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Qui parle de performance en entrepreneuriat parle avant tout de création de valeur (Bruyat et Julien, 2000). Or, pour les PME, la performance est tout autant un fait « social » qu’un fait économique (Korsgaard et Anderson, 2011). Par exemple, alors que le propriétaire-dirigeant d’une petite entreprise souhaiterait assurer un certain niveau de vie à sa famille, son banquier envisagerait plutôt la réalisation de bénéfices et la génération de liquidités, et un conseiller socioéconomique, la création d’emplois et la croissance de l’entreprise. Or, cette diversité peut être une source d’incompréhension, voire de conflits entre les différentes parties prenantes de la performance de l’entreprise.

Pour être pleinement expliquée, la performance des PME doit être étudiée dans son contexte. Il devient alors important de comprendre les trajectoires de croissance de ces entreprises, ainsi que leur stratégie de développement qui se manifeste par l’intention stratégique de leur propriétaire-dirigeant. Toutefois, la performance financière est souvent présumée être la seule forme de performance recherchée par ces derniers. Une mesure de la performance axée sur les aspects financiers dresse un portrait incomplet de la capacité de l’entreprise à répondre aux attentes de ses parties prenantes et ne permet pas de correctement déterminer son potentiel. Cette conception étroite de la performance a longtemps dominé, malheureusement, dans la recherche sur la performance des PME, influençant ainsi les gouvernements, organismes publics et autres intervenants qui voulaient apporter de l’aide et du soutien à ces entreprises et à leurs dirigeants.

Le lien « organique » entre le propriétaire-dirigeant et son entreprise est tel que les choix stratégiques de l’organisation et les pratiques managériales qu’on y retrouve sont profondément marqués par les motivations et les objectifs de ce dernier. L’étude de la performance des petites entreprises ne peut donc passer outre les objectifs personnels et sociaux de leur dirigeant, étant donné que ces objectifs sont le plus souvent en symbiose avec ceux de l’entreprise. L’influence prépondérante du propriétaire-dirigeant de PME pourrait ainsi expliquer la grande hétérogénéité que l’on observe pour ces entreprises. Cette hétérogénéité pourrait également être expliquée par la perméabilité des PME à leur environnement socioéconomique, c’est-à-dire par le fait qu’il s’agit d’un système « ouvert ». Évoluant dans des conditions qui leur sont propres et dans des environnements d’affaires variés et changeants sur lesquels elles n’ont la plupart du temps aucun contrôle, les petites entreprises doivent avoir la capacité de s’adapter pour « performer », et ce, non seulement sur le plan économique, mais aussi sur le plan social.

Chacun des six articles de ce nouveau numéro de la Revue internationale PME illustre ainsi d’une façon ou d’une autre le rôle du « social » dans l’entrepreneuriat et la PME. Dans un premier article, Élodie Gardet et Caroline Mothe de l’Université de Savoie nous présentent les résultats d’une étude de sept réseaux d’innovation coordonnés par des TPE, visant à identifier les modes de coordination mis en place par ces entreprises. À partir de données sur 506 porteurs de projet de création d’entreprise, Servane Delanoë et Franck Brulhart de Toulouse Business School valident un modèle postulant l’attitude envers l’entrepreneuriat, la norme subjective et l’auto-efficacité entrepreneuriale en tant qu’antécédents de l’intention et de la détermination entrepreneuriales. À leur tour, Maarouf Ramadan d’Euromed Management et Nadine Levratto du CNRS présentent les résultats d’une enquête réalisée auprès de 105 PME libanaises visant à mieux comprendre les diverses formes de l’internationalisation des PME, et ce, au travers de facteurs institutionnels, économiques, mais aussi culturels. Le quatrième article est de Mohamed Bilel Ben Dhifallah de l’Université Paris-Dauphine qui, partant de données sur 60 PME françaises dans le secteur des biotechnologies appliquées à la santé humaine (BASH), étudie le rôle modérateur du choix de la localisation de ces entreprises dans les coopérations qu’elles entretiennent avec la recherche universitaire, l’industrie pharmaceutique et les autres entreprises de leur secteur. Suit un article de Christophe Estay et François Durrieu de BEM Management School de Bordeaux ainsi que de Pape Madické Diop de BEM-Dakar qui questionnent 235 créateurs d’entreprise nouvellement installés pour connaître les ressorts de leur motivation entrepreneuriale et leur logique d’action. Enfin, Normand Pettersen et Josée St-Pierre de l’Université du Québec à Trois-Rivières ainsi que Stéphane Brutus de l’Université Concordia utilisent un instrument multisource pour mesurer les comportements de leadership de 43 dirigeants de PME à partir de 215 membres de leur entourage, ce qui leur permet d’identifier les comportements et les compétences qui sont les plus associés à la performance de leur entreprise.

Bonne lecture !

Le rédacteur en chef