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Il est fini le temps où l’extrême droite n’était qu’une pâle figure de l’opposition, rarement présente au sein des gouvernements européens et, par conséquent, dans la politique nationale quotidienne. Les jeunes générations n’ont souvent plus la parole de leurs grands-parents pour leur rappeler ce qu’était la droite extrême, notamment au siècle dernier : seuls les livres d’histoire peuvent leur en parler désormais.

Dans l’état actuel de l’économie mondiale, il convient de porter une attention particulière aux discours prononcés par les dirigeants de l’extrême droite. Il est donc fondamental de se demander ce que le mouvement actuel de normalisation de l’extrême droite serait capable de produire, dans ce monde agité, confronté de plus en plus régulièrement à des crises bouleversant repères et habitudes.

L’ampleur du thème abordé dans cet ouvrage impose un exercice de définition. La prise de position est claire, parodiant C. Mudde : il est impossible de définir l’indéfinissable. Les limites sont donc flexibles, par volonté d’intégrer au sein du sujet tout ce qui pourrait se sentir concerné. Mais l’ouvrage se targue d’éviter tout généralisme sur le traitement des individus ou des groupements ciblés : ils ne vivent pas comme une communauté et il convient de ne pas tenter de les assimiler afin de ne pas réduire la portée du propos.

La littérature internationale dans ce domaine, étant donné l’ampleur du phénomène, excède ce qu’il serait indispensable de pouvoir lire ! L’ouvrage dont nous parlons propose une lecture multidirectionnelle de la situation, par sa nature même : un ouvrage collectif. Il pose la question des conditions et des conséquences de l’arrivée au pouvoir de ces nouveaux partis.

Atteignant un seuil de crédibilité important, les partis d’extrême droite européens se comportent désormais comme tous les partis au pouvoir. L’ouvrage dont nous parlons évoque deux grandes problématiques liées à la position de l’extrême droite au sein de l’échiquier politique européen. La première pose la question de l’intérêt de constituer une nouvelle famille de partis avec la droite populiste, en parallèle de l’extrême droite, considérée comme plus traditionnelle, parce que plus connue. Le second questionnement porte sur les problématiques de continuité ou de rupture avec la Seconde Guerre mondiale : peut-on retrouver des points communs entre l’évolution actuelle et celle qui a précédé la dernière guerre mondiale ?

Les avis divergeant, la littérature se multiple sur le sujet et le débat reste inachevé. Mais l’objet de cet ouvrage repose fondamentalement sur des situations bien plus quotidiennes : il s’agit de comprendre comment les partis d’extrême droite envisagent leur accession au pouvoir, dans le cas où cela ferait partie de leurs plans de bataille.

Que l’on parle du Front national français, du fpo en Autriche, du parti du progrès en Norvège et au Danemark, du parti populaire danois, du parti national slovaque, du Mouvement social italien-Alliance nationale, de la Ligue du Nord, des Republikaner, du npd et de la dvu en Allemagne, de la Liste Pim Fortuyn et du parti de la Liberté aux Pays-Bas, de l’Ataka en Bulgarie, du parti populaire de la Grande Roumanie, du Vlaams Belang et du Front national en Belgique, de l’Union démocratique du Centre en Suisse ou du laos en Grèce... il s’agit ici de considérer l’ensemble des éléments qui influent, favorablement ou non, sur la vie du parti.

Un aspect est essentiel dans l’analyse proposée ici : on parle de l’Europe tant comme continent que comme formation politique. Or, les partis d’extrême droite sont en général anti-européens, par nationalisme. Ceux qui accèdent au pouvoir détiennent ainsi la capacité de s’opposer à la construction de l’Europe politique, communautaire.

En détaillant les avancées respectives des différents partis, dans les divers pays, l’ouvrage balaie les modes d’organisation, de fonctionnement, les relations que ces partis entretiennent avec le pouvoir en place ou les autres partis politiques, les luttes intestines qui les fragilisent, la volonté de participer aux élections… et décrit leurs évolutions et la portée de leurs idées. La vision des partisans est également prise en considération dans cette analyse comparée poussée. Les études de cas permettent d’apporter une réponse au questionnement.

L’avancée des partis d’extrême droite en Europe repose sur chacun de ses citoyens. La lecture de cet ouvrage devrait participer à la diffusion du message et, ainsi, à la limitation de l’importance de ces partis au sein des gouvernements et de la vie politique du continent.

On pourrait reprocher à cet ouvrage, à la fois très académique et très concret, un excès de zèle dans l’analyse de certaines situations, ne favorisant pas la transmission du message à ceux qui seraient rebutés par cette approche un peu difficile parce que très poussée. Au-delà de cette difficulté, cependant, et devant des situations extrêmement complexes, ceux qui poursuivront leur lecture ne seront pas déçus ! Les analyses sont fines et l’observation est utile. Le message passe et, comme l’information et la connaissance font partie des meilleures modalités de lutte contre les extrémismes, cet ouvrage est à mettre entre toutes les mains.