable, pouvant s’avérer être un élément facilitant le travail à accomplir. D’autre part, différents auteurs soulignent que les parents et les enfants désirent être écoutés et pris en considération par rapport à leurs propres situations où ils sont capables de fournir des aperçus importants sur leurs propres besoins et sur les changements désirés (Fernandez, 2009; Walsh, 1998). C’est à l’éducateur de trouver les stratégies, les interventions permettant de raccourcir cette distance, étant donné que la compréhension des points de vue et la construction d’un récit partagé sur les difficultés de la famille peuvent réussir à impliquer le parent dans l’intervention, avec un effet positif autant pour l’intervention elle-même que pour les résultats de l’intervention (Berry, 1992; Dawson et Berry, 2002; Darlington et al., 2010; Dumbrill, 2006; Platt, 2007).

Une manière jugée efficace et également utilisée par les éducateurs de Belluno met en évidence le caractère central des stratégies visant à soutenir parents et enfants dans le repérage des comportements non appropriés et dans la renégociation de ceux-ci. L’importance de cette stratégie est reconnaissable aussi dans de nombreuses recherches internationales portant sur les interventions efficaces (Bunting 2004; Dawson et Berry, 2002; Leavitt et Booth, 2010; Maluccio et al., 2000; Moran et al., 2004; Pope et al., 2005; Utting et al., 2007). L’importance d’une telle stratégie éducative est due à son caractère concret qui permet aux éducateurs et aux parents de se mesurer sur la base d’informations et de descriptions fondées sur l’évidence, évitant ainsi les discours généraux et stéréotypés (Sellenet, 2007). Dans les stratégies d’apprentissage de nouveaux comportements, le professionnel prévoit la construction d’un espace systématique et partagé de confrontation avec le parent sur ce qui se passe à la maison, aussi bien les aspects positifs que négatifs. L’instrument fondamental pour réaliser cette stratégie est l’observation par l’intermédiaire de l’observation. L’éducateur a la possibilité de restituer de manière descriptive les situations qu’il a pu observer. Pendant la discussion avec le parent, l’éducateur soutient celui-ci dans la construction de ses propres significations par rapport aux situations et dans le repérage de solutions. Le caractère central de l’intervention est donc dans le repérage avec les parents et les enfants de nouveaux comportements qui vont peu à peu se substituer aux comportements négligents. Par exemple, dans le cas de parents qui recourent à un mode éducatif excessivement punitif et qui font usage de la force physique, on travaille ensemble pour repérer de nouveaux comportements après l’exposé et le partage des observations qui démontrent le dysfonctionnement de ces stratégies éducatives.

4.3. Promouvoir les relations avec le réseau social informel

Dans les interventions éducatives à domicile mis en place au Centre de santé et de services sociaux de Belluno, les objectifs qui concernent le contexte social et environnemental de la famille et de l’enfant sont très peu considérés dans la planification des interventions. Les éducateurs ont justifié l’absence de travail avec le réseau social informel des familles en le définissant comme le dernier échelon du travail éducatif à domicile, pour lequel on renforce avant tous les aspects qui concernent la parentalité et les relations au sein du noyau familial.

Au contraire, les indications qui proviennent des études sur l’efficacité des interventions soulignent que le système de soutien disponible dans le réseau social de la famille est en relation avec la parentalité positive (Moran et al., 2004). Ne pas considérer les liens sociaux et la proximité entre les acteurs sociaux risque d’enfermer les familles entre les murs de leur maison, sans intensifier les moyens qui peuvent être utiles pour les sortir de l’isolement et des difficultés, et donc de difficultés relationnelles avec les enfants. Différents auteurs (Milner et O’Byrne, 2005; Sellenet, 2006) mettent en évidence le fait que dans le travail social la lecture des difficultés se focalise souvent sur la vulnérabilité psychologique, omettant de prendre en considération une plus large vulnérabilité économique, sociale, culturelle et en mettant à exécution des interventions centrées sur le particulier, avec une forte composante psychique, où, encore une fois, le pouvoir décisionnel se trouve entièrement entre les mains du professionnel. Ces interventions ne parviennent pas à agir sur les conditions sociales et économiques qui peuvent avoir engendré les difficultés des familles, mais paradoxalement, elles demandent aux personnes de s’adapter à des conditions sociales injustes. Si l’on recherche une approche qui évite de pathologiser les familles et qui désire reformuler les solutions en termes de responsabilité sociale, il est fondamental de reconnaître les interactions entre une série de facteurs divers, y compris les facteurs externes au contexte familial immédiat. Ce qui signifie favoriser l’autonomie des familles en valorisant et en reconstruisant les liens avec le territoire grâce à la création d’un réseau social positif qui sert également d’appui à la fin de l’intervention.

À cause des nombreuses données non connues concernant les relations de la famille avec le réseau social informel, il n’est pas possible d’avoir une représentation claire de la typologie des relations sociales des familles considérées dans la présente recherche.

Cependant, la documentation disponible en la matière indique que les familles qui accèdent aux services sociaux sont souvent isolées, ont peu de relations, et quand elles en ont, elles sont souvent non positives (Moran et al., 2004; Rodrigo et al., 2007; Rodrigo et al., 2008). Dans une étude réalisée par le Département de psychologie de l’Université de la Lagune (Espagne), avec un groupe de 614 mères, dont 315 venant du service de protection et tutelle, et 299 mères de famille en charge de services sur demande volontaire, Rodrigo et al. (2008) relèvent que les mères du second groupe peuvent faire appel au conjoint ou au système scolaire pour obtenir un soutien social, tandis que les mères du groupe du service de protection et de tutelle sont soutenues par les services sociaux et par la Commune. Dans les deux groupes, la carence de relations à l’intérieur du système familial est évidente. Dans les familles du premier groupe, ce manque de soutien de la part du microsystème familial est comblé par le réseau de soutien formel, et ce fait est encore plus évident si l’on considère seulement les familles plus négligentes.

Bien que cette étude soit territorialement très limitée, elle est intéressante parce qu’elle permet de mener une réflexion sur une vulnérabilité sociale des familles, caractérisée également par la dépendance à l’appui social des réseaux formels. Les indications que l’on peut relever concernent l’importance de la coordination assidue entre les aides offertes par les réseaux sociaux formels dans le but d’implanter les apports et les relations de soutien informels. Le fait qu’une famille soit intégrée positivement dans le cercle des rapports sociaux est un facteur important non seulement pour les parents qui peuvent trouver les solutions appropriées pour « bien-traiter » leurs enfants, mais également pour les enfants eux-mêmes : quand les enfants grandissent dans un réseau dense de relations affectives familiales et communautaires, les possibilités qu’ils soient pris en charge augmentent ainsi que les possibilités qu’ils trouvent des adultes significatifs qui puissent assumer la fonction de tuteurs de résilience (Barudy et Dantagnan, 2005; Walsh, 1998).

4.4. Les relations avec l’école et tous les professionnels qui s’occupent de l’enfant

Le principe selon lequel la relation parent-enfant s’améliore si elle est soutenue également par d’autres relations s’applique aussi aux relations qui impliquent des contextes différents : une situation environnementale déterminée – la famille, ou l’école, ou le lieu de travail – s’avère capable de faciliter le développement dans la mesure où sont présents également des liens de nature sociale entre les différents contextes impliqués dans le processus.

À tout le moins, du point de vue quantitatif, les interventions qui concernent le milieu scolaire sont vraiment très présentes. Les éducateurs reconnaissent que l’école assume une position centrale pour le bien-être des enfants et des familles, et cela justifie l’engagement élevé dans le soutien pour l’accomplissement des devoirs et pour le rendement scolaire pour différents types de raison.

Tout d’abord, les changements dans le cadre de vie de l’enfant soutiennent parfois également les changements au sein de la famille. Les enfants qui sont impliqués et motivés dans les engagements scolaires jouissent d’un important facteur protecteur (Masten, 2006) parce qu’ils sont moins sujets au risque d’abandon scolaire. De plus, le fait que l’école ne se présente pas comme un problème ingérable permet l’amélioration et la décontraction du climat familial (Biehal, 2008). Cela ne signifie pas qu’il est légitime d’acquitter les parents de la tâche qui leur incombe, celle de suivre leurs enfants dans leurs engagements scolaires, il est plutôt nécessaire de s’appliquer pour déterminer avec le parent les modalités les plus efficaces pour gérer ces aspects. La forte présence, dans le soutien à domicile, d’interventions qui concernent les engagements scolaires n’est pas un élément secondaire ou à dévaloriser, parce que les aspects scolaires sont importants pour le bien-être d’une famille et pour les parents. De plus, quand un parent demande de l’aide pour résoudre des difficultés scolaires, il ne pense pas être un mauvais parent : demander de l’aide pour les tâches scolaires de son enfant est un fait acceptable. Du point de vue de l’éducateur, accueillir cette demande, la soutenir pour trouver les modalités les plus appropriées pour répondre aux exigences de l’enfant peut être aussi un point de départ pour discuter d’autres aspects importants de la relation parent-enfant, tels que les modes éducatifs ou les autres interventions qui peuvent accompagner la relation parent-enfant (Milova, 2010).

Parmi les relations qui peuvent influencer le bien-être de l’enfant, il y a également les relations entre les différents professionnels qui travaillent avec une même famille. Par le biais des entretiens avec les éducateurs et l’analyse de chaque projet, il a été possible de relever les relations qui entravent le déroulement du projet éducatif à cause de la faiblesse institutionnelle du projet lui-même. Souvent, elles sont dues au manque de clarté du cadre du projet et à l’absence de cohérence et de clarté des décisions entre les professionnels des services sociaux (3 fois). Dans deux autres situations, c’est au contraire l’accord entre les différents professionnels qui a permis une cohérence dans les messages donnés au noyau familial, ce qui a facilité le déroulement du projet. Le risque d’interventions « saucissonnées » est très élevé, parce que le message que l’on veut construire avec la famille risque de se disperser dans de nombreuses directions, devenant confus et incompréhensible, rendant ainsi vaine l’efficacité.

De plus, l’absence de concertation institutionnelle entre les personnes impliquées dans la proposition d’une solution aggrave fréquemment la situation de violence sur l’enfant (Barudy et Dantagnan, 2005) en activant des processus de violence secondaire ou institutionnelle. Il est donc important que les professionnels et les autres acteurs (y compris la famille) s’interrogent sur la direction à prendre en vue de la réalisation du projet de vie des familles et des enfants en mettant en jeu une négociation des stratégies les plus opportunes pour répondre aux besoins.

5. Conclusion : le chemin qu’il reste à parcourir

Les résultats de la recherche montrent que les interventions éducatives à domicile sont parvenues à répondre d’une meilleure façon à certains des besoins exprimés par les familles négligentes impliquées dans la recherche. L’engagement des professionnels d’élaborer de créer avec les familles de nouvelles solutions pour gérer les conditions de vie difficiles et favoriser le maintien d’un processus visant à « bien-traiter » les enfants s’avèrent particulièrement évident (Barudy et Dantagnan, 2005; Pourtois et Desmet, 2000). En effet, les interventions semblent avoir apporté avec le temps une contribution importante pour la promotion de la justesse d’action et de l’autonomie du parent : tous les objectifs liés aux compétences du parent se sont améliorés avec le temps d’une manière plus importante que dans les autres objectifs. Ce travail de requalification des compétences des parents semble également avoir créé, d’une manière spéculaire, les conditions nécessaires pour promouvoir l’autonomie personnelle des enfants à la maison et à l’école, laquelle s’est, à son tour, améliorée de manière sensible et constante. En même temps, les données de la recherche ont mis en lumière certaines critiques importantes : particulièrement, la difficulté de favoriser les parcours de participation des enfants et des parents ainsi que la difficulté d’impliquer également dans le travail les objectifs externes aux murs de la maison, intensifiant les réseaux formels et informels de soutien.

La présente recherche a donc essayé de créer les conditions afin que les éducateurs aient la possibilité de s’interroger sur de telles critiques et de se demander quelles sont les pratiques les plus appropriées pour répondre aux besoins des familles. À travers la discussion et la confrontation, il a été possible de parvenir à la définition de certains facteurs clés pour activer un changement positif avec et pour les familles. Pour atteindre cet objectif, un contexte d’apprentissage a été élaboré, envisageant l’entière participation des chercheurs et des professionnels dans la construction des significations des pratiques à mettre en application. Le parcours d’évaluation a enfin obtenu un certain succès dans la création d’espaces de réflexion qui construisent de nouvelles significations et de nouvelles directions pour les pratiques professionnelles, dans l’objectif de réaliser les conditions pour « mieux intervenir » (Tarabulsy et al., 2008), mais il a seulement réussi en partie à soutenir les professionnels afin qu’ils créent à leur tour des situations similaires d’apprentissage pour les familles, dans le but de créer pour eux-mêmes les conditions pour « vivre mieux ». Les données, en effet, démontrent que contre une augmentation constante de l’implication des parents, plus de la moitié des interventions avec les familles n’envisagent aucune modalité de participation.

La piste future pour le travail avec les familles devrait donc envisager de la part des éducateurs un modèle participatif d’intervention qui réussisse à réaliser les conditions qui ont permis, dans la présente recherche, de produire certains changements dans les pratiques professionnelles, selon un principe d’isomorphisme entre le parcours mené par les professionnels avec les chercheurs et celui que les professionnels eux-mêmes sont invités à mener avec les familles. Il s’agit donc, pour les chercheurs, de se placer à côté des éducateurs afin qu’ils apprennent à concevoir leurs interventions comme des contextes d’apprentissage pour les familles, lesquels nécessitent le partage et la négociation des significations des nouveaux comportements à mettre en application en famille, tout comme les éducateurs ont eu besoin de négocier la signification de leurs propres pratiques en vue d’une émancipation de celles-ci.

Tout comme le contexte d’apprentissage pour les éducateurs a été créé à partir de la réflexion sur les processus d’évaluation et de conception des interventions, le contexte d’apprentissage pour les familles devrait se construire à partir des réflexions qu’il est possible de mener au cours de l’évaluation de la situation familiale et au cours de la conception des actions qui devraient concrétiser les changements escomptés. Introduire les compétences des personnes au sein des processus d’évaluation et de conception des interventions requiert donc, autant pour les professionnels que pour les chercheurs, la capacité de construire des parcours de partenariat, dans lesquels l’autre est toujours reconnu comme protagoniste de l’intervention dans toutes les phases du parcours, à partir de l’évaluation en passant par la conception, la réalisation, le monitoring, jusqu’à la phase d’évaluation et de reconception. C’est un parcours qui demande de reconnaître aux personnes le droit d’être soutenues dans la recherche des meilleures solutions possibles et qui permettent d’apprendre à « vivre mieux ensemble ».