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Ce livre est le premier ouvrage publié dans la collection Patrimoine des géographes qui est consacrée à la vie et à l’oeuvre de grands géographes contemporains. Cette collection est dirigée par Christian Daudel, géographe à l’Université Jean Monnet, à Saint-Étienne en France. C’est ce dernier qui a interrogé Jean Demangeot en 2007, deux ans avant le décès du géographe. L’ouvrage comprend deux parties ; la première est le résultat de ses entrevues avec Jean Demangeot et la deuxième comprend des extraits des écrits de ce dernier. En annexe, se trouvent divers index ainsi qu’une liste exhaustive des publications de Demangeot et une courte biographie de 28 personnalités mentionnées lors des entretiens. Pour camper le personnage, il faut dire qu’il est né en 1916 à Paris, où il fait ses études de géographie comme élève d’Emmanuel de Martonne (1873-1955), études qu’il termine à Grenoble en 1945 ; cependant, il ne soutient sa thèse de doctorat d’état à la Sorbonne qu’en 1965, sous la direction de Pierre Birot. De 1945 à sa retraite, en 1985, il enseigne à Lyon, Rome, Rio de Janeiro, Reims, Toulouse puis Nanterre et voyage dans une trentaine de pays de presque tous les continents.

Dans la première partie, l’auteur fait parler Jean Demangeot sur sa carrière, mais aussi sur sa conception de la géographie. Ce qu’il faut d’abord retenir, c’est qu’un bon géographe doit toujours défendre son indépendance d’esprit et que c’est à travers les excursions et travaux sur le terrain qu’il se révèle. En effet, Demangeot croit fermement à la pédagogie de terrain et soutient qu’il faut que la géographie devienne une façon de penser. Il croit aussi que la recherche est indissociable de l’enseignement et que l’honnêteté intellectuelle n’est pas négociable. Enfin, il soutient que la véritable géographie est celle de la connaissance de l’humain dans son milieu terrestre. Dans cette partie, qui est longue à lire, je crois que l’auteur aurait dû fournir au lecteur une synthèse ou un résumé des pensées ou des faits importants au début de chacun des sept chapitres.

La deuxième partie est constituée d’extraits significatifs et du contexte de 39 des 147 publications de Demangeot, écrites presque toutes en français entre 1938 et 2004. Près de 80 % de ces publications sont en géographie physique et le reste en géographie humaine et régionale, avec quelques-unes sur la préhistoire. La plupart, rédigées tout au long de sa carrière, portent sur l’Europe, mais plusieurs portent aussi sur l’Amérique du Sud (écrites vers 1959-1961), sur l’Afrique (dans les années 1960) et sur l’Asie (dans les années 1970). Seulement deux articles, datant de 1974, concernent le Canada : les glissements de terrain à Poste-de-la-Baleine et le karst de l’île Devon. En géographie physique, Demangeot s’intéresse dès le départ au glaciaire et au périglaciaire, au structural, à partir des années 1950, et aux phénomènes tropicaux depuis la fin des années 1950. Cependant, à partir des années 1980, ses écrits constituent principalement des synthèses thématiques de ses observations, dont ses fameux manuels sur les milieux « naturels » du globe, qui en sont à leur 10e édition en 2009, et sur la « tropicalité » en 1999.

En conclusion, dans cet ouvrage, on présente un cas intéressant d’une carrière de géographe universitaire confiant dans l’avenir de la géographie. Les enseignements qu’on en tire dépassent la simple carrière de Demangeot. Il est cependant dommage que les photographies ne soient pas datées et que plusieurs soient mal reproduites, probablement à cause de la numérisation.