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Publication finale d’un programme de recherche de l’Organization for Social Science Research in Eastern and Southern Africa (ossrea) sur les conflits africains, l’ouvrage The Resolution of African Conflicts est tiré des contributions présentées lors d’une conférence internationale organisée en Éthiopie à la fin de 2004. Il s’accompagne d’un volume jumeau, The Roots of African Conflicts. The Causes & Costs, non recensé dans cette note.

Son originalité réside avant tout dans le fait qu’à une seule exception près chacune des onze interventions qui composent l’ouvrage a été rédigée, totalement ou majoritairement, par des auteurs africains, ce qui apporte une perspective intéressante car inhabituelle dans le domaine des études de conflit. Ce livre s’inscrit en outre dans la foulée d’une série d’autres publications sur les mêmes thématiques, confirmant l’intérêt actuel qu’elles rencontrent.

Le panorama brossé est assez large, les réflexions de portée très générale (Manga Fombad) côtoyant les considérations plus techniques (Cilliers), mais sans regroupement particulier en parties ou chapitres. L’approche choisie est majoritairement celle de l’étude comparée de cas nationaux, ce qui peut expliquer le choix des éditeurs de négliger l’ordonnancement thématique des différentes contributions. Ce sont cependant les leçons tirées de chaque étude de cas qui donnent leur pertinence à l’ouvrage, à l’intérieur duquel on peut distinguer grosso modo trois parties distinctes.

Tout d’abord, les quatre premières contributions abordent le rôle que peuvent jouer les organisations régionales, continentales (l’Union africaine) et internationales (la cpi) dans la résolution des conflits africains. Si la dimension descriptive est riche, et que l’analyse des enjeux s’avère fouillée, elle reste cependant globalement teintée d’un biais d’ordre prescriptif, qui soumet sa pertinence à une hypothèse pourtant peu évidente à vérifier, formulée comme suit par un des auteurs : « if all goes according to plan ». En d’autres termes, faute d’expérience préalable de résolution aboutie des conflits africains à l’échelle régionale, ce premier groupe de contributions décrit finalement des mécanismes encore nouveaux au moment de leur rédaction, mais en soumettant leur succès potentiel à une série de conditions qui ne sont toutefois pas nécessairement en mesure de se voir réunies, et il formule des recommandations dont rien n’annonce qu’elles seront aisées à voir suivies d’effet.

Les deux contributions suivantes mettent la focale sur une échelle plus grande, en interrogeant le rôle des gouvernements locaux dans la réconciliation et la construction d’une paix durable. Elles concluent essentiellement en établissant l’originalité du cas sud-africain – et, dès lors, la difficulté d’en reproduire les résultats.

Enfin, les cinq dernières contributions s’intéressent davantage à des mécanismes plus institutionnels comme les accords de paix, les élections ou les réformes constitutionnelles, en en dégageant des variables à prendre en considération dans tout processus de résolution des conflits.

Malgré l’intérêt offert par les différentes études de cas, le caractère mosaïque des contributions, que l’introduction générale ne présente que de manière séquentielle, génère une impression de manque de cohérence. De même, l’absence de conclusion à l’ouvrage accentue l’idée qu’il s’agit plus d’un florilège de textes traitant globalement des conflits en Afrique et de leur résolution que d’un projet éditorial clair visant un propos défini. Dès lors, au terme de la lecture, l’impression demeure celle d’une succession d’aperçus, certes riches et variés, sur la problématique traitée, mais les conclusions de chaque contribution demeurent trop spécifiques et fragmentées, et souvent trop hypothétiques, pour s’avérer directement pertinentes dans une perspective plus large.

L’ouvrage laisse par ailleurs un goût d’anachronisme, dans la mesure où le délai de publication, quatre années après la tenue de la conférence internationale qui en a lancé l’idée, n’a manifestement pas été sollicité pour permettre la mise à jour des contributions. Celles-ci peuvent quelquefois ne pas en souffrir, lorsqu’elles ont une portée générale, ou lorsqu’elles décrivent des mécanismes qui doivent encore faire leurs preuves sur le long terme, mais elles génèrent parfois un curieux sentiment de décalage lorsque les études de cas qu’elles décrivent omettent certaines références cruciales. C’est ainsi que le Soudan est présenté comme un exemple remarquable de fin de conflit négociée et de jalons semés pour une paix durable (Salim El Hassan), que l’apologie de la démocratie et des droits de l’homme comme motif légitime d’intervention dans les affaires intérieures des États est mentionnée sans renvoi aucun à la notion de responsabilité de protéger (Adetula) ou que le rôle prometteur de la Cour pénale internationale en Ouganda n’est nuancé par aucune référence aux difficultés qu’a connues cette institution dans les dernières années (Apuuli).

Finalement, l’ouvrage adopte un ton à la fois prescriptif et prospectif, un travers difficile à éluder dans un domaine dont les échecs préalables constituent inévitablement le fonds commun désenchanté. Loin de constituer un manuel de résolution des conflits africains, comme son titre aurait pourtant pu le laisser évoquer, l’ouvrage de Nhema et Tiyambe Zeleza est une illustration, résolument africaine, des questions brûlantes que constituent d’une part le rôle de l’État, à re-former plutôt qu’à réformer, et, d’autre part, celui de la prévention des conflits en opposition à leur résolution, la clef de voûte de ce double montage prenant la forme d’une réflexion sur la souveraineté nationale des États africains. C’est en ce sens, et nonobstant l’anachronisme de certaines de ses contributions, qu’il constitue un outil pertinent pour l’étude des conflits en Afrique. Il souffre toutefois inévitablement de la comparaison avec d’autres ouvrages plus actuels, dont la sortie, si elle n’est pas toujours plus récente en termes de publication, est néanmoins ultérieure à l’organisation de la conférence de 2004.