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En mai 2011, le gouvernement du Québec a annoncé son Plan Nord, une autre initiative dont les Inuits du Nunavik doivent tenir compte dans leur processus de développement politique.

Le Nunavik est un territoire de plus de 507 000 km2, situé dans la province de Québec, Canada, au nord du 55e parallèle, où vivent 10 000 Inuits ; il compte quatorze communautés côtières situées le long de la baie d’Hudson, du détroit d’Hudson et de la baie d’Ungava. Fait intéressant et original, les Inuits se sont vu reconnaître, par un traité intervenu en 2008 entre les Inuits du Nunavik et le gouvernement du Canada, la propriété d’un grand nombre d’îles au large du territoire continental qu’ils occupent depuis 4 000 ans.

La terre, la faune et la glace de mer sont des éléments primordiaux de la vie des Inuits. Ces éléments ont de tout temps influencé de façon très marquée les activités sociales, économiques et culturelles des Inuits. La vie économique des Inuits du Nunavik a été longtemps axée exclusivement sur des activités de subsistance ; elle avait un caractère éminemment collectif tant à l’étape de la production qu’à celle du partage et de la consommation.

Le rapport identitaire des Inuits à leur territoire, leur haut degré d’adaptation et leur résilience ont fait qu’ils ont entrepris de reprendre le contrôle de leur milieu. « Je veux que les Inuits soient libres de nouveau », telles sont les paroles de Tamusi Qumaq, considéré comme l’un des grands penseurs inuits du Nunavik.

À plusieurs égards, l’équilibre de cette région est fragile. Les effets dévastateurs des changements climatiques dans l’Arctique menacent l’écologie de cette région. La disparition de la glace permet de prévoir dans un avenir pas trop lointain l’ouverture d’une nouvelle voie maritime, le Passage du Nord-Ouest, ce qui laisse entrevoir une course effrénée aux ressources naturelles du Grand Nord.

Le Plan Nord

Les États de l’Arctique, dont le Canada et la Province de Québec, ainsi que les pays non arctiques, portent une attention fort marquée à ces nouveaux territoires nordiques très convoités où s’ouvrent d’importantes perspectives commerciales et industrielles. Celles-ci impliquent des défis de taille liés aux enjeux de l’environnement, mais aussi à la souveraineté du Canada dans l’Arctique canadien.

Le gigantesque développement du Nord québécois au cours des soixante dernières années, incluant notamment le projet hydroélectrique de la région de la baie James des années 1970 et les occasions d’affaires et d’emploi qu’un tel projet génère, a amené les Québécois à s’intéresser à cette partie de leur province. « Dernière frontière du Québec à découvrir ! Un nouveau Klondike ! Un nouvel Eldorado ! » Telles sont les expressions fort réductrices que véhiculent des politiciens d’ici et d’ailleurs, motivés en cela par des considérations d’affaires.

Le Plan Nord du gouvernement du Québec, annoncé en mai 2011, serait, selon ses promoteurs, un projet rassembleur, une vision commune, un projet exemplaire de développement durable qui intègre tant le développement énergétique, minier, forestier, bio-alimentaire et touristique que l’infrastructure de transport, la mise en valeur de la faune ainsi que la protection de l’environnement et la conservation de la biodiversité. Le Plan Nord est soi-disant un modèle conciliant le développement social et économique de même que la protection de l’environnement.

Le Plan Nunavik

En réponse à ce Plan Nord, Il y a aussi le « Plan Nunavik », plan élaboré par les Inuits du Nunavik et identifiant notamment les conditions dans lesquelles le Plan Nord doit se réaliser. On retrouve dans le Plan Nunavik les priorités des Inuits pour les vingt-cinq prochaines années dans une série de secteurs prioritaires dont l’habitation, la santé, l’éducation, l’accès au territoire, les ressources minérales, énergétiques, bioalimentaires, fauniques et touristiques, de même que les enjeux culturels et identitaires, les télécommunications et le développement des communautés.

La position des Inuits du Nunavik face au Plan Nord et au développement des ressources naturelles est très claire : le Plan Nord doit respecter tous les traités et ententes intervenus entre les Inuits du Nunavik et le gouvernement du Québec. Celui-ci doit aussi s’assurer de continuer à mettre en oeuvre ses obligations à la suite de ces traités et autres ententes.

Les représentants de l’industrie privée du Québec, du Canada ou d’autres pays sont fortement invités à consulter les Inuits du Nunavik pour tout projet de développement des ressources de la région. L’objectif déclaré du Plan Nord, de respecter le principe de développement durable dans le développement du Nunavik, doit inclure directement les Inuits. Si le Québec entend faire bénéficier les Québécois des retombées du Plan Nord, il doit investir beaucoup plus dans le Nunavik à la lumière des priorités du Plan Nunavik et viser à l’amélioration du niveau de vie des Inuits du Nunavik.

Reprenons ici des mots que l’expérience du Nord a inspirés à Louis-Edmond Hamelin :

De nature, le Québec est un pays froid ; en conséquence, les activités devraient être influencées par ces conditions durables. Il s’ensuit qu’une vision nordique suffisamment ample et intégrée constitue un outil attendu et essentiel. Il n’y a pas de vrai Québec sans la zone nordique.

Il ajoutait :

Un Plan Nord fournit une occasion propice à l’avancement, d’ailleurs incontournable, de la situation autochtone. Il n’y a pas de vrai Nord du Québec, sans le concours des Autochtones !

L’intégration des éléments du Plan Nunavik dans le Plan Nord du Québec est une condition essentielle de l’acceptabilité de celui-ci.