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Il s’agit d’une nouvelle édition d’une oeuvre désormais classique et appréciée tant par les praticiens que les formateurs dans le domaine de la négociation internationale. Cependant, malgré le nouveau titre du livre qui porte à croire que de nouvelles sections ont été introduites, cette édition demeure la même que les éditions antérieures, notamment celle de 1980.

En dépit de son allure de manuel juridique, chaque paragraphe numéroté (et il y en a 2680…) contient des maximes et des observations profondes qui illustrent d’une manière succincte divers aspects et dimensions de la pratique négociative. À cet égard, l’ouvrage s’avère être un bréviaire de principes fondamentaux de la négociation internationale. Sans aucun doute, c’est aussi le niveau d’articulation des notions et des concepts fondamentaux de la négociation internationale qui représente la qualité saillante de cet ouvrage. Chez Plantey, les notions les plus difficiles d’accès comme les plus simples sont exprimées avec simplicité et une économie de mots.

Le classique de Plantey se déploie en quatre mouvements. L’ouvrage s’ouvre sur la négociation diplomatique : c’est celle qui se charge de la réglementation des relations entre États. La deuxième partie concerne la négociation institutionnelle : celle qui rend permanent les moyens de coopération entre les États. La troisième traite de la négociation prospective : celle qui rend possible la coopération entre les États sur un ensemble de politiques à suivre tant au niveau international que national. La quatrième partie porte sur la négociation comme art politique. À première vue on croirait qu’il s’agit d’une reprise de l’art de négociation que l’auteur avait déjà traité dans sa première partie. Mais tel n’est pas le cas. En effet, Plantey nous propose une analyse du système politique global accompagné par plusieurs références à des concepts des Relations internationales. Cette dernière partie est sans doute la moins impressionnante car l’auteur se réfère à des débats conceptuels qui sont aujourd’hui dépassés.

Plantey réussit à montrer la négociation comme l’une des plus vieilles pratiques humaines. En effet, la guerre et le commerce ont été traditionnellement les deux domaines principaux de la négociation. On négocie pour éviter la guerre ou pour la préparer ; on négocie pendant la guerre afin d’établir les termes de sa fin ; on négocie les termes de la paix et de l’ordre politique subséquent devant gouverner les relations entre acteurs internationaux. Plantey ne perd pas de vue que les origines de la négociation résident dans le commerce et dans ses techniques de marchandage, de conciliation et d’agrégation d’intérêts des parties en négociation. À la fin de cette première partie, l’auteur montre comment la négociation est un chantier où se construisent des règles et des normes de comportement internationales et, à partir de là, des principes de droit auxquels se rapportent ultérieurement les intervenants et les interlocuteurs.

Dans la négociation institutionnelle, l’auteur aborde les diverses formes d’institutions fondées sur la pratique négociative. Ainsi, il clarifie que c’est la négociation qui fonde et alimente les institutions qui en sont le résultat. À leur tour, les diverses formes d’institutions, dont les alliances, les conférences et les organisations, fournissent des cadres organisationnel et communicationnel susceptibles de mener la négociation vers de nouvelles façons de négocier et d’arriver à des consensus durables avec un nombre toujours croissant d’intervenants. Ce sont les diverses techniques avancées de la négociation qui assurent également le développement institutionnel des organisations internationales afin de les mieux adapter aux besoins humains globaux.

C’est dans la négociation prospective que Plantey traite des phénomènes plus récents. Il s’agit en fait de la manière dont les États élaborent des politiques publiques internationales. Chez Plantey seule la communauté des États est présente. Mais on sait que depuis le début des années quatre-vingt-dix, ces forums sont aussi visités par plusieurs autres types d’intervenants non étatiques, dont le monde des affaires, des ong et des groupements de la société civile. Souvenons-nous du Sommet de Rio de Janeiro de 1992 sur l’environnement qui semble avoir inauguré une série de sommets dans d’autres domaines aussi vitaux que la protection des droits de la personne et du développement social. Aujourd’hui, ces sommets – et nous pensons à celui de Johannesburg de 2002 – sont devenus un vaste chantier de négociations et de manifestations sociopolitiques intenses. Ces sommets ont démontré clairement que la technologie politique de la négociation n’est plus l’apanage des politiciens et des administrateurs d’État ; des groupes de citoyens peuvent également élaborer un ensemble de politiques publiques compréhensives et les faire proposer avec succès sur la place publique globale. Plantey ne considère pas ces développements récents : c’est pourtant là où se situe le centre de gravité de la négociation internationale dans ce siècle nouveau.

C’est pourquoi la nouvelle édition ne signale aucune nouveauté critique. Pourtant, depuis le début des années quatre-vingt-dix, l’étude et la pratique de la négociation internationale se sont intensifiées. Cet ouvrage ne reflète pas les avancées, sinon les percées, de l’art et de la science de la négociation internationale. Le titre nous semble plutôt refléter la préoccupation des éditeurs à remettre en marché un livre qui avait été publié au début des années quatre-vingt. Les matériaux demeurent ceux des années soixante et soixante-dix ; les années au cours desquelles l’auteur a probablement conçu et rédigé l’ouvrage.

Malgré cette lacune, l’ouvrage de Plantey demeure un classique car il aide à former l’esprit du négociateur apprenti et sert aussi de compagnon à ceux qui pratiquent la négociation.