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Métropolisation, mondialisation, mégapoles, mégalopoles, villes globales, technopoles, clusters, hypermobilité, métropoles hyperscalaires…, autant de termes à la mode que l’ouvrage de Ludovic Halbert aborde en cherchant plus à situer ses propres positions dans les débats qu’ils évoquent qu’à vraiment définir ces concepts pour le commun des mortels. Maniant fréquemment la première personne du singulier, l’auteur précise dans cet ouvrage sa pensée plus que celle des autres (y compris des auteurs français, qu’il cite plus que les autres).

D’entrée de jeu, l’auteur déclare vouloir répondre aux questions suivantes : « Pourquoi les métropoles sont-elles les foyers de création et d’accumulation de richesse dans la mondialisation ? Quels sont les ingrédients de leur avantage compétitif ? En quoi peut-on parler “ d’externalités métropolitaines ” ? Quelles sont les marges de manoeuvre pour l’action collective ? »

Ses réponses partent d’une prémisse exprimée de la façon suivante : « Les métropoles constituent les foyers de la création et de l’accumulation de la richesse dans la mondialisation actuelle » (p. 2). Or, cette prémisse ne tient nullement de l’évidence si l’on tient compte des taux de croissance très modérés des grandes métropoles mondiales d’hier (Londres, Tokyo, Paris, New York, Chicago, etc.) et de l’avènement de multiples nouvelles métropoles mondiales qui, hier encore, n’étaient encore que des pôles régionaux (Istanbul, Bombay-Mumbai, Shanghai, Hong Kong, Séoul, Singapour, Bangalore, Hyderabad, São Paulo, Mexico, etc). Comment expliquer le plafonnement des métropoles mondiales d’hier et la multiplication des nouvelles métropoles si « l’avantage métropolitain » procure aux métropoles existantes des atouts indiscutables ? Voilà la question que l’auteur n’aborde pas et qui fragilise toute sa démarche.

Cela dit, il a raison d’insister sur le fait que la métropolisation tient moins à la « concentration d’activités économiques “ à forte valeur ajoutée ” [qu’à la] mobilisation des ressources extrêmement variées qui sont accessibles dans et depuis la métropole ». Le phénomène de la métropolisation est, en effet, beaucoup plus qualitatif que quantitatif.

Ce phénomène a une dimension spatiale que les géographes d’aujourd’hui (dont fait partie l’auteur) et même certains économistes spatiaux ont tendance à limiter au jeu des fameuses « économies externes », ce qui pose le problème fondamental suivant : si ces « externalités » favorisent les métropoles, comment expliquer que les métropoles mondiales d’hier plafonnent et que toutes les villes moyennes ne deviennent pas des métropoles ?

À vrai dire, la théorie de la localisation traditionnelle (basée sur la notion de « friction de l’espace ») permet assez facilement de produire, sans jamais avoir recours au concept d’externalité, des systèmes urbains théoriques tout à fait conformes à ce qui est observé, à savoir des systèmes urbains comportant des villes de tailles fort différentes, alors qu’à lui seul, le concept d’externalité n’y arrive pas (comment expliquer que les externalités ne produisent pas les mêmes fruits partout ?). Voilà ce que l’auteur aurait dû souligner pour expliquer « l’avantage métropolitain » et voilà ce qu’il n’a pas fait.

À sa décharge, il faut dire que cette lacune de l’ouvrage est très fréquente et que, par conséquent, il faut l’en excuser. Malgré ses biais et son ton trop souvent personnel, malgré certaines erreurs théoriques (l’auteur présente à tort les externalités comme découlant des coûts de transport, p. 21-22) et malgré plusieurs fautes de français inexcusables (par exemple, aux pages 7, 17, 25, 39, 44, 55, 81 et 123), le livre de Ludovic Halbert constitue une bonne entrée en matière pour quiconque veut s’initier à la perspective développée par la grande majorité des géographes urbains qui étudient les phénomènes économiques liés à la métropolisation et à la mondialisation.