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Comme l’indique le sous-titre de l’ouvrage, il s’agit bien d’un « [p]etit manuel, [d’un] ouvrage didactique qui expose de façon claire et succincte l’essentiel d’une matière[1] ». Les talents de pédagogue de Jean Goulet ne sont plus à démontrer, et il nous les offre pour notre plus grand plaisir en passant en revue les points les plus importants du droit de la photographie. Étant à la fois juriste et photographe, il était tout désigné pour se livrer à cet exercice.

Sur le plan formel, et l’on reconnaîtra bien ici Jean Goulet, la langue est imagée, jouant presque sur les mots – ne serait-ce que son titre est éloquent à cet égard. L’auteur n’hésite pas à recourir à des encadrés pour attirer l’attention sur des points synthétiques importants. Et, bien sûr, les propos sont parsemés ici et là de photographies pour illustrer le raisonnement. Elles ne sont pas en grand nombre, mais elles s’avèrent particulièrement appropriées.

Jean Goulet fait un tour complet de la question, se plaçant aussi bien derrière l’appareil photo que devant et, pourrions-nous dire, dedans. En d’autres termes, il considère autant la position du photographe, de la personne qui prend la photo, que celle du sujet photographié, au sens large[2], et s’arrête à l’objet produit par le fait d’appuyer sur le bouton, la prise de vue elle-même, ou plus exactement la vue prise, la photo.

Bien que le regard de l’auteur soit principalement québécois et canadien, il nous initie dans une certaine mesure au droit français tout en faisant des incursions dans la common law anglaise. Par ailleurs, bien évidemment, la Convention de Berne de 1886[3] est abondamment citée. Cette convention, à laquelle le Canada est partie depuis 1928, est le premier texte international statuant sur la protection du droit d’auteur : « Les pays auxquels s’applique la présente Convention sont constitués à l’état d’Union pour la protection des droits des auteurs sur leurs oeuvres littéraires et artistiques[4]. »

Les grands textes jurisprudentiels sont également présentés et analysés, dont le plus ancien remonte à 1774[5], Jean Goulet n’hésitant jamais à remonter le cours de l’histoire pour mieux expliquer une notion ou un point de vue ou encore faire saisir l’évolution d’un principe, par exemple. Parmi les affaires plus contemporaines, le lecteur y trouvera bien sûr le célèbre cas de la jeune fille qui a fait sans le savoir la couverture d’une revue, dont le cheminement judiciaire, de la Cour du Québec à la Cour suprême du Canada, est parfaitement commenté et expliqué[6], aussi bien que celui du peintre dont on pouvait se demander si l’oeuvre contenue sur une affiche avait été reproduite sur toile par un procédé d’entoilage[7].

Dans ce précis, Jean Goulet entend exposer le droit, du moins dans ses grandes lignes, mais il suggère également « une éthique pour le photographe » (p. 47). À cet égard, il fait remarquer (id.) :

L’art de la photographie ne s’exerce pas en vase clos. Il implique des tiers auxquels l’artiste ou le professionnel doit respect et considération.

Arrêtons-nous sur quelques situations où il faut réfléchir avant d’activer l’obturateur.

La somme de ces pauses nous fournira peut-être des matériaux utiles pour construire une éthique pour le photographe.

Effectivement, au terme de la partie consacrée à « [l]a saisie de l’image », l’auteur propose « [u]ne amorce d’éthique », ce dernier terme étant entendu comme « une philosophie au sens large où on la considère comme un mode de vie » (p. 62). Cette philosophie, énoncée en treize points, se veut « assez souple pour accommoder toutes les spécificités de la pratique de la photographie » (p. 61).

À qui les propos de Jean Goulet sont-ils destinés ? À tout le monde, serions-nous tentée de répondre tant le nombre de personnes se livrant à la prise de vue, depuis l’avènement du numérique, est élevé[8]. À l’occasion de l’analyse juridique à laquelle il se livre, l’auteur met en lumière, dans un langage clair et accessible à tous, les écueils que le simple fait d’appuyer sur le bouton de l’appareil photo peut présenter et auxquels on ne pense pas toujours.