Corps de l’article

Depuis quelques décennies, la plupart des revues universitaires spécialisées cherchent à améliorer leur réputation de scientificité tant sur le plan du contenu que sur le plan formel. De façon parallèle, les critères universitaires des cursus en sciences sociales se raffinent et les exigences deviennent plus précises quant aux conditions de délivrance des diplômes. La monographie de Mabilon-Bonfils et Saadoun constitue, pour les candidats à la maîtrise en sciences sociales, une sorte de vade-mecum à la fois théorique et pratique, qui les initie à ces pratiques.

Écrit dans une langue soutenue, l’ouvrage sur le plan théorique, s’amorce par une discussion épistémologique sur la dichotomie sciences dures/sociales et sur leur différence de scientificité en vertu de leur objet de recherche et des présupposés des chercheurs (souvent spontanés). Le lecteur apprend que les premières reposent d’abord sur l’observation objective et que les secondes, de par leur nature humaine, établissent une légitimité scientifique au moyen d’un ensemble de procédures rationnelles (par ailleurs porteuses de biais). Les auteurs traitent aussi des enjeux qui dépassent le cadre universitaire, mais qui influent sur la recherche en général et la légitiment (pouvoir de la tradition, de l’opinion généralement admise, de l’institution, du directeur de recherche, du jury, de la forme imposée).

De plus, cette première partie fait succinctement état des grands paradigmes auxquels l’étudiant sera confronté dans diverses sciences sociales ; nous regrettons cependant que les sciences de l’éducation aient été jugées trop plurielles pour des fins de mise en tableaux des principales tendances : l’étudiant sera peu guidé par cette partie. Le cheminement du candidat est ainsi éclairé sur le plan psychologique, c’est-à-dire en tant qu’adhésion à des normes et à des choix très ancrés dans une réalité liée à une communauté scientifique donnée et à une institution, voire à un directeur. Des exemples, des tableaux, des citations et des témoignages mettent en lumière le fait qu’un mémoire s’inscrit dans une pratique scolaire balisée assurant sa recevabilité. À cet égard, la première partie se clôt sur un survol des techniques qualitatives et quantitatives, exposant en quelques pages l’efficacité, les aléas, les limites et les transpositions entre disciplines de ces approches. Des exemples de questionnaires, de variables et d’interprétations donnent une idée juste de ce qu’elles impliquent. L’étudiant prendra conscience que la recevabilité de son travail passera par sa capacité d’appropriation des critères de la scientificité qui lui est demandée.

La deuxième partie permet d’entrer dans le vif du sujet : recension des écrits, établissement de la problématique et du plan, analyses, rédaction, soutenance orale... En ce sens, cette partie est très pratique, mais moins significative que la première sur le plan de la synthèse, sachant qu’on peut trouver nombre d’ouvrages sur les méthodes de travail intellectuel (ne serait-ce que les documents normatifs institutionnels). Ce qui est particulier avec cette parution, et ce qui nous apparaît être une première, est ce trajet qui va des idéologies paradigmatiques aux exercices des plus concrets avec extraits, questionnaires et corrigés. Cette approche déductive joint dans le même ouvrage le fond et la forme, au-delà des particularismes institutionnels, et permet à l’étudiant un travail autonome à partir d’une bonne vision d’ensemble, riche d’exemples et de témoignages réels.