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1. L’évolution des politiques pour l’innovation et leurs effets

Aujourd’hui, on observe un glissement des politiques pour l’innovation, de la perspective traditionnelle, centrée sur les entreprises, vers une approche plus indirecte (Calabrese et Rolfo, 2006b).

Le point de départ est la constatation que la frontière technologique progresse constamment : les petites et moyennes entreprises, qui jouent un rôle central dans les appareils productifs de plusieurs pays et représentent leur tissu productif de base, ont de la difficulté à maintenir leur position et à dépasser les problèmes qui limitent leur développement et l’efficacité de leurs processus de production. Même dans les territoires caractérisés par un fort dynamisme entrepreneurial, tels que les districts industriels italiens, ces petites unités éprouvent des difficultés à devenir, de façon autonome, compétitives sur le plan technologique, sur les marchés nationaux et internationaux (Cappellin, 2007). Les limites de ces entreprises, qui sont liées à leur faible propension à la prise de risque et à leur modeste taux d’investissement en innovations, sont devenues évidentes. C’est la première raison qui justifie l’intervention publique pour soutenir leurs processus d’innovation. Elle est liée au concept du « paradigme de l’échec du marché » (Jacquemin, 1987 ; Bozeman, 2002), qui explique les mécanismes derrière les problématiques du sous-investissement en production de connaissance (Calabrese et Rolfo, 2006a) et des externalités positives, qui ne sont pas retenues par les mêmes PME.

Si l’origine première des politiques de l’innovation se retrouvait dans ces problématiques industrielles, aujourd’hui, la plupart des gouvernements des pays industrialisés ont commencé à considérer un ensemble de justifications différentes, qui ont été développées par les différentes organisations nationales et locales au cours des vingt dernières années (Bonaccorsi, Giannangeli et Merito, 2007). Elles fondent les politiques scientifiques, les problématiques locales et régionales et les intérêts centraux, et elles ont conduit à des actions publiques orientées soit vers les entreprises traditionnelles manufacturières, soit vers les entreprises plus innovantes des secteurs de haute technologie.

Il est possible de reconnaître trois changements en particulier qui soutiennent ce processus interactif État-entreprises :

  • la résolution des problèmes de compétitivité internationale, qui ont été au centre de plusieurs réflexions économiques durant les dernières années (Fagerberg, Guerrieri et Vespagen, 1999) ;

  • le rôle central des projets innovateurs publics (Gabriele, Zamarian et Zaninotto, 2007), qui ont remplacé les grandes entreprises dans le développement local ;

  • la reconnaissance de l’importance des réseaux d’entreprises dans l’économie et, en particulier, dans l’économie de la connaissance (Nelson, 1990 ; Carlsson et Stankiewicz, 1995) : les réseaux des unités productives ont amélioré les capacités innovatrices collectives des entreprises, grâce aux interactions continues entre les acteurs locaux et leur capacité d’apprentissage et de développement de connaissances. Les interventions publiques soutiennent l’interaction entre les acteurs locaux et l’innovation du territoire.

Enfin, les nouvelles politiques de l’innovation qui sont nées de ces derniers changements sont le résultat de l’interaction entre des solutions aux problématiques de la science, de la technologie, de l’économie et de la société. Pendant les vingt dernières années, elles sont devenues plus concrètes et plus ciblées parce que les entreprises adoptent, développent et vendent de nouvelles technologies (Mowery, 1994). Aujourd’hui, la plupart des questions antérieures relatives à l’échec du marché ont perdu en partie leur attrait, à la suite de l’évolution théorique des études sur l’innovation technologique et de l’apparition de nouvelles théories du développement, focalisées sur les résultats croissants de l’accumulation de connaissances (OECD, 1998). Les nouvelles politiques relatives à l’innovation intègrent des dimensions organisationnelle et financière, et soulignent les aspects sociaux de l’innovation, comme l’amélioration du capital humain et social des PME (Tödtling et Trippl, 2005) et sont surtout vouées au soutien de ces dernières (Ceris-Cnr, 1997). Elles sont orientées pour favoriser les relations entre les acteurs des réseaux locaux, pour augmenter la présence des centres de recherche publics qualifiés ainsi que pour soutenir le démarrage de nouvelles entreprises dans les secteurs des technologies les plus innovantes (Calabrese et Rolfo, 2006a).

Si dans les politiques classiques de l’innovation, les facteurs qui déterminaient le succès des entreprises étaient moins liés aux investissements fixes et plus au savoir-faire, aux ressources intangibles, aux qualifications des employés (Cappellin, 2007), aujourd’hui, la nouvelle conception des politiques concernant l’innovation accorde une place importante aux phénomènes de transfert technologique, aux structures locales susceptibles de faciliter le transfert des connaissances et à la dimension spatiale et territoriale des interventions.

La prise de conscience du fait que les processus d’innovation sont souvent localisés (Antonelli et Calderini, 1999) et que les économies de la connaissance se forment plus facilement dans les agglomérations territoriales de PME (comme les différentes typologies de réseaux, de districts et de clusters), où l’apprentissage est plus rapide, grâce à la proximité des acteurs (Cappellin, 2007), a conduit au régionalisme des politiques pour l’innovation.

Il est largement reconnu que le plan régional est la meilleure dimension pour réaliser la connexion entre les acteurs économiques et plusieurs systèmes locaux de production et pour la mise en oeuvre de leurs politiques compétitives. Ainsi, les nouvelles politiques sont surtout orientées vers ces territoires, malgré les différentes problématiques créées par la faible capacité de décentralisation des processus reliés au management des décisions au niveau central (Calabrese et Rolfo, 2006a). Il existe plusieurs avantages à instaurer des politiques d’innovation qui seront appliquées sur le plan régional (Fritsch et Stephan, 2005), car il s’agit d’un niveau institutionnel intermédiaire de coordination pour les interventions publiques entre le marché global et le marché national (Grassi et Cavalieri, 1997).

Dans ce contexte, les développements technologiques rapides et l’expansion du commerce international ont changé la nature de la concurrence sur le marché global et fait des capacités technologiques un atout important pour les entreprises. Ce changement a renforcé le besoin d’actions collectives pour soutenir les unités économiques locales dans l’effort d’acquisition de capacité technologique et suscité la création de politiques infrastructurelles opportunes. Souvent, elles ont entraîné la création d’institutions publiques locales et d’infrastructures territoriales qui ont acquis un poids central dans la gouvernance locale. Le rôle de ces infrastructures, en particulier des infrastructures technologiques, dans le développement industriel est bien connu et cela constitue un autre élément à la base de la théorie des interventions publiques dans l’économie. Ces infrastructures représentent le potentiel novateur qui doit être mis à la disposition du tissu productif ; elles se sont concrétisées dans de différentes typologies de parcs scientifiques et technologiques, de centres d’innovation et de transfert technologique et elles sont souvent localisées près des universités et des centres publics de recherche.

Leur rôle peut être considéré comme étant spécifiquement stratégique : elles sont indispensables aux changements structuraux (Justman et Teubal, 1991 ; Justman, Teubal, Foray et Zuscovitch, 1998), car les décisions des acteurs locaux engendrent les changements structurels nécessaires au succès des territoires (Rolfo, 2008).

Aujourd’hui, les effets directs de ces structures territoriales et de leur articulation sont largement reconnus et l’un des premiers objectifs des nouvelles politiques pour l’innovation est de favoriser leur création, afin d’obtenir de meilleures conditions pour la compétitivité locale et régionale, par le biais d’une meilleure capacité des acteurs locaux de prendre les décisions économiques appropriées (Calabrese et Rolfo, 2006a). Tout cela a entraîné la décentralisation des objectifs, mais aussi des décisions, des opérations, des instruments et de la gestion administrative ; ce dernier point souligne encore le rôle central que jouent le développement des relations entre les entreprises, leurs aspects technologiques ainsi que leurs contextes régionaux.

En conclusion, les nouvelles politiques pour l’innovation émergent d’un mélange entre plusieurs connaissances et les exigences scientifiques, technologiques et du marché ; outre d’être tenues de satisfaire à des critères industriels, elles sont définies dans un contexte de changements structuraux, où une analyse des faillites du marché n’est pas suffisante et doit être complétée par une connaissance multidisciplinaire et un haut niveau de coordination et de coopération.

2. Le problème de l’évaluation des interventions publiques

Compte tenu des objectifs déclarés par les différentes mesures économiques prises, les décideurs politiques sont de plus en plus confrontés aux effets concrets de leurs interventions. La littérature économique s’est toujours intéressée à l’évaluation des interventions publiques en montrant des résultats opposés et contradictoires.

Bien que plusieurs expériences de politiques publiques montrent, sur un plan macroéconomique, un lien clair entre les investissements réalisés, le niveau d’innovation des systèmes économiques, le développement des entreprises locales et leurs performances économiques (Dosi, Llerena et Labini, 2005), ce même rapport positif n’est pas confirmé sur le plan micro-économique (Franzoni et Vitali, 2005). Dans ce dernier cas, il existe plusieurs difficultés liées aux processus d’évaluation. Parmi celles-ci, on peut citer le manque de données disponibles, l’existence de politiques publiques caractérisées par des objectifs contradictoires, illustrant ainsi leur faiblesse (Calabrese et Rolfo, 2006a), et la disjonction temporelle entre les objectifs des politiques publiques (investissements, projets…) et ceux du bilan des entreprises locales (souvent, pour atteindre un objectif macroéconomique public, ces dernières doivent assumer des coûts susceptibles d’aggraver à brève échéance leur situation financière).

Dans ce contexte, plusieurs analyses ont essayé d’éclairer le rapport entre les  politiques publiques pour l’innovation et la croissance des entreprises en essayant de produire de nouvelles connaissances (Griliches, 1979), en prêtant attention à des cas nationaux (États-Unis et Royaume Uni – Geroski, 1995 ; Allemagne – Engel, Rothgang et Trettin, 2004 ; les pays scandinaves – Nås et Leppälathi, 1997 ; France – Crépon, Duguet et Mairesse, 1998) ou en sélectionnant des systèmes régionaux d’innovation (comme le cas West Midlands analysé par Freel, 2000). Toutefois, presque tous les résultats obtenus sont très généraux et banaux, comme ceux se rapportant à l’intensité de l’innovation, qui est habituellement plus forte dans les grandes entreprises, grâce à leur capacité supérieure de s’approprier de nouveaux savoirs.

D’autres recherches effectuées (Gabriele et al., 2007) arrivent à des conclusions ambiguës et soulignent le risque que les interventions publiques soient utilisées comme facteurs pour la substitution du capital, au lieu d’engendrer une augmentation des moyens internes.

Bien que David, Hall et Tooke (2000) montrent que les données empiriques semblent en faveur de la complémentarité entre des investissements publics et privés, Garcia-Quevedo (2004) concluent que les résultats varient selon le niveau d’agrégation des entreprises et, finalement, Santarelli et Vivarelli (2007) relèvent la présence d’un effet de remplacement, c’est-à-dire qu’il y a une forte probabilité que le soutien public soit utilisé par les entreprises qui, dans certains cas, auraient été en mesure de faire les mêmes investissements pour accroître leur compétitivité sur le marché.

D’autres études, visant à mesurer l’impact des interventions novatrices sur la production et la performance technologique des entreprises, ont donné des résultats plutôt positifs et stimulants, mais ambigus aussi en soutenant que la relation causale entre les processus novateurs et la production est estompée par plusieurs risques et incertitudes (Crépon et al., 1998) et, fondamentalement, par le « trade-off » existant entre les objectifs différents (Bonaccorsi et al., 2007), que nous avons expliqué auparavant.

Même du point de vue de l’emploi, la littérature économique (Freeman et Soete, 1997 ; Beesley et Hamilton, 1984) présente des résultats contradictoires. D’une part, il y a des effets positifs sur la réduction des coûts du travail par l’introduction de nouveaux produits et processus (Bonaccorsi et al., 2007), d’autre part, il y a des effets négatifs en raison de la substitution capital/travail et la modification substantielle de la demande relative en personnel (Piva, Santarelli et Vivarelli, 2005).

Au regard du secteur d’activité, bien que plus modestes, les effets sont assez importants : les industries spécialisées dans les biens d’équipement et les secteurs bénéficiant de fortes économies d’échelle présentent de meilleurs résultats. Il est aussi surprenant de constater qu’il s’agit surtout de grandes entreprises traditionnelles, plutôt que de petites entreprises high-tech (Nås et Leppälathi, 1997). En fait, les premières sont caractérisées par des possibilités financières d’innovation plus importantes, capables d’entraîner de fortes baisses des coûts de production.

En ce qui concerne la taille des entreprises, de leur côté, Gabriele et al. (2007) soulignent que la croissance réalisée et les augmentations de taille n’impliquent pas un meilleur usage de la capacité productive existante dans le long terme, mais restent limitées dans le temps, à cause de l’absence de changement structurel dans le statut technologique des entreprises concernées. Par contre, il semble que même avec les risques d’imitation (Cooley et Quadrini, 2004) et les difficultés que pose l’appropriation de l’innovation (Cohen et Klepper, 1996 ; Franzoni et Vitali, 2005), les effets soient plus positifs pour les petites entreprises. En conclusion, si certaines études (Gabriele et al., 2007) soulignent que les politiques d’innovation ont un impact positif sur la taille des entreprises concernées (mais non sur la rentabilité du personnel et sur l’intensité du capital), d’autres, au contraire (Bonaccorsi et al., 2007) mettent en évidence qu’après deux ans de l’intervention publique, aucun changement de taille n’est enregistré. De façon plus réaliste, ces résultats peuvent changer selon le temps, les secteurs d’activité ou les entreprises impliquées (Peters, 2004) et selon que l’on tient compte ou non des réseaux des clients, des fournisseurs et des concurrents (Brouwer, Kleinknecht et Reijnen, 1993).

En général, les effets majeurs de ces politiques s’observent dans les grandes entreprises qui appartiennent à des secteurs consolidés et qui sont donc moins influencées par les cycles économiques. Pour terminer sur cette brève recension, Dodgson et Bessant (1996) signalent que les interventions publiques peuvent être inutiles si la question technologique, qui souvent empêche les très petites entreprises de faire un usage effectif de l’innovation, n’est pas résolue. C’est pour cette raison que les politiques relatives à l’innovation mettent désormais l’accent sur la promotion de la recherche dans les PME, les collaborations entre elles et entre les entreprises et les universités et la création de nouvelles entreprises axées sur des technologies plus innovantes.

3. L’étude des deux cas : Piémont et PACA

La recherche que nous présentons ici est centrée sur le cas du district technologique du Canavese, au Piémont, Italie, et sur le pôle de compétitivité française « Solutions Communicantes Sécurisées » (SCS), localisé dans la région PACA (Provence-Alpes-Côte d’Azur). Les éléments communs aux deux cas examinés sont leur caractérisation comme agglomération territoriale de PME, avec une très forte spécialisation dans les NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication) et, par conséquent, un besoin élevé d’innovation.

Plus exactement, le Canavese se présente comme un territoire très industrialisé, qui a connu, dans les années 1990, après la disparition du groupe Olivetti, une période de grave crise économique (Lanciano-Morandat et Vitali, 2008). Pour la surmonter, en décembre 1993, on a fondé le Consortium du district technologique du Canavese – CDTC (<http://www.canavese.to.it>), une organisation collective pour soutenir la croissance économique et technologique de la zone, sa compétitivité, sa cohésion et son évolution.

Le Consortium a organisé et offert gratuitement plusieurs séries de services d’innovation pour les petites unités productives localisées dans le territoire et actives dans les secteurs[1] de la mécanique et de l’électronique. La totalité de ces interventions a consisté en la réalisation des processus de transfert technologique, concrétisés par la mise sur pied de cinq laboratoires spécifiques (les Centres de compétence) avec techniciens spécialisés. Ces laboratoires ont fourni, de 1999 à aujourd’hui, des services technologiques (indiqués dans le tableau 1 qui suit) aux PME locales : ces collaborations ont eu lieu dans le cadre de quatre programmes différents, qui seront présentés ci-après.

La région PACA est caractérisée par le rôle central, dans sa structure économique, des PME locales, des activités du tourisme et par des phénomènes saisonniers très marqués. Elle a un revenu par habitant plus élevé que d’autres régions françaises, mais elle représente seulement 7 % du PIB national, en raison du fort pourcentage de retraités et d’étudiants présents : ils ont conduit au développement de plusieurs services technologiques, mais plutôt orientés vers des problématiques sociales (santé, tourisme, éducation et logement ; voir le tableau 1), qui représentent 80 % du PIB régional. Le 20 % restant est divisé comme suit : 11 % provient du secteur industriel (représenté pour la plupart par des entreprises des secteurs agricoles et alimentaires) et 9 %, du secteur de la construction.

Ce développement des services sociaux, qui sont fournis pour la plupart au moyen des TIC, a conduit la région et les PME observées à se spécialiser dans les secteurs électroniques plus innovants, qui sont plus importants que dans l’économie du Canavese qui, en revanche, est plus axée sur la mécanique traditionnelle[2].

Entre les tissus productifs locaux de deux zones analysées, il est aussi possible de trouver quelques éléments de différenciation :

  • la structure productive est plus concentrée dans les secteurs de haute technologie en France tandis qu’elle est plus fragmentée et dispersée en Italie ;

  • le contexte dans lequel les mesures de soutien sont envisagées se distingue : en France, il s’agit du lancement des pôles de compétitivité et donc d’un contexte de compétition entre les régions françaises, afin d’accéder aux mesures de soutien prévues par l’État ; en Italie, l’initiative représente la réaction locale à la crise du groupe Olivetti, qui a été gérée par l’établissement d’un Pacte territorial (initiative locale issue d’une loi nationale), orienté vers le soutien technologique des PME (soit celles des secteurs des TIC, soit celles des secteurs de l’ancienne tradition mécanique du territoire).

Tableau 1

Types et nombre de projets du CDTC et du pôle SCS

Types et nombre de projets du CDTC et du pôle SCS
Source : Élaborations Ceris, 2008.

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4. Quels projets et quelles entreprises

Dans ces contextes économiques, le soutien aux deux territoires a consisté en la mise sur pied des projets publics, collectifs et coopératifs mentionnés ci-dessous, qui visent à améliorer la relation entre les PME locales et les laboratoires de recherche, les universités, les centres d’innovation, les agences de transfert technologique et les institutions publiques des deux régions[3].

Les projets du Canavese ont été offerts aux entreprises du territoire, entre 1999 et 2006, en quatre tranches :

  • TS Canavese (Technologie et Développement en Canavese – <http://www.canavese.to.it/ts.htm>), qui a intéressé 118 PME, localisées dans les zones Objectif 2[4], du mois de juillet 1999 jusqu’au mois de juin 2001 ;

  • PIA01 (Projet intégré d’Area – <http://www.canavese.to.it/pia.htm>) : 24 entreprises participantes, toujours localisées dans les zones Objectif 2, à partir de 2003 jusqu’au mois de décembre 2005 ;

  • PIA02-03 : 31 PME, localisées dans les zones Objectif 2, à partir de 2004 jusqu’au mois de décembre 2005 ;

  • DIADI (<http://www.diadi.it>), 58 entreprises participantes, de janvier 2004 jusqu’en 2006.

Les projets italiens ont été cofinancés par l’Union européenne, l’État et la Région Piémont avec un montant de 7,5 millions d’euros et comprenaient des activités de conseil, le soutien aux recherches des entreprises et aux investissements matériels et immatériels. Au sein de ces projets, la première tranche du programme pour améliorer les performances du Canavese, conformément au Pacte territorial approuvé, a reposé sur l’établissement de cinq Centres de compétence qui ont été financés à hauteur de 70 % par le CDTC et gérés par la Polytechnique de Turin et la société de recherche RTM S.p.A. Ces structures (qui devraient acquérir leur autonomie financière à plus ou moins brève échéance) sont équipées d’instruments de laboratoire et de machines de production et chacune a une spécialisation différente (applications laser ; tôles cellulaires, activités d’estampage, mécanique et micromécanique ; biotechnologies ; nanotechnologies ; étude des senseurs et des microsystèmes). Les Centres de compétence sont ouverts (il est prévu, pour l’entreprise, un accès, au coût marginal, aux résultats de recherche, aux compétences internes et aux structures techniques). Ils offrent des programmes de formation et d’emploi pour le personnel et assument des fonctions de conseil pour l’intégration des résultats de leur activité à l’intérieur des entreprises impliquées. Depuis leur création, les Centres de compétence ont réalisé plusieurs audits technologiques chez les PME du Canavese : les premiers buts ont été soit de fournir des services de soutien pour les problématiques des entreprises locales, soit de créer une relation de collaboration et de confiance entre les acteurs locaux et les techniciens des laboratoires. Dans la phase suivante, on proposait des études de faisabilité, qui ont souvent abouti à des projets pilotes et à la réalisation de prototypes. De cette façon, on a pu réaliser un véritable transfert technologique qui s’est poursuivi grâce à des rendez-vous de travail pour la diffusion des résultats obtenus.

Les entreprises impliquées dans les quatre tranches réalisées par le CDTC sont, pour la plupart, petites et moyennes, mais il y a également quelques grandes unités. Elles sont, en partie, actives dans les TIC et dans les secteurs de l’électronique, mais il y a aussi quelques firmes de secteurs plus traditionnels, comme la mécanique, le chimique, le pharmaceutique et les secteurs du plastique et du caoutchouc. Parmi ces entreprises, certaines affichent une bonne évolution technique et sont capables d’intégrer tout de suite les nouvelles méthodologies proposées par les Centres, alors que d’autres présentent une faible évolution technique et ne sont pas encore en mesure d’absorber complètement les connaissances transmises. L’ensemble des services collaboratifs qui ont été alloués à ces unités locales comprend 17 types d’interventions (voir le tableau 1).

Dans le cas français, l’objectif public était de favoriser l’innovation par le biais d’un rapprochement entre des établissements universitaires et de recherche et les entreprises.

À ce propos, deux caractéristiques sont évidentes dans la politique française :

  • la définition des pôles de compétitivité, qui ne sont pas un cluster spontané, mais représentent « une forme d’organisation territorialisée issue d’une politique volontariste de l’État » (<http://www.croissanceplus.com>, 2004).

  • la compétition entre les régions, dans la présentation des projets des pôles.

Parmi les quatre pôles de la région PACA, nous avons analysé le pôle Solutions communicantes sécurisée (SCS), démarré en juillet 2005 et concentré dans les secteurs des TIC. Ses objectifs sont le soutien au développement et à la coopération entre les entreprises des secteurs électroniques et le renforcement des procès d’innovation, de la compétitivité industrielle, de l’économie et de la croissance nationale.

Dans les pôles de compétitivité française, outre de poursuivre des objectifs d’interaction, on vise des objectifs relatifs à la formation de la main-d’oeuvre locale, à la croissance du capital humain et au positionnement des entreprises nationales dans les TIC.

Le pôle SCS a atteint ces buts par la création de projets coopératifs novateurs, partagés avec les sujets locaux et concernant l’utilisation des systèmes informatisés destinés à une large palette d’applications (tourisme, santé, téléphonie mobile, gestion de l’environnement, etc.). L’évolution du Pôle a impliqué la construction de plates-formes technologiques (similaires aux Centres du CDTC), où sont localisés des supports techniques communs, ouverts à toutes les entreprises membres, pour la réalisation de ces projets. Parallèlement à ces plates-formes, des Centres d’innovation ont été fondés, où les entreprises du secteur des composants électroniques se sont rencontrées pour développer des initiatives communes. Plus précisément, 90 interventions différentes ont été réalisées, mais cette recherche analyse seulement les projets offerts pendant la première tranche des services, à partir de 2006 jusqu’en 2008. Pendant cette période, les entreprises et les laboratoires locaux de recherche ont présenté, comme chaque année, plusieurs propositions au conseil du Pôle, qui a sélectionné les cas qui devaient être financés. L’ensemble des objectifs des entreprises concernées ont été atteints par le biais de cinq types de projets, qui sont résumés dans le tableau 1.

5. La méthodologie utilisée

L’objet de notre recherche est de comprendre les effets réels sur les entreprises concernées, des projets réalisés dans le cadre des deux initiatives publiques mentionnées ci-dessus : le but ultime étant de fournir une première évaluation de ces types de politiques.

Plus précisément, ce travail analyse trois principaux aspects :

  • Quelles ont été les performances économiques et financières enregistrées par les PME impliquées dans les projets ?

  • Quel a été l’impact des collaborations avec les centres de recherche/formation existants (ou créés ex nihilo), sur le plan technologique et du développement technique des entreprises considérées ?

  • Quelle est la durée, dans le temps, de ces effets et donc l’impact sur l’économie du territoire ?

Dans cette perspective, nous avons analysé les données du bilan de toutes les PME qui ont bénéficié des mesures prises par les deux pôles (103 sociétés de capital en France et 165 en Italie), en comparant celles-ci avec les évolutions économiques des deux territoires observés. Ce type d’analyse peut montrer, assez clairement, les changements effectifs obtenus au moyen des interventions réalisées. Plus exactement, pour vérifier les améliorations qui se sont produites dans chaque unité, nous avons considéré les données du bilan « standard » (bénéfice/perte, chiffre d’affaires, personnel, valeur ajoutée, résultat brut d’exploitation ou Ebitda[5]) des entreprises étudiées et quelques indices économiques (rendement des fonds propres, rendement des investissements).

Outre ces informations, nous avons considéré les caractéristiques techniques et de réalisation des différents types d’interventions. Nous avons évalué les projets réalisés, par des variables différentes (en raison de leurs structurations particulières), et nous avons vérifié leurs rapports avec les évolutions économiques des unités impliquées.

Dans le cas italien, les interventions ont été subdivisées et évaluées de différentes manières. La première intervention a consisté en la réalisation de plusieurs audits technologiques, où les techniciens des Centres du CDTC ont rencontré les chefs d’entreprise et déterminé les types de collaboration nécessaires. Par la suite, certaines études de faisabilité ont été réalisées, suivies d’autres analyses, plus détaillées. Pour chaque cas, nous avons considéré les résultats obtenus, les développements après la conclusion des projets et les retombées productives et technologiques pour les entreprises impliquées.

Du côté français, on s’est limité à la réalisation des projets sélectionnés. La poursuite des collaborations n’a pas encore été prévue (du moins pas dans cette première phase des interventions).

L’évaluation des interventions a pris en considération les projets réalisés et les diverses typologies d’entreprises concernées. L’évaluation des deux cas a été réalisée comme suit :

  • sur le plan qualitatif, en considérant la pertinence des projets d’innovation selon les différentes typologies d’entreprises (nous avons vérifié ce premier point par une méthodologie descriptive simple) ;

  • sur le plan quantitatif, nous avons utilisé des modèles économétriques, tels qu’une régression classique (avec des modèles à effets fixe et aléatoire), un modèle probit et une comparaison avec des échantillons témoin, basée sur une technique de type appariement sur le score de propension (propensity score).

La première méthodologie d’analyse, la plus descriptive, est basée sur la considération statistique simple des données du bilan des entreprises impliquées et sur leur évolution, pendant la période 2000 – 2007[6].

L’évaluation a été réalisée en comparant l’évolution des unités qui ont reçu les services et celle de l’ensemble des entreprises du même territoire, qui ne les ont pas sollicités (ces dernières ont été représentées, dans le cas italien, par les indices du territoire [tableau 3], dans le cas français, par leurs données du bilan).

Après cette opération, chaque entreprise a été classée comme un cas de succès (affichant une meilleure performance par rapport au territoire) ou d’insuccès (une moins bonne performance), pendant un certain temps (deux à trois années après l’intervention) et pendant la totalité du temps considéré (soit huit ans). Afin d’obtenir une évaluation réaliste, nous avons donc calculé le nombre, traduit en pourcentage, des cas positifs (tableaux 4 et 5) et les corrélations statistiques parmi les services offerts et les deux typologies d’évolutions économiques.

Tableau 2a

Données et ratios considérés dans l’évaluation des entreprises italiennes et françaises

Données et ratios considérés dans l’évaluation des entreprises italiennes et françaises
Source : Notre analyse.

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Tableau 2b

Statistiques descriptives des projets italiens (pourcentage sur le total des entreprises de chaque projet)

Statistiques descriptives des projets italiens (pourcentage sur le total des entreprises de chaque projet)
Source : Notre analyse.

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Tableau 2c

Statistiques descriptives des projets français (pourcentage sur le total des entreprises de chaque projet)

Statistiques descriptives des projets français (pourcentage sur le total des entreprises de chaque projet)
Source : Notre analyse.

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Tableau 3

Indices du Canavese

Indices du Canavese
Source : Enquête conjoncturelle Assindustria Canavese (2003/2008).

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Tableau 4

Analyse de la performance du Canavese

Analyse de la performance du Canavese
Source : Notre analyse.

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Tableau 5

Nombre de succès en PACA

Nombre de succès en PACA
Source : Notre analyse.

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La deuxième méthodologie appliquée consiste en l’application aux données d’une structure régressive. Elle a pour objectif de mesurer l’influence mutuelle des principales variables considérées ici et leur impact sur les données du bilan observées (chiffres d’affaires, bénéfice, Ebitda, personnel). Les tableaux contiennent des variables quantitatives et qualitatives (ces dernières concernent les projets réalisés, leurs possibles évolutions et les jugements des entreprises). Les données analysées sont des observations répétées pour chaque variable et tous les cas ont été analysés de 2001 à 2007. Dans l’analyse, nous avons utilisé des modèles de croisement par secteur, comme ceux à effets aléatoires (dans le cas italien, voir le tableau 6) ou ceux à effets fixes (dans le cas français, voir le tableau 7).

Tableau 6

Résultats de la régression : modèles du Canavese à effets aléatoires

Résultats de la régression : modèles du Canavese à effets aléatoires

Tableau 6 (suite)

Résultats de la régression : modèles du Canavese à effets aléatoires

Tableau 6 (suite)

Résultats de la régression : modèles du Canavese à effets aléatoires

a Voir note 1.

b Variable binaire.

  * Niveau significatif : 90 %.

 ** Niveau significatif : 95 %.

*** Niveau significatif : 99 %.

Source : Notre analyse.

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Tableau 7

Résultats de régression : modèle du PACA à effets fixes

Résultats de régression : modèle du PACA à effets fixes

Tableau 7 (suite)

Résultats de régression : modèle du PACA à effets fixes

  * Niveau significatif : 90 %.

 ** Niveau significatif : 95 %.

*** Niveau significatif : 99 %.

Source : Notre analyse.

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Dans la troisième typologie d’enquête, nous considérons un autre point central de la recherche : quelle est la probabilité pour qu’une intervention publique d’innovation ait du succès, en termes de croissance économique des entreprises impliquées ? Nous avons répondu en procédant à l’application d’un modèle probit aux données recueillies (González, Jaumandreau et Pazo, 2005).

Les variables binaires dépendantes considérées expriment les résultats de la première méthodologie appliquée (elles indiquent, pour chaque entreprise analysée, si elle peut être classée comme un cas de succès ou d’insuccès eu égard aux deux périodes considérées). Les résultats des modèles (qui sont donnés dans les tableaux 8 et 9) indiquent la probabilité d’avoir un cas de succès.

Tableau 8

Modèle probit du Canavese : probabilité d’avoir un cas de succès

Modèle probit du Canavese : probabilité d’avoir un cas de succès

  * Niveau significatif : 90 %.

 ** Niveau significatif : 95 %.

*** Niveau significatif : 99 %.

Source : Notre analyse.

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Tableau 9

Modèle probit de la région PACA : probabilité d’avoir un cas de succès

Modèle probit de la région PACA : probabilité d’avoir un cas de succès
Source : Notre analyse.

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Finalement, dans la quatrième méthodologie d’analyse utilisée, le problème de l’évaluation a détaillé la mesure de l’impact des programmes sur les entreprises considérées. Nous avons défini des variables résultat (outcomes), qui représentent le bénéfice, le chiffre d’affaires, la valeur ajoutée et le personnel de ces entreprises et qui sont exprimées comme Yit. Nous avons mesuré l’utilité des projets par une approche contrefactuelle (Bondonio, 2000, 2001 ; Camagni et Gorla, 2006 ; Bonaccorsi et al., 2007 ; Gabriele et al., 2007), qui est habituellement considérée comme étant la plus convenable et la plus solide tout en permettant l’évaluation des interventions étudiées à travers la comparaison entre les performances des entreprises qui ont reçu les services et celles des unités des groupes témoins. Ces groupes sont composés de PME implantées dans les mêmes territoires, mais qui n’ont pas eu accès aux aides publiques. Les couples d’unités qui doivent être comparés ont été déterminés par un instrument spécifique, qui résume les caractéristiques considérées pendant l’analyse réalisée : le Propensity Score – PRSC (Ashenfelter, 1978 ; Heckman et Robb, 1985 ; Barnow, 1987 ; Rosenbaum et Rubin, 1984 ; Heckman, Ichimura et Todd, 1997 ; Blundell et Costa, 2000). Il évalue la probabilité que chaque unité ait une évolution meilleure que les autres entreprises sur le territoire de localisation (Bondonio, 2000, 2001 ; Gabriele et al. 2007). Nous avons estimé l’effet des collaborations sur les unités traitées en appliquant la méthode des doubles différences (difference in differences[7]) aux valeurs du bilan des entreprises caractérisées par des niveaux de PRSC plus proches. Cette méthode a fourni des résultats robustes, qui sont donnés dans les tableaux 10 et 11 (les résultats moyens positifs indiquent que les collaborations ont, en moyenne, eu un impact de croissance sur l’ensemble des valeurs du bilan considérées ; le nombre de cas positifs représente les situations individuelles de croissance, même si le résultat moyen est négatif).

Tableau 10

Résultats de l’impact des interventions sur les résultats nets des entreprises du Canavese

Résultats de l’impact des interventions sur les résultats nets des entreprises du Canavese
Source : Notre analyse.

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Tableau 11

Résultats de l’impact des interventions sur les entreprises de la région PACA

Résultats de l’impact des interventions sur les entreprises de la région PACA
Source : Notre analyse.

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6. Les résultats et quelques considérations finales sur les effets des politiques pour l’innovation

Les résultats obtenus dans les deux cas étudiés nous permettent de partager quelques réflexions conclusives, portant sur la répartition des PME considérées (italiennes et françaises) en deux groupes :

  • le premier groupe est composé d’entreprises qui ont obtenu des résultats positifs immédiats, c’est-à-dire pendant la brève période des collaborations et les deux à trois années suivantes (c’est un résultat corroboré par la littérature : voir Gabriele et al., 2007, chapitre I). Plus exactement, près de 62 % (117 unités) des entreprises italiennes et près de 48 %, en moyenne, des entreprises françaises, appartiennent à ce groupe.

  • le deuxième groupe concerne les unités qui ont obtenu des résultats positifs immédiats et qui ont montré un bon impact sur une plus longue période. Malheureusement, les données à notre disposition ne nous ont permis de faire que l’analyse des cas italiens, avec 43 % des PME (81 unités) qui appartiennent à ce groupe.

  • A) En observant les caractéristiques des entreprises qui ont atteint de bons résultats seulement pendant la brève période des collaborations et les deux à trois années suivantes, il est possible de remarquer que leur niveau d’innovation n’est pas élevé. En fait, elles oeuvrent, en général, dans les secteurs traditionnels, comme ceux de la métallurgie et de la mécanique, même si parmi elles il existe des PME plus performantes sur le plan technologique, actives dans l’informatique ou dans les services de conseil et d’ingénierie. Les résultats positifs immédiats, relevés dans la totalité de ces unités, sont souvent plus visibles dans les valeurs du personnel et des chiffres d’affaires que dans celles du bénéfice net ou du Ebitda (et entre ces deux dernières variables, la seconde est toujours pire que la première). Les différents secteurs d’activité des entreprises observées ici justifient les types de collaborations différenciées (voir le tableau 1), même s’il s’agit de technologies avancées. On y retrouve les techniques laser, comme des activités de consultation technique, parfois orientées vers la solution de problèmes très pointus et technologiquement complexes (comme ceux concernant les sondes, les tôles cellulaires, l’analyse des matières et les activités de forge et de presse). Ces dernières collaborations, très poussées techniquement, ont apporté des résultats inférieurs, sur le long terme, probablement parce que, même si elles représentaient de véritables nécessités technologiques pour les PME concernées, elles auraient exigé une capacité technologique plus avancée chez les PME utilisatrices. Il semble donc possible de voir ici une confirmation des observations de Cohen et Levinthal (1989) sur la capacité d’absorption (absorptive capacity), qu’ils considèrent comme une condition essentielle au transfert technologique. Il importe en effet que les entreprises qui reçoivent des services technologiques avancés disposent à l’interne de connaissances nécessaires à leur intégration dans les processus productifs, afin de profiter de façon optimale des collaborations avec les Centres.

En conclusion, les entreprises de cette partition A ont donc tiré avantage, dans l’immédiat, du soutien public, mais elles n’avaient probablement pas les capacités d’absorption nécessaires pour avancer, de façon autonome, sur la voie du développement technologique et économique sur laquelle elles s’étaient engagées grâce à l’aide des Centres. C’est pour cette raison que l’avantage initial s’est dissipé à court terme.

B) Au contraire, les entreprises ayant atteint des résultats positifs à plus longue échéance avec les collaborations peuvent être considérées comme technologiquement plus avancées. Elles appartiennent aux secteurs qui sont, en général, d’un niveau technologique élevé ou moyen, comme ceux de la construction de moteurs ou de machines industrielles, de processeurs électroniques, de composantes électriques, de logiciels, de services de conseils et d’ingénierie, de matériel informatique et de la communication. Aux côtés de ces entreprises, il existe bien sûr des entreprises actives dans des productions plus traditionnelles (mécaniques et métallurgies), mais il s’agit probablement d’entreprises ouvertes aux changements et aux innovations dans leurs processus productifs, qui appartiennent au groupe B. Paradoxalement, toutes les unités de ce dernier groupe ont demandé des services plus traditionnels ou plus ponctuels par rapport à leur production. Plus précisément, elles ont bénéficié de consultations pour l’utilisation de la technologie laser, pour la réalisation d’études de faisabilité, pour la certification des produits et autres services de conseil, en général plus concrets. Leurs effets ont été très positifs et rapides, à la suite de leur introduction immédiate dans les systèmes de production, mais aussi durables, en raison de la meilleure condition technologique préexistante dans ces entreprises.

De façon générale, une évaluation positive des interventions réalisées peut être observée, du côté italien, eu égard à l’évolution du tissu productif du Canavese qui a vu, grâce aux activités des Centres de compétence et du Consortium, la naissance de nouvelles entreprises, l’évolution des formes juridiques des entreprises préexistantes, leur croissance technologique, l’embauche de nouveaux employés, la création de nouvelles relations avec l’étranger et l’introduction de contrôles de qualité.

Du côté français, les conclusions sont partiellement différentes ; ce peut être à cause de la meilleure spécialisation économique des PME analysées, de leur statut technologique, plus élevé, ou de la courte période visée par l’analyse. Avant tout, pendant la période étudiée (deux années), on a observé une amélioration de la taille de la quasi-totalité des entreprises participantes et de leurs valeurs du bilan. De plus, les entreprises (10 unités) qui ont choisi d’utiliser plusieurs types de collaboration ont obtenu des résultats très positifs, comme celles du Canavese. En général, donc, le cadre français est meilleur que l’italien ; cela peut s’expliquer soit par la brève période visée par analyse, soit par le caractère plus novateur et plus homogène, d’un point de vue sectoriel, des entreprises étudiées.

Donc, l’interprétation générale de l’impact des collaborations sur le niveau technologique et sur les données du bilan d’entreprises confirme, dans les deux cas analysés, que les effets des services technologiques sont toujours positifs, pendant la brève période (celle où les services sont offerts et pendant les deux à trois années suivantes), et que, par contre, dans le long terme, seules les unités qui jouissent d’une situation économique stable (ou croissante) et qui sont technologiquement novatrices (conditions d’une bonne capacité d’absorption) sont avantagées par les services fournis, alors que celles qui affichent une situation déclinante dans les années précédant les collaborations n’arrivent pas à de meilleurs résultats que les firmes de la région de localisation (ils s’observent seulement pendant la période d’allocation des services).

De plus, à partir des résultats des modèles économétriques appliqués (de régression et de probabilité), il est possible de conclure que l’effet des projets développés est généralement positif sur les employés et, par la suite, sur les chiffres d’affaires, alors que les effets sur la valeur ajoutée ou sur la rentabilité du personnel sont plus faibles. Plus exactement, l’impact sur les chiffres d’affaires est positif, mais décroissant, quand les interventions se multiplient et surtout quand les entreprises visées sont de petite taille ; l’effet sur les employés varie selon que le projet réalisé touche un facteur de production (impact positif) ou un aspect de variation de la modalité de production (impact négatif).

Une première conclusion qu’on peut tirer des deux analyses (descriptive et statistique) est que les interventions allouées ont eu sûrement des effets positifs sur l’évolution financière et sur la croissance de la productivité des entreprises impliquées ; mais, dans plusieurs cas, ces impacts sont limités sur le plan productif et dans la période où les services sont alloués et aux deux à trois années suivantes (cela est conforme à ce que rapportent Bonaccorsi et al., 2007). Ce résultat est aussi confirmé par les deux modèles construits avec le PRSC, qui montrent que 49,9 % (en moyenne) des entreprises italiennes et 54 % des unités françaises ont eu, pendant les périodes des collaborations avec les Centres, de meilleurs résultats économiques que les unités des groupes témoins, contre 36 % (en moyenne) des unités italiennes pour les années suivantes. Ces dernières entreprises sont celles qui avaient, à l’origine, une structure technologique meilleure et plus novatrice.

Par conséquent, les résultats, bien que très fortement différenciés par rapport aux types de projets et de services, mettent en évidence, en général, trois considérations finales :

  • premièrement, les effets certains de croissance de la productivité et de développement financier des entreprises impliquées sont normalement limités à la période d’allocation des interventions publiques et aux deux à trois années suivantes ;

  • deuxièmement, la relation vertueuse entre « soutien public, innovation des unités impliquées et croissance technologique » est fortement liée au choix des mesures mises en place ;

  • troisièmement, ces types d’interventions publiques ont des effets modestes sur les entreprises plus faibles sur le plan technologique et économique (avec une faible capacité d’absorption des nouvelles technologies et des connaissances transmises). Ce dernier élément, fondé sur la stabilité et le niveau technologique des PME, devient donc le facteur déterminant du succès des politiques innovatrices, parmi lesquelles se retrouvent celles étudiées ici.

En conclusion, les entreprises plus performantes et chez lesquelles on a observé des effets positifs durables des interventions semblent être celles qui ont choisi d’utiliser les services les plus concrets parmi ceux qui leur avaient été offerts ; elles avaient en outre une plus grande disponibilité et une capacité de les insérer dans leur processus productif, grâce à une situation économique stable et à un niveau technologique novateur (technologie de pointe), caractérisé par une forte capacité d’absorption des innovations proposées.

Pour résumer, les seules entreprises susceptibles de bénéficier des collaborations et de voir leurs valeurs de bilan progresser présentent les caractéristiques suivantes :

  • elles possèdent un niveau technologique préexistant élevé ;

  • elles sont capables d’acquérir les connaissances implicitement contenues dans les technologies proposées ;

  • elles disposent d’une structure propice à leur application ;

  • elles démontrent un haut niveau d’apprentissage ;

  • elles manifestent une ouverture à la formation.

En effet, le cas du Canavese nous montre que ce résultat, à l’origine négatif, pourrait être évité si l’on offrait aux entreprises, de façon continue, des services mieux adaptés à leurs besoins (ce qui concorde avec les propos Pellegrini et Centra, 2006, et Gabriele et al., 2007).

Cela souligne la nécessité d’une sélection plus discriminante, plus ponctuelle, relativement aux sujets et aux services alloués, surtout en tenant compte de la présence de structures internes aux entreprises, affectées à l’acquisition de connaissances et de compétences (Calabrese et Rolfo, 2006b ; Dodgson et Bessant, 1996).

Plus particulièrement, en observant les marchés où les entreprises sont actives, les PME semblent mieux réagir que les grands groupes, à court terme, aux stimulations des politiques publiques, mais à long terme, leurs performances sont moins importantes et bénéficieraient d’un soutien public continu dans le temps.

Ainsi, la relation entre innovation et bonnes performances financières  reste encore à démontrer compte tenu des résultats ambigus et contradictoires. Mais ce travail nous confirme la nécessité de collaborations qui se poursuivent dans le temps et d’une sélection plus judicieuse de la part des responsables de l’application des programmes publics pour une amélioration réelle des performances des PME.

En particulier, il convient de bien choisir non seulement les entreprises capables d’utiliser adéquatement le soutien public et donc de constituer des moteurs du développement local, mais aussi les services les plus appropriés à chaque cas, ce qui favoriserait une amélioration de la production (innovations croissantes), sans introduire des changements radicaux dans les entreprises. Ce dernier point incite à plus de prudence dans l’usage de l’instrument public dans ce contexte et permet de dégager une règle générale importante : les politiques de l’innovation, en particulier celles qui sont analysées dans ce travail, qui sont constituées par des projets techniques de coopération, ne sont pas capables, sauf à court terme, d’aider fortement les entreprises pour une évolution définitive vers un niveau technologique plus élevé, s’il n’y a pas chez les PME impliquées une bonne capacité d’absorption.