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Gérard Siegwalt mettait en 2007 un point final à sa Dogmatique pour la catholicité évangélique. Un peu plus de vingt ans nous sépare de la parution du premier volume en 1986. Ce Système mystagogique de la foi chrétienne (sous-titre de l’oeuvre) qui comporte dix volumes, apparaît comme très original dans l’horizon de la production théologique contemporaine. Gérard Siegwalt ne s’est pas satisfait des modes philosophiques ou théologiques pour produire son oeuvre ; il s’est plutôt rendu disponible au caractère mystagogique de la foi chrétienne et a répondu à un appel de cohérence et de vérité. Face à l’ébranlement du réel en profondeur, face à l’ébranlement des fondations de la réalité et de Dieu, il a entrepris un dialogue transparent et exigeant avec ceux et celles qui sont autour de lui à l’Église, à l’Université et dans l’espace public. Avec les gens de foi, les scientifiques, les philosophes ou les écologistes, il a engagé un dialogue pour analyser la situation et ouvrir un avenir au monde et à la création. Rappelant les impasses dans lesquelles nous nous sommes engagés en modernité, Siegwalt dénonce ce qui est destructeur et démonique, et cherche à dégager la source vive du courage et de la vie, la source spirituelle, qui concrètement et profondément pourra conduire l’humanité à une réconciliation avec elle-même, les autres et Dieu.

L’oeuvre de Gérard Siegwalt complétée, nous avons repris l’exercice qui avait eu lieu à l’Université Laval en 1987 et qui avait aussi conduit à publier un dossier dans le Laval théologique et philosophique (vol. 45, no 1) en février 1989. Nous nous sommes réunis à l’Université de Sherbrooke en mai 2009 en présence de Gérard Siegwalt et de lecteurs expérimentés de la Dogmatique pour évaluer comment elle travaille le propos théologique. Ce colloque fut ouvert et respectueux, critique et constructif. Il a permis d’identifier le travail de Gérard Siegwalt comme une troisième voie, comme une alternative au propos théologique : libérée des polarisations et des tensions non fécondes, dégagée des repères trop sécurisés, une pratique théologique innovante et différente devient possible.

L’exposé de Gérard Siegwalt présente le chantier de départ de toute son entreprise théologique. En explorant la crise des fondements de la civilisation moderne, il nous offre un bel exemple de sa méthodologie. Marc Dumas brosse par la suite une fresque introductive à la Dogmatique, alors que les autres auteurs aborderont l’oeuvre sur des points plus particuliers. Jean Richard interroge la méthode de corrélation de la Dogmatique, méthode qui se développe entre l’approche sapientiale et l’approche prophétique. Inspirée de Paul Tillich, la méthode siegwaltienne semble profondément y correspondre. André Gounelle (qui n’a pu être présent au colloque) illustre bien la troisième voie de Siegwalt, alors qu’il aborde le thème de la science et de la religion. Il ne suffit pas simplement d’unifier ou encore de séparer, mais il faut les connecter, dira Gounelle. Louis Vaillancourt explore les tenants et aboutissants de la pensée écologique de Siegwalt en soulignant toute l’importance d’une conversion radicale, qui permet de reposer ou d’ajuster les relations de l’humain à la création et à Dieu. Christian Downs donne un bel exemple du dialogue entrepris par Siegwalt avec les sciences physiques et biologiques au sujet de la nature et indique le chemin à suivre pour discerner l’avenir de la nature comme création. François Nault interroge enfin l’interprétation de Siegwalt sur la sexualité humaine. La problématique contemporaine de la différence sexuelle est bien soulignée par les positions opposées de Joseph Ratzinger (naturalisme) et de Judith Butler (constructionisme). Nault dialogue avec Siegwalt et y dégage une proposition théologique alternative responsable à venir.

À la fin de chaque exposé, on trouve en italique une brève réaction de Gérard Siegwalt, qui peut nourrir la réflexion sur tel ou tel contenu de l’exposé. Si le dossier du LTP de 1989 pouvait être de nature exploratoire (seulement deux volumes étaient alors publiés), celui-ci interroge le travail monumental siegwaltien pour voir en quoi et comment ce travail peut avoir un impact sur l’avenir de nos travaux théologiques aujourd’hui.

Bonne lecture !