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Quel est l’état de la recherche urbaine au Québec ? Quels sont les thèmes qui suscitent le plus d’intérêt chez les chercheurs ? La recherche sur les questions urbaines se concentre-t-elle sur quelques enjeux-clés ou vit-elle un foisonnement qui refléterait un nombre croissant de préoccupations liées à la ville ? Dix ans d’études urbaines au Québec : bilan et perspectives d’avenir répond à ces questions en présentant un bilan de la recherche québécoise sur la ville effectuée de 2000 à 2009. La principale conclusion qui s’en dégage est un niveau élevé d’activité en matière de recherche sur les questions urbaines au Québec. Le livre fait, en effet, part d’environ 550 ouvrages (livres, articles, rapports et mémoires) publiés au cours de la dernière décennie, tout en prenant bien soin de souligner que le bilan est partiel (surtout pour ce qui est des mémoires). Une tâche aussi lourde nécessite, bien entendu, la participation de plusieurs auteurs. C’est pourquoi le livre est divisé en quatre chapitres, assignés à différents groupes d’auteurs qui explorent les thèmes présents dans les écrits de la dernière décennie : la gouvernance, la diversité sociale et des vécus urbains, les dynamiques économiques et la mobilité, et finalement, l’environnement bâti et les projets urbains.

Cette énumération du contenu des chapitres permet de répondre à la question portant sur l’étendue des thèmes traités par la recherche en études urbaines au Québec. Il ressort donc que l’éventail est très large, donc pas de concentration sur quelques sujets privilégiés. On voit bien l’influence des sujets d’actualité sur la recherche. Les questions liées à la fusion des administrations urbaines, à la diversité culturelle et à l’exclusion occupent, par exemple, une place de choix parmi les efforts de recherche de la dernière décennie. Le bilan met aussi en lumière l’effet des politiques de financement de la recherche, en particulier l’impact de la création de nombreuses chaires ainsi que des grands projets de recherche, sur les sujets traités au cours des années 2000. Le livre démontre donc que la recherche n’est pas indépendante, mais fortement guidée par les tendances politiques et sociales ainsi que par les sources de fonds pour la recherche, peut-être même plus par ces facteurs que par les courants de pensée.

Les grands absents de ce bilan sont les ouvrages de portée conceptuelle. Le livre ne fait part d’aucun ouvrage où prédomine la réflexion théorique. Aucun des ouvrages cités ne s’est donné comme mission première de proposer une nouvelle conceptualisation de la ville et de ses dynamiques, ce qui semble indiquer que nous sommes dans une période de sécheresse en ce qui concerne l’évolution de la pensée conceptuelle sur la ville. Une autre interprétation de cette carence serait l’emprunt systématique des cadres théoriques formulés aux États-Unis et en Europe. Ou encore, l’évolution de la pensée sur la ville se ferait-elle désormais de façon parcellaire, mue par une confrontation à différents enjeux urbains. Mais tout ceci devra donner lieu à des ouvrages de synthèse, capables de redéfinir le phénomène urbain à partir des multiples études portant sur des aspects spécifiques de la ville.