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Introduction

Depuis longtemps, la difficulté des étudiants à faire face aux exigences de la vie académique scolaire s’exprime par des taux élevés d’interruption des études, par une prolongation des délais pour compléter les études, ainsi que par des niveaux moins élevés d’obtention de diplômes que ce que l’on espérait (Ministère de l’Éducation, des Loisirs et du Sport, 2005 ; Ratelle, Larose, Guay et Sénécal, 2005). Parce qu’elle a le potentiel de fournir des pistes pour tenter d’expliquer ces lacunes fréquemment observées au niveau de la persistance des étudiants au collégial, la notion d’engagement académique suscite un grand intérêt auprès des instances éducationnelles et gouvernementales. Mentionnons à ce sujet que cette expression est inspirée de la définition du terme académique dans le dictionnaire Larousse (2000) ; elle est utilisée ici en tant que synonyme d’engagement scolaire pour désigner celui des étudiants de niveaux collégial ou universitaire. Au Québec, parmi les travaux en cours au Conseil supérieur de l’éducation (2008), ceux qui portent sur l’enseignement collégial font d’ailleurs de l’engagement des étudiants la thématique centrale.

Il est reconnu que le passage des études secondaires vers les études collégiales constitue une période de transition majeure chez les jeunes adultes en devenir (Bray, Braxton et Sullivan, 1999 ; Daugherty et Lane, 1999 ; Milern et Berger, 1997 ; Ratelle et collab., 2005 ; Tinto, 1988 ; Wintre, Bowers, Gordner et Lange, 2006). Cette transition est souvent associée à une exploration qui engendre de l’instabilité ou de l’incertitude chez l’étudiant quant à ses intérêts, à ses valeurs et à ses choix : des déséquilibres plus ou moins marqués au niveau de l’engagement académique peuvent en résulter. Le présent article rapporte les résultats d’une recherche visant à mieux comprendre les mécanismes psychologiques qui caractérisent les déséquilibres susceptibles d’apparaître au niveau de l’engagement académique des étudiants collégiaux, ainsi que l’impact possible de ces déséquilibres sur le bien-être des étudiants.

Déséquilibres de l’engagement académique : quelques pistes théoriques

Une recension des travaux sur les déséquilibres de l’engagement chez des étudiants de niveau collégial a permis de révéler qu’une majorité de recherches ont porté sur le manque d’engagement, qui peut s’exprimer chez l’étudiant à l’égard de son institution d’enseignement, de son programme de formation, ou encore de ses buts professionnels (Astin, 1999 ; Bray et collab., 1999 ; Cabrera, Castaneda, Nora et Hengstel, 1992 ; Milern et Berger, 1997 ; Tinto, 1975, 1982, 1988). Certains auteurs précisent que ces divers types de manque d’engagement doivent être compris séparément. En effet, les conséquences auxquelles ils sont associés sont variées et l’abandon scolaire qui en découle n’est pas toujours permanent ou préjudiciable pour l’étudiant (Pascarella et Terenzini, 1980 ; Tinto, 1982, 1988 ; Wintre et collab., 2006). Généralement, les auteurs abordent néanmoins le manque d’engagement académique comme un problème aux retombées psychosociales importantes, et qui nécessite donc intervention.

Par ailleurs, il semble qu’un déséquilibre qui tend vers le pôle d’un excès d’engagement puisse aussi être nuisible pour le bien-être et la santé de l’étudiant. À cet effet, Astin (1999) mentionne qu’une implication très intense dans les tâches scolaires peut entraîner un isolement social qui peut non seulement engendrer un sentiment de solitude, mais également un retard au niveau du développement d’aptitudes utiles à l’intégration dans la vie adulte (idéologies politiques, esprit critique et autocritique, aptitudes hédonistes, etc.). Dans une optique semblable, Jacobs et Dodd (2003), qui se sont intéressés à l’épuisement des étudiants (student burnout), ont observé que les étudiants aux prises avec les niveaux d’épuisement les plus marqués se sentent surchargés et surengagés dans leurs études collégiales, ce sentiment apparaissant malgré une charge de travail équivalente à celle des autres étudiants et malgré un engagement moindre dans des activités autres que scolaires.

Engagement optimal et déséquilibres de l’engagement : une approche globale

Chercheurs et intervenants en éducation s’accordent sur l’importance de mieux comprendre les processus par lesquels les étudiants s’engagent dans leur formation professionnelle ; toutefois, l’étude empirique de cet engagement reste un défi de taille, en raison de l’absence de consensus sur une définition de cette variable multidimensionnelle (Astin, 1999 ; Audas et Willms, 2001 ; Fredricks, Blumenfeld et Paris, 2004 ; Johnson et Butts, 1983 ; Pirot et De Ketele, 2000 ; Willis, 1993). Une recension des écrits à propos de l’engagement des étudiants universitaires dans leurs études a permis de mettre en évidence cette absence de consensus : tout en faisant ressortir certains chevauchements entre les indicateurs affectifs, cognitifs, comportementaux ou motivationnels utilisés par divers chercheurs pour définir ou mesurer l’engagement académique, cette recension a mis en lumière des différences marquées au niveau de la combinaison et du nombre d’indicateurs choisis (Brault-Labbé et Dubé, 2007).

Afin de tenter de remédier à ce problème conceptuel, Brault-Labbé et Dubé (2007) ont appliqué au fonctionnement scolaire d’étudiants universitaires un modèle de l’engagement psychologique développé par différents chercheurs (Dubé, Jodoin et Kairouz, 1997 ; Jodoin, 2000). En plus d’inclure les éléments définitionnels de l’engagement les plus fréquemment rencontrés dans les écrits de recherche, l’un des avantages de ce modèle réside dans le fait qu’il est élaboré de façon à pouvoir s’appliquer à tout objet d’engagement, et qu’il offre donc une approcheintégrative pour tenter de comprendre les mécanismes psychologiques qui génèrent un fonctionnement engagé chez l’être humain, dans toutes ses sphères d’activités.

Selon sa formulation la plus récente, ce modèle conçoit l’engagement comme un processus psychique résultant de l’interaction de trois forces qui permettent à l’individu de maintenir une ligne d’action envers un objet social : la forcemotivationnelle, la forcecomportementale et la forcecognitive.

La forcemotivationnelle, l’enthousiasme, est considérée souvent comme responsable du déclenchement de l’engagement, et correspond à la combinaison de l’intérêt que l’individu accorde à l’objet de son engagement et de l’énergie qui caractérise son engagement face à cet objet. La combinaison de ces deux éléments (intérêt et énergie) en une même composante motivationnelle s’appuie sur la définition de la motivation en tant que déclencheur de l’engagement, comme l’ont formulé Novacek et Lazarus (1990) dans leurs travaux sur les contenus de l’engagement chez l’être humain. Quant à la forcecomportementale, la persévérance, elle favorise, en dépit des obstacles rencontrés, la poursuite des actions que nécessite l’engagement. Enfin, la forcecognitive correspond à la capacité de concilier les éléments positifs et négatifs associés au fait de s’engager, ou, autrement dit, à la capacité d’accepter que l’engagement implique des difficultés et des renoncements qu’il faut savoir assumer pour profiter des avantages à en retirer.

C’est à partir de ce modèle que nous avons récemment créé et validé auprès d’étudiants universitaires (Brault-Labbé et Dubé, 2007) une Échelle d’engagement académique (EEA). La présente étude s’appuie également sur ce modèle pour nous permettre d’élaborer des échelles de surengagement et de sous-engagement académiques. À proprement parler, l’idée de se référer au modèle développé par différents chercheurs (Dubé et collab., 1997 ; Jodoin, 2000) pour étudier les déséquilibres de l’engagement n’est pas nouvelle. En effet, dans une étude portant sur l’engagement professionnel, Jodoin (2000) a développé et validé une échelle du surengagement au travail (α = 0,90) en s’inspirant des composantes du modèle de l’engagement de Dubé et ses collaborateurs (1997), dont ils ont tenté de définir les contreparties excessives. Cette idée est survenue alors que les chercheurs observaient une corrélation positive linéaire entre l’engagement au travail et le bien-être chez divers groupes de professionnels, et ce, même lorsqu’il était question de niveaux très élevés d’engagement. Comme ce résultat allait à l’encontre de l’hypothèse selon laquelle trop d’engagement pouvait devenir nuisible pour l’individu, les auteurs ont avancé l’idée qu’un engagement intense est qualitativement et empiriquement distinct d’un engagement excessif. Ainsi, le surengagement au travail a été défini comme correspondant à : 1) un intérêt prépondérant et excessif pour le travail et un nombre restreint d’intérêts de vie autres ; 2) une persistance compulsive dans les tâches reliées au travail ; et 3) l’impression de négliger des aspects importants de sa vie personnelle à cause de son travail.

Jusqu’à présent, aucune conceptualisation référant au manque d’engagement n’a été définie sur la base du modèle de Dubé et ses collaborateurs (1997). Cependant, dans le cadre de l’étude qui a permis de valider l’EEA auprès d’étudiants universitaires (Brault-Labbé, 2006 ; Brault-Labbé et Dubé, 2007), un résultat inattendu a permis d’envisager l’existence d’une notion telle que le sous-engagement académique. En effet, dans le cadre d’analyses factorielles, il a été observé que, parmi les items destinés à mesurer l’intérêt et l’énergie ressentis par l’étudiant envers ses études, alors que ceux qui étaient formulés positivement se regroupaient selon un même facteur pour constituer la composante motivationnelle de l’engagement (enthousiasme), ceux qui étaient négativement formulés se regroupaient selon deux facteurs distincts, faiblement corrélés aux autres composantes et correspondant respectivement au manque d’énergie pour les activités académiques et au manque d’intérêt pour le domaine d’études. Ce résultat a mené à la formulation a posteriori d’une hypothèse selon laquelle ces deux composantes seraient partie intégrante du concept de sous-engagement académique, qui engloberait également les contreparties déficitaires des composantes cognitive et comportementale de l’engagement. En plus d’un manque d’énergie et d’un manque d’intérêt envers les études, le sous-engagement inclurait donc une difficulté à accepter les aspects négatifs de la vie scolaire (composante cognitive) et une difficulté à persévérer face aux obstacles, qui se manifesterait par l’intention d’abandonner les études (composante comportementale). Le sous-engagement à l’égard des études correspondrait ainsi à un manque d’engagement, distinct d’un engagement qui serait faible mais néanmoins fonctionnel et peu nuisible pour le bien-être.

Objectifs et hypothèse

La présente étude a pour but de valider des échelles de surengagement et de sous-engagement académiques, puis de comparer l’engagement, le surengagement et le sous-engagement en regard de leur association respective avec divers indicateurs du bien-être personnel (BEP). Notre hypothèse est que l’engagement académique est positivement relié aux indicateurs positifs du BEP et négativement relié à ses indicateurs négatifs, alors que les relations sont inversées pour le sous-engagement et le surengagement.

Méthodologie

Échantillon

L’échantillon est composé de 296 étudiants dont l’âge moyen est de 18,64 ans. Il inclut 173 femmes et 122 hommes (sexe non précisé par un participant). Le français est la langue maternelle de 90 % des participants et 84 % sont d’origine canadienne. Une majorité d’étudiants (65 %) est inscrite en deuxième année d’études collégiales, alors que 25 % sont en première année et 9 %, en troisième année (non spécifié par deux étudiants). Majoritairement, les étudiants sont inscrits en sciences humaines (57 %), avec tout de même un certain nombre d’inscrits en sciences naturelles (27 %), en arts et lettres (7 %) et dans des programmes techniques (9 %).

Procédure

Les participants ont été recrutés dans deux institutions collégiales montréalaises, dans le cadre de cours de français et de psychologie. Ils ont été informés qu’il n’y avait aucune obligation de prendre part à l’étude, et qu’un éventuel refus n’avait pas à être justifié. L’étude a été décrite comme portant sur les hauts et les bas de la vie scolaire, sans aucune précision sur les notions d’engagement et de BEP, de façon à limiter les biais de réponse.

Les questionnaires ont été distribués aux étudiants de façon à ce qu’ils puissent lire les directives rattachées à leur participation et signer le formulaire de consentement qui y était joint. Ces directives précisaient que leur participation demeurerait anonyme, qu’il n’y avait aucune bonne ou mauvaise réponse aux questions posées et qu’ils devaient y répondre en fonction de leur nature réelle et non en fonction de ce qu’ils aimeraient être. Après une vingtaine de minutes, tous les étudiants rapportaient le questionnaire, qu’ils aient décidé de le compléter ou non. En tout, 299 questionnaires remplis ont été remis aux chercheurs, mais trois ont dû être mis de côté parce qu’il y manquait trop de réponses.

Instruments de mesure

Engagement académique. L’Échelle d’engagement académique (EEA) (Brault-Labbé et Dubé, 2007) qui a été utilisée comporte trois sous-échelles mesurant respectivement l’enthousiasme envers les études (six items), la conciliation des aspects positifs et négatifs de la vie scolaire (quatre items) et la persévérance dans les tâches reliées aux études en dépit des obstacles rencontrés (quatre items). Chacun des 14 items est coté sur une échelle allant de 0 (Ne me caractérise pas du tout) à 8 (Me caractérise tout à fait).

Sous-engagement académique. Le sous-engagement des étudiants a été mesuré au moyen de 21 énoncés. Parmi eux, cinq mesuraient le manque d’énergie pour les activités scolaires, cinq mesuraient le manque d’intérêt pour le domaine d’études, six ont été créés afin de mesurer la difficulté à accepter les aspects négatifs de la vie scolaire collégiale, et six ont été créés afin de mesurer l’intention d’abandonner les études. Les modalités de réponse étaient identiques à celles utilisées pour l’EEA.

Surengagement académique. Le surengagement académique a été mesuré par 14 items adaptés de l’Échelle de surengagement au travail, créée par Jodoin (2000). Cette échelle inclut trois composantes : la tendance à ressentir un intérêt prépondérant pour le travail (cinq items), l’impression de négliger des aspects importants de sa vie à cause du travail (six items) et la persistance compulsive dans les tâches reliées au travail (cinq items). Deux items créés par Jodoin (2000) pour mesurer la négligence d’aspects importants de sa vie à cause du travail n’ont pas été adaptés au surengagement académique puisqu’ils pouvaient difficilement s’appliquer à la vie d’étudiants de niveau collégial (référant respectivement au fait de négliger son époux[se] et ses enfants). Les énoncés ont été reformulés afin de s’appliquer à la vie scolaire collégiale. Six items additionnels ont été créés afin d’augmenter le nombre d’énoncés à inclure dans l’échelle. Les modalités de réponse étaient identiques à celles utilisées pour l’EEA.

Bien-être personnel. Comme dans les travaux antérieurs menés par différents chercheurs (Brault-Labbé et Dubé, 2007 ; Dubé et collab., 1997 ; Jodoin, 2000), le BEP a été évalué par plusieurs mesures visant à se compléter mutuellement : Sens donné à la vie, Bonheur, Satisfaction de vie, Satisfaction liée aux études, Fréquence des émotions positives et négatives, ainsi que Perception de l’état de santé physique.

Sens donné à la vie. Cette variable a été mesurée au moyen de trois items créés par Dubé et ses collaborateurs (1997), tels que Je vois ma vie comme ayant un sens et un but précis (α = 0,82 dans la présente étude). Les répondants situaient leur degré d’accord avec chaque énoncé sur une échelle de Likert allant de 0 (Pas du tout) à 8 (Totalement).

Bonheur. Le bonheur des participants a été mesuré par trois items également créés par Dubé et ses collaborateurs (1997), tels que Je suis heureux(se) (α = 0,89 dans la présente étude). L’échelle de réponse était la même que celle utilisée pour le sens donné à la vie.

Satisfaction de vie. La satisfaction de vie générale a été évaluée avec la version française (Blais, Vallerand, Pelletier et Brière, 1989) du Satisfaction With Life Scale (Diener, Emmons, Larsen et Griffin, 1985). L’échelle inclut cinq items tels que Jusqu’à maintenant, j’ai obtenu les choses importantes que je voulais dans la vie (α = 0,85 dans la présente étude). Les modalités de réponses étaient les mêmes que pour le sens donné à la vie.

Satisfaction liée aux études. La satisfaction spécifique des étudiants en regard de leur vie scolaire a été évaluée avec l’Échelle de satisfaction dans les études (ESDE), validée en français par Vallerand et Bissonnette (1990) sur la base de l’Échelle de satisfaction de vie, dont les cinq items ont été adaptés à la vie académique (α = 0,80 dans la présente étude).

Fréquence des émotions positives et négatives. La fréquence des émotions positives a été mesurée par des énoncés décrivant quatre états affectifs positifs, alors que la fréquence des émotions négatives a été mesurée par des énoncés décrivant dix états affectifs négatifs, tirés des travaux de Jodoin (2000). Les participants devaient indiquer la fréquence à laquelle ils avaient ressenti ces états au cours du dernier mois, sur une échelle de Likert allant de 0 (Jamais) à 6 (Toujours). À ce sujet, il a été démontré que la fréquence des émotions négatives doit être mesurée distinctement de la fréquence des émotions positives dans l’évaluation du bien-être, puisque c’est le bilan émotionnel positif qui prédit le bien-être et non l’absence d’émotions négatives qui, en soi, est utopique (Diener, Sandvik et Pavot, 1991).

Ces états affectifs ont été soumis à une analyse factorielle afin de créer diverses catégories émotionnelles. La mesure d’adéquation Kaiser-Meyer-Olkin (KMO) de la solution obtenue était de 0,81 et cette solution incluait quatre facteurs, correspondant aux catégories suivantes : les affects positifs (joie, fierté, bonheur, satisfaction, α = 0,85) ; les affects négatifs généraux (regret, culpabilité, honte, peur, jalousie, tristesse, α = 0,82) ; les affects colériques (irritation, colère, r = 0,44) ; et les affects anxieux (anxiété, inquiétude, r = 0,57).

Perception de l’état de santé physique. La perception des participants quant à leur état de santé a été évaluée par dix items descriptifs de symptômes variés, également tirés des travaux de Jodoin (2000). Les participants devaient indiquer la fréquence à laquelle ils avaient ressenti ces symptômes au cours des six derniers mois, sur une échelle de Likert allant de 0 (Jamais) à 6 (Très fréquemment). Ces items ont été soumis à une analyse factorielle (KMO = 0,76) qui a permis de dégager les catégories suivantes : les malaises reliés à la grippe (rhume, grippe, r = 0,71), les malaises reliés à l’anxiété (palpitations cardiaques, tremblements, difficultés à respirer, douleurs à la poitrine, α = 0,70) et les malaises reliés au stress (maux de dos, tension physique, maux d’estomac, maux de tête, α = 0,67). Mentionnons que les appellations données aux deux dernières catégories de symptômes physiques ont été choisies sur la base de malaises souvent associés à des états anxieux et à des manifestations psychosomatiques reliées au stress (American Psychiatric Association, 1996 ; DeCatanzaro, 1999 ; Deckers, 2001). Toutefois, comme aucune investigation n’a été faite quant à l’état de santé des participants, ces symptômes peuvent être associés à des conditions médicales d’un autre ordre chez ces derniers.

Variables sociodémographiques. Des informations sur l’âge, le sexe, l’origine ethnique, la langue maternelle et le revenu parental des étudiants ont été recueillies par questions séparées.

Traitement statistique des données

Des analyses factorielles et des coefficients de consistance interne (alpha de Cronbach) ont été utilisés pour valider les échelles d’engagement, de surengagement et de sous-engagement académiques. Des analyses corrélationnelles et de régressions multiples ont permis d’investiguer les liens respectifs des trois modes d’engagement avec le BEP. Une analyse par tableaux croisés a permis d’identifier divers profils de fonctionnement scolaire chez les étudiants, en considérant simultanément leurs scores aux trois modes d’engagement. Par la suite, des analyses de variance (ANOVA) ont été effectuées afin de comparer ces profils quant à leurs niveaux moyens de BEP.

Résultats

Engagement, surengagement et sous-engagement : analyses factorielles

Les analyses factorielles exploratoires en vue de la validation des échelles d’engagement, de sous-engagement et de surengagement académiques ont été effectuées au moyen de la méthode d’extraction par axes principaux (rotation oblimin, delta = 0), avec le logiciel SPSS13,0. Les facteurs dont la valeur propre (eigenvalue) était supérieure à 1,00 étaient inclus dans les solutions factorielles, et un coefficient de saturation d’au moins 0,30 dans la matrice de types (pattern matrix) était utilisé comme critère d’inclusion d’un item dans un facteur (voir annexes). La mesure d’adéquation Kaiser-Meyer-Olkin (KMO) confirmait la qualité des solutions factorielles.

Engagement académique. L’analyse factorielle incluant les 14 items de l’EEA a conduit directement à l’extraction de trois facteurs rendant compte de 66,20 % de la variance totale de l’échelle (KMO = 0,93 ; α = 0,92) et correspondant respectivement à l’enthousiasme envers les études (six items, valeur propre = 7,01), à la persévérance dans les tâches académiques en dépit des obstacles rencontrés (quatre items, valeur propre = 1,23) et à la réconciliation des aspects positifs et négatifs de la vie académique (quatre items, valeur propre = 1,02). Les corrélations entre les facteurs allaient de r = 0,61 à r = 0,64, p < 0,001.

Sous-engagement académique. Pour cette échelle, les items ont été retenus dans la solution factorielle s’ils avaient un coefficient de saturation d’au moins 0,35 sur leur facteur et de moins de 0,30 sur les autres facteurs. Ce critère, ajouté à des considérations de parcimonie, a forcé l’exclusion de six énoncés. La solution finale incluait trois facteurs et rendait compte de 69,48 % de la variance totale de l’échelle (KMO = 0,94 ; α = 0,94). Comme nous nous y attendions, deux facteurs correspondaient au manque d’énergie pour les activités scolaires (cinq items, valeur propre = 8,16) et au manque d’intérêt pour le domaine d’études (cinq items, valeur propre = 1,24). Par ailleurs, les deux autres composantes anticipées – la difficulté à accepter les aspects négatifs de la vie scolaire et l’intention d’abandonner les études – se sont regroupées sous un seul facteur (cinq items, valeur propre = 1,03), identifié comme un état d’envahissement face aux aspects négatifs de la vie scolaire. Les corrélations entre les facteurs allaient de r = 0,65 à r = 0,73, p < 0,001.

Surengagement académique. Parmi les items qui mesuraient le surengagement, deux ont été mis de côté parce que leur qualité de représentation (communality) avec le reste de l’échelle était trop faible ; certains ont été exclus parce qu’ils saturaient sous deux facteurs ; enfin, deux ont été exclus pour plus de parcimonie. La solution factorielle finale rendait compte de 59,13 % de la variance totale de l’échelle (KMO = 0,88 ; α = 0,85) et comportait trois facteurs. Le premier incluait six items mesurant un enthousiasme prépondérant et excessif pour les études (valeur propre = 5,37) ; le second incluait quatre items mesurant la persistance compulsive dans les tâches scolaires (valeur propre = 1,85) ; finalement, le troisième facteur incluait trois items mesurant l’impression de négliger des aspects importants de sa vie à cause des études (valeur propre = 1,06). Les corrélations entre les facteurs allaient de r = 0,43 à r = 0,52, p < 0,001.

Valeur prédictive des trois modes d’engagement académique vis-à-vis du BEP

Le tableau 1 présente les moyennes, les écarts-types et les corrélations relatives aux trois types d’engagement académique et aux indicateurs du BEP. Comme un nombre important de corrélations significatives s’avéraient conformes à ce qui était attendu, des analyses de régressions multiples hiérarchiques ont été effectuées en y entrant en bloc, dans un premier temps, les variables sociodémographiques afin de contrôler leur influence possible sur le BEP puis, dans un deuxième temps, les trois types d’engagement comme prédicteurs (variables indépendantes) des indicateurs du BEP (variables dépendantes). Le tableau 2 indique les coefficients de régression standardisés (β) ainsi que le changement de variance attribuable aux trois modes d’engagement (∆R2) dans les analyses effectuées.

Tableau 1

Moyennes, écarts-types, et corrélations entre les trois types d’engagement académique et les indicateurs du BEP

Moyennes, écarts-types, et corrélations entre les trois types d’engagement académique et les indicateurs du BEP

* p < 0,05 **p < 0,01 ***p < 0,001

- Le coefficient de consistance interne (Alpha de Cronbach) de chaque variable est indiqué sur la diagonale, excepté pour les affects colériques, les affects anxieux et les malaises physiques liés à la grippe, dont l’échelle de mesure ne comporte que deux items et pour lesquels la corrélation Pearson entre ces items est rapportée (p < 0,001).

- Toutes les moyennes ont été reportées sur une échelle allant de 0 à 10, de façon à augmenter leur comparabilité avec les autres variables.

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Tableau 2

Valeurs prédictives des trois modes d’engagement vis-à-vis des indicateurs du BEP

Valeurs prédictives des trois modes d’engagement vis-à-vis des indicateurs du BEP

/ = non significatif ** p < 0,01 *** p < 0,001

β = Coefficients de régression indiquant les valeurs prédictives respectives des trois modes d’engagement vis-à-vis de chaque indicateur de BEP. Une valeur négative indique une association inverse entre les variables.

∆R2 = Variance expliquée pour chaque indicateur du BEP par les trois modes d’engagement inclus simultanément comme variables indépendantes dans les équations de régression (coefficient de détermination).

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On peut constater, à la lecture de ce tableau, que l’engagement académique a une forte valeur prédictive positive en regard de tous les indicateurs positifs du BEP, sans être cependant relié à ses indicateurs négatifs. Le surengagement et le sous-engagement ont, pour leur part, des modes d’action distincts sur le BEP. D’une part, le sous-engagement académique n’est pas relié aux indicateurs positifs du BEP, exception faite de la satisfaction académique qu’il prédit négativement. Il prédit par ailleurs positivement chaque catégorie d’affects négatifs. D’autre part, le surengagement prédit négativement tous les indicateurs positifs du BEP à l’exception de la satisfaction académique, tout en prédisant positivement plusieurs indicateurs négatifs du BEP, avec un lien plus marqué vis-à-vis des affects anxieux.

Des profils d’engagement académique et leurs relations respectives avec le BEP

En plus d’examiner la valeur prédictive des trois modes d’engagement vis-à-vis du BEP, les chercheurs ont tenté d’identifier, par tableaux croisés, divers profils de fonctionnement académique chez les étudiants, en considérant simultanément leur degré d’engagement, de surengagement et de sous-engagement académiques. Mentionnons que, dans ce type d’analyse descriptive, la distribution de chacun des modes d’engagement est divisée en fractiles selon plusieurs modalités (par exemple : terciles, quartiles, quintiles) ; un tableau croisé est ensuite créé pour examiner les sous-groupes d’étudiants qui émergent en fonction de chacune de ces modalités. Les chercheurs peuvent porter leur attention sur les sous-groupes qui leur paraissent les plus intéressants dans l’ensemble des groupes formés, en se basant sur leurs questions de recherche ainsi que sur leur expertise de contenu.

La solution que nous avons retenue est une division en terciles des distributions pour les trois modes d’engagement. Dans cette solution, quatre groupes ressortent du lot, de par le nombre plus important d’étudiants qu’ils incluent (N > 20). Ces groupes sont identifiés comme suit : 1) les étudiants hautement engagés (N = 31), dont le niveau d’engagement académique est supérieur à la moyenne de l’échantillon total et dont les niveaux de surengagement et de sous-engagement sont sous la moyenne ; 2) les étudiants disposés au surengagement (N = 25), dont les niveaux d’engagement et de surengagement sont au-dessus de la moyenne, avec un niveau de sous-engagement inférieur à la moyenne ; 3) les étudiants disposés au sous-engagement (N = 26), dont le niveau de sous-engagement est clairement au-dessus de la moyenne, avec des niveaux d’engagement et de surengagement inférieurs à la moyenne ; et finalement 4) les étudiants engagés de façon ambivalente (N = 20), dont les niveaux d’engagement et de sous-engagement se rapprochent de la moyenne, avec un niveau de surengagement supérieur à la moyenne. Le tableau 3 rapporte les moyennes d’engagement, de surengagement et de sous-engagement pour chacun de ces groupes.

Tableau 3

Niveaux moyens d’engagement, de sous-engagement et de surengagement pour les quatre profils de fonctionnement académique issus des deux types d’analyse

Niveaux moyens d’engagement, de sous-engagement et de surengagement pour les quatre profils de fonctionnement académique issus des deux types d’analyse

Note : Ces analyses comportaient 18 cas manquants.

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Par la suite, des analyses de variance (ANOVA) ont été réalisées afin de comparer les quatre profils quant à leur niveau moyen de BEP. Le tableau 4 présente les moyennes respectives de ces profils pour chaque indicateur de BEP, de même que le résultat du test F de l’analyse de variance effectué pour chacun de ces indicateurs. Une différence significative a été obtenue entre les profils d’engagement pour tous les indicateurs positifs de BEP, alors que parmi les indicateurs négatifs du BEP, une différence significative n’est apparue qu’au niveau des affects anxieux et des affects colériques.

Tableau 4

Comparaison des profils d’engagement académique quant au BEP rapporté

Comparaison des profils d’engagement académique quant au BEP rapporté

n.s. = non significatif * p < 0,05 ** p < 0,01 *** p < 0,001

Note : Toutes les moyennes ont été rapportées sur une échelle de 0 à 10 afin d’en augmenter la comparabilité.

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Pour chacun des indicateurs de BEP pour lesquels une différence significative a été obtenue entre les profils d’engagement, des comparaisons multiples a posteriori (Tukey) permettent d’ajouter les précisions suivantes :

  • le bonheur des étudiants hautement engagés et des étudiants ayant tendance au surengagement était plus élevé que celui des étudiants ambivalents ;

  • la satisfaction de vie était plus élevée chez les étudiants hautement engagés et chez les étudiants ayant tendance au surengagement que chez les étudiants des deux autres profils ;

  • le sens donné à la vie était plus élevé chez les étudiants hautement engagés que chez les étudiants ayant tendance au sous-engagement et que chez les étudiants ambivalents ;

  • la fréquence d’affects positifs était plus élevée chez les étudiants hautement engagés que chez les étudiants ayant tendance au sous-engagement et que chez les étudiants ambivalents, et elle était également plus élevée chez les étudiants surengagés que chez les étudiants ambivalents ;

  • la satisfaction académique des étudiants ayant tendance au sous-engagement était plus faible que celle des trois autres profils d’engagement, et elle était également plus faible chez les étudiants ambivalents que chez les étudiants hautement engagés et chez les étudiants ayant tendance au surengagement.

Au niveau des indicateurs négatifs du BEP, la fréquence des affects anxieux était plus élevée chez les étudiants ayant tendance au surengagement et chez les étudiants ambivalents que chez les étudiants ayant tendance au sous-engagement, alors que la fréquence des affects colériques était plus élevée chez les étudiants ayant tendance au sous-engagement que chez les étudiants hautement engagés.

Discussion

De façon générale, les résultats obtenus permettent de confirmer les hypothèses qui ont guidé la présente étude. D’abord, l’Échelle d’engagement académique (EEA), antérieurement utilisée auprès d’étudiants universitaires (Brault-Labbé et Dubé, 2007), a été validée ici auprès d’étudiants de niveau collégial, ce qui constitue un premier pas vers la généralisation à plusieurs populations étudiantes du modèle de l’engagement académique proposé. De plus, une première validation d’échelles de surengagement et de sous-engagement académiques a été effectuée, ouvrant la voie à l’étude, avec l’approche développée par différents chercheurs (Dubé et collab., 1997 ; Jodoin, 2000), non seulement d’un mode d’engagement associé au bien-être personnel (BEP), mais également de modes moins équilibrés d’engagement, potentiellement nuisibles pour le BEP des étudiants.

En ce qui concerne les liens existant entre les trois modes d’engagement et les indicateurs du BEP, les résultats obtenus s’avèrent plutôt conformes à ce qui était attendu. Dans un premier temps, l’engagement académique a une valeur prédictive positive en regard de tous les indicateurs positifs du BEP. Ce résultat est congruent avec l’idée selon laquelle l’engagement académique est une variable importante à considérer si l’on souhaite mieux comprendre le bien-être des étudiants qui poursuivent des études postsecondaires et pour qui la sphère des études occupe une place centrale dans la vie quotidienne.

Par ailleurs, les liens respectifs du surengagement et du sous-engagement académiques avec le BEP comportent des spécificités notables. D’une part, le sous-engagement semble constituer avant tout un prédicteur d’affects négatifs, et plus particulièrement d’affects colériques. Ce résultat peut-il constituer un indicateur de frustration plus grande chez des étudiants déçus de leur programme d’études ou de leur institution d’enseignement ? Cela serait congruent avec le fait que, toujours dans la présente recherche, le sous-engagement académique permet de prédire négativement la satisfaction académique. Afin d’approfondir cette idée et d’orienter de façon plus spécifique l’intervention à offrir aux étudiants sous-engagés, il serait pertinent de tenter de distinguer, dans des études futures, l’effet sur le BEP d’un sous-engagement attribuable à une déception institutionnelle chez l’étudiant et l’effet d’un sous-engagement attribuable à des doutes relatifs aux buts professionnels, comme certains auteurs l’ont fait par le passé (Pascarella et Terenzini, 1980 ; Tinto, 1982, 1988 ; Wintre et collab., 2006).

D’autre part, il est étonnant de constater que le surengagement semble avoir un impact néfaste beaucoup plus global sur le BEP, ce qui permet de prédire à la fois négativement les indicateurs positifs du bien-être et positivement presque tous ses indicateurs négatifs. On dénote également un lien particulièrement marqué de ce mode d’engagement avec les affects anxieux. Ces résultats sont cohérents avec l’idée avancée par certains auteurs selon laquelle un excès d’engagement peut avoir des répercussions physiques et psychologiques négatives pour l’individu, mener à l’épuisement et provoquer des difficultés psychosociales importantes (Astin, 1999 ; Jacobs et Dodd, 2003). Ils mettent en lumière la pertinence, voire l’urgence de s’intéresser non seulement au manque d’engagement chez les étudiants – plus souvent investigué si l’on se fie aux écrits de recherche – mais également aux excès d’investissement académique, que les étudiants paient peut-être très cher à long terme.

Grâce à l’utilisation d’une approche par profils, il a été possible de comparer le bien-être de quatre groupes d’étudiants en considérant simultanément leurs scores aux trois modes d’engagement. À cet égard, les étudiants hautement engagés s’avèrent être les plus avantagés en termes de BEP comparativement aux autres groupes, suivis de près par les étudiants ayant tendance au surengagement, alors que les étudiants ayant tendance au sous-engagement et les étudiants ambivalents sont moins avantagés. Ces résultats soulèvent certaines questions qui méritent d’être discutées.

D’abord, il y a matière à s’interroger sur le fait que les étudiants disposés au surengagement présentent des scores moyens très près de ceux rapportés par les étudiants hautement engagés en regard des indicateurs positifs de BEP. Selon les hypothèses sous-jacentes à la présente étude, on aurait pu s’attendre à ce que la tendance à se surengager soit associée à des scores moindres à ce niveau. Cependant, nous parlons ici d’étudiants disposés au surengagement, leur score au niveau de cette variable étant supérieur à la moyenne, sans que l’on puisse toutefois parler d’un fonctionnement franchement surengagé. D’ailleurs, il est possible que le surengagement soit un phénomène marginal au niveau collégial : afin de mieux distinguer les étudiants hautement engagés des étudiants surengagés, il faudrait utiliser le modèle proposé ici pour étudier des populations inscrites dans des programmes d’études reconnus comme très exigeants, propices à des manifestations d’excès d’engagement (ex. : médecine, droit). Il n’en demeure pas moins que, si l’on considère les indicateurs négatifs du BEP, les étudiants ayant tendance au surengagement se distinguent des autres profils au niveau de la fréquence des affects anxieux qu’ils rapportent. À cet effet, il pourrait être intéressant d’investiguer dans le futur l’association entre le surengagement et certains troubles anxieux. Les résultats permettraient peut-être d’orienter l’intervention auprès d’étudiants surengagés, en tenant compte d’approches cliniques éprouvées pour ce type de troubles.

L’identification d’un profil d’étudiants engagés de façon ambivalente – profil dans lequel les différents modes d’engagement semblent se confondre – n’était pas attendue et soulève des questions. Si l’on considère les indicateurs négatifs du BEP, ce profil présente une fréquence d’affects anxieux équivalente à celle des étudiants ayant tendance au surengagement. Si l’on considère les indicateurs positifs du BEP, ce même profil est associé à une fréquence moins élevée d’affects positifs ainsi qu’à des niveaux moins élevés de bonheur, de satisfaction de vie et de satisfaction académique que ce que l’on retrouve chez les étudiants hautement engagés et les étudiants ayant tendance au surengagement. Est-ce que ce profil incarne la réalité d’étudiants aux prises avec une confusion importante quant à leur façon d’aborder leur mode de fonctionnement académique ? Est-ce que cette réalité pourrait être partiellement tributaire d’un développement identitaire plus chaotique ?

À cet effet, puisqu’il reflète les choix, les valeurs et les intérêts d’une personne, nous croyons que le concept d’engagement peut être utile pour mieux comprendre les processus psychiques par lesquels l’individu explore et consolide son identité. Dans une optique semblable, nous croyons que des échelles mesurant les déséquilibres de l’engagement peuvent constituer des outils cliniques ou pédagogiques permettant d’identifier des états de crise identitaire chez l’étudiant. Le développement de tels outils nous semble d’autant plus utile pour des populations de jeunes adultes dont le fonctionnement gravite justement autour de la construction identitaire.

En somme, nous croyons que l’approche proposée ici – qui permet de comparer des fonctionnements engagé, surengagé et sous-engagé à partir d’un même modèle théorique et ce, en distinguant des mécanismes affectifs, motivationnels, cognitifs et comportementaux à l’oeuvre chez l’individu – peut contribuer à mieux comprendre les réussites et les obstacles vécus par les étudiants au fil de leur parcours académique. De plus, cette approche fournit un cadre interprétatif favorable au développement d’interventions qui ciblent non seulement un engagement académique plus efficace, mais également un plus grand bien-être chez les étudiants.

Conclusion

Globalement, nous croyons que les travaux présentés ici offrent une importante contribution à l’étude des processus psychologiques qui caractérisent le fonctionnement académique des étudiants. Ils permettent d’abord d’exploiter la valeur intégrative du modèle de l’engagement développé par différents chercheurs (Dubé et collab., 1997 ; Jodoin, 2000). En effet, l’utilisation d’une même approche conceptuelle pour s’intéresser tant à l’engagement optimal qu’à des modes d’engagement moins équilibrés donne accès à une cohérence théorique qu’il nous paraît essentiel de développer lorsque l’on s’intéresse à un concept multidimensionnel et complexe tel que l’engagement psychologique. En outre, nous croyons que les échelles d’engagement, de surengagement et de sous-engagement académiques utilisées aux fins de la présente étude pourraient devenir des outils d’évaluation et d’intervention utiles dans le milieu de l’éducation. Dans le contexte de transition qu’incarne la vie collégiale, ces échelles pourraient notamment devenir des ressources cliniques ou pédagogiques visant à alimenter la réflexion des étudiants en ce qui a trait à leur développement identitaire et professionnel.

Cela dit, la présente étude comporte certaines limites. D’abord, bien que les qualités psychométriques des échelles créées se soient avérées satisfaisantes, leur validation reste à compléter auprès d’autres populations étudiantes, notamment par analyses factorielles confirmatoires. En second lieu, seuls des questionnaires autorévélés ont été utilisés : dès lors, il serait pertinent que des études futures utilisent des indicateurs plus objectifs de l’investissement académique des étudiants, en comparant ces indicateurs avec le niveau d’engagement rapporté par les participants. De plus, le devis corrélationnel qui a été utilisé ne permet pas de statuer clairement sur des relations causales entre les variables investiguées. Enfin, la présente étude n’aura pas permis de se pencher sur l’évolution de l’engagement académique chez les étudiants : il nous semble essentiel de considérer, dans de études futures longitudinales, la nature dynamique – et donc changeante – de l’engagement, si l’on souhaite comprendre les mécanismes psychologiques qui amènent les étudiants à persister dans leurs études collégiales ou encore à s’en désister.