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Introduction

Cet article provient d'un travail écrit dans le cadre du cours « Diversité sexuelle et intervention sociale » donné à l'Université Laval par le professeur Michel Dorais. L'article a comme objectif de présenter et d'analyser brièvement la problématique de l'homophobie et de l'hétérosexisme dans les écoles québécoises, tout en illustrant les propos avec une expérience que nous avons vécue à l'automne 2009 dans une classe d'un cégep de la région de la Capitale-Nationale. Le but de cette démarche est de montrer que, contrairement à ce que les acteurs du milieu scolaire perçoivent souvent (Conseil permanent de la jeunesse, 2007; Grenier, 2005), la lutte à l'homophobie et à l'hétérosexisme dans les écoles peut se faire simplement et efficacement. Cet article se trouve donc à la croisée des chemins entre une analyse des écrits et une réflexion tirée de notre expérience sur le terrain.

Le concept de l'homophobie fait appel aux notions de discrimination, de sexisme, de stéréotypes de genre, de masculinité et de féminité, de socialisation, et il réfère à une diversité d'attitudes négatives et de comportements agressifs. Au Québec, la définition qu'en donnent le Conseil permanent de la jeunesse (2007) et la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) (2007) synthétise bien ces notions. Le Conseil définit l'homophobie comme étant :

une hostilité psychologique et sociale à l'égard des membres de la diversité sexuelle. Cette hostilité vise non seulement les personnes homosexuelles, mais aussi celles dont l'apparence ou les comportements dérogent aux normes sociales prescrites de masculinité et féminité.

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Toutefois, l'utilisation du mot « homophobie » ne fait pas consensus (Conseil permanent, 2007; Grenier, 2005). Certains chercheurs déplorent que ce concept, qui postule que cette peur est irrationnelle et mette l'accent sur l'individualisation et la pathologie au lieu de cibler l'origine sociale des attitudes négatives envers l'homosexualité (Adam, 1998, dans Émond et Charlebois, 2007). Kitzinger (1995) rappelle que l'homophobie fait référence à un acte ou à un évènement, comme une insulte, un crime, une agression ou une injustice envers une personne homosexuelle. Or, l'oppression a un autre visage. La lesbienne qui évite une réaction négative de ses parents en faisant disparaître de son appartement toutes traces de sa vie amoureuse, sociale et sexuelle est-elle victime d'homophobie? L'homme gai qui garde son emploi parce qu'il évite soigneusement de parler de sa vie privée ou parce qu'il utilise des pronoms féminins ou neutres pour parler de ses amours ne subit-il pas de l'oppression? Ce genre de non-évènements comme les appelle Kitzinger font écho à un autre concept que l'homophobie : l'hétérosexisme.

Plusieurs auteurs (Commission des droits, 2007; Demczuk, Dorais, Duquet et Ryan, 2003; Welzer-Lang, 1994) décrivent l'hétérosexisme comme le fait Neisen (1990), c'est-à-dire comme :

la discrimination et l'oppression basées sur une distinction faite à propos de l'orientation sexuelle. L'hétérosexisme est donc aussi la promotion incessante, par les institutions ou les individus, de la supériorité de l'hétérosexualité et de la subordination simultanée de l'homosexualité. L'hétérosexisme tient pour acquis que tout le monde est hétérosexuel, sauf avis contraire.

Welzer-Lang, 1994 : 57

Cette définition met l'accent sur la normalité présumée de l'hétérosexualité et sur l'oppression souvent invisible que subissent les personnes non hétérosexuelles. Elle sort hors de l'individu la source de la discrimination et elle permet de mieux comprendre la réalité des gais et des lesbiennes qui consultent (Kitzinger, 1995; Neisen, 1990; Rothblum et Bond, 1995). L'hétérosexisme prend place dans une société qui dichotomise les sexes et les orientations sexuelles et pousse autant les hommes que les femmes de toutes les orientations sexuelles à adopter des comportements et des attitudes stéréotypés et normalisés à travers le modèle hétérosexuel.

L'homophobie et l'hétérosexisme dans les écoles

L'homophobie dans le milieu scolaire reçoit de plus en plus l'attention des écoles, un peu partout au Québec. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (2007) nous rappelle que, selon le GRIS-Québec, 76 % des enseignants de la région de Québec disent entendre des commentaires homophobes à l'école secondaire. L'homophobie semble surtout dirigée vers les jeunes lesbiennes et les jeunes gais ou les jeunes hétérosexuels étant perçus comme homosexuels parce qu'ils ne correspondent pas aux stéréotypes de la masculinité ou de la féminité, et elle semble davantage s'exercer envers les garçons. Les données rapportées par le Conseil permanent de la jeunesse rendent compte elles aussi « de la présence de l'homophobie au sein de l'école [ainsi que de] la persistance des préjugés et des stéréotypes sur l'homosexualité » (2007 : 18). Son enquête québécoise menée en 2006 indique que près de 88 % des répondants d'écoles secondaires ont été témoins d'attitudes et de comportements homophobes au sein de leur école.

L'hétérosexisme du système scolaire transparaît bien à travers les manuels scolaires utilisés dans les écoles québécoises. Temple (2005) a analysé ceux utilisés au secondaire dans différents cours. Elle constate que, sur les 610 pages analysées, 577 (95 %) mentionnent la sexualité humaine ou l'orientation sexuelle en termes d'hétérosexualité uniquement, tandis que 33 pages (5 %) seulement mentionnent l'homosexualité, et seules 7 de celles-ci (1.2 %) le font de manière positive. Temple conclut que les manuels scolaires québécois sont fortement hétérosexistes puisqu'ils marginalisent la sexualité entre personnes de même sexe, normalisent l'hétérosexualité et accentuent une distinction rigide entre les hommes et les femmes.

À l'automne 2009, une enseignante d'un cours de mise à niveau en français dans un cégep de la ville de Québec a montré une publicité de la Fondation Émergence, utilisée par celle-ci lors de sa campagne 2003 (en annexe). L'affiche met en scène deux hommes « virils » en habit de hockey qui sont sur le point de s'embrasser. L’enseignante a demandé aux étudiants (environ une trentaine d'hommes et de femmes de 17 ou 18 ans) de rédiger un texte répondant à la question suivante : « Cette publicité vous choque-t-elle? » Le simple fait de distribuer l'image avait provoqué, chez certains garçons, un dégoût et une réprobation parfaitement audibles; les « ouache » et les « ostie de fifs à marde » avaient fusé abondamment! Voici quelques extraits de textes recueillis ensuite par l'enseignante :

La chose qui me provoque le plus en tant qu'homophobe [sic] est la publicité montrant des hommes qui s'embrassent, car je crois fortement que c'est une façon subtile de promouvoir cette façon de vivre répugnante selon moi. […] Est-ce qu'un jour, dans un monde meilleur, l'homosexualité deviendra un sujet tabou aux yeux de tous afin qu'elle disparai[sse] de nos vies à jamais?

Je ne comprends pas comment deux hommes peuvent avoir le courage de poser dans une position comme celle-ci. Je trouve cela aberrant et dégradant pour l'image de l'homme. […] Je crois que les gens n'ont pas à être sensibilisés davantage envers les gais, car nous sommes suffisamment tolérants.

Une campagne comme celle-ci n'est rien d'autre qu'une lutte contre l'espèce humaine. […] Je dirais que personne ne [fait] de campagne de sensibilisation aussi pornographique et choquante que [celle-ci].

Parmi les garçons assistant au cours, une dizaine faisait partie de l'équipe de football de leur cégep. Ce détail n'est pas anecdotique puisque ces jeunes adultes évoluent dans un milieu sportif où la masculinité est glorifiée et où la moindre parcelle de divergence par rapport au genre masculin hétérosexuel est condamnée et sanctionnée (Lajeunesse, 2008). Les commentaires homophobes recueillis dans ce cours provenaient en grande partie des joueurs de football. Nous reviendrons sur le lien entre sport et homophobie dans la section suivante.

Les effets de l'homophobie et de l'hétérosexisme en milieu scolaire sont multiples. En ce qui a trait aux jeunes eux-mêmes, les recensions de recherches de la CDPDJ (2007) ainsi que celle de Ryan (2003) révèlent que les victimes de ce type de violence sont plus à risque : 1 - de manquer des cours, 2 - d'abandonner l'école, 3 - de tenter de s'enlever la vie, ou 4 - de vivre de l'homophobie intériorisée et de manquer d'estime de soi. Quant aux témoignages recueillis auprès des jeunes gais et lesbiennes, ils font état de la violence physique et psychologique dont ces jeunes sont victimes. L'école semble un lieu particulièrement hostile; bousculades, gifles, coups de poing, sans compter toutes les injures comme fif, tapette, ostie de gai, gouine, et ainsi de suite, sont autant d'exemples des agressions perpétrées à leur endroit (Conseil, 2007; Dorais et Lajeunesse, 2001). Ce n'est donc pas par hasard si l'Agence de la santé et des services sociaux de la Capitale-Nationale (2009) s'inquiète de l'impact de l'homophobie en milieu scolaire sur la santé des jeunes ainsi que du facteur de risque accru d'absentéisme et de décrochage scolaire qu'elle représente. En ce qui a trait à la présence du phénomène au collégial, peu de recherches semblent s'y être attardées à ce jour. Cependant, les données préliminaires d'une vaste recherche en cours dirigée par Chamberland auprès d'environ 2000 répondants semblent montrer que si les agressions homophobes diminuent en nombre lors du passage au collégial, il suffit de quelques événements malheureux pour raviver chez les anciennes victimes des blessures profondes (Brunet, 2009). Au bout du compte, on comprend donc qu'il ne s'agit plus tant de constater la présence de l'homophobie et de ses effets néfastes sur la santé et la sécurité des jeunes, que de combattre et prévenir le problème. Pour ce faire, il importe de circonscrire le plus possible les causes de cette violence et de voir qui sont les principaux agresseurs.

Lien entre homophobie, masculinité et sport chez les étudiants

Nous avons mentionné plus haut qu'il y a un lien entre masculinité et homophobie. En effet, bien que les hommes d'aujourd'hui puissent adhérer à différents types de masculinité, il semble que la masculinité hégémonique demeure la référence, le modèle supérieur à tous les autres (Connell, 1995). Ce modèle masculin met l'accent sur l'action à tout prix, le silence, la suppression des émotions, un physique combatif et la violence (Lajeunesse, 2008). Cette violence, elle est d'abord dirigée vers les homosexuels ou ceux étiquetés comme tels et vers les femmes. Ainsi, maintenir l'hétérosexisme et la masculinité hégémonique à l'école est contradictoire avec l'idée d'une école offrant un milieu de vie sain et ouvert (Tharinger, 2008). Des travaux qui se sont attardés à vérifier les attitudes des adolescents participant à des sports comme le football, le hockey, le soccer ou le baseball ont constaté que les équipes sportives étaient des environnements propices à l'expression d'une homophobie verbale et que les sportifs manifestaient significativement plus d'attitudes homophobes que les non-sportifs ou encore que les filles (Osborne et Wagner, 2007; Roper et Halloran, 2007). Non seulement la pression de pairs homophobes augmente-t-elle le risque qu'un jeune émette des injures homophobes (Poteat, 2007), mais les rituels sportifs perpétueraient la masculinité hégémonique des garçons, c'est-à-dire « la domination de leur environnement social, la subordination et la marginalisation des hommes non conformes au genre […] et la peur du féminin, exprimée entre autres par l'homophobie » (Lajeunesse, 2008 : 212). Ce dernier chercheur a montré également que les joueurs de sports d'équipe sont souvent inquiets par rapport à leur masculinité, que celle-ci doit être construite à tous moments. Ainsi, malgré leur indéniable correspondance au stéréotype du mâle, ces hommes demeurent obsédés par le rejet des caractéristiques féminines et par le fait de ne jamais être assez « homme ». On ne s'étonnera donc plus, à la lumière des résultats de recherche exposés ci-dessus, que les jeunes hommes qui fréquentent le secondaire et le collégial soient prédisposés à considérer les attitudes homophobes comme faisant partie intégrante de la masculinité et des attentes que les autres hommes ont envers eux.

La prévention : quelles solutions?

La prévention de l'intimidation et de la violence à l'école est un sujet qui préoccupe beaucoup les commissions scolaires et les parents. Malgré cela, les programmes de prévention du taxage et de l'intimidation incluent peu sinon pas de discussion sur l'homosexualité et le non-conformisme de genre (Walton, 2004). Il s'agit d'une lacune notable puisque de plus en plus d'auteurs et de chercheurs montrent que l'intimidation scolaire et l'homophobie sont étroitement liées (Lipkin, 2004; Poteat et Espelage, 2005; Tharinger, 2008; Walton, 2004). Une explication de cette omission serait la peur que les enseignants et les directions auraient de faire la « promotion » de l'homosexualité ou leur propre malaise et manque de connaissance sur le sujet (Grenier, 2005; Lipkin, 2004). Ou encore qu’ils dispenseraient une éducation sexuelle plutôt hétérosexiste parce qu'ils considèrent leurs étudiants trop homophobes pour être capables de recevoir de l'information sur la diversité sexuelle, ce qui peut sembler paradoxal (Buston et Hart, 2001); c'est un peu comme si des enseignants refusaient de lutter contre le racisme parce qu'ils considéreraient leurs étudiants trop racistes… Ainsi, l'école, malgré la bonne foi de certaines personnes sur le terrain (Conseil, 2007), demeure un système hétérosexiste. Que ce soit à travers un certain discours sur les relations amoureuses entre personnes de même sexe, l'éducation sexuelle axée uniquement sur la reproduction hétérosexuée, la « territorialisation » de l'hétérosexualité à travers les soirées dansantes, les activités de Saint-Valentin ou le bal des finissants, les images véhiculées dans les médias de masse, les manuels scolaires ou la lecture de textes et de romans mettant en scène uniquement des relations entre hétérosexuels (Temple, 2005; Walton, 2004), le milieu scolaire promeut l'hétéronormativité et laisse en plan la diversité sexuelle, offrant ainsi un terreau fertile au développement de l'homophobie. L'histoire de Marc Hall, ce jeune Canadien ayant poursuivi son école secondaire en 2002 parce qu'il ne pouvait inviter son copain au bal, illustre parfaitement cette mécanique scolaire volontiers hétérosexiste.

Ainsi, il convient de s'attaquer au problème de l'homophobie et de l'hétérosexisme scolaires de manière systémique et non plus seulement centrée sur les jeunes de la diversité sexuelle. On ne verra pas de transformation en profondeur dans le milieu scolaire tant que l'on continuera à percevoir le problème sous l'angle individuel (Tharinger, 2008). Seules des transformations systémiques, c'est-à-dire de l'action collective concertée axée sur le long terme et le changement social, viendront à bout de l'homophobie. Notre analyse des pistes de solution s'articule autour de trois perspectives : l'individuel, le groupe et le système-école.

Au niveau individuel, les interventions des enseignants, des psychologues, des surveillants et autres membres du personnel doivent être exemptes d'hétérosexisme. Une approche adaptée aux besoins des jeunes lesbiennes, gais, bisexuels et transgenres (LGBT) ne présume pas de l'orientation sexuelle du jeune, manifeste une ouverture aux réalités des LGBT, utilise un langage inclusif, évite l'étiquetage, explore les effets de la stigmatisation, présente une image positive des réalités de la diversité sexuelle et fait connaître les ressources communautaires existantes (Demczuk, Dorais, Peers et Ryan, 1998).

Sur le plan du groupe, il serait particulièrement pertinent d'implanter des groupes de type Gay-Straight Alliance (GSA) dans les écoles, malgré les défis inhérents à ce genre d'initiative (Lipkin, 2004), ainsi que les principes de « l'enseignement de la tolérance » (Lock, 2002). Les GSA, implantées dans les écoles secondaires, sont coordonnées par les étudiants et font la promotion du respect de la diversité sexuelle grâce à des activités éducatives ou sociales. Les premières ont vu le jour au milieu des années 1990 aux États-Unis et au Canada anglais et les recherches ont montré qu'elles étaient efficaces dans la lutte contre l'homophobie (Uribe, 1994, et Uribe et Harbeck, 1992, dans Lock, 2002). L'enseignement de la tolérance se traduit par une intervention active lors de tout incident de harcèlement; ne jamais l'ignorer, ne jamais l'excuser ou rester immobile devant les faits. L'enseignement efficace commence par l'identification du comportement répréhensible. Ensuite, le harcèlement doit prendre fin immédiatement. Enfin, il doit y avoir un retour sur l’incident avec les personnes impliquées pour qu'il y ait apprentissage. Cela peut être fait sur le coup ou encore plus tard, pour éviter autant à l'agresseur qu'à la victime d'être humiliés publiquement. Lipkin (2004) recommande cela dit d'éviter la confrontation et la bête punition; le but est que les étudiants intériorisent des valeurs non hétérosexistes et non pas qu'ils agissent correctement par peur d'être punis ou par désirabilité sociale. Les enseignants peuvent aussi être proactifs et intégrer de l'information sur la diversité sexuelle en classe (Lock, 2002).

Dans une perspective plus systémique, l'école doit changer encore davantage. Le Conseil permanent (2007) synthétise bien les grands axes de la prévention. Les écoles devraient : s'engager formellement à lutter contre l'homophobie; outiller le personnel; informer, former et démystifier tous les acteurs du milieu; et soutenir les jeunes, les porteurs de dossiers et s'allier avec les organismes communautaires partenaires dans la lutte contre l'homophobie. Seule une intervention en profondeur sur ces trois niveaux a une chance de porter ses fruits, et tous devront être mobilisés, car, au final, s'il est de la responsabilité des directions d’école d’assurer la sécurité des jeunes victimes de violence homophobe qui fréquentent leur école (Commission des droits, 2007), peu importe leur orientation sexuelle, c'est ultimement à la communauté de revoir ses normes (Lipkin, 2004) et d'inclure le respect des membres de la diversité sexuelle.

Une expérience d’intervention au cégep : ouvrir les esprits sans se casser la tête…

Dans le sillage de nos travaux et réflexions, nous avons été invités par l'enseignante de la classe mentionnée ci-dessus à monter un atelier de sensibilisation à l'homophobie et à l'hétérosexisme. Cet atelier a été donné un mois après que l'enseignante eut été témoin de l'attitude et des comportements homophobes de certains de ses étudiantes et étudiants. Nous inspirant des résultats des recherches citées plus tôt sur la lutte contre l'homophobie, nous avons préparé un atelier participatif laissant aux étudiants la liberté de s'exprimer. Dans l’élaboration de l'exposé, les objectifs suivants ont été retenus :

  1. Éviter la confrontation, tant par rapport aux idées que dans la manière d'interagir auprès du groupe;

  2. Informer de manière rationnelle, donner des faits sur l'homosexualité et la sexualité en général;

  3. Mettre l'accent sur les doubles standards hétérosexistes;

  4. Ébranler les stéréotypes de la masculinité hégémonique;

  5. Souligner l'impact néfaste de l'homophobie et de l'hétérosexisme sur tous et toutes, pas uniquement les membres de la diversité sexuelle.

En classe, l'atelier s'est déroulé comme suit. Il y avait tout d'abord un remue-méninge sur l'origine de l'homosexualité et les mythes sur l'homosexualité. Nous avons posé les questions « pourquoi est-ce mal ou dégoûtant? » et « d'où vient l'homosexualité? ». Les étudiants ont répondu, entre autres choses, que: les gais sont obsédés par le sexe anal, ils ne peuvent pas faire des enfants, ils sont pervers, il s'agit d'un problème génétique, d'un choix, c'est une maladie venant de San Francisco. Nous avons donc donné des faits sur la fréquence des relations anales chez les hommes (gais et hétéros). Nous avons rappelé que les gais et les lesbiennes n'étaient pas stériles par définition, que plusieurs avaient eu des enfants alors que des milliers d'hétérosexuels ne faisaient pas d'enfants ni ne désiraient être parents. Quant à la « perversion » ou la sexualité présumément exacerbée des homosexuels, il a suffi de mentionner quelques exemples comme Britney Spears, les Pussy Cat Dolls, Loft Story et Occupation double pour montrer que la sexualité hétérosexuelle était autant, sinon plus médiatisée que celle des homosexuels. Quant aux origines de l'homosexualité, là encore il fallait souligner le double standard; est-ce que l'on s'inquiète de l'origine de l'hétérosexualité?

Par la suite, nous avons montré une série de vidéos tirées du site YouTube. La première était composée d'un pot-pourri d'extraits de films hollywoodiens dans lesquels un homme et une femme s'embrassaient. La deuxième était un extrait d'une sitcom australienne dans lequel deux filles s'embrassaient (pour le plus grand plaisir des garçons qui les entouraient…). La dernière montrait une publicité dans laquelle deux joueurs de football hypermasculins présumés hétéros s'embrassaient à pleine bouche sans crier gare, à la consternation et au grand malaise des autres joueurs! Ces extraits ont alimenté une discussion sur le double standard face au baiser : c'est banal quand il est hétéro, excitant quand c'est des « lesbiennes » et dégoûtant quand c'est deux hommes, même virils. Le reste de l'exposé s'est attardé à montrer, toujours à l'aide de vidéos récentes, l'impact que l'homophobie avait dans la vie des gais, des bisexuels et des lesbiennes (sports, famille, politique, école, travail). La participation était excellente. Il y a eu plusieurs éclats de rire et quelques protestations. Nous avons pris soin d’éviter la confrontation personnelle et nous avons insisté sur le fait que nous n'étions pas là pour convaincre qui que ce soit d'aimer l'homosexualité, mais plutôt pour leur démontrer que l'homophobie et l'hétérosexisme brimaient chacun d'entre nous et que notre conception des orientations sexuelles reposait beaucoup sur des doubles standards par définition arbitraires et injustes. Enfin, nous avons rappelé à l'auditoire que toutes et tous devraient un jour (si ce n'était pas déjà le cas) interagir avec des personnes non hétérosexuelles ou qui ne correspondent pas aux stéréotypes du genre, que ces personnes soient des collègues, de la parenté, des amis ou leurs propres enfants. Probablement y avait-il même des gais ou des lesbiennes dans la classe. Il était donc du devoir de toutes et de tous de faire en sorte que tout le monde se sente bien en leur présence.

Conclusion

Il ne fait plus de doute que l'homophobie est toujours présente dans le milieu scolaire québécois et que cette dernière a un impact nocif sur les jeunes de toutes orientations sexuelles. Les recherches montrent que le problème est exacerbé par la perspective plutôt hétérosexiste du système scolaire et de l'enseignement, ainsi que par la persistance du modèle de la masculinité hégémonique. Nous avons vu que les jeunes hommes participant à des sports de groupe sont particulièrement prédisposés à développer des attitudes homophobes et sexistes qui auront des répercussions sur la conception qu'ils se font d'eux-mêmes et des autres filles et garçons qui les entourent. Plusieurs programmes ont été conçus dans la dernière décennie pour prévenir l'homophobie dans les écoles. Pour être efficaces, ces derniers doivent (1) promouvoir la diversité sexuelle et la diversité des rôles du genre; (2) créer un environnement sain pour tous et toutes; (3) être axés sur l'intervention individuelle ET de groupe; (4) et être évalués en fonction de l'amélioration de l'atmosphère sociale générale de l'école et non uniquement de la diminution d'actes homophobes isolés (Tharinger, 2008). Nous avons montré qu'il est assez simple de préparer un atelier de sensibilisation somme toute efficace à court terme en suivant quelques objectifs tirés des recherches sur l'homosexualité, le genre et l'homophobie.

Nous laissons la conclusion de cet article aux étudiants rencontrés au cégep. Ces derniers avaient un résumé à écrire à la suite de l'atelier. L'enseignante a eu l'amabilité d'envoyer d'autres extraits anonymes représentatifs de la transformation qu'elle a vue s'opérer dans le discours des jeunes :

[Le conférencier] nous a expliqué que les préjugés blessent vraiment les [gais et lesbiennes], car ils ne peuvent pas montrer réellement qui ils sont sans penser à ce que les autres vont penser d'eux.

[Le conférencier] citait des statistiques qui remettaient en doute tous les préjugés et posait des questions pour nous faire réfléchir sur ce qu'il disait pour nous faire comprendre que ces préjugés sont tout à fait injustifiés. [ …] C'est alors que la réaction des autres joueurs fut négative et celle des élèves qui regardaient attentivement aussi. La démonstration du double standard que vivent les homosexuels était faite : les réactions de dégoût face aux couples homosexuels sont plus présentes que pour les couples hétérosexuels.

J'ai bien aimé la conférence, car elle était très bien faite et elle véhiculait beaucoup d'informations sur les préjugés et les origines de l'homosexualité. […] [Le conférencier] nous a démontré que les préjugés étaient la plupart du temps n'importe quoi. […] Malgré tout, la morale de cette conférence n'est pas de défendre les homosexuels, mais bien de nous ouvrir les yeux sur le problème qu'est l'homophobie.

Finalement, c'est en repensant à des phrases dites lors de cette conférence que nous sommes partis en ayant peut-être un peu grandi intérieurement.

Nous avons l'espoir que ces changements seront réels et permanents, et pas simplement motivés par le désir de recevoir une bonne note.