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Le terrorisme continue à susciter de multiples interrogations, que les tensions entre dynamiques globales et locales des conflits ne font que renforcer. On ne peut pourtant parler d’un champ unifié des études sur le terrorisme, tant les approches divergent d’une discipline à l’autre. Cet ouvrage, qui porte sur la géopolitique du terrorisme, se situe à l’intersection de plusieurs disciplines des sciences sociales et humaines. Ce faisant, il propose un modèle d’interprétation original qui replace les territoires et les acteurs au centre de l’analyse.

L’ouvrage est divisé en trois grandes parties. Les deux premières sont articulées autour de discussions épistémologiques et méthodologiques, qui constituent autant d’étapes dans la construction de l’objet et dans l’élaboration d’une grille d’analyse. Partant du constat de la multiplication des territoires de l’insécurité dans un contexte de mondialisation, l’auteur propose de saisir ces différents phénomènes et leurs évolutions à travers le concept de géopolitique de l’anomie. Ce concept ne fait pas référence à un désordre absolu engendré par de nouvelles formes de conflictualité, au premier rang desquelles le terrorisme jouerait un rôle central. Au contraire, il met en question les effets structurants de ces différents types de violence et leur influence sur les recompositions des territoires réels et imaginaires. Le territoire devient à la fois lieu et enjeu de la lutte.

L’auteur revendique une approche structuraliste, qu’il définit comme la seule à même de saisir dans le temps et dans l’espace les invariants du terrorisme. Il postule ainsi que le terrorisme relève autant des représentations dont les auteurs individuels et collectifs sont porteurs que de la dynamique de groupe et des moyens logistiques dont dispose l’organisation. L’auteur intègre ainsi plusieurs niveaux d’analyse et plaide pour une meilleure intégration des approches en termes de réseaux et de territoires. Dans cette perspective, le terrorisme est considéré comme un processus, qui contraint le politique et amène à sa transformation.

La troisième partie se veut plus empirique. Elle se concentre sur deux études de cas qui ont fait l’objet de multiples publications : Al-Qaeda et les Forces armées révolutionnaires colombiennes (FARC). Dans le premier cas, l’auteur remet en question, à partir des postulats théoriques détaillés dans les deux premiers chapitres, les analyses qui font d’Al-Qaeda une organisation déterritorialisée. Il montre le rôle du territoire aussi bien dans le projet doctrinal que dans les stratégies mises en place par l’organisation. Son analyse de l’évolution des FARC est plus succincte, mais elle invite là encore à réévaluer l’importance du territoire dans l’évolution des stratégies d’un groupe qui s’est criminalisé au fil du temps.

Concis et précis, cet ouvrage amène une réflexion qui, bien qu’elle ne soit pas entièrement nouvelle, jette un regard stimulant et invite à un renouvellement des questionnements sur un objet hautement contesté. Ce faisant, il s’avère être un outil très utile pour les spécialistes du terrorisme, quelle que soit leur discipline d’appartenance, et ce, même si l’abondante documentation anglo-saxonne est par trop absente des discussions théoriques dans lesquelles l’auteur s’engage. En revanche, les débats épistémologiques le rendent d’un accès peu aisé pour des étudiants des premiers cycles ; c’est pourtant là une des vocations premières de la collection dans laquelle cet ouvrage a été publié.