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L’introduction de l’ouvrage Regard sur l’identité des jeunes en contexte minoritaire publié aux Presses de l’Université Laval met en contexte les avancées plutôt timides des recherches actuelles dans ce domaine. C’est pour dresser un portrait plus exact de la situation de différents groupes de jeunes en contexte minoritaire que des chercheurs ont réuni leurs travaux, qui tentent de décrire fidèlement la réalité de jeunes issus de minorités linguistiques, ethniques ou religieuses, en allant à leur rencontre.

Outre la présentation qui agit comme une mise en contexte, la conclusion (par Madeleine Gauthier, docteur en sociologie) sert d’ouverture sur la thématique de la transmission dans les groupes minoritaires. L’ouvrage est divisé en trois parties. La première étudie les cas des minorités linguistiques : la minorité anglophone au Québec (par Marie-Odile Magnan, candidate au doctorat au département de sociologie de l’Université Laval) et la minorité francophone au Nouveau-Brunswick (par Annie Pilote, sociologue de l’éducation). La deuxième partie concerne les minorités ethniques : les jeunes Brésiliens d’origine allemande (par Silvio Marcus De Souza Correa, docteur en sociologie), les jeunes Autochtones au Québec (par Camil Girard, docteur en histoire) et les jeunes Métis francophones du Manitoba (par Denis Gagnon, professeur d’anthropologie). La dernière partie s’intéresse aux minorités religieuses : les jeunes Juifs montréalais d’origine marocaine (par Jean-Luc Bédard, anthropologue de formation) et les jeunes Juifs brésiliens (par Anita Brumer, sociologue). De son côté, Patrice Leblanc, détenteur d’un doctorat en sociologie, s’est penché plus particulièrement sur la migration interne des jeunes Québécois.

Les auteurs s’intéressent tous à des thématiques qui concernent des jeunes qui se retrouvent en minorité soit identitaire, ethnique ou religieuse dans des pays tels que le Canada (Québec, Nouveau-Brunswick, Manitoba) et le Brésil. Étant dans une situation réellement ambivalente, ces jeunes « sont à la fois établis et étrangers dans leur pays, et ce, malgré la reconnaissance institutionnelle juridique et symbolique qui leur est parfois accordée » (4). Il y a donc pour eux un attachement identitaire tourné vers la mondialisation (groupe majoritaire), ainsi qu’une identité communautaire qui, elle, est rattachée au groupe minoritaire (par exemple une communauté de Brésiliens d’origine allemande). La description de ce double attachement est fort pertinente puisqu’il s’agit d’une thématique rarement étudiée dans ce contexte.

De plus, les auteurs décrivent la base de l’identité des jeunes dans leur contexte. Cette identité peut prendre assise sur l’histoire, la langue ou la communauté du groupe minoritaire auquel appartiennent les jeunes. Un des points forts de l’ouvrage réside dans le fait que pour chaque groupe ethnique, linguistique ou religieux, les auteurs expliquent les principaux points d’attachement et de construction identitaire des individus.

Les différents articles montrant l’ensemble des situations dans lesquelles peut se retrouver un groupe sont un autre point fort de l’ouvrage. Ainsi, dans le chapitre 5, Denis Gagnon dresse le portrait des jeunes Métis francophones du Manitoba. Ses conclusions font ressortir que « l’identité métisse ne semble plus un enjeu important pour les jeunes Métis francophones du Manitoba » (117). Ici, l’auteur démontre que dans ce groupe ethnique, le sentiment d’appartenance n’est plus attaché aux spécificités qui le caractérisent (la langue et l’histoire par exemple). D’autres chapitres vont décrire le contexte social et historique afin de relever la vivacité du sentiment d’appartenance du groupe.

La pertinence de cet ouvrage provient aussi des différentes thématiques qui ont été étudiées par les auteurs. Le sentiment d’appartenance est un concept central, qui a des attaches multiples. Ce qui a été mis en relief, c’est la force de cette appartenance au groupe soit ethnique, religieux ou linguistique, mais aussi cette force du sentiment d’attachement à la société. En faisant la lecture de l’ouvrage, on peut constater d’autres souches d’appartenance. Ainsi, à de multiples reprises, le concept de multi appartenance ou de double appartenance est démontré. L’aspect identitaire est en lien direct avec le sentiment d’appartenance. En fonction du groupe, différents aspects identitaires peuvent être considérés comme importants : la situation géographique (voir la place du Canada pour les francophones au Nouveau-Brunswick), l’importance de l’histoire du groupe pour les individus, la place de l’individu dans la société (aspect civique), le fait de parler une ou plusieurs langues, etc. Par rapport à cet aspect de la langue, certains auteurs développent le concept du capital ethnique. Ils expliquent comment certains groupes ou individus seront en mesure de rentabiliser leur double appartenance en maîtrisant plus d’une langue par exemple. D’autres thématiques, comme celle de la mobilité (et les rapports à la communauté d’origine après départ), de l’éducation, de la discrimination, de la transmission de l’identité et des revendications identitaires sont aussi appréhendées d’une manière intéressante.