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Introduction

Ce texte, qui se veut avant tout descriptif, aborde la question des programmes d’insertion professionnelle (IP) et des principaux dispositifs de soutien offerts aux enseignants débutants. Dans un premier temps et nous appuyant sur l’analyse documentaire des programmes IP mis en ligne par certaines commissions scolaires, nous présentons les visées des programmes IP, les conceptions de l’insertion qui y sont véhiculées, les mesures ou activités d’insertion offertes ainsi que les critères de sélection des intervenants. Dans un deuxième temps, nous analysons plus spécifiquement certains des dispositifs de soutien privilégiés dans les programmes IP étudiés, à savoir le mentorat, les groupes collectifs de soutien à l’insertion professionnelle et les réseaux d’entraide à distance. Pour chacun de ces dispositifs sont présentées les principales caractéristiques qui les définissent ainsi que les avantages et les limites de ces dispositifs d’insertion. Les analyses des dispositifs de soutien présentées dans ce texte proviennent principalement d’une recension des recherches portant sur le sujet, recension menée dans le cadre des travaux du Laboratoire d’analyse du développement et de l’insertion professionnels en enseignement (LADIPE) de l’Université du Québec à Trois-Rivières (sous la responsabilité de S. Martineau) ainsi que d’une recherche subventionnée par la Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH), qui a pour objectif l’analyse des dispositifs et des pratiques de soutien à l’insertion professionnelle dans l’ensemble des commissions scolaires du Québec (sous la responsabilité de J. Mukamurera)[1].

1. Brève mise en contexte

Au Québec comme ailleurs en Amérique du Nord et en Europe, toutes les études convergent pour souligner que les débuts dans l’enseignement demeurent souvent difficiles et frustrantes (Cusinay, 2005; Eurydice, 2002; Feiman-Nemser, 2003; Huberman, 1989; Kutch et Schulz, 2006; Mukamurera, 2005 et 2011a; Nault G., 2003; Portelance, Mukamurera, Martineau & Gervais, 2008) et ce, en dépit des réformes successives visant à professionnaliser la formation des enseignants (Conseil supérieur de l’éducation, 2004; Ministère de l’Éducation du Québec, 1992a, 2001). Ces difficultés sont attribuables à une combinaison de facteurs qui relèvent à la fois de la formation initiale (Fournier & Marzouk, 2008), de la complexification croissante du travail (Mukamurera, Bourque & Gingras, 2008; Tardif & Lessard, 1999) et de la précarisation de l’emploi (Gingras & Mukamurera, 2008; Mukamurera & Martineau, 2009; Lessard & Tardif, 1996) ainsi que des conditions d’insertion souvent difficiles (Beloff Farrell, 2003 ; Hétu, Baillauquès & Lavoie, 1999; Mukamurera, 2011a; Mukamurera, Bourque & Gingras, 2008). On ne s’étonnera donc pas que, depuis une décennie, la thématique de l’insertion professionnelle en enseignement soit d’une brûlante actualité au Québec comme en témoignent, d’une part, l’avis du Comité d’orientation de la formation du personnel enseignant (2002), le dossier spécial de la revue du ministère de l’Éducation du Québec Vie Pédagogique (octobre 2003) et la création du Carrefour national de l’insertion professionnelle en enseignement (CNIPE, www.insertion.qc.ca).[2]

Cette problématique a donc donné lieu à de nombreuses recherches sur l’insertion professionnelle en enseignement, qui ont le mérite d’avoir attiré l’attention sur l’importance d’offrir du soutien aux nouveaux enseignants ( Hétu et al., 1999; Fournier & Marzouk, 2008; Lamarre, 2004; Martineau & Corriveau, 2000; MEQ, 2003; Mukamurera, 2011b; Mukamurera, Bourque & Gingras, 2008; … Weva, 1999). Ainsi, dans la foulée de ces recherches, ont été mis en place dans près d’une vingtaine de commissions scolaires du Québec des programmes d’insertion à l’intention des nouveaux enseignants. Or, la question demeure encore de savoir en quoi consiste ces programmes et quels sont les mérites et les limites des divers dispositifs de soutien offerts. C’est ce que nous proposons d’analyser dans les pages qui suivent.

2. Cadre de référence

Avant de présenter l’analyse des programmes IP et certains dispositifs de soutien, il nous est apparu nécessaire de préciser, ne serait-ce que brièvement, notre conception de l’insertion professionnelle et de donner un état des lieux sur les dispositifs de soutien aux débutants en Amérique du Nord et ailleurs en Occident.

2.1 - L’insertion professionnelle

L’insertion professionnelle est un processus dynamique et non linéaire qui se déroule environ durant les cinq premières années de travail (Baillauquès &Breuse, 1993 ; Hétu et al., 1999 ; Huberman, 1989 ; Katz, 1972; Van Manen & Schein, 1979; Zeichner & Gore, 1990). Mais quoique ce concept soit utilisé de façon courante, il est en fait polysémique et il renvoie à des dimensions et critères (Mukamurera, 2011b; Perret, 2007). Trois principales dimensions émergent dans les écrits : l’insertion professionnelle (IP) en tant qu’intégration sur le marché du travail (Fournier, Monette, Pelletier & Tardif, 2000; Tremblay, 1994), l’IP en tant que socialisation professionnelle (Angelle, 2002; Desgagné, 1994; Huberman, 1989, MEQ, 1992b; Nault, 1993; Zeichner & Gore, 1990) et enfin l’I.P en tant que socialisation organisationnelle (Bengle, 1993; Lacaze & Fabre, 2005).

La première dimension fait référence à la variabilité de l’emploi et à ses différentes facettes et processus comme la durée, le type, le statut d’emploi et les trajectoires d’accès, les conditions de travail, la nature du travail, etc. (Mukamurera, 1998) C’est l’insertion au sens économique et administratif. La deuxième dimension renvoie à la familiarisation avec le milieu de travail à la fois au plan physique, organisationnel, social, philosophique et politique (Weva, 1999). À cet égard, on considère que pour exercer un rôle professionnel dans un milieu donné et s’y faire accepter comme membre à part entière, il est essentiel que le nouvel enseignant s’approprie les règles de fonctionnement, les attentes et la culture de ce milieu (Bengle, 1993; Lacaze & Fabre, 2005; Lévesque & Gervais, 2000). Enfin, l’insertion renvoie aussi, et c’est là la troisième dimension, à l’adaptation et à la maîtrise du rôle professionnel, par le développement des savoirs et des compétences spécifiques au métier. Il s’agit ici, dans le cas des enseignants, du savoir « faire la classe », de devenir efficace dans le travail (Lévesque & Gervais, 2000) selon les compétences professionnelles attendues (MEQ, 2001). C’est souvent cette dimension qui est prise en compte par les dispositifs de soutien au détriment des deux autres.

2.2 - Les dispositifs de soutien à l’insertion professionnelle

Dans les textes portant sur la question, on utilise souvent indifféremment les termes programmes et dispositifs (Vallerand & Martineau 2007). Pour notre part, nous considérons qu’un programme d’insertion professionnelle peut comprendre un ou plusieurs dispositifs (par exemple, jumeler mentorat et formations en groupe). Ainsi, un dispositif est plus spécifique qu’un programme, il est en quelque sorte un outil de soutien à l’insertion professionnelle des enseignants.

Malgré certains bienfaits reconnus, la littérature spécialisée laisse tout de même entendre que les dispositifs d’aide sont encore peu présents dans les organisations scolaires et parfois d’une relative efficacité (Mahony, 1996; Vallerand & Martineau, 2006; Nault 2000). Au Québec, une politique de l’I.P se fait toujours attendre et plusieurs commissions scolaires tardent toujours à se doter de programmes systématiques d’accueil et de soutien des débutants[3] . Toutefois, même si la prise en charge de l’insertion professionnelle n’est pas encore généralisée (Eurydice, 2002; Fournier & Marzouk, 2008; FSE, 2008, Nault, 2003), les écrits permettent d’inventorier plusieurs mesures de soutien existant dans les pays comme l’Angleterre, l’Australie, le Canada, la Chine, le Japon, les États-Unis et la Nouvelle-Zélande. Il s’agit par exemple des mesures suivantes: mentorat, programme de probation, observation de classe modèle, internat, ateliers, assistance formelle des maîtres universitaires, rencontres et séminaires, le groupe de discussion, le réseau d’entraide, l’assignation d’unepersonne-ressource, le soutien administratif d’accueil, trousses d’informations et la réduction de la tâche (Eurydice, 2002; Heath-Camp & Camp, 1990; Kutch & Schulz, 2006; LeMaistre, 2004; Nault, 1993, 2003; Université du Québec, 2000). L’analyse documentaire des programmes IP mis en ligne sur le site Web du CNIPE permet de ressortir les dispositifs les plus utilisés au Québec pour soutenir l’insertion professionnelle des enseignants.

3 . Analyse des programmes et des dispositifs de soutien à l’insertion professionnelle au Québec

Cette section présente les principales caractéristiques des programmes d’insertion analysés et documente en détail certains dispositifs qui y sont privilégiés.

3.1 Portrait des programmes d’insertion professionnelle mis en place par les commissions scolaires québécoises

Le portrait présenté ici repose sur une analyse documentaire de 19 programmes d’insertion élaborés et mis en place par 19 commissions scolaires[4] . D’emblée, mentionnons que pour être efficace, un programme d’insertion doit répondre à un certain nombre de caractéristiques. Il doit notamment être basé sur des objectifs et une philosophie de l’enseignement clairs, offrir à la fois le soutien psychologique, pédagogique et socioprofessionnel, comprendre un dispositif de mentorat pour lequel les mentors sont formés, offrir une diversité de mesures complémentaires; offrir un support administratif, prévoir une réduction de tâche pour les novices et ne pas viser l’évaluation ou l’accréditation des novices (Cambier, De Stercke, Leemans, Maréchal, Radermaecker, Renson & Temperman; 2010). Qu’en est-il alors des programmes IP analysés? Pour répondre à cette question, nous analysons les visées des programmes et les conceptions de l’IP sous-jacentes, les mesures de soutien privilégiées et les critères de sélection des intervenants qui offrent le soutien.

3.2. Le niveau méso de la professionnalisation : les dispositifs institutionnels de formation et de travail

Le processus historique de la professionnalisation n’est pas suffisant pour saisir la complexité de sa traduction dans des dispositifs institutionnels. Le niveau méso institutionnel correspond à une traduction de la professionnalisation construite sur un plan macro, dans des dispositifs de formation initiale ou continue, indispensables à la mise en action des dynamiques historiques de professionnalisation.

Cette traduction se définit dans « un programme institutionnel », c’est-à-dire un mode de socialisation des acteurs dans des situations formatives et/ou professionnelles. Les écoles, les universités, les dispositifs de formation, les dispositifs de professionnalisation définissent des programmes institutionnels qui s’inscrivent ou ne s’inscrivent pas dans des modèles historiques antérieurs. Dubet (2002) le précise de cette manière : « 1) ce programme considère que le travail sur autrui est une médiation entre des valeurs universelles et des individus particuliers ; 2) il affirme que le travail de socialisation est une vocation parce qu’il est directement fondé en valeur ; 3) ce programme croit que la socialisation vise à inculquer des normes qui conforment l’individu et, en même temps, le rendent autonome et libre » (p. 13-14). Les savoirs transmis, l’articulation entre les formes de savoirs, la construction des professionnalités sont autant de constructions sociales qui participent à cette traduction. Dans le cas des ingénieurs, le développement de ces dispositifs de formation se rapporte à une recherche de « synthèse» entre la reconnaissance du diplôme d’ingénieur, qui lie ainsi tout dispositif à la représentation d’un modèle idéal de l’ingénieur (savoirs académiques), et la construction de « réponses » en termes de formation à la demande du système productif en termes de postes de cadres techniques, d’ingénieurs de production (savoirs professionnels). Le dispositif « emplois-jeunes » se rattache à une temporalité éphémère qui va à l’encontre d’un processus de pérennisation et de professionnalisation. Le niveau méso, par un ensemble de dispositifs de formation, intervient pour situer des horizons temporels futurs et flous, non pas pour construire des modèles professionnels d’activités et de savoirs pour les jeunes. L’alternance, quant à elle, s’est développée au sein d’organisations de formation hétérogènes qui génèrent une multitude de dispositifs et de filières aux objectifs variés (le compagnonnage, l’apprentissage, l’enseignement technique agricole, l’enseignement technique et professionnel, l’enseignement supérieur, l’insertion de publics en « difficulté »).

Les différents dispositifs formatifs jouent ainsi un rôle socialisant, ils traduisent des modes de relations à autrui qui valorisent un type de normalisation entre des valeurs universelles d’une profession et leur transmission auprès d’individus désireux d’exercer une activité définie dans des zones d’autonomie. Les dispositifs, quelles que soient leur nature et leur construction, répondent à ces exigences sociales. La continuité et la transformation de ces dispositifs au cours du temps, leur disparition, voire leur courte existence, apparaissent comme des éléments médiateurs entre des modèles professionnels historiques et des individus inscrits dans des trajectoires sociales et personnelles hétérogènes.

3.2.1. Visées des programmes IP

L’analyse des documents des programmes met en évidence diverses finalités. Nous les avons regroupées selon six catégories : informations administratives et syndicales, développement de l’identité professionnelle, soutien aux pratiques didactico-pédagogiques, gestion des affects, intégration à l’équipe-école et développement de carrière. D’emblée, soulignons qu’aucun programme d’insertion analysé ne présente une finalité évaluative, ce qui répond à l’une des conditions pour un programme IP efficace. Par contre, même si les écrits soulignent la multidimentionnalité de l’insertion professionnelle et la diversité des situations rencontrées par les nouvelles recrues (Mukamurera, 2011b; Perret, 2007), nous constatons qu’un seul programme parmi ceux analysés rejoint les cinq finalités identifiées et qu’il y a même un programme qui touche seulement une finalité. Le tableau 1 présente le portrait des visées qui sont ressorties de l’analyse des programmes IP.

Tableau 1

Visée des programmes IP

Visée des programmes IP

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Il ressort du tableau 1 que l’objectif de soutien aux pratiques didactico-pédagogiques est le plus important, car commun à l’ensemble des 19 programmes IP analysés. En effet, dans le cadre de leurs objectifs, tous les programmes analysés visent à développer les compétences professionnelles des débutants et à améliorer leur pratique enseignante. Il est question alors des mesures telles que le mentorat, l’observation en classe, les ateliers de formation sur un aspect particulier de la pratique comme la gestion de classe, etc.

Le deuxième en importance est le développement de l’identité professionnelle (63 %), qui apparaît dans douze programmes analysés. Plus précisément, il est question par exemple de viser la connaissance de soi comme enseignant, de se construire une image positive de soi et de développer un sentiment d’appartenance à la profession.

Viennent ensuite en troisième position, l’objectif d’« informations administratives ou syndicales » (42 %) et celui d’« intégration à l’équipe-école » (42 %). En lien avec la l’objectif d’information, il est question de fournir aux débutants l’information utile dont ils ont besoin pour leur entrée dans la carrière et l’acculturation au milieu scolaire d’accueil : fonctionnement de la commission scolaire et du syndicat, les services offerts, les droits et les obligations, etc. Quant à l’objectif d’intégration, elle s’effectue surtout par le biais de rencontres d’accueil, de travail en équipe-école ou d’accompagnement/mentorat. Un programme évoque les activités sociales mais n’en dit pas plus.

Enfin, les objectifs de développement de carrière et de gestion des affects sont les moins populaires, car ils ne sont présents que dans moins d’un tiers des programmes d’insertion à l’étude. Dans le premier cas (développement de carrière), il s’agit d’amener l’enseignant à réfléchir sur son avenir dans la profession et à favoriser la persévérance et la rétention du personnel. Dans le deuxième cas (gestion des affects), les programmes concernés évoquent l’aide à la gestion du stress et des inquiétudes, par exemple au moyen d’atelier ou d’accompagnement.

Comme on peut le constater, la principale finalité des programmes IP est la maîtrise pratique du métier et plus particulièrement l’amélioration de la pratique pédagogique. Cette finalité est louable en soi compte tenu du sentiment d’incompétence souvent ressenti en début de carrière (Martineau & Corriveau, 2000; Mukamurera, 2011b), mais il ne faut pas pour autant perdre de vue la multidimensionnalité et l’interdépendance des autres facettes de l’insertion. À cet égard, il nous faut souligner qu’autant l’apprentissage du métier que la croissance personnelle, l’accès au poste, la qualité des tâches attribuées, l’acculturation au milieu, l’intégration à l’équipe-école et la reconnaissance sociale et professionnelle constituent des enjeux majeurs lors de l’insertion professionnelle (Cambier et al., 2010; Kluckhohn, 1951, cité par Cambier et al., 2010; Mukamurera, 2011b ). Par conséquent, on peut dire qu’il y a encore place à l’amélioration dans certains programmes pour mieux répondre aux divers besoins des enseignants débutants.

3.2.2. Les conceptions de l’insertion inhérentes aux programmes IP

Dans la majorité des cas, les conceptions de l’insertion ne sont pas mentionnées dans les documents explicatifs des différents programmes. Néanmoins, ces conceptions ressortent de manière implicite lorsqu’on examine les outils employés et les objectifs visés.

Globalement, il y a une correspondance entre les visées des programmes présentées ci-haut et les conceptions de l’insertion professionnelle véhiculées dans lesdits programmes. Plus précisément, dans les 19 programmes considérés, l’insertion est perçue comme une période d’apprentissage du métier d’enseignant, période durant laquelle le débutant doit développer ses compétences professionnelles et améliorer sa pratique éducative. Cette conception prend donc le dessus sur les autres dimensions de l’insertion professionnelle, lesquelles apparaissent seulement dans moins de la moitié des programmes analysés. Ces autres dimensions ou conceptions moins fréquentes sont respectivement l’insertion comme une période de connaissance de soi (47 %), l’insertion comme une période d’adaptation et d’intégration au milieu scolaire (42 %) et enfin l’insertion comme une période d’intégration en emploi et de familiarisation avec les rouages du système (37 %). En somme, on constate que c’est la dimension de développement des savoirs et des compétences pédagogiques (apprentissage du métier) qui est souvent mise de l’avant dans les programmes d’insertion.

3.2.3 Mesures d’insertion proposées par les programmes IP

Le tableau 2 présente le portrait des mesures d’insertion recensées dans les programmes d’insertion professionnelle des commissions scolaires.

Tableau 2

Mesure d’insertion des porgrammes IP

Mesure d’insertion des porgrammes IP

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Tout d’abord, il ressort de notre analyse que les mesures employées dans le cadre des programmes d’insertion sont diversifiées et que la plupart des programmes allient plusieurs mesures complémentaires, ce qui constitue en principe une condition gagnante pour l’efficacité de ces derniers.

Parmi les mesures recensées, celle la plus fréquemment rencontrée est le mentorat (89 %), c’est-à-dire l’accompagnement de l’enseignant débutant par un enseignant expérimenté ou, dans certains cas, par un conseiller pédagogique. Les modalités d’application du mentorat diffèrent toutefois d’un programme à l’autre. Certains programmes prévoient un encadrement plus strict (rencontre de formation au départ, rencontre de bilan à la fin, supervision des dyades par la direction, etc.), alors que d’autres programmes laissent davantage de liberté à l’enseignant débutant en lui permettant de choisir le moment, le lieu et la fréquence des rencontres avec son mentor.

Les ateliers de formation sont également très populaires (63 %) et la plupart rejoignent la conception de l’insertion que l’on retrouve le plus souvent, à savoir l’insertion en tant qu’apprentissage du métier d’enseignant. À cet égard, la gestion de classe apparaît un thème rassembleur, très fréquent donc et présent dans presque tous les programmes qui offrent de la formation. D’autres thèmes privilégiés, mais dans une moindre importance (car évoqués dans trois programmes et moins) sont les rencontres de parents (3), l’évaluation des apprentissages (3), la gestion de soi ou la gestion du stress (3), la différenciation pédagogique (2), le travail en ateliers (1), la communication relationnelle (1), les stratégies de lecture (1), les plans d’intervention (1) et les TIC (1).

L’octroi d’une trousse d’accueil apparaît aussi une mesure fréquente, car elle est offerte dans un peu plus de la moitié des programmes d’insertion (53 %). Il s’agit d’un document offert en début d’année aux nouvelles recrues et comprenant diverses informations sur la commission scolaire, les services offerts et l’établissement d’enseignement

Les autres mesures qui apparaissent relativement importantes, mais dans une moindre mesure que les trois précédentes, sont la désignation d’une personne-ressource (47 %), la création d’un groupe de discussion (37 %), la création d’un groupe de soutien en ligne (37 %) et l’offre d’information sur les ressources documentaires pertinentes (37 %). Ces mesures rejoignent tout de même un peu plus d’un tiers des programmes IP, contrairement aux autres mesures qui apparaissent à la queue de liste dans le tableau 2 ci-haut présenté.

Par ailleurs, bien que présentes dans les écrits comme mesures d’insertion utilisées ailleurs, la réduction de la tâche et l’assistance directe de professeurs universitaires aux débutants sont absentes dans les programmes analysés. En contre partie, la majorité des programmes (57,8 %) offrent des libérations de tâche ou du temps payé pour participer à certaines mesures d’insertion. De plus, dans deux commissions scolaires, les professeurs universitaires en formation à l’enseignement sont impliqués dans le processus mentoral (préparer les mentors, rencontre-bilan avec la dyade) et le nombre devrait augmenter progressivement à la suite de la récente ouverture par le MELS de subventions aux universitaires dans le cadre du programme de soutien à la formation continue du personnel scolaire (chantier 7).

3.2.4 Critères de sélection des intervenants

La multiplicité et la nature même de mesures de soutien proposées dans les programmes d’insertion soulèvent la question des critères de sélection des intervenants, facteur considéré important pour l’efficacité d’un programme ou dispositif de soutien (Cambier et al., 2010). Tout d’abord, soulignons que ce sont généralement des enseignants d’expérience et des conseillers pédagogiques qui assurent le soutien ou l’accompagnement aux enseignants novices. Dans de rares cas, la direction d’école ou un membre du personnel des ressources éducatives est impliqué. C’est dans le cas où la supervision pédagogique et professionnelle est ciblée comme mesure d’aide à l’insertion. Ensuite, l’expérience d’enseignement est le critère majeur qui traverse l’ensemble des programmes, particulièrement pour le mentorat. C’est souvent cinq à dix ans d’expérience demandés selon les programmes. Certains programmes vont plus loin que le seul critère d’expérience d’enseignement. Ainsi, huit des 19 programmes analysés considèrent des critères liés aux qualités personnelles, interpersonnelles (communication, écoute et empathie, rétroaction constructive, etc.) et professionnelles (habileté en gestion de classe, habileté en résolution de problème, dynamisme pédagogique, etc.). Un autre programme utilise un critère lié à la formation et/ou l’expérience en accompagnement pour choisir les mentors. Plus concrètement, les mentors doivent avoir déjà accueilli un stagiaire et avoir suivi la formation de base pour devenir enseignant associé. Malgré que la formation préalable en accompagnement nest pas requise pour devenir mentor, nous constatons en même temps que seulement six des 19 programmes analysés prévoient une formation des mentors recrutés. Cette formation ne semble pas encore bien spécifique et développée, elle se limite aux rencontres collectives d’échange entre mentors et à des ateliers de formation/information sur le rôle du mentor ou de l’accompagnateur et les outils pour faciliter l’accompagnement. Comme on peut le voir, les critères de sélection et la formation des intervenants sont encore des points à renforcer dans plusieurs programmes.

En conclusion, sur la présentation des programmes IP, rappelons que celle-ci est un portrait sans doute partiel bien qu’instructif, car elle repose seulement sur une analyse de contenu documentaire. Elle ne tient donc pas encore compte du déploiement effectif (mise en oeuvre) de ces programmes ni de l’appréciation des acteurs impliqués. Les écrits offrent toutefois des informations pertinentes sur certains dispositifs de soutien qui correspondent à certaines mesures d’insertion proposées dans les programmes IP analysés. Nous proposons donc de faire un tour d’horizon de certains de ces dispositifs de soutien à la lumière des recherches sur le sujet.

3.3 Analyse des dispositifs de soutien à l’insertion professionnelle

Les trois dispositifs importants ciblés pour une documentation plus approfondie sont le mentorat, le groupe de soutien à l’insertion professionnelle et le réseau d’entraide à distance. Chacun de ces dispositifs sera analysé au plan de ses fondements et de ses caractéristiques ainsi qu’au plan des apports et des limites.

3.3.1 Le mentorat

Comme notre analyse documentaire des programmes IP le confirme, un des dispositifs d’aide à l’insertion professionnelle de plus en plus utilisé au Québec est le mentorat, parfois également appelé tutorat, accompagnement, parrainage, coaching ou jumelage avec un enseignant d’expérience (ce dernier pouvant également être nommé mentor, enseignant chevronné ou personne-ressource, selon les dispositifs d’insertion).

Bien que dans le milieu scolaire ces vocables sont souvent utilisés comme des synonymes, Houde (2010) établit une distinction entre le mentorat et certains autres modes d’accompagnement tels que le coaching ou le parrainage. Ainsi, le mentorat diffère du coaching, en ce sens que le mentorat vise à la fois le savoir, le savoir-faire et le savoir-être, alors que le coaching s’attarde surtout sur le développement du savoir-faire. En outre, le mentorat vise à la fois l’apprentissage et la croissance alors que le coaching est seulement axé sur l’apprentissage. Enfin, le coaching vise la performance, alors que le mentorat mise sur l’actualisation de soi et le développement des compétences. De même, le mentorat diffère du parrainage puisque le parrain accueille et guide le débutant, mais qu’il ne lui sert pas de modèle ni ne lui offre de défis comme c’est le cas pour le mentor. Par ailleurs, le terme « accompagnement », parfois utilisé pour désigner le mentorat, a une définition plus large et désigne toutes les formes d’accompagnement (coaching, parrainage, mentorat, etc.). Enfin, les autres termes employés dans la littérature scientifique (soit les termes jumelage avec un enseignant d’expérience ou tutorat) font directement référence au mentorat.

Définition du mentorat, fondements et principales caractéristiques

Dans la mythologie grecque, Mentor était un ami d’Ulysse. Ce dernier avait confié à Mentor l’éducation de son fils Télémaque, au moment de partir pour sa grande odyssée. Durant son voyage, la déesse Athéna apparut à Ulysse en songe, sous l’apparence de Mentor afin de lui prodiguer conseils et protection. Dès lors, le terme mentor a été associé à l’idée de guide, de maître, de conseiller, voire parfois de sage. Il faudra toutefois attendre les années 1980 avant que le terme mentorat ne soit employé couramment dans les milieux francophones (Houde, 2010).

Le mentorat est une forme d’accompagnement et de formation en milieu de travail qui ici est centrée sur l’enseignant débutant et met l’accent sur sa pratique professionnelle. Plus précisément, le mentorat consiste à jumeler un enseignant débutant (également nommé mentoré, enseignant novice ou enseignant en insertion ) avec un mentor, dans le cadre d’une relation d’aide à la fois personnelle et professionnelle. Le mentor peut être un enseignant d’expérience, un conseiller pédagogique, un membre du personnel de la commission scolaire ou tout autre personne-ressource ayant une expérience jugée pertinente afin d’offrir son soutien à un enseignant débutant (Gold, 1996).

Depuis quelques années, le mentorat gagne de plus en plus en popularité, ce que Houde (2010) explique par le besoin qu’ont les enseignants débutants d’évoluer dans des environnements interpersonnels enrichissants, permettant à la fois la conservation de la culture institutionnelle de même que son renouvellement. Ainsi, dans une société de plus en plus marquée par la surabondance d’informations et l’individualisme, le mentorat contribue à la formation de liens sociaux, à la création d’un sentiment d’appartenance avec le milieu ainsi qu’à l’appropriation individuelle des informations nécessaires pour bien fonctionner dans tel ou tel milieu.

Martineau, Portelance & Presseau (2010) révèlent que la définition du mentorat diffère selon les écrits; le mentorat pouvant être défini soit comme un processus d’accompagnement (Barrette, 2000; Bédard, 2000; MEQ, 1996), un processus d’enseignement (Angelle, 2002; Feiman-Nemser, 2003) ou un processus d’interaction et un processus relationnel (Latour, 1994; Weva, 1999). Ainsi, le mentorat offre soutien et assistance au novice (processus d’accompagnement), il peut viser une fonction éducative (processus d’enseignement) ou être basé sur l’importance de la relation entre mentor et mentoré (processus d’interaction et processus relationnel).

Plus précisément, la relation mentorale se définit comme une relation interpersonnelle de soutien, d’échanges et d’apprentissage, relation où une personne d’expérience investit son expertise dans le but de favoriser le développement d’une autre personne moins expérimentée qui a des objectifs professionnels à atteindre (voir le site de l’organisme mentorat Québec voué à la promotion du mentorat dans toutes les professions : http://www.mentoratquebec.org/).

Le mentor est « une personne d’expérience qui fournit volontairement une aide personnelle et à caractère confidentiel à une personne moins expérimentée, à titre de guide, de conseiller et de modèle, et qui partage avec celle-ci son vécu, son expertise et sa vision» (Cuerrier, 2001). Houde (2010) identifie différentes figures symboliques reliées au rôle de mentor. Tout d’abord, le mentor agit à titre de passeur, en ce sens qu’il agit pour révéler la personne à elle-même, qu’il intervient dans son processus de développement. Le mentor est également une figure d’identification, à laquelle se réfère le mentoré quant à son développement identitaire, ainsi qu’une figure de transition, puisque la relation mentorale est temporaire et non permanente (Allen, 2007). Le mentor agit comme un partenaire transitionnel pour aider le mentoré à traverser certaines étapes de sa vie (dans le cas qui nous intéresse, l’étape de l’insertion professionnelle). En outre, le mentor est une personne «nourrissante», c’est-à-dire qu’il valide, reconnaît et valorise son mentoré dans ce qu’il est et ce qu’il devient. Enfin, le mentor est une personne significative dans la vie du mentoré, qui aura un impact sur son développement.

Généralement, le mentor est parvenu au mitan de sa vie, c’est-à-dire qu’il a acquis la maturité et l’expérience nécessaire pour guider, conseiller et soutenir autrui, ce qui se produit le plus souvent entre 40 à 65 ans (Houde, 2010). Idéalement, le mentor et le mentoré se choisiront mutuellement et ce sera le mentoré qui choisira l’aide dont il veut bénéficier. Toutefois, en raison de contraintes organisationnelles, dans la plupart des programmes de mentorat, le mentor est jumelé au novice de façon plus ou moins arbitraire, en se basant sur différents critères de sélection et de jumelage.

Dans le cadre du mentorat, le mentor vise à aider l’enseignant débutant à développer ses compétences professionnelles et sa pratique réflexive. Il tente également de soutenir, d’encourager et d’apporter une écoute active au mentoré. Le mentor lui fournit les informations et les ressources dont il a besoin pour poursuivre son développement professionnel. Kram (1985; 2007) identifie deux types de fonctions majeures au mentorat : les fonctions de carrière et les fonctions psychosociales. Les fonctions de carrière incluent : enseigner au mentoré à devenir efficace dans son emploi, lui suggérer des stratégies pour atteindre ses objectifs professionnels, améliorer la visibilité du mentoré au sein de l’organisation, lui proposer des défis et l’informer quant à la culture de l’institution. Les fonctions psychosociales incluent : servir de modèle quant aux attitudes, valeurs et comportements à promouvoir, aider le mentoré à s’intégrer et se faire accepter au sein de l’organisation, lui offrir des occasions de s’exprimer et d’échanger quant à ses difficultés professionnelles et confirmer l’identité du mentoré en tant que membre de l’organisation.

Cohen (1995) établit pour sa part six différentes fonctions pour les mentors. Tout d’abord, les mentors ont une fonction relationnelle en ce sens qu’ils doivent écouter activement le mentoré, lui témoigner de l’empathie et l’aider à assumer ses choix professionnels. Ensuite, ils remplissent une fonction informationnelle en offrant au novice informations, conseils et suggestions ainsi qu’une fonction de facilitation en guidant les mentorés quant à la découverte de leurs intérêts, compétences, valeurs et croyances professionnelles. Puis, ils ont une fonction de confrontation constructive afin de pousser le débutant à réfléchir quant à ses façons de faire et de lui proposer de nouveaux défis. Ils ont également une fonction de modelage, c’est-à-dire qu’ils servent de modèle au mentoré. Finalement, ils exercent une fonction centrée sur la vision du mentoré et sur la poursuite de son rêve. Cette dernière fonction amène le mentor à stimuler la capacité autocritique du mentoré au regard de la vision qu’il entretient sur son avenir et sur le développement de son potentiel. Ainsi, le mentor aide à révéler le mentoré à lui-même et le soutien dans l’implantation de son rêve professionnel.

L’examen des écrits précédents permet de voir que théoriquement le mentor joue plusieurs rôles les uns aussi importants que les autres dans la mesure où l’insertion professionnelle comporte plusieurs facettes en interrelations (Mukamurera, 2011b). À cet égard, se basant sur les écrits à ce sujet, Vallerand & Martineau (2006) identifient six grands rôles à assumer par le mentor soit : accueillir; aider, guider, soutenir et conseiller les mentorés; leur offrir du soutien pédagogique; leur offrir du soutien psychologique; servir de modèles pour les mentorés et rendre la culture institutionnelle explicite.

La relation mentorale varie grandement d’une dyade mentor-mentoré à une autre. Ainsi, Clutterbuck (2007) identifie deux dimensions critiques au mentorat qui vont venir influencer la relation entre mentor et mentoré : le niveau de directivité du mentor, c’est-à-dire l’influence et l’autorité du mentor sur le mentoré et l’approche directive ou non directive qu’il adopte, et les besoins du mentoré, qui peuvent se situer soit intellectuellement, soit émotionnellement ou entre les deux. Ces dimensions critiques démontrent que mentor et mentoré ont tous deux une influence sur la manière dont la relation mentorale se développe au sein de la dyade.

L’organisation du mentorat diffère également d’une école à l’autre et d’une commission scolaire à l’autre. Peoples (2004) identifie différents types de relations mentorales selon les programmes. Ainsi, dans certains programmes de mentorat, le mentor accompagne un seul enseignant (mentorat un pour un), alors que dans d’autres programmes, un même mentor peut être attitré à deux ou plusieurs débutants à la fois (mentorat un pour deux ou de groupe). À l’inverse, un mentoré peut avoir deux ou plusieurs mentors (mentorat deux pour un ou groupes de mentors qui accompagnent plusieurs mentorés selon les besoins de chacun). Le mentorat peut également s’effectuer en équipe (une équipe de mentors jumelée à une équipe de mentorés), en ligne (cybermentorat) ou sous forme de trimentorat (le mentoré d’une dyade devenant à son tour mentor dans une autre dyade). En outre, la relation mentorale peut avoir un caractère formel, c’est-à-dire être structurée et contrôlée par le biais d’un programme de mentorat, ou un caractère informel, lorsque la relation mentorale naît spontanément, sans l’apport d’un programme formel (Peoples, 2004).

À l’intérieur d’un programme formel, des rencontres sont prévues sous différentes formes et à des moments stratégiques afin de concrétiser l’organisation du mentorat. Notons déjà ici que le mentorat s’accompagne souvent de rencontres collectives entre tous les mentors et les mentorés afin de présenter et expliquer le programme en début d’année, d’assurer un suivi en cours d’année et de dresser un bilan en fin d’année. Toutefois, il faut préciser que, dans plusieurs programmes que nous avons analysés et où une mesure d’accompagnement ou de mentorat est offerte, le nombre et la fréquence des rencontres entre l’enseignant débutant et son mentor ne sont pas fixés à l’avance mais sont plutôt laissés à la discrétion de la dyade.

Avantages du mentorat

Bien employé, le mentorat a une grande valeur formatrice auprès des enseignants novices. Il permet à ces derniers de mieux s’outiller afin d’accomplir plus efficacement leur rôle auprès des élèves et de développer leurs compétences professionnelles en tant qu’enseignants, notamment en ce qui concerne la gestion de classe et la pédagogie. Grâce au mentorat, les novices peuvent augmenter leur répertoire de stratégies pédagogiques, améliorer leurs habiletés en gestion de classe et apprendre à gérer de manière plus efficace les problèmes de comportement (Bateman, 2001; Andrews & Martin, 2003). Ils peuvent également développer leur habileté quant à la pratique réflexive, augmenter leur capacité à résoudre les problèmes rencontrés et améliorer leurs aptitudes quant à la communication professionnelle avec leurs pairs. Par voie de conséquence, en favorisant le développement de l’expertise pédagogique et professionnelle, le mentorat contribue à la réussite des élèves confiés au novice (Martineau, Portelance & Presseau, 2010) et crée une plus grande satisfaction au travail chez ce dernier (Andrews & Martin, 2003).

De même, lorsqu’il est bien employé, le mentorat peut aider à la construction de l’identité professionnelle du novice, en lui permettant de développer son assurance quant à ses compétences pédagogiques, de devenir de plus en plus autonome professionnellement et de prendre davantage d’initiatives (Martineau, Portelance & Presseau, 2010).

Par ailleurs, puisque le débutant a accès, par l’entremise de son mentor, à différentes informations concernant le fonctionnement de l’école, les valeurs éducatives prônées et la culture du milieu, le mentorat facilite l’insertion et l’intégration au sein de l’école et du milieu scolaire. Par le soutien et l’accompagnement apportés, la relation mentorale contribue également à réduire le sentiment d’isolement professionnel (Bateman, 2001) et à diminuer le stress, l’anxiété et les frustrations vécues par les débutants. De même, il favorise la rétention des enseignants novices et réduit le risque de décrochage professionnel (Andrews & Martin, 2003).

Enfin, il faut noter que le mentorat n’a pas uniquement des retombées positives pour les enseignants en insertion professionnelle, mais également pour les mentors qui les accompagnent. En effet, le rôle de mentor peut être très valorisant et gratifiant puisqu’il permet à l’enseignant d’expérience, ou à la personne-ressource agissant à titre de mentor, d’être reconnu en tant qu’expert, de partager les connaissances acquises au fil des années et de faire profiter un nouvel enseignant de ses compétences. En outre, le mentor peut également faire des apprentissages au contact de son mentoré et il peut bénéficier du dynamisme et de l’enthousiasme généralement retrouvés chez les enseignants en début de carrière. Ainsi, Lankau & Scandura (2002) (cité par Houde, 2010, en référence à Allen, 2007) identifient deux types d’apprentissage réalisés par le mentor lors du mentorat : les apprentissages reliés au travail et les apprentissages reliés au développement des compétences relationnelles. Houde (2010) note également que les mentors effectuent des apprentissages en ce qui concerne le Self, c’est-à-dire leur identité, leur capacité d’adaptation et leur socialisation professionnelle et organisationnelle.

Limites du mentorat

Les mentors ne sont pas toujours bien outillés pour accompagner les enseignants novices. Une mauvaise compréhension de leur rôle et de leurs responsabilités envers l’enseignant débutant peut nuire à la qualité du mentorat. De même, si le mentor et son mentoré sont mal jumelés ou ont des conceptions éducatives et des perceptions très divergentes, cela peut nuire à la bonne entente et à la communication entre les deux (Martineau, Portelance & Presseau, 2010). Par ailleurs, si les disponibilités des deux membres ne sont pas compatibles, il sera difficile d’effectuer des rencontres de mentorat régulières.

Le mentorat peut engendrer un risque de conformisme, lorsque l’enseignant débutant tente de copier les façons de faire de son mentor sans prendre en compte sa propre personnalité enseignante et sa propre pratique professionnelle. Ce risque est également présent en situation de stage, avec un enseignant associé. En ce sens, le mentorat peut alors nuire à la pratique réflexive, à l’innovation et au développement de la personnalité professionnelle du novice puisque, même si le mentor est un excellent enseignant, l’imiter simplement sans chercher à personnaliser ses façons de faire ne permettra pas au novice de développer son autonomie professionnelle (Martineau & Portelance, 2005) Afin de contrer cette limite, le mentor doit favoriser l’autoquestionnement, la pratique réflexive et l’innovation chez le mentoré. En outre, Martineau & Vallerand (2007, p.10) ajoutent que « le mentor doit également éviter de proposer des solutions toutes faites au novice, mais plutôt le guider dans la recherche de solutions personnelles ».

Nous avons constaté, pour les programmes étudiés dans notre recherche, que la participation à un programme ou dispositif d’insertion est laissé au libre choix des novices. On peut dès lors se demander si un programme mentoral obligatoire et imposé aux enseignants débutants peut être nuisible et s’il est plus profitable de proposer une aide à laquelle les enseignants débutants peuvent faire appel librement. L’analyse des données d’enquête permettra d’en savoir plus.

Par ailleurs, bien que les programmes IP analysés ne comportent aucune visée évaluative, les écrits montrent que, dans certains programmes de mentorat, le mentor a un rôle d’évaluation auprès de l’enseignant novice. Ce rôle entre en contradiction avec le rôle de soutien et d’accompagnement et nuit donc à l’efficacité du mentorat. Il est alors préférable de dissocier l’évaluation et le mentorat (Baillauquès & Breuse, 1993), ce qui veut dire que les programmes IP des commissions scolaires québécoises sont dans la bonne direction.

Enfin, il est essentiel que mentor et mentoré sachent conserver la bonne distance quant à leur relation. En effet, il est préférable d’éviter le copinage, qui pourrait nuire à la fonction de guide et de conseiller du mentor et l’empêcher de poser un regard juste sur les forces et faiblesses de son mentoré (Laurencis, 2010). De même, le mentor doit éviter de se poser en sauveur de son mentoré ou de vouloir tout faire à sa place, car alors « on peut glisser très vite vers un contrôle même inconscient qui va créer, chez le mentoré, un lien de dépendance, voire de soumission » (Laurencis, 2010, p.18). En somme, le succès du mentorat n’est pas d’emblée garanti, il repose sur un ensemble de conditions d’implantation, ce à quoi les gestionnaires et intervenants doivent penser rigoureusement.

3.3.2 Les groupes collectifs de soutien à l’insertion professionnelle

L’utilisation des termes « groupe », « communauté » ou « réseau » s’effectue souvent de manière indistincte, selon la préférence de chaque culture organisationnelle (Langelier, 2005). Dans ce texte, nous avons choisi d’utiliser le terme « groupe » pour désigner les regroupements d’enseignants débutants et le terme « réseaux » pour désigner les groupes d’entraide électronique, puisque ce vocable est plus souvent utilisé lorsqu’on fait référence aux technologies. Le terme « groupe collectif de soutien à l’insertion professionnelle » a été choisi comme terme englobant pour désigner tous les types de groupes d’entraide professionnelle qui peuvent être offerts aux enseignants en insertion.[5] Ainsi, le groupe collectif de soutien à l’insertion professionnelle peut être nommé différemment selon les écrits et selon les objectifs spécifiques poursuivis par le groupe : groupe de codéveloppement professionnel (Payette & Champagne, 1997), communauté de pratique (Langelier, 2005), groupe de discussion (Martineau & Simard, 2001), groupe d’analyse de pratique professionnelle (Donnay & Charlier, 2006; Robo, 2002), etc. Suivant les considérations précédentes, le groupe collectif de soutien est un dispositif qui regroupe deux des mesures d’insertion identifiées dans les programmes d’insertion que nous avons analysés, soit le groupe de discussion et la cohorte de développement professionnel. Le groupe de discussion en ligne sera traité plus loin, dans la catégorie « réseaux d’entraide professionnelle en ligne ».

Définition des groupes collectifs de soutien, fondements et principales caractéristiques

Payette & Champagne (1997, p.5) emploient l’appellation « groupe de codéveloppement professionnel » et le définissent comme étant « une approche de formation qui mise sur le groupe et sur les interactions entre les participants pour favoriser l’atteinte de l’objectif fondamental : améliorer la pratique professionnelle». Pour sa part, Langelier (2005), à l’instar de Wenger, McDermott &Snyder (2002), traite plutôt de « communauté de pratique » définie comme étant un groupe de personnes se rassemblant pour partager et apprendre mutuellement.

Martineau & Simard (2001) décrivent plus spécifiquement le « groupe de discussion » qui constitue une activité d’apprentissage caractérisée par un échange dialogué entre les apprenants, sous la supervision d’un formateur. Enfin, Donnay & Charlier (2006) traitent du « groupe d’analyse de pratique professionnelle » par le biais de la notion de compagnonnage réflexif; le compagnonnage étant défini comme une relation de partenariat où chacun apporte sa contribution au partage du savoir.

Les groupes collectifs de soutien offrent une possibilité de rencontre pour les enseignants débutants, qui peuvent alors discuter entre eux et créer des liens. Ces groupes peuvent être classés en deux principaux types, quoique certains groupes puissent posséder des composantes des deux types : les groupes principalement axés sur la discussion et les groupes principalement axés sur l’analyse réflexive.

Comme leur nom l’indique, les groupes axés sur la discussion permettent aux enseignants novices de discuterde différents sujets, des préoccupations et expériences liées à leur vécu en tant qu’enseignants débutants. Ces groupes peuvent être organisés autour de thématiques précises et structurées, être articulés en fonction des besoins ponctuels des enseignants participants ou encore offrir une occasion de discussion totalement libre. Dans certaines commissions scolaires, de tels groupes de discussion sont organisés sous formes de Cafés pédagogiques.

Lorsque des thématiques précises sont ciblées, les thèmes les plus fréquemment rencontrés lors des groupes de discussions sont : la gestion de classe, les rencontres de parents, l’évaluation, la rentrée des élèves, le portfolio et les problèmes rencontrés dans la pratique quotidienne (Martineau & Vallerand, 2007). Cela correspond en bonne partie aux thèmes des ateliers de formation ciblés par les programmes IP analysés.

Les groupes de discussion peuvent regrouper seulement des enseignants débutants ou être animés par une ou plusieurs personnes-ressources (conseiller pédagogique, enseignant d’expérience, enseignant retraité, chercheur universitaire, etc.).

Pour leur part, les groupes axés sur l’analyse réflexive ou groupes d’analyse des pratiques visent à analyser les pratiques enseignantes des débutants, en adoptant une approche réflexive afin de cibler les bons coups réalisés, de cerner les problèmes ou les difficultés rencontrés dans le cadre de leur pratique et de trouver des pistes de solution à appliquer pour la pratique future. Dit autrement, l’objectif du groupe d’analyse est donc de tenter de tirer des apprentissages, à partir de l’objectivation de la pratique professionnelle des enseignants débutants. Les groupes d’analyse réflexive peuvent être animés par des enseignants d’expérience, des conseillers pédagogiques, des membres de la direction et/ou des chercheurs.

Le déroulement des groupes d’analyse des pratiques peut être très variable. Néanmoins, on peut noter que, généralement, chaque rencontre débute par la présentation d’un des membres du groupe, qui relate une situation problématique qu’il a vécue dans sa pratique ou qui explique un projet qu’il souhaite mettre en place au sein de sa classe. Les autres participants expriment ensuite leurs idées et leurs réflexions en lien avec ce qui a été présenté, puis ils posent leurs questions et proposent différentes solutions à essayer. Par la suite, le ou les animateurs peuvent faire état de ce qui est divulgué dans la littérature scientifique en rapport avec le problème analysé. Enfin, pour terminer la séance, les autres enseignants débutants vont tenter d’établir des liens entre la situation présentée au départ et leur propre pratique professionnelle afin de cibler des actions qu’ils peuvent mettre en oeuvre dans leur classe.

Les groupes de discussion et les groupes d’analyse réflexive ont une fréquence variable. Ils sont parfois offerts de façon régulière allant d’une fois par semaine à une fois par mois ou par trimestre ou encore ils sont organisés de façon ponctuelle selon les besoins. Dans certains cas, la présence des participants au groupe de soutien est obligatoire, alors que dans d’autres cas, elle est volontaire, c’est-à-dire que les enseignants débutants sont libres d’y assister ou non.

Finalement, il est à noter que certains groupes de soutien sont également offerts en ligne: groupes de discussion en ligne, groupes de soutien en ligne, forum, etc. Ces dispositifs seront discutés de manière plus approfondie dans la section portant sur les réseaux électroniques d’entraide.

Avantages des groupes collectifs de soutien

Le principal avantage des groupes collectifs de soutien est, justement, leur aspect collectif, en ce sens que l’aide est offerte par un groupe entier plutôt que par une seule personne. Ainsi, l’enseignant débutant bénéficie des commentaires, des réflexions et du soutien de plusieurs de ses pairs, en plus des animateurs présents. Il a donc la possibilité de choisir parmi différents conseils, idées et façons de faire, ceux qui lui conviennent davantage, qui respectent le mieux sa personnalité et qu’il souhaite appliquer concrètement dans sa pratique. Par cette grande liberté de choisir laissée à l’enseignant novice, les groupes collectifs de soutien favorisent l’autonomie professionnelle et le développement de l’identité professionnelle.

De plus, un autre avantage lié à l’aspect collectif de ces groupes est de permettre aux enseignants débutants de créer des liens, ce qui contribue à diminuer le sentiment d’isolement professionnel ressenti par certains enseignants lors de leur insertion dans la profession (Mukamurera, Bourque & Gingras, 2008). Le soutien, les encouragements et les commentaires positifs reçus peuvent également permettre au débutant de se sentir plus confiant et plus compétent en tant qu’enseignant. Enfin, cela peut également avoir une incidence sur le stress professionnel ressenti, puisque, au contact de ses pairs, l’enseignant peut relativiser et dédramatiser les situations difficiles vécues dans le cadre de sa pratique.

Par ailleurs, les groupes d’analyse des pratiques, ainsi que, dans certains cas, les groupes de discussion, favorisent l’objectivation et le développement de la pratique réflexive. En effet, par l’identification des difficultés et problèmes rencontrés et l’examen des solutions possibles, les enseignants débutants sont amenés à réfléchir de manière plus approfondie sur leur vécu professionnel et à développer leur aptitude à autoanalyse et au questionnement.

Limites des groupes collectifs de soutien

Certains enseignants débutants peuvent percevoir les groupes collectifs de soutien comme une surcharge de travail, en particulier s’ils sont obligatoires et offerts après les heures de classe. En ce sens, il est préférable de rendre la participation volontaire ou encore d’offrir les groupes collectifs de soutien lors des heures de classe afin que les enseignants débutants soient plus enclins à y participer.

Par ailleurs, les groupes collectifs de soutien peuvent moins bien convenir à certaines personnalités. Par exemple, un enseignant plutôt timide et réservé pourrait ne pas être à l’aise de discuter de ses problèmes et de ses difficultés devant un groupe. Dans ce cas, d’autres types de soutien plus individualisés, par exemple le mentorat ou l’assistance par une personne-ressource ou encore le réseau d’entraide en ligne, pourraient mieux convenir.

Enfin, en ce qui concerne les groupes d’analyse des pratiques, leur efficacité peut être grandement réduite si la démarche d’analyse réflexive est mal appliquée ou peu rigoureuse, ou encore si l’animateur ne parvient pas à établir un climat de respect et de confiance au sein du groupe.

3.3.3 Les réseaux d’entraide professionnelle à distance

Avec la présence grandissante des TIC et plus particulièrement d’Internet au sein des milieux professionnels, il n’est pas étonnant de constater que certains dispositifs de soutien à l’insertion professionnelle soient offerts par le Web. En effet, grâce aux avancées technologiques récentes, les réseaux d’entraide professionnelle à distance sont de plus en plus populaires afin d’apporter du soutien aux novices de différentes professions. Rappelons que dans les programmes IP des commissions scolaires québécoises que nous avons analysés, 36,8 % d’entre eux recourent au groupe de discussion en ligne et que deux autres (10,5 %) offrent le cybermentorat.

Définition des réseaux d’entraide à distance, fondements et principales caractéristiques

Dans le contexte de l’entrée en enseignement, le peu de temps dont disposent les enseignants favorise la multiplication des réseaux d’entraide professionnelle à distance. Ces réseaux ont pour point commun l’utilisation des TIC et d’Internet dans une optique d’aide aux enseignants novices. Ils sont devenus des environnements interactifs basés sur la coopération et la collaboration, qui favorisent le développement professionnel par les collègues (Deaudelin & Nault, 2003; Nault & Nault, 2003). Les réseaux d’entraide professionnelle à distance utilisent divers outils de communication par ordinateur, entre autres, le courrier électronique, les portails d’informations pour les enseignants débutants, les dispositifs de mentorat en ligne avec des enseignants d’expérience, des conseillers pédagogiques ou d’autres personnes-ressources et les forums de discussion entre pairs. Examinons plus attentivement certaines de ces mesures.

Tout d’abord, les portails d’informations pour les enseignants débutants, souvent intégrés aux sites Web des commissions scolaires, regroupent plusieurs renseignements pouvant être utiles aux enseignants débutants ou aux enseignants nouvellement arrivés dans une école. Ces informations peuvent porter sur les services offerts au sein de l’école ou de la commission scolaire, le projet éducatif de l’école, le matériel pédagogique disponible, les règlements et valeurs éducatives de l’école ou de la commission scolaire, etc. Le portail peut également offrir des ressources pouvant faciliter le travail des enseignants en insertion professionnelle, notamment des planifications d’activités à réaliser avec les élèves, des documents informatifs sur la gestion de classe ou d’autres thématiques pouvant intéresser les enseignants débutants, des outils d’évaluation déjà préparés, des grilles d’analyse ou d’observation des élèves, des références documentaires à consulter ou des idées de projets à concrétiser.

Pour sa part, le mentorat en ligne, également appelé mentorat virtuel ou cybermentorat, est similaire au mentorat en face à face, en ce sens qu’il a pour objectif d’offrir du soutien à l’enseignant débutant, dans le cadre d’une relation d’assistance entre un mentor et son mentoré. Toutefois, contrairement au mentorat traditionnel, le mentorat virtuel s’effectue au moyen d’un site Web, qui permet à l’enseignant en insertion professionnelle d’avoir accès à un ou plusieurs mentors (Légaré, 2005; Nault, 2004).

Par ailleurs, ce type de mentorat peut être organisé de diverses façons. Parfois, l’enseignant novice a accès à un mentor par le biais d’un échange de courriels ou de messages-textes privés et individualisés; dans d’autres cas, le dispositif de mentorat virtuel est offert dans le cadre d’un groupe de discussion où les enseignants débutants conversent, tout en étant conseillés, guidés et soutenus par un ou plusieurs mentors et enfin, dans d’autres situations de mentorat en ligne, les deux possibilités (mentorat individualisé ou de groupe) sont offertes. Tout comme dans le cas du mentorat en personne, le mentor virtuel peut être un enseignant d’expérience, un conseiller pédagogique ou une autre personne-ressource.

Enfin, les forums de discussions entre pairs sont des sites Web où un groupe d’enseignants (entre 10 et 15 participants) liés à une même pratique de travail peuvent échanger entre eux, discuter des problèmes rencontrés dans leur pratique, trouver des solutions à leurs difficultés et se conseiller mutuellement. Le novice peut alors à la fois recevoir du soutien de ses pairs et en offrir, la relation d’aide étant réciproque. Parfois, des mentors sont également présents sur le site afin d’offrir leurs conseils et d’aider les enseignants à poursuivre leurs réflexions.

Pour terminer, il faut noter que même si plusieurs programmes IP que nous avons analysés ne comportent pas de service de soutien en ligne proprement dit, plusieurs réseaux d’entraide professionnelle sont disponibles sur un même site Web qui regroupe alors portail d’informations, forums de discussion et/ou cybermentorat. C’est le cas du site du CNIPE au Québec (Carrefour national de l’insertion professionnelle en enseignement), qui propose sous une même adresse différentes ressources documentaires, un service de mentorat virtuel, un forum de discussion, un blogue et une personne-ressource pouvant répondre aux interrogations des enseignants débutants.

Avantages des réseaux d’entraide professionnelle à distance

Une des possibilités intéressantes des réseaux d’entraide professionnelle à distance pour les enseignants débutants est, du moins pour certains réseaux, de pouvoir recevoir de l’aide de façon anonyme. En effet, dans plusieurs sites de mentorat ou de discussion, l’enseignant peut ne pas révéler son identité et s’identifier par un pseudonyme, ce qui peut lui permettre de parler en toute confidentialité, sans crainte d’être jugé. En outre, pour les enseignants novices, cela peut être rassurant de confier certains problèmes ou difficultés vécus à des pairs ou à un mentor qui ne les connaissent pas personnellement et qui ne sont pas présents dans leur milieu de travail. Cette relative confidentialité et cet anonymat peuvent les inciter à demander de l’aide, alors qu’ils ne l’auraient peut-être pas fait autrement. En outre, même lorsque les mentors et les pairs des groupes de discussion ne sont pas anonymes, leur éloignement, c’est-à-dire le fait qu’ils ne soient pas présents physiquement, peut encourager les enseignants novices à s’ouvrir davantage afin d’aller chercher le soutien dont ils ont besoin.

Par ailleurs, outre la confidentialité et l’anonymat, les réseaux d’entraide professionnelle en ligne apportent plusieurs autres avantages intéressants. Tout d’abord, ils permettent de lutter contre le stress et l’isolement professionnel, en favorisant la création de liens entre les enseignants débutants et en permettant à ses derniers de partager les difficultés vécues avec leurs pairs ou avec des mentors. De tels réseaux mettent également l’accent sur l’objectivation de la pratique puisque les enseignants débutants sont appelés à décrire différentes situations professionnelles vécues et à les analyser. En ce sens, les réseaux d’entraide professionnelle en ligne peuvent favoriser le développement de la pratique réflexive, en particulier lorsque la réflexion écrite des débutants est guidée par un animateur-mentor (Nault & Nault, 2003; Nault, 2004).

De plus, pourvu que le débutant ait accès à un ordinateur, il peut utiliser les réseaux d’entraide professionnelle à distance en tout temps. Cela peut être facilitant pour le novice, car, contrairement à d’autres dispositifs de soutien, l’emploi des réseaux d’entraide en ligne s’insère n’importe où dans l’horaire de l’enseignant débutant, qui peut même les utiliser de soir, de nuit ou de fin de semaine, selon ses besoins. En ce sens, le recours aux réseaux d’entraide professionnelle à distance n’occasionne généralement pas une grosse surcharge de travail pour les débutants comparativement à d’autres dispositifs de soutien (Nault & Nault, 2003; Nault, 2004).

Dans le même sens, Champagne & Langelier (2008) soulignent que les communautés de pratique en ligne ont l’avantage de permettre un apprentissage 3J, c’est-à-dire juste assez, juste à temps et juste pour soi. Dit autrement, cela signifie que l’utilisation des réseaux professionnels d’entraide à distance, en particulier les forums de discussion ou le mentorat en ligne, permet d’offrir une aide réellement sur mesure à l’enseignant débutant, en ce sens qu’il choisit lui-même le moment qui lui convient le mieux pour communiquer avec autrui ou lire les commentaires reçus, et qu’il a également un pouvoir sur la quantité d’informations dont il souhaite prendre connaissance. Par ailleurs, un des avantages aux réseaux virtuels est la possibilité, pour l’enseignant novice, de recevoir une rétroaction rapide à la fois de la part de collègues débutants ou de personnes-ressources expérimentées (Corriveau, 1999 ; Langelier, 2005).

Enfin, la participation aux réseaux de soutien à distance permet à l’enseignant débutant de développer la compétence professionnelle 11 du référentiel de formation, soit de « s’engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel » (MEQ, 2001). Ainsi, lorsque l’enseignant débutant participe activement au réseau d’entraide, cela lui permet de s’imprégner de la culture professionnelle en place, de s’impliquer quant à la construction d’un répertoire d’actions, de concepts, de procédures, d’outils communs (Wenger, 2005) et ainsi de se développer professionnellement, au contact de ses pairs. Dans un même ordre d’idées, Nault & Nault (2003) révèlent que la participation à une communauté virtuelle, chez les enseignants novices, peut permettre de développer la collégialité et le sentiment d’appartenance à la profession enseignante, deux conditions essentielles pour mettre en place une culture de formation continue au sein des écoles.

Limites des réseaux d’entraide professionnelle à distance

Tel que mentionné plus haut, l’utilisation des réseaux d’entraide en ligne est efficace uniquement si l’enseignant débutant possède le matériel technologique et les connaissances informatiques nécessaires pour y accéder facilement. En ce sens, de tels réseaux peuvent rejoindre plus difficilement certains enseignants débutants. En particulier, les enseignants en situation de suppléance occasionnelle ont un accès plus restreint à ce type de réseaux, puisqu’ils ne reçoivent généralement pas le soutien technologique ni les formations sur les réseaux offerts aux enseignants à contrats ou permanents.

Par ailleurs, bien que la confidentialité et l’éloignement puissent être un avantage dans certains cas, dans d’autres situations, l’enseignant débutant pourrait préférer le côté plus humain et chaleureux d’un contact réel, par exemple dans le cadre d’un groupe de discussion ou d’un mentorat présentiel. Il est également plus facile pour un mentor de décerner les émotions négatives de l’enseignant débutant (tristesse, anxiété, découragement, etc.) et d’aider ce dernier à les surmonter s’il est en contact réel avec le novice plutôt qu’en contact virtuel.

En outre, malgré l’avantage de flexibilité qu’offrent les réseaux d’entraide à distance (étant donné que l’enseignant débutant peut les utiliser en tout temps, peu importe son horaire), la participation au forum de discussion ou au cybermentorat exige tout de même du temps de la part de l’enseignant débutant afin d’écrire, de lire les réponses reçues et de répondre à son tour. En ce sens, un rapport négatif ou problématique à l’écrit ainsi que le temps requis, même s’il est moindre que pour d’autres dispositifs, peut tout de même constituer une limite à l’utilisation des réseaux d’entraide en ligne. Cette considération s’applique aussi au portfolio électronique, mais ce dispositif n’apparaît pas dans les programmes IP québécois que nous avons analysés.

Enfin, si l’animation du réseau d’entraide est déficiente, cela peut constituer une limite importante. En effet, une animation de piètre qualité pourrait entraîner différents désagréments : délai de réponses trop long ou réponses reçues inadéquates, qualité de la réflexion amoindrie, messages peu pertinents, etc. L’animation est donc essentielle pour maintenir la cohésion du groupe, en particulier dans les forums de discussion, et favoriser l’apprentissage de tous (Langelier, 2005).

Conclusion

Au terme de ce parcours, on constate d’abord que les commissions scolaires du Québec – à tout le moins les 19 dont les programmes d’insertion étaient accessibles sur le site du CNIPE au moment de la préparation de ce texte – ont recours à une assez large variété de dispositifs de soutien. Et, le plus populaire est de toute évidence le mentorat. Mais, d’autres dispositifs sont aussi utilisés : ateliers de formation, libération d’enseignement, trousses d’accueil, personne-ressource, groupes de discussion, groupe de soutien en ligne, etc. Par ailleurs, on relève aussi que le soutien aux pratiques pédagogiques et le développement de l’identité professionnelle sont les deux objectifs les plus fréquemment poursuivis par les programmes mis en place.

Ces dispositifs d’insertion ne sont généralement pas offerts seuls et ils s’intègrent la plupart du temps dans un programme d’insertion plus large, regroupant plusieurs dispositifs. On peut faire l’hypothèse – car cela reste à démontrer – que la multiplicité et la variété des dispositifs d’insertion mis à la disposition des enseignants débutants permettent d’augmenter l’efficacité du soutien offert, en raison de leur complémentarité et de la diversité des besoins des enseignants débutants. Les écrits consultés montrent d’ailleurs que chaque dispositif comporte des avantages mais aussi des limites dont il faut prendre en considération.

En somme, les programmes et les dispositifs de soutien à l’insertion professionnelle en enseignement semblent gagner en popularité au Québec ces dernières années – en 2005, moins de dix commissions scolaires s’étaient dotées d’un programme - et cela n’est sans doute pas étranger à l’action de l’équipe du CNIPE. Souhaitons que d’autres commissions scolaires emboîtent le pas aux 19 dont nous avons étudié les programmes afin d’offrir un meilleur accompagnement aux nouveaux enseignants.