Résumés
Abstract
In this paper, the authors discuss some of the policy alternatives available to a Government and a union movement and consider in detail the alternative chosen by one African country, Kenya. Moreover they examine how the Government has sought to reconcile its economic development objectives with granting unions such traditional freedoms as the right to strike, the right to bargain collectively and the right of free association. In doing so they discuss the development of labour legislation in Kenya and examine its effects upon the strike weapon as a source of union power and the effect of strikes on the Kenya economy. Finally they offer some speculations on futur trends of industrial relations in Kenya.
Résumé
Tous les gouvernements imposent des restrictions à l'activité des syndicats, mais le degré et la forme en varient d'un pays à l'autre. Un facteur qu'on considère de première importance dans la détermination de ces restrictions repose sur l'étendue du développement économique du pays en cause. Certains soutiennent qu'un mouvement syndical fort est de nature à retarder le progrès des nations en voie de développement ; d'autres estiment que les syndicats peuvent contribuer à la formation d'une main-d'oeuvre stable et efficace. Toutefois, même les tenants de ce dernier point de vue ne rejettent pas toute restriction.
Le but du présent article est d'analyser les différentes attitudes que peuvent adopter les gouvernements et les centrales syndicales en regard de cette question et les auteurs, pour y arriver, se sont penchés sur les rapports qui existent entre l'État et le syndicalisme dans un pays africain, le Kenya. Ils ont voulu voir comment le gouvernement de ce pays a cherché à réconcilier ses objectifs de développement économique avec la concession aux syndicats du droit de grève, du droit de négociation collective et du droit d'association. Le Kenya se prêtait d'autant mieux à cette étude que le mouvement syndical y est bien implanté et qu'on y fait de grands efforts pour développer aussi rapidement que possible un secteur industriel moderne. Longtemps colonie britannique, indépendant depuis au-delà de dix ans, le Kenya est aussi politiquement stable.
Dans tout État, il s'établit des rapports étroits entre le gouvernement et le mouvement syndical et, dans une large mesure, la nature de ces relations dépendde l'intensité de l'opposition aux politiques gouvernementales. Dans les pays en voie de développement, les syndicats, face à l'État, peuvent adopter trois attitudes : devenir simplement les instruments du gouvernement, s'unir à l'opposition pour combattre le parti au pouvoir, accepter la voie du compromis qui se traduit en pratique par le contrôle des salaires et une législation plus ou moins contraignante. En réalité, la situation oscille entre deux pôles : pour l'État, permettre un certain degré de syndicalisme efficace et sacrifier la croissance économique ou supprimer toute vie démocratique et pousser au maximum le développement de l'industrie ; pour le mouvement syndical : en venir à disparaître à plus ou moins long terme ou tomber entre les mains de groupesradicalisés.
Comme la plupart des pays en voie de développement étaient autrefois des colonies, au moment de l'indépendance nationale les gouvernements ont hérité d'une assise industrielle et d'un certain nombre d'institutions déjà établies. On ne peut pas balayer tout cela sans danger. Comment agir alors ? Au Kenya, syndicats et gouvernements ont choisi de s'engager dans la voie du compromis. En acceptant de travailler selon cette formule, les syndicats ont réussi parfois à obtenir certains avantages qui ont favorisé le recrutement des membres.
Au Kenya, les syndicats n'ont été reconnus qu'à partir de 1943. Auparavant, la législation était de caractère essentiellement restrictif de telle sorte qu'il n'existait aucun mouvement syndical. Après la guerre, le gouvernement britannique a manifesté un peu d'intérêt pour les problèmes de travailleurs africains tout en s'efforçant de limiter l'activité des syndicats aux questions sociales et économiques. C'était l'époque où le mouvement de l'idée d'indépendance commençait à se répandre et, au cours de cette période, il est devenu difficile de différencier l'activité économique des syndicats de leur combat en faveur de la libération. Dans bien des cas, les chefs du mouvement syndical et du mouvement d'indépendance se concentraient dans les mêmes personnes. Pour contrecarrer l'action des syndicats, le gouvernement colonial favorisa l'établissement de comités de travailleurs, institua un mécanisme de fixation des salaires, s'efforça de contrôler l'activité interne des syndicats et généralisa l'arbitrage obligatoire des conflits.
Peu avant l'accession à l'indépendance, un gouvernement de coalition fut formé au sein duquel le Secrétaire général de la Fédération du travail du Kenya devint ministre du travail. Celui-ci institua un comité tripartite qui mit au point une charte industrielle par laquelle les employeurs s'engageaient à reconnaître les syndicats et à négocier collectivement et les syndicats, à diminuer le nombre des conflits du travail.
À l'indépendance, comme les conflits étaient surtout attribuables à la rivalité entre les deux centrales syndicales existantes, le gouvernement fusionna les deux organisations et défendit aux syndicats de s'affilier aux mouvements syndicaux étrangers. Les statuts de la nouvelle centrale furent rédigés par le Procureur général du pays et imposèrent la surveillance du gouvernement sur ses affaires internes. À cette époque, la centrale et ses dirigeants prêtèrent allégeance au gouvernement et accordèrent leur appui au parti au pouvoir. Depuis lors, les syndicats se sont développés, mais on ne peut pas en dire autant de la centrale elle-même. Les syndicats,qui sont au nombre de trente, conduisent leurs propres affaires. Ils remplissent la triple fonction de recruter des membres, de négocier collectivement et de régler les griefs. D'une façon générale, le pouvoir au sein de chaque syndicat est centralisé entre les mains du secrétaire général, qui est habituellement élu pour cinq ans. Les syndicats comptent beaucoup de membres inscrits mais beaucoup moins de membres cotisants de telle sorte que la plupart des secrétaires généraux se plaignent que leur situation financière est faible.
Les auteurs, après avoir analysé la législation du travail actuelle et examiné le dossier des grèves, font porter leurs observations sur les trois choix cités au début : devenir les instruments du gouvernement, combattre les politiques gouvernementales ou accepter une politique des salaires et d'autres contraintes.
Le premier choix entraîne un déclin de l'indépendance politique et économique des syndicats et le deuxième exige une force dont ils ne disposent pas encore dans les pays en voie de développement. En se portant sur le troisième choix, un mouvement syndical peut survivre et accroître graduellement sa puissance jusqu'à ce que les conditions politiques et économiques lui permettent de montrer plus d'indépendance. Au Kenya, le mouvement syndical s'est engagé dans cette troisième voie et, de l'expérience qui s'en dégage, on peut déduire que les restrictions imposées aux syndicats visaient à stabiliser l'économie, à attirer les capitaux étrangers, à maximiser les objectifs de développement recherchés par l'État et à minimiser l'engagement politique des syndicats. Ce sont les raisons fondamentales pour lesquelles le gouvernement a voulu exercer une influence constante sur les affaires internes du mouvement syndical, notamment en se donnant le pouvoir de désigner lui-même ses principaux dirigeants et d'imposer la présence d'un représentant du gouvernement au consetil exécutif.
Les auteurs concluent enfin de l'expérience kénienne que les syndicats n'ont qu'un seul choix dans les pays en voie de développement : accepter une politique de restriction en matière de salaires. Les gouvernements ne peuvent pas permettre et ne permettent pas aux syndicats d'exercer un « pouvoir » qui entraverait la poursuite de leurs objectifs économiques. Le contrôle de l'État sur le syndicalisme est considérable et celui-ci est forcé d'accepter certaines restrictions sous peine de disparaître ou de devenir un simple appareil du gouvernement.
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