Corps de l’article

Introduction

Depuis les deux dernière décennies, de nombreuses études ont été réalisées sur la cessation d’emploi, la mortalité et la prise de retraite de la population québécoise. De telles études ont été surtout reliées à des préoccupations démographiques, sociales, économiques ou encore strictement actuarielles, de façon à informer les gestionnaires des programmes de retraite afin qu’ils puissent orienter leurs décisions en fonction des collectivités impliquées.

En ce sens, l’actuaire a un rôle prépondérant à jouer en évaluant les nombreux risques associés au régime placé sous sa responsabilité. À titre d’exemple, les travaux de la Commission administrative des régimes de retraite et d’assurances (CARRA, 2001) sont considérés par le milieu actuariel comme étant parmi les plus sérieux en ce qu’ils fournissent des projections « prudentes », c’est-à-dire fondées sur des études statistiques exhaustives des coûts qui devront être assumés par l’entité responsable du régime.

Cette étude traite spécifiquement des employés des universités québécoises en prenant en compte l’éventail des préoccupations démographique, sociale, économique et actuarielle, et non seulement l’un ou l’autre des facteurs considérés comme c’est habituellement le cas. Notre problématique se situe donc dans un contexte plus large que nous enrichirons en dressant les tables associées aux risques ciblés et en analysant, à partir des résultats obtenus, les implications démographiques sur les régimes complémentaires de retraite mis en cause.

Brève revue des études

Cessation d’emploi

Une étude très élaborée de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) (Cloutier et al., 2005) portant sur l’évolution des conditions et de la dynamique du travail au Québec de 1976 à 2004, révèle qu’il y a eu une diminution notable de la fréquence des cessations d’emploi volontaires ou involontaires durant cette période, due fort probablement à l’amélioration générale des conditions économiques et de la santé. Ses auteurs ont noté que les femmes demeuraient toujours moins nombreuses que les hommes au chapitre des cessations d’emploi, ces derniers étant bien sûr plus présents sur le marché de l’emploi. Au cours de cette période, les groupes d’âges 15-24 ans et 55 ans et plus représentaient la plus forte proportion dans les cessations d’emploi soit, en 2004, environ 38 % pour le premier groupe et 16 % pour le second groupe. Quant aux cessations d’emploi, les mises à pied permanentes[1] ont été le motif le plus fréquemment invoqué, peu importe le sexe et l’année. Durant cette même période, il y a eu un accroissement des cessations d’emploi chez les 55 ans et plus, surtout en raison de la prise de retraite et chez les 15-24 ans, surtout en raison de la poursuite des études.

Pour l’actuaire, le moment où un employé met fin à son lien d’emploi revêt une importance primordiale en ce qui concerne l’administration de son régime de retraite, car ce moment déterminera en partie s’il a droit à une pleine rente, à une rente anticipée avec ou sans réduction actuarielle ou à une rente différée (CARRA, 2001; ISQ, 2005). Par exemple, si on se réfère aux principales clauses régissant les régimes de retraite des universités québécoises, nous constatons qu’un employé d’université qui quitte définitivement son emploi avant 55 ans aura généralement droit à une « prestation de cessation d’emploi », habituellement sous la forme d’une rente différée assujettie à certaines conditions, celui qui le quitte entre 55 et 60 ans aura généralement droit à une rente anticipée, mais avec réduction actuarielle, et celui qui le quitte entre 60 et 65 ans aura droit à une rente anticipée sans réduction actuarielle. Certains de ces régimes complémentaires de retraite incluent bien sûr quelques exceptions. Le lecteur qui aimerait prendre connaissance un peu plus en détail des structures et des dispositions législatives régissant les régimes complémentaires de retraite, notamment sur les prestations de cessation d’emploi, trouvera une abondante source d’informations dans la référence précédente (ISQ, 2005).

Mortalité

La baisse de la mortalité au Québec dans les dernières décennies s’est traduite par un changement de profil assez marqué selon l’âge et la cause, suivant une étude exhaustive de Bourbeau et Martel (2003) sur le sujet. Les auteurs notent qu’à une forte mortalité infantile a succédé une mortalité se manifestant surtout chez les 65 ans et plus qui résulte principalement de l’amélioration des habitudes de vie, de la santé publique et des progrès de la médecine. Au Québec, la probabilité de survivre jusqu’à 65 ans est passée de 49 % à 86 %, et celle de survivre jusqu’à 80 ans de 20 % à 55 %, ce qui a permis d’assister à la fois à une compression de la mortalité aux âges avancés et à une rectangularisation de plus en plus prononcée de la courbe de survie. Selon Choinière (2003), ces dernières constatations sont plus prononcées dans le reste du Canada et diffèrent plus ou moins sensiblement par rapport à d’autres pays industrialisés. De même, les travaux de Légaré (2001) viennent corroborer en très grande partie ces tendances tout en s’interrogeant sur les conséquences du vieillissement de la population sur les régimes de sécurité sociale.

Les différences de mortalité selon le sexe et le statut socio-économique[2] ont également fait l’objet d’une abondante littérature. L’étude de Nault et al. (1996), qui couvre aussi d’autres incidences sur la mortalité comme l’état matrimonial, s’avère encore aujourd’hui une des plus pertinentes sur ce point. Les auteurs constatent que les femmes ont toujours une espérance de vie plus longue que celle des hommes, qu’il existe un gradient relativement important d’espérance de vie entre états matrimoniaux, niveaux d’éducation et niveaux de revenu, que ce gradient est toujours plus important chez les hommes que chez les femmes, et que les différences de mortalité entre les hommes et les femmes se réduisent généralement à mesure que le statut socio-économique s’accroît. Mentionnons aussi l’étude de Duchesne (2005) qui, en plus de compléter le bilan démographique des auteurs précédents, vient rappeler qu’un indicateur important du nombre d’années de vie passées à la retraite est l’espérance de vie résiduelle à 65 ans. Il observe qu’en 1980-1982, celle-ci était de 14,1 années chez les hommes et de 18,7 années chez les femmes et, qu’en 2002-2004, elle atteignait 17,0 années chez les hommes et 20,7 années chez les femmes. Il s’agit d’un gain pour les deux sexes, toutefois, les femmes de 65 ans peuvent espérer pouvoir vivre en moyenne quatre années de plus.

Retraite

Selon une étude de l’ISQ (2005), la retraite au Québec s’appuie sur trois piliers principaux : 1) la pension fédérale de la sécurité du revenu, le supplément de revenu garanti ou l’allocation au conjoint survivant; 2) les rentes versées par la Régie des rentes du Québec (RRQ); 3) un régime complémentaire de retraite financé par les employeurs et les travailleurs, souvent accompagné par un Régime enregistré d’épargne-retraite (REER). Les deux premières composantes sont essentiellement financées par répartition alors que la troisième, celle touchée par notre étude, est financée par capitalisation. En ce qui a trait aux régimes particuliers de retraite par capitalisation, on prévoit que la baisse actuelle du taux de mortalité aura un impact marqué qui forcera, soit à réduire les prestations, soit à augmenter les cotisations afin de faire face à l’augmentation de l’espérance de vie. Selon Towers Perrin (2004), cette question du financement ne pourra être évitée et demandera un plan d’action réconciliant les intérêts de chacun.

La question du moment de la prise de retraite retient aussi beaucoup l’attention. Celui-ci dépend très certainement des caractéristiques propres à chaque régime de retraite, mais aussi des caractéristiques démographiques et économiques propres à chaque groupe concerné, tels l’entrée en service, le salaire, les conditions de travail, les incitatifs à la retraite, etc. Une étude de Statistique Canada (2003) révèle notamment que, depuis 1976, l’âge de la retraite des employés du secteur public a toujours été plus bas que celui des employés du secteur privé ou que celui des travailleurs indépendants. L’âge médian de la prise de retraite des employés du secteur public a chuté, passant de 67,8 ans en 1976 à 57,2 ans en 1999 pour remonter à 59,6 ans en 2003. Dans ce cas, les clauses généreuses des régimes de retraite du secteur public, qui ont prévalu durant une certaine période, ont grandement favorisé la retraite anticipée. Cependant, une tendance récente à une prise de retraite plus tardive, presque contradictoire, semble se dessiner. Cette situation, que l’on retrouve de façon relativement similaire dans divers groupes de notre société, a toujours soulevé de nombreuses interrogations sur les effets des incitatifs à la retraite et des conditions de travail sur les décisions de prise de retraite ainsi que sur les tendances concernant les moments de la prise de retraite (Guérin, 1995; Costa, 1999; FEUQ, 2004; Morneau Sobeco, 2006).

Au niveau des universités, les décisions de retraite des membres du corps professoral ont, semble-t-il, plus ou moins retenu l’attention. Parmi les études disponibles, celle de Worswick, (2005) montre que les membres du corps professoral dans les universités canadiennes, où la retraite est obligatoire à 65 ans, ont des taux de départ à cet âge qui sont jusqu’à 35 % supérieurs à ceux de leurs homologues dans les universités où la retraite n’est pas obligatoire. Les résultats pour les hommes et les femmes sont comparables, mais la grandeur de l’effet est plus petite chez les femmes. Un article de Tambury (2003) indique qu’en 2001, 29 % des professeurs des universités canadiennes étaient âgés de 55 ans et plus, soulignant à la fois le problème éventuel du recrutement de nouveaux effectifs et le problème du manque de souplesse de la retraite obligatoire dans les universités. Cette constatation vient appuyer d’autres études (Erhenberg, 2000; Fleck, 2001) réalisées auprès des collèges et universités américains. Toutefois, un ­rapport récent (Van Sluys, 2005) apporte certaines nuances quant à ­l’amplitude réelle des bénéfices et des inconvénients qui pourraient suivre la disparition de la retraite obligatoire ou de programmes de retraite progressive. Il n’y a donc rien d’évident quand il s’agit de la prise de retraite, même pour ce groupe que constituent les universités.

Problématique de l’étude

Certains administrateurs des régimes de retraite des universités québécoises estiment que les professeurs ont des statistiques démographiques très différentes de celles des autres employés universitaires. Ainsi, selon eux, les professeurs prendraient leur retraite plus tard que les non professeurs étant donné qu’ils adhèrent tardivement aux régimes de retraite. De plus, les taux de survie des professeurs seraient nettement plus favorables que ceux des non professeurs.

En rapport à ces propositions et en tant que chercheurs dans le domaine des régimes de retraite, nous avons été intéressés à vérifier les hypothèses jugées habituellement les plus pertinentes dans le milieu actuariel quant aux facteurs démographiques, soit la cessation d’emploi, la mortalité et la prise de retraite. Pour saisir toute l’importance de cette question, il suffit d’évoquer les nombreux déficits de solvabilité actuels des caisses de retraite qu’une évaluation inadéquate des facteurs démographiques risquerait d’accentuer. Cette étude menée auprès des universités québécoises, et qui n’a encore jamais été réalisée à ce jour, permettrait ainsi d’établir des hypothèses « prudentes » de manière à assurer que les régimes de retraite aient suffisamment de fonds.

Dans cet article, nous nous proposons de construire diverses tables, en fonction des facteurs précédents, pour les professeurs et les non professeurs des cinq universités québécoises[3] ayant accepté de participer à cette étude, tout en tenant compte lorsque ce sera nécessaire de la catégorie d’emploi, du statut d’emploi et du sexe. Un de nos objectifs est surtout de quantifier les écarts entre les professeurs et les non professeurs, entre les réguliers et les contractuels, entre les hommes et les femmes. Nous aurons ainsi, pour la première fois, une image spécifique de la démographie des employés des universités québécoises. Celle-ci permettra, notamment aux fiduciaires des régimes complémentaires de retraite de ces institutions, de réviser l’expérience actuelle par rapport aux hypothèses actuarielles couramment utilisées et trop souvent uniformisées (Modugno, 2006).

Nous commencerons notre étude en donnant les définitions et le lexique préalables à sa compréhension. Nous exposerons ensuite les méthodes utilisées pour la construction des tables. Plus loin, nous établirons les graphiques sur la cessation d’emploi, la mortalité et la prise de retraite ainsi que les statistiques, facteurs de rente et espérances relatifs à la mortalité, correspondant à nos observations. Pour terminer, nous analyserons les courbes et les statistiques obtenues.

Concepts, données et méthodes

Dans cette section, nous définissons d’abord les principaux concepts qui seront utiles à la compréhension de cette étude : ce que nous entendons par un employé régulier versus un employé contractuel, les probabilités de décès ou de survie, le facteur de rente, différé ou non. Puis nous établissons le lexique particulier qui sera utilisé dans les graphiques et tableaux : la catégorie d’emploi, professeur versus non professeur, le statut de l’emploi, régulier versus contractuel et les courbes de référence GAM83, UP94@2015, UNQ05(M), UNQ05(C). Enfin, nous apportons des précisions sur l’origine, la nature et la qualité de nos données, et nous présentons sommairement les méthodes utilisées pour calculer l’exposition et les « décès » ainsi que celles utilisées pour lisser les distributions observées.

Définitions

  • Un employé régulier est un employé qui est permanent. Il peut être à temps partiel ou à temps plein.

  • Un employé contractuel[4] est un employé qui n’est pas permanent. Il peut être à temps partiel ou à temps plein.

  • qx : la probabilité, pour un individu d’âge x, de « décéder[5] » durant la prochaine année.

  • kpx : la probabilité, pour un individu d’âge x, de « survivre » jusqu’à l’âge x + k.

  • Le facteur de rente pour un individu d’âge x, äx, correspond à la valeur actualisée à l’âge x de chacun des paiements de 1 $ qui seront versés chaque année jusqu’au décès du participant selon le taux d’intérêt annuel i. Cette quantité est donnée par :

    equation: 029624are001n.png

  • Le facteur de rente différé à l’âge x + n pour un individu d’âge x, n|äx, correspond à la valeur actualisée à l’âge x de chacun des paiements de 1 $ qui seront versés chaque année à compter de l’âge x+n jusqu’au décès du participant selon le taux d’intérêt annuel i. Cette quantité est donnée par :

    n|äx = (l + i)-nnpx äx+n.

Lexique

Tout au long de cet article, nous faisons référence à un lexique que nous détaillons ici :

Catégories d’emploi

  • Non prof :

    tout employé (employé de soutien, technicien, professionnel, etc.) autre que professeur

  • Prof :

    professeur

Statuts

  • Rég :

    régulier

  • Cont :

    contractuel

Courbes de référence (voir l’annexe C)

  • GAM83 : table de mortalité recommandée par l’Institut canadien des actuaires pour le calcul des valeurs de transfert avant le 1er février 2005. « GAM » désigne « Group Annuity Mortality ». Cette table a été construite à partir de données américaines (1983 et moins) fournies par des compagnies d’assurances et des banques.

  • UP94@2015 : table de mortalité recommandée par l’Institut canadien des actuaires pour le calcul des valeurs de transfert à compter du 1er février 2005. « UP » désigne « Uninsured Pensioner ». Cette table a été construite à partir de données américaines (1994 et moins) fournies par la Société des actuaires (SoA).

  • UNQ05(M) : table de mortalité construite à partir des données lissées des cinq universités québécoises qui ont contribué à l’étude de mortalité.

  • UNQ05(C) : table de cessation d’emploi construite à partir des données lissées des quatre universités québécoises qui ont contribué à l’étude de cessation d’emploi.

Source des données

Les données proviennent des bureaux de retraite de cinq des plus importantes universités du Québec, avec lesquelles nous avons convenu d’une entente de confidentialité. Elles représentent dans une très forte proportion l’ensemble des employés des universités québécoises et constituent donc un échantillonnage suffisamment représentatif. Chaque université nous a fourni ses données sur la cessation d’emploi, la mortalité et la prise de retraite, sauf dans un cas où seules les données sur la mortalité étaient disponibles.

Les tables de référence actuarielles GAM83 et UP94@2015, utilisées pour notre étude sur la mortalité, sont disponibles sur le site Web de la Société des actuaires (www.soa.org) à la section « Table Manager ».

Nature et qualité des données

Notre étude repose sur 39 115 données, provenant des cinq universités participantes et s’étale sur la période du 8 février 1900 au 1er août 2004. Ces données correspondent aux « actifs » (c’est-à-dire aux employés qui cotisent) qui ont droit à une rente différée ou aux retraités. Des 39 115 données fournies, 38 898 furent retenues, soit un taux de rétention de 99,45 %. Celles qui ne furent pas retenues, l’ont été par absence de dates ou par incohérence de celles-ci.

Pour la cessation d’emploi, 11 574 données sur les cessations nous furent fournies par quatre universités québécoises sur les cinq impliquées et 11 420 furent retenues, soit un taux de rétention de 98,67 %. Dans cette étude, nous n’avons pas fait la distinction entre les cessations d’emploi volontaires, celles dues principalement aux maladies, aux incapacités, à l’insatisfaction ou à la retraite, et les cessations d’emploi involontaires, celles essentiellement dues aux mises à pied permanentes. Une seule cessation d’emploi par personne a été comptabilisée.

Pour la mortalité, 2 121 données sur les décès nous furent fournis par les cinq universités participantes et 2 093 furent retenues, soit un taux de rétention de 98,68 %. Comme la catégorie d’emploi, professeur versus non professeur, demeure habituellement la même tout au long de la carrière d’un employé universitaire, nous ne nous sommes pas préoccupés des changements de catégorie d’emploi en cours de carrière.

Pour la prise de retraite, 6 468 données sur les retraites nous furent fournies par les quatre universités québécoises sur les cinq impliquées et 6 406 furent retenues, soit un taux de rétention de 99,04 %. Mentionnons que, puisque les retraites après 69 ans ne sont plus permises par la loi sur les Régimes complémentaires de retraite (RCR) et donc non pertinentes après cet âge, nos graphiques ont tenu compte de cette limite d’âge.

En résumé, nous avons obtenu un taux de rétention de nos données, pour chacun des points étudiés, avoisinant les 99 %, ce qui est quasi-exhaustif. Nous avons utilisé les techniques généralement reconnues dans le milieu actuariel pour construire les différentes tables. Nous avons ensuite procédé au « lissage » des distributions obtenues pour la cessation d’emploi et la mortalité par une méthode statistique qui prend plus en compte le poids des données dans chaque intervalle d’âge. Ces taux lissés nous ont ensuite permis d’évaluer les facteurs de rente et d’illustrer des coûts futurs pour un régime de retraite par le biais de diverses hypothèses économiques.

Méthodologie

Méthode utilisée pour la construction des tables[6]

La méthode utilisée pour la construction des tables d’extinction est la méthode « sériatim », dont le lecteur trouvera les détails dans le livre de Batten (1978). Celle-ci a été privilégiée car elle permet de calculer le temps à risque de manière exacte. En effet, cette méthode considère d’abord chacune des « vies » exposées au risque. Lorsque l’on construit une table d’extinction, on détermine, pour chaque individu, l’âge auquel son exposition au risque débute et l’âge auquel elle se termine. On combine ensuite les résultats du groupe observé pour trouver le temps d’exposition au risque total, tel que défini par la méthode, pour chaque intervalle d’âge. Puis les taux sont obtenus en divisant le nombre des événements par le temps à risque de chaque intervalle.

En outre, il est à noter que :

  • Pour la construction des tables de mortalité, lorsque les gens cessent leur emploi, ils cessent immédiatement de contribuer au temps à risque total et le temps que chacun passe à risque est calculé pour le dernier intervalle d’âge pendant lequel ils ont été à risque. Il en est ainsi car, lorsque les gens cessent leur emploi, ils ne sont plus catégorisés comme employés d’université. Par ailleurs, leur date de décès n’est pas toujours connue des administrateurs des régimes de retraite et, dans ce cas, il n’y a habituellement pas de prise de retraite.

  • Lorsque nous construisons une table de prise de retraite, nous considérons uniquement l’exposition au risque des participants actifs (cotisants) qui ont pris leur retraite et nous tenons compte des différents régimes de retraite lorsque cela est jugé important.

  • Pour les tables de cessation d’emploi, les participants sortent immédiatement du groupe à risque lorsqu’ils décèdent. De plus, seules les cessations d’emploi avant 55 ans sont considérées puisque la loi RCR ne les permet plus à compter de 55 ans.

  • L’exposition de l’université n’ayant pas participé aux études de cessation d’emploi et de retraite a été prise en compte uniquement pour la construction des tables de mortalité.

Méthode utilisée pour le lissage des distributions observées[7]

Les tables de mortalité de cessation d’emploi et de prise de retraite sont habituellement construites en évaluant l’exposition au risque et le nombre de « décès » pour chaque âge entier. Bien que cette procédure ait l’avantage de dresser un portrait assez fidèle de l’évolution de la mortalité, de la cessation d’emploi ou de la prise de retraite chez un ensemble d’individus, elle présente certaines difficultés quand vient le moment de « lisser » les distributions observées. Ces difficultés sont essentiellement liées au fait que les données individuelles sont très souvent regroupées, que l’exposition peut être faible dans l’un ou l’autre des intervalles d’âge et que le nombre de ces intervalles peut à l’occasion être relativement peu élevé.

Un nombre important de méthodes de « lissage » sont proposées dans la littérature statistique (Draper et Smith, 1998; Klein et al., 1997; Lawless, 2003; Luong et Thompson, 1987; Sieber et Wild, 2003), de même que dans la littérature actuarielle (Batten, 1978; London, 1997), afin d’ajuster des distributions de survie aux distributions observées. Par commodité, nous avons choisi une méthode qui utilise concrètement les calculs déjà faits pour construire les différentes tables, c’est-à-dire l’exposition au risque et le nombre de « décès » à chaque âge x, et donc les qx observés.

En conséquence, nous avons privilégié une méthode d’estimation paramétrique appelée « méthode de distance quadratique pondérée » qui nous a paru la plus adéquate pour répondre à nos préoccupations. Cette dernière a été créée et développée par Luong et Thompson (1987) qui en ont établi la méthodologie. En gros, cette méthode est une généralisation « naturelle » de la méthode du khi-deux qui consiste à minimiser la somme du carré des écarts quadratiques entre la distribution empirique et la distribution théorique choisie dans une classe de distributions paramétriques. La différence essentielle repose sur le fait qu’une fonction de poids, choisie d’une manière appropriée, est ajoutée à chaque écart quadratique de façon à tenir compte d’une manière plus sensible de l’importance relative des données entre elles. Le lecteur intéressé pourra consulter l’article cité ou joindre les auteurs du présent article.

Précisons enfin que, dans le cadre de cette étude, nous n’avons pas jugé nécessaire de lisser les distributions obtenues pour la prise de retraite, car les clauses des régimes complémentaires de retraite diffèrent quelque peu d’une université à l’autre et rendent ainsi plus délicate l’analyse sur ce point.

Résultats

Dans cette section, nous présentons les graphiques obtenus pour les taux non lissés de cessation d’emploi, de mortalité et de prise de retraite, l’analyse détaillée de ces derniers étant reportée à la section suivante. Les taux lissés de mortalité et de cessation d’emploi sont quant à eux présentés sous la forme de tableaux, en annexe, et ces derniers constituent les nouvelles tables que nous proposons soit, la UNQ05(M) pour la mortalité et la UNQ05(C) pour la cessation d’emploi. Enfin, en utilisant la table UNQ05(M), nous calculons les trois premiers moments centrés de la durée de vie résiduelle et les facteurs de rentes, à différents âges pivots, éléments qui seront aussi analysés ultérieurement.

Les graphiques des taux non lissés de cessation d’emploi pour les quatre universités participantes confondues sont d’abord présentés (figures 1.1 à 1.3). Suivent ceux sur les taux de mortalité non lissés pour les cinq universités participantes confondues (figures 2.1 à 2.2). Puis, nous illustrons les taux de prise de retraite non lissés pour les quatre universités participantes confondues ou non (figures 3.1 à 3.2 et 4.1 à 4.2). Enfin, afin de mieux « soupeser » la base de données sous-jacente à chacune des courbes, nous retrouvons dans la légende des graphiques une fraction qui représente le nombre total de décroissances sur l’exposition au risque totale.

Cessation d’emploi

Ci-après (figures 1.1 à 1.3), nous illustrons les taux qx non lissés obtenus pour la cessation d’emploi en tenant compte de la catégorie d’emploi, du statut d’emploi et du sexe ou non. Nous pouvons déjà observer que le statut d’emploi constitue le principal facteur de cessation d’emploi, comparativement à la catégorie d’emploi et au sexe.

Figures 1.1 à 1.3

Courbes des qx non lissées obtenues pour la cessation d’emploi, par catégorie et statut d’emploi, par sexe ou non, pour les quatre universités participantes confondues

Figure 1.1

Toutes universités confondues : cessation – femmes

Toutes universités confondues : cessation – femmes

Figure 1.2

Toutes universités confondues : cessation – hommes

Toutes universités confondues : cessation – hommes

Figure 1.3

Toutes universités confondues : cessation – hommes et femmes

Toutes universités confondues : cessation – hommes et femmes

Sources : calculs des auteurs d’après les données des quatre universités québécoises participantes.

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Mortalité

Ci-après (figures 2.1 à 2.2), nous illustrons les taux kpx non lissés obtenus pour la mortalité en tenant compte uniquement de la catégorie d’emploi et du sexe, nos recherches nous amenant à conclure que l’impact du statut d’emploi, régulier versus contractuel, sur la mortalité est très négligeable et donc non pertinent. Notons que les taux kpx reflètent mieux l’évolution de la mortalité par rapport aux deux courbes de référence de la SoA, soit la GAM 83 et la UP94@2015.

Retraite

Ci-après (figures 3.1 à 3.2), nous illustrons les taux qx non lissés obtenus pour la prise de retraite, pour chacune des quatre universités participantes. Nous n’avons tenu compte que de la catégorie d’emploi afin de mieux mesurer son impact sur chacune d’elles. Nous observons les « pics » habituels de prise de retraite et la différence de comportement suivant la catégorie d’emploi.

Figures 2.1 à 2.2

Courbes des kpx non lissées obtenues pour la mortalité, par sexe, par catégorie d’emploi, pour les cinq universités participantes confondues et comparées à celles correspondantes de la GAM83 et de la UP94@2015

Figure 2.1

Toutes universités confondues : mortalité – femmes

Toutes universités confondues : mortalité – femmes
Sources : calculs des auteurs d’après les données des cinq universités québécoises participantes

Figure 2.2

Toutes universités confondues : mortalité – hommes

Toutes universités confondues : mortalité – hommes
Sources : calculs des auteurs d’après les données des cinq universités québécoises participantes

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Figures 3.1 à 3.2

Courbes des qx non lissées obtenues pour la retraite, par catégorie d’emploi et pour chacune des quatre universités participantes

Figure 3.1

Toutes universités non confondues : retraite – hommes et femmes – non professeurs

Toutes universités non confondues : retraite – hommes et femmes – non professeurs
Sources : calculs des auteurs d’après les données des quatre universités québécoises participantes

Figure 3.2

Toutes universités non confondues : retraite – hommes et femmes – professeurs

Toutes universités non confondues : retraite – hommes et femmes – professeurs
Sources : calculs des auteurs d’après les données des quatre universités québécoises participantes

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Ci-après (figures 4.1 à 4.2), nous illustrons les taux qx non lissés obtenus pour la prise de retraite, toutes universités confondues, en tenant compte uniquement du statut d’emploi et de la catégorie d’emploi puis uniquement du sexe et de la catégorie d’emploi. Nous constatons que le statut d’emploi et le sexe ont plus ou moins d’impact sur la prise de retraite.

Figures 4.1 à 4.2

Courbes des qx non lissées obtenues pour la retraite, par statut d’emploi et par sexe, pour les quatre universités participantes confondues

Figure 4.1

Toutes universités confondues : retraite – hommes et femmes – réguliers vs contractuels

Toutes universités confondues : retraite – hommes et femmes – réguliers vs contractuels
Sources : calculs des auteurs d’après les données des quatre universités québécoises participantes

Figure 4.2

Toutes universités confondues : retraite – femmes vs hommes

Toutes universités confondues : retraite – femmes vs hommes
Sources : calculs des auteurs d’après les données des quatre universités québécoises participantes

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Durée de vie résiduelle

Nous présentons au tableau 1, les espérances, les écarts-types et les coefficients d’asymétrie des durées de vie résiduelles à 18 ans, 55 ans et 60 ans. Ces quantités sont fréquemment utilisées comme indicateurs de mortalité par les gestionnaires des régimes de retraite. Elles nous permettent notamment d’estimer un intervalle pour l’âge de décès au début de la carrière et au moment de la retraite, et ainsi d’avoir un meilleur aperçu des coûts des prestations de retraite.

Tableau 1

Espérances, écarts-types et coefficients d’asymétrie des durées de vie résiduelles où K(x) représente la durée de vie résiduelle pour un individu d’âge x

Espérances, écarts-types et coefficients d’asymétrie des durées de vie résiduelles où K(x) représente la durée de vie résiduelle pour un individu d’âge x
Sources : calculs des auteurs d’après les données des universités québécoises participantes

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Facteurs de rente

Les facteurs de rente à certains âges, pour chacun des deux sexes, sont évalués en utilisant les tables UNQ05(M), UP94@2015 et GAM83. Les facteurs de rente sont calculés à 55 ans, 60 ans et 65 ans car ce sont les âges « critiques » de prise de retraite les plus couramment observés (voir figure 3 : nous apercevons des « pics » à ces âges). En outre, comme la moyenne d’âge des participants actifs des universités québécoises se situe habituellement autour de quarante-cinq ans, nous avons calculé les facteurs de rente différée à 65 ans pour des participants de 45 ans.

Puisque l’Institut canadien des actuaires a recommandé d’utiliser pour le calcul des valeurs de transfert, la table GAM83 jusqu’en février 2005 et par la suite, la table UP94@2015, nous comparons des facteurs obtenus de la UP94@2015 par rapport à la GAM83, de la UNQ05(M) par rapport à la UP94@2015 et de la UNQ05(M) par rapport à la GAM83. De cette façon, nous avons un aperçu des variations de coûts engendrés par les changements de tables.

Tableau 2

Facteurs de rente[8] chez les femmes de 55, 60 et 65 ans, et facteurs de rente différée à 65 ans chez les femmes de 45 ans

Facteurs de rente8 chez les femmes de 55, 60 et 65 ans, et facteurs de rente différée à 65 ans chez les femmes de 45 ans
Sources : calculs des auteurs d’après les données des universités québécoises participantes

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Tableau 3

Facteurs de rente chez les hommes de 55, 60 et 65 ans, et facteurs de rente différée à 65 ans chez les hommes de 45 ans

Facteurs de rente chez les hommes de 55, 60 et 65 ans, et facteurs de rente différée à 65 ans chez les hommes de 45 ans
Sources : calculs des auteurs d’après les données des universités québécoises participantes

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Analyse des résultats

Résultats relatifs aux taux de cessation d’emploi

Par rapport aux graphiques des figures 1.1 à 1.4, nous constatons que les taux de cessation d’emploi sont affectés significativement par le statut d’emploi (régulier versus contractuel) et dans une mesure beaucoup moindre par la catégorie d’emploi (professeur versus non professeur) et le sexe.

Ces taux sont quasi similaires entre les hommes et les femmes, pour les professeurs réguliers de même que pour les non professeurs réguliers tandis que pour ce statut régulier, les taux se rapprochent par catégorie d’emploi au fur et à mesure que l’on progresse en âge.

Quant aux contractuels, la comparaison par catégorie d’emploi est plus difficile à faire puisque les professeurs contractuels sont moins nombreux que les non professeurs contractuels. Toutefois, les taux de cessation d’emploi des non professeurs contractuels se suivent d’assez près chez les hommes et les femmes, avec un taux généralement moins élevé pour les femmes.

Résultats relatifs aux taux de mortalité

Dans cette section, nous analysons brièvement les graphiques des figures 2.1 à 2.2, puis nous interprétons succinctement les résultats sur la durée de vie résiduelle et les facteurs de rente. C’est à la section « Conclusions générales » que nous mettrons en parallèle nos résultats avec ceux découlant d’autres études sur la mortalité.

Concernant les graphiques obtenus dans les figures 2.1 et 2.2, nous constatons que la courbe de survie des professeurs présente une différence significative par rapport à celle de la UP94@2015, alors que celle des non professeurs s’ajuste bien à cette dernière. Cette conclusion est vraie autant pour les hommes que pour les femmes.

Il y a une donc une nette amélioration de la mortalité chez les professeurs, peu importe le sexe, reflétée par la rectangularisation progressive de la courbe de survie de la GAM83 à la UP94@2015 puis à la UNQ05(M). Chez les non professeurs la mortalité s’est stabilisée, présentant tout de même une légère hausse chez les hommes. Notons enfin que la probabilité de survie des femmes est généralement meilleure que chez les hommes, autant pour les professeurs que pour les non professeurs.

Durée de vie résiduelle

Le tableau 1 nous permet d’observer que :

  • Chez les hommes, les professeurs vivent en moyenne cinq ans de plus que les non professeurs. La variation de l’espérance de vie, entre les professeurs et les non professeurs, est inversement proportionnelle à l’âge atteint au moment du calcul.

  • Chez les femmes, les professeures vivent environ quatre ans de plus que les non professeures. L’espérance de vie semble peu varier selon l’âge atteint au moment du calcul.

  • L’écart entre l’espérance de vie des hommes et des femmes est toujours plus petit pour les professeurs par rapport aux non professeurs.

  • Comme on pouvait s’y attendre, l’espérance de vie augmente avec l’âge atteint lors du calcul qui est en outre plus élevé pour les femmes, leur espérance de vie étant en général plus élevée.

  • En rapport avec les écarts-types des durées de vie résiduelles à partir de chaque âge x considéré (18, 55, 65 ans), ces derniers sont plus grands chez les femmes que chez les hommes. Celui des femmes professeurs est toujours supérieur à celui des femmes non professeurs tandis que chez les hommes il est à peu près le même, sauf à l’âge de dix-huit ans. Enfin, tel qu’attendu, l’écart-type décroît mais peu, entre une à une année et demie, avec l’âge x considéré.

  • En rapport avec les coefficients d’asymétrie des durées de vie résiduelles, ces derniers indiquent tous (étant négatifs) une plus forte concentration de la masse de probabilité de la durée de vie résiduelle à droite de la distribution. De plus, ces coefficients augmentent en fonction de l’âge x considéré.

Facteurs de rente

Selon les facteurs de rente évalués aux tableaux 2 et 3, nous observons que chez les hommes, si nous utilisons la table UNQ05(M) plutôt que la table UP94@2015, les augmentations de coûts (facteurs de rente) varient entre 5,83 % et 16,12 %. Notons que la variation de ces coûts est évidemment plus importante si nous utilisons la table UNQ05(M) plutôt que la table GAM83 et qu’elle se situe entre 11,05 % et 32,98 %. Ces augmentations sont indirectement proportionnelles au taux d’intérêt utilisé.

De même, chez les femmes, si nous utilisons la table UNQ05(M) plutôt que la table UP94@2015, les augmentations de coûts (facteurs de rente) varient entre 4,99 % et 14,34 %. Notons que la variation de ces coûts est par contre moins importante si nous utilisons la table UNQ05(M) plutôt que la table GAM83 et qu’elle se situe entre 4,02 % et 12,17 %.

Cela est non négligeable et peut avoir des conséquences financières importantes pour un régime de retraite, ce que nous allons mettre en évidence par les trois exemples suivants :

Résultats relatifs aux taux de prise de retraite

Étant donné que les régimes de retraite ont chacun leurs propres caractéristiques, il est difficile de pouvoir tirer des conclusions générales. Cependant, après avoir tracé les graphiques des taux de prise de retraite pour chacune des universités impliquées dans notre étude (figures 3.1 à 3.2), nous pouvons au moins constater que les professeurs prennent leur retraite à un âge plus avancé que les non professeurs. Ce comportement est probablement dû au fait que les professeurs commencent leur carrière plus tardivement et que leur accumulation de service s’en trouve ainsi retardée.

De plus, nous observons que les taux de prise de retraite augmentent significativement autour du premier âge de retraite sans réduction, cet âge diffère d’un régime à l’autre pour les âges situés près de l’âge normal (65 ans). Cela est aussi conforme à nos attentes, selon les clauses de retraite des universités participantes. Enfin, le statut, régulier versus contractuel, de même que le sexe semblent avoir assez peu d’impact sur les taux de prise de retraite (figures 4.1 à 4.2).

Conclusions générales

Suite aux résultats et à l’analyse que nous avons présentés, nous désirons souligner la concordance de nos principales conclusions avec certaines des études mentionnées dans l’introduction.

Cessation d’emploi

Nous observons que le statut d’emploi, régulier versus contractuel, est le seul facteur qui affecte significativement les taux de cessation d’emploi. La catégorie d’emploi et le sexe n’ont pas vraiment d’impact sur les taux de cessation. Il serait donc préférable que les hypothèses actuarielles relatives aux taux de cessation d’emploi soient différentes selon le statut d’emploi.

Chez les employés réguliers, nous notons un très faible taux de cessation d’emploi comparativement aux employés contractuels. Cela correspond à ce que l’on peut généralement observer dans d’autres groupes de la population et confirme en bonne partie l’étude de Cloutier et al. (2005) sur la diminution notable des cessations d’emploi au Québec. Les bonnes conditions de travail, la forte syndicalisation et les régimes complémentaires de retraite avantageux du milieu universitaire expliquent en bonne partie cette situation.

Mortalité

Nous avons constaté que les courbes de survie des non professeurs, pour chaque sexe, s’ajustaient bien à la courbe de référence UP94@2015. Néanmoins, nous observons chez les professeurs par rapport aux non professeurs, que les hommes vivent environ cinq ans de plus tandis que les femmes vivent environ quatre années de plus. Selon Nault et al. (1996), cet écart entre les hommes et les femmes s’expliquerait par le fait que les hommes non professeurs occupent probablement des emplois plus physiques et plus à risque que les femmes non professeures, ces dernières oeuvrant plutôt dans les services administratifs (réceptionnistes, comptabilité, etc.). En outre, l’écart entre l’espérance de vie des hommes et des femmes est toujours plus petit chez les professeurs comparés aux non professeurs confirmant les propos de Nault et al. (1996) qui stipulent que les différences de mortalité entre les hommes et les femmes se réduisent généralement à mesure que le statut socio-économique s’accroît, ceci étant probablement dû au fait que leurs tâches s’apparentent davantage.

Ainsi, le fait que les professeurs vivent plus longtemps que les non professeurs est cohérent avec l’observation selon laquelle les personnes ayant un niveau d’éducation plus élevé ou un revenu supérieur vivraient plus longtemps (Nault et al., 1996). L’explication tiendrait à toutes sortes de raisons qui ont notamment à voir avec le milieu universitaire : meilleurs logements, alimentation plus saine, comportement moins à risque (en particulier en ce qui a trait à la consommation de cigarettes et d’alcool), emploi moins à risque, meilleur contrôle du stress, travail valorisé, etc.

Par ailleurs, comme nous avons pu le constater dans les figures 2.1 et 2.2, la courbe de survie des non professeurs s’ajuste bien à la courbe de référence UP94@2015 pour les deux sexes. Mentionnons aussi que l’espérance de vie à 65 ans des non professeurs obtenue au tableau 1, est très près de celle observée par Duchesne (2005) en 2002-2004, où l’espérance de vie résiduelle à 65 ans, au Québec, atteignait 17,0 années chez les hommes et 20,7 années chez les femmes. De plus, conformément aux études de Bourbeau et Martel (2003) et de Choinière (2003), nos courbes de survie reflètent bien le fait que les employés des universités décèdent davantage après 65 ans, c’est-à-dire qu’il y a une compression de la mortalité aux âges avancés accompagnée d’une rectangularisation prononcée de la courbe de survie.

Enfin, tel que montré dans les exemples précédents, les décès tardifs des professeurs peuvent avoir un impact considérable sur les régimes de retraite. Ils devraient donc poser des défis aux universités qui tentent d’adapter leurs régimes de retraite à leurs besoins en ressources humaines et qui visent également l’équité entre les générations. À ce sujet, plusieurs questions se posent, notamment : serait-il équitable que les jeunes professeurs subissent une hausse de leurs cotisations dans le but de financer les rentes des retraités qui vivent plus longtemps que prévu? Ou serait-il préférable de ne pas hausser les cotisations immédiatement et de s’ajuster au fur et à mesure que l’expérience diffère des hypothèses?

Retraite

En général, nous constatons que les professeurs prennent leur retraite à un âge plus avancé que les non professeurs qui est dû essentiellement, comme nous l’avons déjà mentionné, à un début de carrière tardif. Selon l’étude de Ferguson et al. (2002), les bénéfices de retraite influencent grandement les décisions de retraite Cela concorde avec l’idée que les professeurs attendent d’avoir droit à une pleine rente avant de prendre leur retraite. Il y a également un large consensus selon lequel les régimes sociaux incitent les travailleurs à se retirer à 65 ans, s’ils ne l’ont pas déjà fait, et que les montants forfaitaires ainsi que les couvertures d’assurances collectives après la retraite influencent aussi fortement leurs décisions.

De plus, nous avons réalisé (figures 4.1 à 4.2) qu’il n’y a pas de différence significative entre les âges des prises de retraite des hommes et des femmes à l’emploi des universités. Ce constat va dans le même sens que les résultats obtenus dans l’étude de Statistique Canada (2003) sur l’ensemble des travailleurs, et l’étude de Worswick (2005) concernant les professeurs d’université au Canada.

Il est à signaler que les hypothèses sur la retraite anticipée ont grandement contribué aux déficits de solvabilité des régimes de retraite ces dernières années (Modugno, 2006). Selon ce dernier auteur, les hypothèses de retraite anticipée se révéleraient souvent aussi importantes que les hypothèses de taux d’intérêt lors de l’évaluation des rentes de retraite. Par exemple, le coût pour un individu de 50 ans anticipant 70 % de sa rente à 55 ans est de 44 % plus élevé que s’il recevait son plein bénéfice à 65 ans (en utilisant la populaire table américaine GAM83 avec un taux de 5 %). Cela revient à supposer un taux d’intérêt de 3 % (plus faible que 5 %).

Il est donc crucial que les hypothèses de retraite émises par les actuaires reflètent le mieux possible la réalité. Or, dans la pratique, la plupart des régimes de retraite sont fondés sur les mêmes hypothèses de prise de retraite pour tous les groupes d’employés. Nous estimons que dans la mesure où les statistiques de ces régimes s’avèrent significativement différentes selon certains corps d’emploi, le statut ou le sexe, il serait avisé d’utiliser des hypothèses formulées en fonction des caractéristiques des groupes d’employés.

En résumé, en regard des constatations précédentes et à l’appui de cette étude statistique, nous croyons qu’il serait tout à fait approprié de modifier les hypothèses démographiques d’évaluation actuarielle en cours dans l’administration des régimes de retraite des universités québécoises. Ne pas tenir compte de l’un ou l’autre des facteurs démographique, social, économique ou actuariel, pourrait affecter d’une manière non négligeable leur situation financière. Des décisions difficiles se présentent à l’horizon, mais celles-ci nous apparaissent comme étant incontournables.