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Absence de consensus en sciences de l’éducation

Depuis l’Antiquité, l’éducation constitue un défi permanent pour les penseurs. D’entrée de jeu, il semble impossible de ne pas remarquer le flou sémantique qui entoure la plupart des concepts en éducation (Hameline, 2005 ; Van Zenten, 2008). À commencer par le terme d’éducation lui-même : d’un point de vue étymologique, educare laisse entendre que le maître doit accompagner l’apprenant, alors que le terme educere sous-entend plutôt une rupture avec ce dernier dans le but de lui permettre de s’émanciper (Van der Maren, 2003, p. 218).

Quoi qu’il en soit, les chercheurs observent une absence de consensus dans le domaine des sciences de l’éducation, perçues comme dynamiques, mais mouvantes et en éternelle mutation, parce que les disciplines qui les constituent évoluent et que de multiples objets d’étude les caractérisent (Jonnaert, Vander Borght, Defise, Debeurme et Sinotte, 2009, p. 47). Selon Vigarello (2005, p. 910), les sciences de l’éducation focalisent essentiellement sur trois axes : les phénomènes macro-éducatifs, les phénomènes micro-éducatifs et la didactique des disciplines. De leur côté, Longhi, Longhi et Longhi (2009, p. 569) ajoutent un quatrième axe plus général qui concerne, entre autres, la pédagogie et le lien entre théorie et pratique.

Enseignement et apprentissage

Comme en témoignent les thématiques des numéros de la Revue des sciences de l’éducation parus depuis 1975, nombreux sont les champs d’études des sciences de l’éducation. Par exemple, celles-ci touchent des sujets aussi variés que l’élève à risque, les transformations de l’Université, les classes à niveaux multiples, l’approche culturelle, la motivation ou encore les politiques d’éducation… Cependant, en réponse à une demande sociale, une constante demeure : de près ou de loin, il y est question d’enseignement ou d’apprentissage avec, pour horizon, la réussite de l’élève.

En effet, malgré le caractère complexe, inévitablement réfutable de toute […] modélisation scientifique qui tente de traiter du vivant social (Lerbet, 1989, p. 55), à l’intérieur des sciences de l’éducation, les chercheurs en didactique essaient de décrire, avec le plus de précision possible, les savoirs et savoir-faire spécifiques à chaque discipline, ainsi que l’interaction entre les recherches et les pratiques d’enseignement et d’apprentissage (Reuter, 2008, p. 212 ; Reuter, Cohen-Azria, Daunay, Delcambre-Derville et Lahanier-Reuter, 2007, p. 69). Tout cela, dans le but ultime d’améliorer la pratique de l’enseignant. Par le fait même, on pourrait aller jusqu’à dire qu’ils empiètent sur le terrain de la pédagogie (Marchive, 2008, p. 68).

De son côté, la didactique est un champ d’études relativement nouveau (Raisky et Caillot, 1996). Les savoirs qu’elle convoque apparaissent multidisciplinaires, sélectionnés et organisés en fonction de leur objet d’étude, et elle concerne en priorité la structuration et la gestion des contenus à l’intérieur d’une discipline scolaire donnée : le français, les mathématiques, les sciences, l’éducation physique, la musique, et d’autres encore.

Didactique des disciplines

À partir de disciplines-sources, dites contributoires, comme l’épistémologie, la sociologie, la psychologie, la philosophie, les sciences de l’éducation, la linguistique, la littérature, etc. (Simard, 1997), les chercheurs en didactique visent à définir les connaissances à enseigner dans les disciplines scolaires. À ce propos, mentionnons que le terme discipline désigne la structuration (toujours renouvelable) d’un ensemble de contenus, de dispositifs, de pratiques, d’outils, et cela dans le but de faire apprendre les élèves (Reuter et Lahanier-Reuter, 2007, p. 85). Instables et en transformation constante, les connaissances qui constituent les contenus à enseigner restent toujours à actualiser (Jonnaert et Laurin, 2003). Visées praxéologique et épistémique de la didactique s’avèrent donc indissociables : mieux comprendre et mieux connaître le champ disciplinaire permettrait en effet, idéalement, d’agir sur ce dernier.

Cependant, on peut considérer comme un obstacle ou comme une richesse l’hétérogénéité des objets d’étude, des concepts et des cadres théoriques convoqués, des conceptions individuelles et sociales, des méthodes ou démarches de recherche, des pratiques en usage dans le milieu scolaire (Reuter et collab., 2007, p. 69)… Qu’elle soit perçue comme une science ou un art, voire assimilée à un bricolage en raison des tâtonnements qu’elle induit (Jonnaert et Vander Borght, 2009, p. 42), la didactique s’articule selon trois grandes directions (Halté, 1992, p. 16) : les objets d’enseignement, les conditions d’appropriation des savoirs par les apprenants, et les interventions de l’enseignant, plus précisément le nécessaire processus de médiation entre le savoir et l’élève.

Écrire sur la didactique exige donc que l’on évoque au moins quatre types de problèmes : 1) l’adaptation ou la transposition des savoirs savants, issus des disciplines de référence, en savoirs scolaires (Chevallard, 1985), c’est-à-dire enseignables à des élèves ou étudiants ; 2) l’organisation ou la planification de ces savoirs dans et pour la classe ; 3) les tensions, incertitudes ou malentendus parmi les chercheurs, ainsi qu’entre chercheurs et enseignants ; 4) la formation initiale et continue des maîtres. Si les deux premiers types de problèmes renvoient à la transformation et à la transmission des objets d’étude des disciplines de référence, les deux autres concernent plus précisément la délimitation des rôles, la circulation des informations nouvelles et la recherche de consensus à leur sujet (Reuter et collab., 2007).

Dans ce numéro

À des degrés divers, ce numéro thématique, Recherches en didactique des disciplines, porte sur des disciplines, des modèles, des objets d’étude propres ou non à chaque discipline, des démarches, des pratiques, des attitudes ou représentations, des stratégies de transmission ou d’élaboration de connaissances… Les problématiques soulevées touchent une discipline scolaire, une clientèle cible (préscolaire, dyslexiques, etc.), des perceptions, des attitudes ou encore des modalités didactiques. Quant aux cadres théoriques développés, ils concernent des concepts variés, transférables ailleurs ou non, comme la production écrite, l’éveil à l’écrit, la compréhension, la différenciation, la motivation, les modèles, les processus, les stratégies, la coopération, la compétition, les boucles de rétroaction, le texte informatif, les concepts en sciences, etc. De plus, les approches méthodologiques adoptées sont, elles aussi, d’une grande variété, de l’étude de cas à la recherche-action, en passant par la recherche descriptive ou la synthèse des écrits scientifiques dans un domaine donné. Selon le type de recherche, la collecte des données peut s’effectuer au moyen d’entretiens semi-dirigés, de pré-test / post-test, d’enregistrements vidéo, ou de questionnaires…

Avant de laisser à nos lecteurs le soin de découvrir les dix articles contenus dans ce numéro consacré à des recherches en didactique des disciplines, voici quelques informations au sujet de chacun d’eux, à commencer par la didactique du français (lecture et écriture).

Didactique de la lecture (différenciation)

Catherine Turcotte est l’auteure du premier article intitulé : Différencier l’enseignement de la lecture au primaire : une question de sens. Dans cette recherche, elle s’attache à mieux comprendre les valeurs et objectifs qui guident les enseignants du primaire dans la différenciation de l’enseignement de la lecture. En effet, dès son entrée à l’école, chaque élève se caractérise par des forces et des besoins distincts, uniques. Connaître les pratiques de différenciation mises en place par des enseignants efficaces s’avère essentiel.

Enregistrées à partir d’un guide d’entrevue, des entrevues phénoménologiques (Seidman, 2006) ont été menées auprès de six enseignants considérés comme des modèles par leurs pairs et leurs supérieurs. La chercheuse a ensuite classé les expériences relatées par chacun des participants dans un tableau à plusieurs entrées. La réduction des données lui a permis d’établir un profil du participant ; ce dernier pouvait ensuite l’approuver tel quel ou y proposer des modifications. À l’aide d’un journal de bord, la chercheuse a pu prendre conscience de ses représentations personnelles de la différenciation, ainsi que de ce qui lui a permis de mieux interpréter les données et de mieux décrire le milieu.

Le respect de l’unicité de chaque élève, la responsabilité d’accompagner chacun vers le succès ainsi que le développement de l’autonomie en lecture sont les trois objectifs et valeurs que les enseignants accordent à leurs pratiques, et c’est en fonction de ces valeurs et objectifs explicites qu’ils vont différencier leur enseignement. Toutefois, selon l’auteure, d’autres recherches s’avèrent nécessaires, notamment pour étudier l’interaction des variables suivantes : les progrès des élèves, les pratiques des enseignants et les expériences, les objectifs et les valeurs d’un groupe restreint d’enseignants et d’élèves.

Didactique de la lecture (sous l’angle de la syntaxe)

Le deuxième article porte sur la didactique de la lecture et s’intitule : L’amélioration de la compréhension en lecture d’élèves du secondaire par un entraînement syntaxique : modalités, résultats et perspectives. L’auteur de la recherche, Denis Foucambert, y rend compte de l’impact d’un entraînement spécifique conçu pour renforcer les habiletés syntaxiques. La procédure expérimentale mise en place repose sur trois types d’exercices, intégrés dans un logiciel, et conçus pour des élèves du secondaire : 1) la reconnaissance des mots à rôle syntaxique ; 2) l’exercice à trous et 3) les structures syntaxiques en vision parafovéale (Saint-Aubin et Klein, 2001). Si l’élève reconnaît mieux les mots qui servent à organiser la syntaxe de la phrase, il identifiera plus facilement les têtes de syntagmes, ce qui l’aidera à mettre en place des cadres structuraux. Quant au troisième type d’exercices, comme l’élève ne travaille plus sur l’explicite mais sur des éléments implicites, cela devrait lui permettre d’améliorer son habileté à établir l’architecture d’une phrase.

Dotée d’un plan quasi-expérimental classique (pré-test, post-test, groupe expérimental et groupe contrôle), la recherche, qui a duré trois mois, a mobilisé 67 élèves. Même si, selon les résultats, la vitesse de lecture n’est absolument pas sensible à l’entraînement, la compréhension des élèves du groupe expérimental s’est améliorée de façon manifeste. Cela n’empêche pas le chercheur de nous inciter à la prudence. En effet, le recours à l’informatique et un accroissement des échanges métalinguistiques entre les élèves constituent des variables non contrôlées. Il faut également ajouter que le type d’apprentissage de la grammaire ainsi que les connaissances des élèves en ce domaine n’ont pas été pris en compte.

Quoi qu’il en soit, les résultats nous autorisent à retenir qu’on observe un gain significatif de compréhension lorsque des élèves du secondaire suivent un entraînement pour connaître et reconnaître automatiquement les structures syntaxiques d’un texte. Enfin, se trouve ici confirmée l’utilité de compléter l’approche traditionnelle de la syntaxe (sous la forme d’activités prescriptives ou stylistiques) par une insistance sur sa fonction organisatrice dans la réception de l’écrit.

Didactique de la lecture (dyslexie)

Intitulé : Identification des mots écrits chez les dyslexiques phonologiques : mise à l’essai d’un programme d’intervention compensatoire, le troisième article porte sur les difficultés en lecture. Julie Myre-Bisaillon y décrit les effets d’un programme d’intervention compensatoire auprès d’enfants de 9-10 ans qui, malgré leur dyslexie phonologique, sont scolarisés aux 2e et 3e cycles du primaire. Ces élèves manifestent un déficit en termes de procédure d’identification des mots écrits, tâche indispensable en lecture.

Le programme d’intervention WIST (Lovett, Steinbach et Fritjers, 2000) repose sur l’enseignement explicite de trois stratégies d’identification de mots : 1) l’identification par analogie ; 2) l’identification par repérage, et 3) l’identification par pelage de mots. Cet enseignement explicite est suivi d’un entraînement aux stratégies, qui s’accompagne d’un questionnement métacognitif. Dans une perspective compensatoire plutôt que corrective, la chercheuse a choisi de mettre l’accent sur des stratégies d’identification orthographiques comme celles qu’utilisent les lecteurs experts.

De nature pré-expérimentale, cette recherche quantitative et qualitative prend la forme d’analyses de cas (sous-groupes de dyslexie). L’échantillon étudié est constitué de cinq sujets, de milieu socio-économique moyen, qui ont deux ans de retard pour la compréhension de mots, mais une compréhension orale et une intelligence normales. En dépit du fait que l’effet de l’enseignement n’a pu être contrôlé, non plus que celui des apprentissages réalisés en classe, on observe une amélioration significative pour les taux de réponses sur les mots ayant fait l’objet d’un entraînement et sur les mots fréquents, grâce au programme de nature orthographique compensatoire plutôt que correctif. Bref, la recherche met en lumière le rôle central que joue le lexique dans l’identification de mots écrits, dans la mesure où il permet d’associer fortement unités phonologiques et unités orthographiques.

Didactique de l’écriture

Dans Description et catégorisation des pratiques déclarées en orthographes approchées chez des enseignantes du préscolaire, quatrième article de ce numéro, Annie Charron, Isabelle Montésinos-Gelet et Marie-France Morin présentent une recherche descriptive en didactique du français, et plus précisément en écriture. Cette recherche vise à décrire et à catégoriser les pratiques déclarées des enseignantes du préscolaire en orthographes approchées (Rieben, 2003). Le choix, par ces enseignantes, de stratégies didactiques en ce domaine se justifie en effet par l’existence d’une véritable compétence d’écriture chez les enfants bien avant la production normée. Dans le but de mieux préparer les enfants à la lecture en première année, les objectifs d’apprentissage visés sont d’une part, de permettre aux jeunes élèves de s’approcher de la norme orthographique et, d’autre part, de favoriser chez eux une réflexion lors de situations d’écriture au préscolaire.

Étalée sur 25 semaines, la collecte de données a consisté en entretiens téléphoniques mensuels semi-dirigés avec cinq enseignantes formées au préalable en orthographes approchées. L’analyse des données s’est effectuée à partir d’une grille de catégorisation des pratiques, destinée à analyser la mise en contexte, la réalisation, l’intégration et le transfert éventuel des apprentissages. En annexe de l’article, figurent un canevas pour la compilation des pratiques en orthographes approchées ainsi qu’un référentiel d’objectifs éducatifs en lien avec l’éveil à l’écrit sous l’angle du développement de la conscience phonologique.

En comparant les pratiques des enseignantes engagées dans la recherche, les chercheuses ont identifié trois variables importantes : la gestion du temps, la fréquence des séances durant la semaine ainsi que les objectifs éducatifs visés. Il est possible, à la lecture de cet article, de dégager six principes didactiques ou règles pour l’action, utiles pour l’enseignement : 1) partir des mots connus des enfants pour aller vers les mots inconnus ; 2) varier les thèmes et, à ce sujet, déborder sur d’autres disciplines que le français ; 3) regrouper les enfants en triades pour favoriser l’apparition d’un conflit cognitif ; 4) encourager l’utilisation de la stratégie analogique lors des essais d’écriture ; 5) faire suivre les pratiques en orthographes approchées d’un retour sur la norme ; et 6) conserver des traces du travail des enfants pour mieux suivre leur évolution. Des recherches ultérieures permettraient notamment de décrire l’étayage offert par l’enseignante et de fournir davantage d’informations sur les stratégies d’écriture et de révision activées par les enfants.

Didactique de la musique (écriture musicale)

Dans le cinquième texte, intitulé : La production de notations musicales inventées : une autre façon d’approcher l’écrit à la période préscolaire, Jonathan Bolduc présente une recherche descriptive en didactique de la musique, et plus précisément, en écriture musicale. Cette recherche vise à mieux comprendre les représentations et connaissances en musique des élèves de maternelle, par l’intermédiaire de notations musicales inventées. Plus précisément, elle permet d’examiner si les notations musicales inventées dans le cadre d’un programme d’entraînement musical et de périodes de jeu libre favorisent la représentation et la compréhension de deux paramètres musicaux : la hauteur et la durée. Enfin, une telle recherche se justifie d’une part, par le fait que la période préscolaire est cruciale pour l’acquisition de savoirs musicaux (Flohr, 2003) et d’autre part, par la complémentarité des activités d’éveil musical et de l’éveil à la conscience de l’écrit.

En début de projet, le chercheur a évalué les pratiques musicales dans le contexte familial des enfants (francophone minoritaire) ainsi que les connaissances de l’enseignante en musique. Pendant dix semaines, il a dispensé un programme d’entraînement musical basé sur les principes de l’approche Orff : explorer-observer-imiter-expérimenter-créer. Les sujets étaient 17 enfants de maternelle-cinq ans qui suivaient par ailleurs des leçons hebdomadaires de flûte à bec. D’une durée de 20 à 30 minutes, la tâche expérimentale consistait à reproduire graphiquement un extrait de Mozart. Cette tâche était suivie d’une période de questions destinées à clarifier certaines graphies, et les propos de l’enfant étaient enregistrés.

Les résultats montrent que les jeunes participants ont utilisé diverses graphies pour écrire la musique. Lors du post-test, la grande majorité a même eu recours à la notation traditionnelle, mais sans souci des correspondances exactes de celle-ci avec les extraits sonores entendus. L’analyse des commentaires métagraphiques et des traces graphiques a fait l’objet d’un accord inter-juges et a permis d’éclairer la compréhension de la durée et de la hauteur comme paramètres musicaux. En outre, au moment du post-test, ces enfants, qui participaient à un programme d’éveil à la lecture et à l’écriture, parallèlement aux activités musicales hebdomadaires, ont développé une bonne conscience de l’écrit. Finalement, comme limites principales de la recherche, l’auteur signale le nombre restreint de sujets et le fait que deux paramètres seulement ont été évalués ; il faudrait donc mener une nouvelle recherche sur les deux autres : l’intensité et le timbre.

Didactique de l’écriture (texte informatif)

Par ailleurs, le sixième texte s’intitule : Apprendreà écrire un texte documentaire de comparaison en 2e année du primaire : étude comparée d’interventions didactiques contrastées. Rédigé par Renée Gagnon et Hélène Ziarko, l’article concerne la didactique de l’écriture au premier cycle du primaire et porte sur deux des cinq modes de textes informatifs suivants : la description, la collection, la comparaison, la relation de cause à effet, et la relation problème-solution. Contrairement au mode collection, le mode comparaison exige de traiter deux référents en alternance continue, ce qui rend la planification textuelle plus difficile. Selon Bronckart (1996), la textualisation ne peut se faire sans l’activation de trois types d’opérations : 1) les opérations de segmentation-connexion ; 2) les opérations de cohésion et 3) les opérations de modalisation. Si les premières nécessitent la présence d’organisateurs textuels et les deuxièmes, de procédés anaphoriques, les troisièmes types d’opérations sont indissociables d’un point de vue sur ce qui est formulé dans le texte.

Les objectifs de la recherche sont, d’une part, de vérifier dans quelle mesure un enseignement spécifique de l’écriture du texte documentaire de comparaison en améliore la contextualisation et d’autre part, de faire ressortir les procédés linguistiques utilisés par les scripteurs. Deux groupes de 45 sujets, un groupe expérimental et un groupe témoin, ont été soumis à la méthode pré-test / post-test. En équipe de deux (un lecteur et un scripteur), les élèves ont franchi les étapes suivantes : lire pour reconnaître les parties de deux textes documentaires et leur organisation textuelle ; rédiger une fiche de synthèse pour chacun des textes lus, et enfin, produire un texte de comparaison à partir des deux fiches de synthèse.

Élaborée par les chercheuses, une grille d’analyse a permis à celles-ci d’examiner d’une part, la structure textuelle et d’autre part, les procédés linguistiques utilisés par les sujets pour réaliser les opérations de connexion-segmentation et de cohésion textuelle. En plus des résultats en forte progression pour les deux groupes, il faut signaler que la moitié des élèves du groupe expérimental ont laissé des traces (notes ou dessins) en marge des textes analysés ; ces traces dénotent une attitude métadiscursive que les chercheuses voient comme un effet de l’enseignement de la structure textuelle. Toutefois, les élèves n’ont pas pris en charge, du moins pas de façon significative, les procédés linguistiques qui permettent de réaliser les opérations de connexion et de cohésion. En raison de son importance, un enseignement de ces procédés sur une durée plus longue s’avérerait donc nécessaire dès la deuxième année du primaire.

Didactique des sciences (compréhension des concepts)

Louis Trudel, Carmen Parent et Abdeljalil Métioui cosignent le septième article : Démarche, cheminement et stratégies : une approche en trois phases pour favoriser la compréhension des concepts scientifiques. Étant donné que l’école secondaire n’arrive pas à donner aux élèves une formation scientifique de base, la recherche présentée ici vise, à partir de l’analyse et de la synthèse des résultats des écrits de recherche disponibles, et sans exclure la possibilité de la coexistence ou de la complémentarité des approches, à élaborer un schéma de la démarche de compréhension des concepts en sciences.

Cinq étapes caractérisent la méthodologie d’analyse de contenu adoptée (Mucchielli, 2006) : 1) identification du corpus, 2) découpage des textes en unités d’analyse, 3) repérage et codage des unités d’analyse, 4) structuration des résultats en schéma de la démarche de compréhension en sciences et 5) validation de ce schéma. La première étape a consisté, pour les chercheurs, essentiellement à trouver, dans les bases de données ERIC et FRANCIS, des volumes, articles, thèse, mémoires, conférences, enregistrements sonores ou magnétoscopiques sur lesquels porterait l’analyse de contenu. En ce qui concerne la deuxième étape, chaque unité d’analyse déterminée correspond à un segment d’information qui se rapporte lui-même à une catégorie. Lors de l’étape suivante, chaque unité d’analyse est décrite à l’aide d’un descripteur, ce qui permet de condenser les informations. Des prises de notes accompagnent une lecture flottante suivie d’une lecture approfondie. À l’étape 4, une analyse des fréquences permet d’identifier les descripteurs importants, afin de les relier au schéma en fonction des relations sémantiques établies entre les descripteurs. Quant à la dernière étape, la validation, théorique et non pas empirique, elle s’effectue à partir de la clarification des paradoxes identifiés dans les textes étudiés, cette clarification permettant d’affiner le schéma. Notons que, loin d’être linéaire, la démarche d’analyse et de synthèse des contenus des unités répertoriées s’enrichit de boucles de rétroaction : des conditions aux processus et inversement ; du processus au produit, et réciproquement ; enfin, chaque produit de la démarche est utilisé comme nouvelle entrée dans le système.

Les résultats mettent en relief d’une part, l’interaction et l’influence réciproque des deux dimensions de la compréhension, comme représentation et comme activité du sujet ; d’autre part, le caractère dynamique et évolutif de la compréhension. En effet, une utilisation répétée de la démarche de compréhension des concepts en sciences permet à l’apprenant d’accéder à une compréhension de complexité croissante. Finalement, de la recherche se dégagent cinq étapes : 1) choisir des stratégies d’enseignement complémentaires pour favoriser la compréhension des concepts en sciences ; 2) établir les conditions de la compréhension ; 3) favoriser le processus de compréhension ; 4) favoriser l’évaluation de la compréhension et 5) favoriser l’autorégulation de la démarche de compréhension. Les auteurs concluent sur l’importance d’inclure les aspects affectifs et sociaux dans le schéma proposé.

Didactique de l’éducation physique (habiletés motrices)

Khaled Taktek propose le huitième article : Stratégies de pratique physique variable / spécifique et acquisition d’habiletés motrices : analyse des écrits spécialisés. Ce texte concerne la didactique de l’éducation physique et sportive, discipline qui contribue au développement psychologique, intellectuel, moral, affectif et social de l’élève. Les objectifs de la recherche sont les suivants : 1) présenter les caractéristiques des habiletés fermées et ouvertes, 2) déterminer les stratégies pédagogiques d’entraînement les plus efficaces pour l’apprentissage moteur et la performance motrice et 3) proposer des perspectives d’intervention pour les enseignants d’éducation physique et sportive en termes de stratégies d’organisation de la pratique physique.

Afin de mener à bien cette recherche spéculative, le chercheur a parcouru 45 années d’écrits scientifiques sur la problématique des habiletés motrices ouvertes ou fermées, ainsi que sur les stratégies d’organisation de la pratique physique, en analysant le contenu de plusieurs bases de données comme Social SciSearch, PsychInf, Eric, Sportdiscuss ou Psychlist. Il en ressort que les habiletés motrices fermées s’exercent dans un environnement prédictif (golf, polo, quilles, plongeon, lancer de fléchettes, lancer de poids, etc.), tandis que les habiletés motrices ouvertes s’exercent dans un environnement changeant (lutte, boxe, judo, football, hockey, etc.), où il faut s’adapter aux actions de son adversaire. Dans le dernier cas, l’environnement est moins prévisible, car il est souvent modifié par une information spatiale, temporelle et spatiotemporelle. Quant à l’apprentissage des habiletés fermées, il diffère de celui des habiletés ouvertes sur trois plans : 1) le traitement de l’information et des exigences prédictives de la tâche ; 2) la nature des changements dans l’organisation du mouvement durant l’apprentissage ; 3) la stratégie d’organisation du patron moteur pour apprendre les activités fermées.

Taktek discute des conditions optimales, reliées à l’environnement, pour l’apprentissage de la pratique fixe par rapport à la pratique diversifiée, en fonction des caractéristiques des sports considérés. La répétition du même mouvement permet la fixation, ou formation d’un schéma ou sillon. En cas de correction d’un ancien comportement moteur, il faut amener l’apprenant à former un nouveau sillon. Après l’exécution d’un mouvement particulier, l’apprenant reçoit un feed-back intrinsèque. Selon la théorie des boucles fermées d’Adams (1971), deux mécanismes servent à l’apprentissage moteur et à la performance motrice : un mécanisme de reconnaissance et un mécanisme de rappel, traduit par la trace mnémonique ou mémorielle (Thomas, 1997). Enfin, après l’exécution d’un mouvement particulier, l’apprenant reçoit un feed-back intrinsèque. L’article se conclut sur des implications pédagogiques.

Didactique de l’éducation physique (préoccupations des élèves)

Signé Jacques Saury et Cécile Rossard, le neuvième article porte sur la didactique de l’éducation physique et sportive. Il s’intitule : Les préoccupations des élèves durant des tâches d’apprentissage coopératives et compétitives en badminton : une étude de cas. Le cours d’action et les préoccupations sont deux des concepts qui sous-tendent cette recherche. À partir des écrits scientifiques, se dégagent des observations auxquelles les didacticiens doivent se montrer attentifs : 1) il existe des écarts entre les significations accordées par l’enseignant aux tâches d’apprentissage et celles construites par les élèves ; 2) l’activité des élèves en classe est complexe et mobilise des enjeux à la fois scolaires et sociaux ; 3) au niveau de l’organisation locale, le cours d’action se définit comme un enchaînement continu d’unités significatives élémentaires issues de l’interaction d’un sujet (acteur) avec son environnement ; 4) au niveau de l’organisation globale, le concept de cours d’action convoque deux notions descriptives : celle d’engagement dans la situation et celle de structures significatives ou préoccupations récurrentes dans l’expérience des élèves.

Du point de vue de la méthodologie, cette recherche descriptive consiste en une étude de cas de deux sujets âgés de 14 ans, sur une durée de dix semaines, et lors de 27 tâches d’apprentissage en badminton. Aux données d’observation s’ajoutent des verbalisations recueillies pendant des entretiens d’auto-confrontation (Theureau, 2006), à partir des enregistrements des comportements d’un sujet en situation par caméra vidéo. Chacun des élèves devait expliciter ses actions, communications, focalisations, interprétations et sentiments. Après transcription des données d’observation et d’auto-confrontation, les deux chercheurs ont examiné les données recueillies ; de façon inductive et itérative, ils ont pu ainsi identifier des préoccupations-archétypes chez les élèves. L’étape suivante a consisté à catégoriser les tâches d’apprentissage selon leurs buts et conditions de réalisation, ainsi que selon leur structure coopérative ou compétitive. Ensuite, Saury et Rossard ont procédé à l’analyse de la dynamique des faisceaux de préoccupations au cours des tâches d’apprentissage (sous l’angle de leur stabilité et de leur congruence).

Parmi les résultats qui découlent de cette méthodologie, voici, selon notre lecture, les plus marquants, au sujet des catégories de faisceaux de préoccupations : 1) dans les sports d’opposition comme le badminton, les élèves auraient tendance à faire évoluer les tâches coopératives en tâches compétitives ; 2) le cas échéant, l’expérience scolaire des élèves intègre, de façon contradictoire, des intérêts scolaires (notes), hédonistes, relationnels et sociaux ; 3) le degré d’engagement des élèves fluctue au cours des tâches d’apprentissage : les faisceaux de préoccupations évoluent, dans près d’une tâche sur deux, de préoccupations congruentes à des préoccupations non congruentes avec la structure des tâches. Cette fluctuation se retrouve bien davantage dans les tâches coopératives que dans les tâches compétitives. Quant aux éléments régulateurs de la dynamique de l’engagement des élèves, en l’absence d’enjeux évaluatifs significatifs pour eux, c’est le degré d’intérêt ou de plaisir qui explique que les élèves transforment la tâche, soit pour se donner des défis plus stimulants ou pour réduire la difficulté de celle-ci. L’évaluation scolaire conduirait donc les élèves à rechercher un modus vivendi : satisfaire aux exigences de l’évaluation tout en maintenant une certaine solidarité avec leurs pairs, même dans les tâches où ils sont adversaires.

Didactique des mathématiques (motivation et classement)

Dans l’article de Valérie Lessard, Roch Chouinard et Julie Bergeron, Incidence de la motivation des élèves du secondaire sur leur classement en mathématiques, le classement des élèves de quatrième secondaire dépend de leur rendement dans cette discipline en troisième secondaire : s’ils sont classés dans le Programme de base en mathématiques, ils n’auront pas accès aux cours de sciences avancées. Or, parmi les caractéristiques propres aux élèves, la motivation constitue un facteur clé de leur engagement, de leur persévérance et de leur réussite (Pajares et Kranzler, 1995). Les perceptions que les élèves ont de leur compétence permettent de prédire leur performance ultérieure. En effet, plus un élève se perçoit comme compétent, plus ses chances de succès sont élevées. Plus il attribue ses résultats à des causes personnelles comme l’effort, plus son rendement est élevé. Enfin, l’intérêt et l’utilité accordés aux mathématiques permettent aussi de prédire le rendement scolaire.

Évaluer le pourcentage de variance expliqué par la motivation en 3e secondaire pour prédire le classement en mathématiques en 4e secondaire et déterminer quelles variables motivationnelles permettent de prédire le mieux ce classement, tels sont les deux objectifs de la recherche. Les trois chercheurs ont adopté un protocole de recherche quantitative, accompagné d’analyses corrélationnelles. Les données obtenues proviennent des réponses à un questionnaire à items auto-révélés ainsi que du classement des élèves en mathématiques dans le cours de quatrième secondaire. Au moyen de régressions multinomiales, la valeur prédictive des variables motivationnelles de 3 711 élèves de 3e sur leur classement en 4e a pu être vérifiée. Les outils de collecte des données sont des sous-échelles qui ont servi à mesurer 1) leur perception de leur compétence en mathématiques ; 2) l’attribution du succès à l’effort qu’ils ont fourni ; 3) l’utilité qu’ils accordent aux mathématiques et leur anxiété de performance ; 4) leurs buts d’accomplissement.

Les résultats de la recherche de Lessard, Chouinard et Bergeron montrent que 56 % des participants n’accèdent pas aux cours intermédiaires et avancés, proportion inquiétante qui les privera ultérieurement d’un plus grand choix de carrières. En ce qui concerne l’attribution du succès à l’effort, les élèves classés en Mathématiques 426 ou 436 plutôt qu’en Mathématiques 416, ne croient pas que l’effort puisse expliquer leur succès. Autre résultat surprenant dans cette étude, les élèves faibles qui expriment un plus grand intérêt pour les mathématiques auraient plus de probabilités de redoubler leur cours que d’être classés en Mathématiques 416, ce qui laisse croire à l’existence d’autres facteurs explicatifs. Quant aux élèves classés en Mathématiques 436, ils ont en moyenne des buts de performance-approche légèrement supérieurs aux autres élèves, et des perceptions de compétences nettement au-dessus de celles de leurs pairs. Enfin, les garçons ont de plus faibles probabilités que les filles de se retrouver classés dans le programme avancé. En conclusion, bien cerner le portrait motivationnel des élèves s’avère d’une importance cruciale, dans une société axée sur les technologies, pour leur donner accès à des carrières techniques et scientifiques.