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Il y a 100 ans, on savait ce qui causait le mildiou (Phytophthora infestans (Mont.) de Bary) de la pomme de terre depuis la grande famine d’Irlande. Ce qui était important alors, c’était surtout de trouver des remèdes efficaces pour lutter contre la maladie qui entraînait des pertes importantes dans les cultures, soit de 40 à 50 % et parfois plus.

La bouillie bordelaise était le fongicide le plus employé à cette époque et on tentait d’améliorer son efficacité en expérimentant toutes sortes de mixtures pour protéger le feuillage des pommes de terre et en faisant des abreuvements de sol avec de la bouillie bordelaise et de la formaline. Les moyens de lutte préconisaient aussi l’emploi de tubercules sains.

À cette époque, les efforts des chercheurs se résumaient donc à l’utilisation de ces fongicides inorganiques surtout à base de cuivre, et ce, jusque dans les années 1930-1940. Ces fongicides étaient relativement peu efficaces car peu résiduels, facilement délavés par la pluie et ils devaient être appliqués à plusieurs reprises.

C’est alors que les premiers fongicides de synthèse, les dithiocarbamates (mancozèbe, manèbe, métirame, etc.), les phtalonitriles (BRAVO) et plusieurs autres furent découverts. Ces fongicides agissaient sur la sporulation, la germination ou la croissance du mycélium. Ils étaient essentiellement protecteurs, devaient être appliqués avant les infections et résistaient mieux au délavage par la pluie.

Plus tard, dans les années 1950, la lutte au mildiou évolua et les divers aspects de la biologie de l’oomycète responsable du mildiou devinrent mieux connus. Les conditions climatiques conduisant à l’apparition des épidémies retenaient l’attention des chercheurs qui évaluaient alors la possibilité de prévoir l’apparition de la maladie de façon pratique. Les premiers essais ont été mis en place et des pluviomètres et des enregistreurs de température et d’humidité relative ont été disposés dans des abris météo et relevés régulièrement. Au Québec, un réseau de stations a aussi été mis en place et chaque semaine des observateurs relayaient les observations à un phytopathologiste qui tentait de définir les conditions favorables à l’apparition du mildiou à partir de travaux réalisés ailleurs, mais aussi à partir d’observations faites au Québec. Ainsi, il fut observé qu’un mois de juin à fortes précipitations entraînait l’apparition des maladies foliaires des légumes, y compris chez la pomme de terre, très tôt en saison, c’est-à-dire au mois de juillet. Lorsque le mois de juin était sec, les maladies apparaissaient beaucoup plus tardivement.

Diverses méthodes de prévision ont été étudiées et une méthode adaptée aux conditions climatiques du Québec a été mise au point. Bien qu’imparfaite, cette méthode de prévision rendait service aux producteurs qui pouvaient mieux intervenir au champ et souvent réduire le nombre d’applications de fongicides en cours de saison, ce que visait la stratégie phytosanitaire mise en place pour faire la lutte aux ennemis des cultures. Avec les années, une collaboration s’est développée entre Environnement Canada et Agriculture et Agroalimentaire Canada et les méthodes de prévision sont devenues plus raffinées alors que l’information obtenue parvenait désormais plus rapidement aux producteurs.

Dans les années 1970, les fongicides laminaires et systémiques, dont le plus connu est le RIDOMIL (métalaxyl), ont fait leur apparition. Ces fongicides ont la particularité de pénétrer dans les feuilles et de se mouvoir dans le système vasculaire de la plante. Ils améliorent la lutte aux oomycètes et ils sont donc particulièrement utiles. Certains inhibent la germination des sporanges ou la croissance du mycélium tandis que d’autres ont la capacité d’arrêter une infection en cours de développement. C’est donc une nouvelle ère qui s’ouvrait et qui donnait de nouveaux moyens de lutte pour rendre la stratégie phytosanitaire plus efficace, car ces fongicides permettaient des interventions mieux ciblées.

Ces débuts vont être encadrés par la suite avec la création du Réseau d’avertissements phytosanitaires du Québec en 1975. Ce réseau forme la base non seulement de la lutte aux maladies de la pomme de terre, mais aussi de la lutte aux ennemis des autres productions végétales.

Toutefois, la lutte au mildiou, comme celle d’autres maladies d’ailleurs, est dynamique et elle est appelée à évoluer. En effet, au début de 1990, des changements dans l’évolution du Phytophthora infestans sont observés. Ainsi, les races de cet oomycète changent et la résistance aux fongicides systémiques apparaît. Des enquêtes menées à ce moment permettent de constater qu’une nouvelle souche est apparue, la souche dite A2. Présente initialement au Mexique seulement, cette souche s’est répandue en Amérique du Nord et en Europe à la suite de mouvements de plantes, surtout des tomates, entre les diverses régions du monde.

Bien entendu, cette souche de mildiou a suivi son hôte et s’est répandue au Québec. Capable de survivre dans le sol, elle pourrait éventuellement – mais cela reste à démontrer – permettre au P. infestans de se reproduire avec la souche indigène dite A1 et de créer de nouvelles races ayant un comportement différent de celles retrouvées au Québec. Ces nouvelles souches causeraient le mildiou, même sous des conditions météorologiques présentant des températures plus chaudes que celles observées avec la souche dite A1.

Parallèlement à ces travaux de recherche, d’autres moyens de lutte ont aussi été mis en place. Ainsi, un programme de création de nouveaux cultivars résistants au mildiou a été mis sur pied et la sensibilité des lignées issues de ce programme est systématiquement évaluée.

Un long chemin a été parcouru depuis les débuts avec l’aide de tous les chercheurs dans ce domaine. Les outils nécessaires pour lutter contre le mildiou sont maintenant disponibles; cependant, le mildiou de la pomme de terre exige une surveillance constante. La lutte intégrée qui regroupe toutes les méthodes actuelles depuis l’utilisation de cultivars plus résistants, de tubercules sains et désinfectés jusqu’à la destruction des rebuts, la rotation des cultures et une utilisation rationnelle et plus efficace des fongicides doit être poursuivie avec vigilance. Nul ne peut prédire l’évolution de cette maladie. La Société de protection des plantes du Québec a elle aussi continué d’évoluer et de refléter les changements et les progrès dans la lutte contre les ennemis des cultures.