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1. Introduction

Bien que les travaux portant sur la géomorphologie fluviale et les environnements riverains couvrent un vaste domaine de recherche, on compte un nombre plus restreint de travaux portant sur l’analyse et la caractérisation des sols alluviaux et des paléosols en terrasse (AUTIN, 1992; BULL, 1990; DANIELS, 2003; KLAWON et al., 2000; KRAUS et BOWN, 1986). Pourtant, l’analyse des « traits pédologiques » des sols alluviaux peut fournir des éléments additionnels et complémentaires sur le façonnement des plaines alluviales (AUTIN et al., 1998). Parmi les travaux recensés dans ce domaine, certains font référence à l’utilisation de différents critères morpho-pédologiques afin de décrire la dynamique des environnements fluviaux. Par exemple, la description morphologique des sols enfouis le long des plaines ou des terrasses fluviales et leur degré de maturité constituent des indices pédogénétiques qui permettent de reconstituer la chronologie des événements d’inondation (HEINE et HEINE, 2002; McQUEEN et al., 1993). La présence de couches indurées ou fortement oxydées, par exemple intercalées dans les limons de crues, suggère des phases de stabilité des terrasses fluviales. Aussi, l’alternance des sols et des paléosols enfouis dans les plaines alluviales fournit des indications sur les phases de stabilité ou d’instabilité du système hydro-géomorphologique (ANDERSON et al., 1996; ASLAN et AUTIN, 1998; KNOX, 1985, 2000).

Diverses études ont aussi tenté de reconstituer, à partir de différents critères sédimentologiques et morphologiques, la dynamique associée à la formation successive des terrasses fluviales et des plaines alluviales, généralement en lien avec les variations climatiques et/ou anthropiques à des échelles séculaire ou pluriséculaire, ou à l’échelle du millénaire par exemple (ELY, 1997; KNOX, 1985, 1996; MACKLIN et al., 1992; MACKLIN et LEWIN, 2003; RITTER et al., 1973). KNOX (2000) et ELY (1997) ont tenté d’interpréter, à travers les séquences sédimentaires, le développement des sols alluviaux enfouis en fonction de l’alternance de périodes climatiques « sèches » et « humides » pour la période holocène, les périodes humides étant associées à une augmentation de la fréquence des inondations qui se traduit notamment par la mise en place de plusieurs couches alluvionnaires (sols cumuliques). Pour leur part, JARRETT et TOMLINSON (2000) et McQUEEN et al. (1993) utilisent la combinaison des critères morphologiques et physico-chimiques (texture, pH, couleur, degré d’oxydation, etc.) des sols alluviaux pour reconstituer les événements associés aux phases d’inondation. La présence et l’épaisseur d’horizons illuviaux (horizons enrichis d’éléments fins ou amorphes tels que les argiles, les sesquioxydes, l’humus, etc.) et la concentration des oxydes de fer dans ces horizons d’accumulation, peuvent servir de critères pédogénétiques pour évaluer le développement des sols alluviaux. Dans les séquences sédimentaires, on peut ainsi retracer des paléosols intercalés dans les couches de sédiments déposés lors de phases d’inondations successives. Aussi, les faciès sédimentologiques et l’utilisation des méthodes de datation renseignent sur le mode de dépôt, l’âge et le développement des plaines alluviales (BAKER et al., 1988; GOMEZ et al., 1998; MOODY et TROUTMAN, 2000). Ces indicateurs combinés aux séquences stratigraphiques, par exemple, permettent de présumer de l’âge relatif des plaines ou terrasses fluviales et d’évaluer les phases d’exondation ou de stabilisation permettant le développement des sols et celles associées aux inondations (accumulation des sédiments de crues).

Certains auteurs soulèvent la difficulté de différencier les plaines alluviales récentes aux terrasses fluviales plus anciennes, en particulier pour des systèmes fluviaux dynamiques, notamment les rivières à lits mobiles (méandres, etc.), ce qui peut entraîner des difficultés d’interprétation des séquences alluvionnaires (LEWIN, 1978; OWENS et WALLING, 2002; WOLMAN et LEOPOLD, 1957). Le chevauchement entre différentes unités fluviales (alluvions récentes versus alluvions anciennes) est parfois difficile à différencier sur le terrain, tant au niveau de leur position topographique qu’au niveau sédimentologique (KRAUS et BOWN, 1986; WOLMAN et LEOPOLD, 1957). Ce problème d’identification des formes fluviales (plaines alluviales modernes versus terrasses fluviales) doit donc être considéré avec attention dans l’interprétation du développement pédogénétique des sols associés à ces environnements fluviaux. Il faut souligner aussi que la principale difficulté dans l’interprétation des dépôts alluvionnaires réside dans l’identification (ou l’individualisation) de chaque événement d’inondation (SAINT-LAURENT et LAVOIE, 2004). L’accumulation des dépôts de crues sur une courte période de temps (échelle décennale, par exemple), permet difficilement de discriminer chaque événement d’inondation, notamment en raison de la faible différenciation des faciès des couches alluvionnaires. Il devient donc nécessaire de considérer différents critères morphométriques pour tenter d’individualiser les phases d’alluvionnement.

Dans le cadre de cette étude, nous avons tenté d’établir la chronologie des événements d’inondation (1865-2005) en utilisant des données multisources, en y combinant une approche géopédologique afin de caractériser le développement des sols fréquemment inondés. Pour ce volet, différents critères morphométriques ont été utilisés, dont la nature des dépôts de crues (faciès, alternance des couches, etc.) et les caractéristiques physico-chimiques des sols (texture, pH, CO, teneur en Fe et Al, horizonation et coloration, etc.). Dans un deuxième temps, nous avons tenté d’évaluer les phases d’inondation dans l’édification des plaines alluviales à partir d’une estimation des taux de sédimentation par la datation radiocarbone (14C). Cette étude regroupe donc des données sur la récurrence des inondations, l’analyse des sols alluviaux et l’aggradation verticale des plaines alluviales. La région d’étude fait partie du bassin hydrographique 02 (Environnement Canada, 2002) qui regroupe plusieurs rivières du sud du Québec dont plusieurs sont soumises à des inondations périodiques.

2. Localisation et secteurs d’étude

L’aire d’étude occupe le centre-sud du Québec qui regroupe un ensemble de sous-bassins drainés principalement par les rivières Saint-François, Massawippi, Magog, Au Saumon, Eaton et Eaton Nord (Figure 1). L’ensemble de ce vaste bassin hydrographique couvre une superficie de 10 221 km2 qui s’étend de la plaine du Saint-Laurent jusqu’au plateau appalachien (MEQ, 1992). La rivière Saint-François forme le cours d’eau principal de ce bassin, prenant sa source dans les lacs réservoirs Aylmer et Saint-François, et se déverse ensuite dans le fleuve Saint-Laurent à la hauteur de Notre-Dame-de-Pierreville (Lac Saint-Pierre). La partie supérieure du bassin, située dans la chaîne des Appalaches, est caractérisée par un relief montagneux où dominent surtout les activités agroforestières, alors que la partie inférieure, qui s’étend du piedmont aux Basses-Terres du Saint-Laurent, se caractérise davantage par l’agriculture intensive et les activités urbaines et industrielles.

Figure 1

Localisation de la région d’étude (bassin de la rivière Saint-François, Québec).

Location of the study area (Saint-François River basin, Québec).

Localisation de la région d’étude (bassin de la rivière Saint-François, Québec).

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La région a été divisée en quatre secteurs d’étude qui regroupent les secteurs de Saint-Nicéphore (SNI) et de Richmond-Windsor (RIC-WIN), situés dans le cours moyen de la rivière Saint-François, et les secteurs de la rivière Massawippi (MAS) et de la rivière Eaton Nord (EAT), reprenant ainsi les limites des bassins versants délimités par le MEQ (1992). La compilation des données numériques à partir des cartes du MFQ (1993) a permis de représenter la répartition des dépôts de surface en rive suivant les secteurs d’étude. Ainsi, les berges du secteur Saint-Nicéphore (SNI) s’étendent sur une longueur totale de 57,5 km et sont formées de dépôts fluviatiles sur plus de 60 % du tronçon, en considérant les deux rives. La section moyenne de ce tronçon se distingue par une large plaine inondable constituée essentiellement de dépôts fluviaux fins. À cet endroit, la rivière Saint-François forme un large méandre, communément appelé le « Bec-du-Canard » en raison de sa forme (Figure 2a). Le reste des berges est constitué surtout de dépôts d’origine fluvio-glaciaire (31 %). Les berges du secteur Richmond-Windsor (RIC-WIN) s’étendent sur une longueur de 104,3 km, soit pratiquement le double du secteur précédent. Celles-ci sont constituées en majorité de dépôts fluviatiles (42 %) et de dépôts glacio-lacustres (22,5 %), mais avec une forte proportion de dépôts glaciaires (18,6 %) dans la partie centrale du tronçon (Figure 2b). La rivière est peu profonde et rectiligne avec quelques segments en méandre. Les berges du secteur Massawippi (MAS) s’étendent sur une longueur totale de 37 km et les dépôts fluviatiles composent plus de 66 % des berges, alors que les dépôts fluvio-glaciaires et fluvio-lacustres constituent près de 28 % des berges de ce secteur (Figure 2c). La rivière occupe une vallée peu profonde et emprunte un parcours méandrique sur plusieurs kilomètres de long. Toutefois les berges peuvent atteindre facilement 2 à 2,5 m de hauteur dans certaines sections de la rivière. Enfin, le secteur de la rivière Eaton Nord (EAT) s’étend sur une longueur totale de 62,2 km et plus de 80 % des deux rives sont formées de dépôts d’origine fluviatile (Figure 2d). Le reste du tronçon est constitué de tills indifférenciés (10,6 %) et de dépôts glacio-lacustres (7,4 %). Le segment amont de la rivière circule dans un lit de blocs et cailloux et la rivière est très peu profonde. Le tableau 1 fournit également quelques caractéristiques morphologiques et hydrologiques des différents secteurs d’étude.

Figure 2

Carte des dépôts de surface des différents secteurs d’étude : (a) Saint-Nicéphore (SNI); (b) Richmond-Windsor (RIC- WIN); (c) Massawippi (MAS); (d) Eaton (EAT).

Map of surficial deposits in the different study sectors: a) Saint-Nicéphore (SNI); b) Richmond-Windsor (RIC- WIN); c) Massawippi (MAS); d) Eaton (EAT).

(a)

(b)

(c)

(d)

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Tableau 1

Caractéristiques morphologiques et hydrologiques des différents secteurs d’étude.

Morphological and hydrological characteristics of different study sectors.

Rivière/

Secteur

Largeur moyenne du chenal

(m)

Profondeur moyenne du chenal

(m)

Hauteur moyenne de la rive

(m)

Station hydrométrique

Période d’enregistrement des stations

Débit moyen annuel

(m3/s)

Débit maximum

(m3/s)

Occupation du sol

Eaton Nord/

EAT

28

0,6

1-1,50

02OE027

1954-1997

13,2

184,8

Boisés (82,6%), agricoles (16,1%) et urbains (0,7%)

Massawippi/

MAS

30

2,2

1,50-2,50

02OE019

1952-1996

10,4

135,0

Boisés (68,5%), agricoles (29,1%) et urbains (0,8%)

Saint-François/

RIC-WIN

180

16,0

1-2

02OF004

1936-1971

164,2

1087,9

Boisés (69,7%), agricoles (22,6%) et urbains (3,9%)

Saint-François/

SNI

260

8,0

1-2,50

02OF002

1925-2002

189,7

1419,1

Boisés (47,1%), agricoles (46,0%) et urbains (3,6%)

Sources : Bélangeret al. (2001); Cogesaf (2006); Environnement Canada (2002); MDDEP (2004); MEQ (1992).

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3. Matériels et méthodes

3.1 Source des données historiques d’inondation et séries hydrologiques

Dans le cadre de ce travail, nous considérons que les inondations sont des phénomènes naturels ou induits involontairement par des transformations du milieu (anthropiques ou autres) qui affectent généralement les terrains avoisinant un cours d’eau ou un plan d’eau (CNFSH, 1995). La recension des événements d’inondation a été réalisée à partir d’un ensemble de données provenant de diverses sources. Une première reconstitution des inondations a été compilée essentiellement à partir des fiches d’inondation et des documents gouvernementaux dont ceux fournis par les directions régionales Mauricie-Centre-du-Québec (DRMC) et Montérégie-Estrie (DRME) du ministère de la Sécurité publique et qui couvrent la période 1964-2005. La reconstitution des inondations antérieures à 1964 a été réalisée à partir des rapports de la Commission des eaux courantes du Québec (période 1912-1952) et d’autres rapports gouvernementaux. Aussi, les différents journaux régionaux indexés par la Société d’histoire de Sherbrooke, la base de données du CIEQ (Centre interuniversitaire d’études québécoises – UQTR-Université Laval) et des monographies régionales ont été consultés. La recension complète des inondations couvre la période de 1865 à 2005. À travers les documents analysés, il arrive parfois que le terme « inondation » ne soit pas clairement défini par rapport au terme « débordement », ce qui peut porter à confusion. Dans ces quelques cas, on tente de recouper l’information avec d’autres sources documentaires pour s’assurer qu’il s’agit bien d’une inondation produite le long d’un cours d’eau, et non pas d’un débordement associé à d’autres causes (ex., le refoulement d’un réseau d’égouts suite à de fortes pluies, par exemple).

Un graphique de la série chronologique des inondations a été réalisé afin d’examiner la récurrence de ce phénomène sur plus d’un siècle (non illustré). On note une tendance à la hausse dans la série chronologique qui est plus manifeste dans les dernières décennies (après 1970). Afin d’évaluer si cette tendance à la hausse présente une valeur significative sur le plan statistique, une analyse de variance (ANOVA) a été appliquée sur l’ensemble de la série (1865-2004). Dans un premier temps, le test de l’analyse de variance a été réalisé sur la série complète des fréquences d’inondation (test global) et, par la suite, l’analyse a porté sur trois groupes (test de comparaison multiple) de même durée (46 ans), afin d’évaluer la variance interéchantillon. Ce type de test est souvent utilisé afin de déterminer s’il existe une différence significative entre les groupes comparés suivant les valeurs des moyennes obtenues.

Pour l’analyse des séries hydrologiques, les données ont été compilées à partir des différentes sources de données gouvernementales disponibles. Les bases de données proviennent d’Environnement Canada (2002) et des registres hydrologiques du Centre d’expertise hydrique du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec (MDDEP, 2004). Pour la série hydrologique la plus longue (station hydrométrique 02OF002), une analyse de variance (ANOVA) a aussi été réalisée sur les débits moyens annuels (DMA) afin de mieux détecter les périodes de forte ou de faible hydraulicité (période de 1925-2004). La station de référence utilisée se situe sur la rivière Saint-François à la hauteur de Drummondville (Chute Hemming). L’analyse de la variance a consisté à comparer les moyennes des débits moyens annuels (DMA) sur l’ensemble de la série (test global) et la comparaison a porté aussi sur trois groupes distincts (G1, G2 et G3), subdivisés en fonction de la configuration du graphique de la série hydrologique. Une corrélation simple (Pearson) a aussi été appliquée entre les débits moyens journaliers obtenus pour les événements d’inondation et les débits annuels maximaux pour la période entre 1964-2003. Cette période correspond aux données fournies par le ministère de la Sécurité publique (DRMC et DRME) concernant les dates d’inondation qui couvrent les différents secteurs d’étude. Une première analyse a été réalisée sur l’ensemble des données afin d’évaluer le degré de corrélation entre les deux séries de variables et, par la suite, d’autres essais ont été effectués sur différents segments saisonniers de la série (ex. printemps/été, automne/hiver). Ces analyses statistiques ont été réalisées à l’aide du logiciel SAS (version 8.02).

3.2 Choix des stations, description morphologique et analyses physico-chimiques des sols alluviaux

L’ensemble des stations sélectionnées se situe le long des rivières Saint-François, Massawippi, Magog et Eaton Nord. Ces stations occupent les zones de récurrence de 0‑20 et 20‑100 ans identifiées sur les cartes du risque d’inondation (Environnement Canada et MENV, 1982). Il faut souligner toutefois que les cartes des risques d’inondation des secteurs de Massawippi, Saint-Nicéphore et Eaton Nord ne sont pas disponibles ou sont en phase de révision (MDDEP, 2004), ce qui implique que la localisation de certains profils de sols analysés ne peut être associée directement à la nouvelle cartographie des zones inondables. Toutefois, ces tronçons de rivière demeurent des secteurs identifiés comme des zones régulièrement affectées par les inondations suivant la cartographie des schémas d’aménagement des MRC respectives (SIGAT, 2007) et les cartes fournies par les directions régionales du MSP. Enfin, les zones perturbées ou urbanisées n’ont pas été retenues dans le choix des stations, notamment les secteurs localisés entre Lennoxville, Sherbrooke et Windsor, ce qui représentent environ 28 % de berges pour cette section de la rivière Saint-François. Au total, 47 stations ont été sélectionnées le long des berges. Pour 20 de ces stations (SE), une coupe transversale (1-2 mètres de profondeur et de largeur) en bordure de la rive (en zones inondables) a été effectuée pour permettre une description morphologique détaillée des profils de sols (texture, structure, horizons, coloration, etc.), selon les critères du Système canadien de classification des sols (GTCS, 2002). Pour les 27 autres stations (SO), la texture des matériaux de surface a été examinée à l’aide d’une tarière manuelle afin de caractériser les matériaux des berges.

Pour les 20 profils de sols sélectionnés le long des berges des différents secteurs (SNI, RIC-WIN, MAS et EAT), des échantillons ont été prélevés à des profondeurs déterminées (10, 25, 75, 100 cm et plus) afin d’effectuer les analyses physico-chimiques en laboratoire. Les échantillons de sols minéraux ont été séchés à l’air et ensuite tamisés. Le dosage des sesquioxydes de Al et Fe extractibles au pyrophosphate de sodium a été réalisé selon la méthode de McKEAGUE (1978), et une fraction de ces mêmes échantillons a servi à déterminer la concentration en carbone organique totale (COT) selon la méthode de YEOMANS et BREMNER (1988). Les teneurs en pH (CaCl2) ont été mesurées à l’aide d’un rapport sol : solution (1 : 2), alors que la fraction granulométrique a été analysée selon la méthode de l’hydromètre (CPVQ, 2000) et suivant les classes texturales définies par le SCCS (GTCS, 2002). Enfin, l’ensemble des stations sélectionnées ont été localisées à l’aide d’un GPS Garmin E-TREX et positionnées par la suite sur des orthophotos (MRNFQ, 2000) représentant les différents secteurs d’étude (Figures 3 et 4).

Figure 3

Localisation des stations d’échantillonnage et d’observation dans les secteurs Saint-Nicéphore (SNI) et Richmond-Windsor (RIC-WIN).

Location of sample and observation stations at Saint-Nicéphore (SNI) and Richmond-Windsor (RIC-WIN) sectors.

Localisation des stations d’échantillonnage et d’observation dans les secteurs Saint-Nicéphore (SNI) et Richmond-Windsor (RIC-WIN).

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Figure 4

Localisation des stations d’échantillonnage et d’observation dans les secteurs Massawippi (MAS) et Eaton (EAT).

Location of sample and observation stations at Massawippi (MAS) and Eaton (EAT) sectors.

Localisation des stations d’échantillonnage et d’observation dans les secteurs Massawippi (MAS) et Eaton (EAT).

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3.3 Datation radiocarbone et âge calendaire

Pour les profils de sols contenant des horizons organiques enfouis, des prélèvements ont été réalisés pour l’analyse des macrorestes et la datation radiocarbone (14C). Dix horizons organiques échantillonnés ont pu être datés (laboratoire de radiochronologie, Université Laval). Les horizons organiques ont été l’objet d’un tri en laboratoire afin de prélever et identifier les divers macrorestes (Laboratoire Jacques-Rousseau, Université de Montréal). Pour les datations radiocarbones, les données ont été converties en âge calendaire selon les méthodes en vigueur (STUIVER et al., 1998). Pour le calcul des taux sédimentaires, il s’agit de soustraire l’âge calendaire médian par l’année d’échantillonnage (ex. 1810-2003 = 193 ans), et ensuite de diviser l’épaisseur des sédiments mesurés sur le terrain par le nombre d’années obtenues (ex. 124 cm/193 ans). Il faut noter que les âges radiocarbones fournissent des écarts importants lorsque traduits en années calendaires.

4. Résultats et discussions

4.1 Caractéristiques des sols alluviaux

La majorité des profils des sols analysés dans les zones inondables présente généralement des faciès de sols peu différenciés en surface (entre 10 à 75 cm de profondeur) avec une faible horizonation, l’absence d’horizon organo-minéral (Ah) et d’horizon illuvial (B), et une altération réduite. Certains profils (ex. STO‑19, MAS‑13) possèdent toutefois des horizons dont les teneurs en Al et Fe sont légèrement plus élevées (>0,60) que les autres profils, ce qui indique un développement pédogénétique plus prononcé (Tableau 2). Néanmoins, aucun des profils examinés ne renferme des horizons organo-minéraux ou des horizons d’accumulation bien développés (Bf), ce qui en font des sols peu évolués dans l’ensemble. L’absence d’horizon Ah est une autre indication du faible développement de ces sols qui peut s’expliquer par le faible apport en biomasse (litière) et par l’âge des sols alluviaux. On note en effet une concentration de CO assez réduite dans la plupart des échantillons analysés, soit une valeur moyenne de l’ordre de 1,53 % (Tableau 2). On note aussi un enrichissement pauvre en minéraux amorphes (Al et Fe) qui témoigne d’une faible pédogenèse dans la plupart des profils (AVE-9, WIN‑10, RIC‑20, LEN‑17, EAT‑8a et EAT‑16). Les taux de sesquioxydes de Al + Fe (%) obtenus sont généralement peu élevés (soit un taux moyen de 0,44 %). Enfin, les sols analysés sont généralement peu acides avec des valeurs de pH variant entre 4,61 et 6,22. La majorité des profils analysés dans les différents secteurs d’étude présentent des dépôts alluvionnaires dominés par des classes texturales fines (Tableau 2). Ces alluvions peuvent atteindre facilement 100 à 150 cm d’épaisseur selon les profils (SNI‑1, SNI‑2, AVE‑9, WIN‑5, STO‑19, RIC‑20, LEN‑17, EAT‑15). La fraction sableuse fine ou limoneuse est souvent dominante dans les couches supérieures (± 1 mètre) et les textures varient assez peu dans les couches inférieures. Seuls certains profils (SNI‑1, SNI‑3, SAU‑11, RIC‑20, EAT‑8) renferment des matériaux plus grossiers constitués surtout de sables et quelques graviers.

Tableau 2

Propriétés physico-chimiques des sols alluviaux selon les différents secteurs d’étude.

Physico-chemical characteristics of alluvial soils in different study sectors.

Secteur

Station

Profondeur

(cm)

Couleur (Munsell)

Sable

(%)

Argile

(%)

Texture(1)

pH

CaCl2

C.O.

%

Al

%

Fe

%

Al+Fe

%

SNI

SNI‑1

10

10YR 4/2,5 h

70,2

7,8

LSF

5,31

1,58

0,13

0,35

0,48

SNI

SNI‑1

25

10YR 5,5/2,5 h

70,6

3,6

LSF

5,20

1,69

0,14

0,38

0,52

SNI

SNI‑1

75

10YR 3/1,5 h

61,2

6,0

LSF

5,39

1,56

0,11

0,44

0,55

SNI

AVE‑9

25

10YR 6/3 h

46,9

9,0

L

6,22

2,05

0,10

0,30

0,40

SNI

AVE‑9

75

10YR 5/4 h

70,6

13,6

LSTF

5,94

0,64

0,08

0,27

0,35

RIC‑WIN

WIN‑5

25

10YR 6,5/3 h

70,6

3,0

LSF

5,32

1,92

0,11

0,31

0,42

RIC‑WIN

WIN‑5

75

10YR 5/3 h

73,3

5,3

LSTF

5,80

1,39

0,08

0,27

0,35

RIC‑WIN

WIN‑10

10

10YR 3/3 h

59,7

3,1

LSTF

-

-

-

-

-

RIC‑WIN

WIN‑10

25

10YR 5/3 h

59,8

3,1

LSTF

-

-

-

-

-

RIC‑WIN

WIN‑10

75

10YR 5/4 h

66,6

7,9

LSTF

5,42

1,81

0,11

0,37

0,48

RIC‑WIN

SAU‑11

25

10YR 4/1 h

92,5

1,0

SM

4,89

3,16

0,13

0,45

0,58

RIC‑WIN

SAU‑11

75

10YR 3/1 h

91,0

3,0

SM

4,88

2,10

0,09

0,34

0,43

RIC‑WIN

RIC‑20

10

10YR 3/2,5 h

64,7

2,9

LSF

6.06

1,63

0,10

0,30

0,40

RIC‑WIN

RIC‑20

25

10YR 4/2 h

52,6

6,3

LSF

6,09

1,66

0,09

0,28

0,37

RIC‑WIN

RIC‑20

75

10YR 3/2 h

51,9

8,3

LSF

5,93

1,64

0,12

0,32

0,44

RIC‑WIN

BRO‑18

25

10YR 5/3 h

69,7

6,4

LSTF

6,13

1,73

0,10

0,32

0,42

RIC‑WIN

BRO‑18

75

10YR 4/3 h

74,0

6,0

LSTF

5,89

1,60

0,11

0,37

0,48

RIC‑WIN

STO‑19

25

10YR 4/3 h

49,2

9,9

L

4,71

1,48

0,19

0,56

0,75

RIC‑WIN

STO‑19

75

10YR 4/3 h

47,9

9,2

L

4,88

1,16

0,12

0,42

0,54

MAS

LEN‑17

25

10YR 4/2 h

59,8

3,1

LSTF

5,51

2,16

0,10

0,20

0,30

MAS

LEN‑17

75

10YR 4/3 h

56,4

6,5

LSTF

5,39

0,86

0,10

0,34

0,44

MAS

MAS‑13

10

10YR 3/2,5 h

52,2

5,1

LSTF

-

-

-

-

-

MAS

MAS‑13

25

10YR 3/2,5 h

59,6

8,7

LS

4,67

1,59

0,14

0,53

0,67

MAS

MAS‑13

75

10YR 4,5/2 h

70,3

2,9

LSF

4,61

1,17

0,16

0,30

0,46

EAT

EAT‑8

25

10YR 4/3 h

40,5

8,8

L

5,35

1,32

0,11

0,37

0,48

EAT

EAT‑8

75

10YR 6/3 h

91,8

3,2

SM

5,37

0,55

0,10

0,29

0,39

EAT

EAT‑8a

10

10YR 4/2 h

41,6

6,4

LS

5,83

1,57

0,06

0,20

0,26

EAT

EAT‑8a

25

10YR3/3 h

56,4

6,5

LSF

5,90

1,14

0,06

0,23

0,29

EAT

EAT‑8a

75

10YR 3/3 h

56,3

5,8

LSF

5,30

0,69

0,08

0,28

0,36

EAT

EAT‑16

25

10YR 4/2 h

77,1

2,7

SL

6,31

0,92

0,06

0,19

0,25

EAT

EAT‑16

75

10YR 4/2 h

80,2

5,6

SL

6,02

0,65

0,05

0,16

0,21

Note : Le signe (-) indique l’absence de données ; (1) : L : Limon ; LSF et LSTF : Limon sableux fin ou très fin ; LS : Limon sableux ; SM : Sable moyen ; SL : Sable loameux (GTCS, 2002).

-> Voir la liste des tableaux

4.2 Datation radiocarbone et taux de sédimentation

La datation radiocarbone des débris organiques de plusieurs profils de sols a fourni des âges relativement jeunes dans l’ensemble (Tableau 3), en particulier dans les secteurs de SNI et RIC‑WIN. Pour le secteur SNI, par exemple, les datations 14C obtenues fournissent des âges récents : ± 50 ans BP et 70 ± 00 BP (SNI‑1 et SNI‑3) et 140 ± 60 BP (SNI‑2). Les débris organiques datés de ces profils se situent à des profondeurs variant entre 84 et 124 cm, ce qui suggère une phase de sédimentation relativement importante depuis leur enfouissement. Pour le secteur RIC‑WIN, les datations radiocarbones varient entre 160 ± 70 BP (RIC‑20) et 200 ± 60 BP (WIN‑5), et la profondeur des débris organiques datés se situent à des profondeurs de 135 et 155 cm, ce qui suggère également une sédimentation active dans ce secteur. Pour ces deux secteurs (SNI et RIC‑WIN), les données obtenues par la conversion des datations 14C en âge calendaire, ainsi que l’épaisseur de dépôts de crues accumulés au-dessus des horizons organiques, indiquent un taux de sédimentation moyen de l’ordre de 0,51, 0,64 et 0,76 cm a‑1 (Tableau 3), soit des taux relativement comparables entre ces profils. Il faut souligner toutefois que ces valeurs demeurent approximatives en raison des écarts-types importants rattachés à plusieurs datations radiocarbones. Ceci augmente de façon significative les écarts obtenus entre les âges calendaires, soit des écarts entre 300 et 440 ans AD, ce qui, dans certains cas, peut représenter une variation du taux de sédimentation de ± 2 cm an‑1 (Tableau 3). Ces valeurs fournissent néanmoins un ordre de grandeur qui permet d’obtenir une évaluation relative des taux sédimentaires pour les différents secteurs d’étude. On doit souligner, par ailleurs, que les taux obtenus par les datations 14C sont inférieurs aux observations faites sur le terrain lors des inondations du printemps et de l’automne 2003 dans les secteurs des rivières Saint-François, Massawippi et Coaticook notamment. Les accumulations laissées sur place lors du retrait des eaux pouvaient atteindre des épaisseurs entre 1,5 à 3,5 cm sur les plaines alluviales. On peut donc s’attendre à des apports sédimentaires relativement variables suivant les conditions de mise en place (vitesse du courant, charge en suspension, etc.) pour chaque événement d’inondation. Enfin, suivant l’analyse des débris organiques enfouis dans les sols (Tableau 4), on peut présumer que certaines couches organiques disposées en lit dans les alluvions proviennent vraisemblablement de la formation de litières (phase de stabilisation) qui ont été progressivement enfouies par l’apport d’alluvions, alors que d’autres débris organiques se sont déposés lors de la décrue. La disposition en lit des horizons organiques s’avère l’indice le plus valable sur le terrain pour s’assurer que les débris organiques, sous forme de couches distinctes, proviennent de litière. Ceci semble le cas notamment pour les profils EAT‑7, EAT‑8a et EAT‑15 dont les débris organiques étaient disposés en fines couches horizontales.

Tableau 3

Datation radiocarbone des matières organiques et évaluation des taux de sédimentation.

Radiocarbon dating of organic matter and estimation of sedimentation rates.

Station

Épaisseur des sédiments

(cm)

Type de matériel1

Âge

14C

(BP)

Âge Calendaire AD

(intervalle de confiance 95,4%)

Âge calendaire médian

Taux de sédimentation maximal

(cm an‑1)

Taux de sédimentation moyen

(cm an‑1)

Taux de sédimentation minimal

(cm an‑1)

UTM

(NAD 83)

SNI‑1‑01

84

m.o.

moderne

-

-

-

-

-

5079351

708379

SNI‑1‑02

124

m.o.+f.b.

70±60

≈1676‑1955

1816

2,58

0,66

0,38

5079351

708379

SNI‑2

123

m.o.

140±60

1666‑1951

1810

2,36

0,64

0,36

5079269

708384

SNI‑3

90

m.o.

70±60

≈1676‑1955

1816

1,87

0,48

0,27

5079025

712280

RIC‑20

155

m.o.

160±70

1650‑1952

1800

3,04

0,76

0,44

5061381

721673

WIN‑5

135

m.o.

200±60

1526‑1951

1738

2,60

0,51

0,28

5053975

729071

EAT‑7

141

m.o.

30±70

≈1676‑1955

1816

2,94

0,75

0,43

5029397

776703

EAT‑8a

45

m.o+c.b

270±70

1447‑1949

1698

0,83

0,15

0,08

5029135

778510

EAT‑8a

80

m.o.

440±80

1325‑1644

1485

0,22

0,15

0,12

5029135

778510

EAT‑15

179

m.o.

2210±60

≈395‑113

254

0,09

0,10

0,07

5032856

770900

EAT‑16

110

m.o.+f.b.

60±60

≈1676‑1955

1816

2,29

0,59

0,34

5030352

771634

1: m.o.: matière organique ; c.b.: charbon de bois ; f.b. : fragments de bois ; Les valeurs en gras suivent une courbe normale dans la calibration des âges calendaires.

-> Voir la liste des tableaux

Tableau 4

Analyse des macrorestes et caractéristiques des débris organiques enfouis dans les sols.

Macrofossil analysis and characteristics of organic horizons buried in soils.

 

Profils de sols

 

Milieu typique

Type de fragments

EAT‑7

EAT‑8a

EAT‑15

RIC‑20

SNI‑1‑1

WIN‑5

Couches organiques

 

 

H

H

H

F

F

F

Arbres / Arbustes

-

Charbon de bois

3

-

-

-

-

-

Prunus pensylvanica

m.o.

Demi-graine

1

-

2

-

-

-

Rubus type idaeaus

pa

graine

-

-

-

2

10

-

Sambucus canadensis

m.o.+ hu

graine

-

-

2

-

1

-

Aralia racemosa

m.o.+ b.r.

graine

-

-

4

-

-

-

Carex (3 côtés)

m.o.

graine

-

-

1

-

3

-

Chenopodium

m.o.

graine

-

-

-

1

-

1

Oxalis stricta

m.o.

graine

1

-

-

-

-

-

Polygonum aviculaire

m.o.

graine

1

-

-

-

-

-

Viola sp.

m.o.

graine

1

-

-

-

-

-

Insectes

 

 

 

 

 

 

 

 

Carabidae

-

élytre

1

-

-

-

-

-

Formicidae

-

cocon

1

-

-

-

-

-

Insecte

-

larve

-

1

-

-

-

-

Lepidoptera

-

pupe

-

-

-

-

-

1

Champignons

 

 

 

 

 

 

 

 

Cenococcum graniforme-sclerotia

-

 

54

1

28

-

-

-

m.o.: milieu ouvert; b.r.: bois riche; pa: pâturage; hu: humide; H: débris organiques constitués à partir d’un horizon organique enfoui; F: Débris organiques provenant vraisemblablement du transport fluvial.

-> Voir la liste des tableaux

Les coupes réalisées dans les berges du secteur Massawippi (MAS) s’apparentent aux secteurs SNI et RIC‑WIN, quant à leurs caractéristiques texturales (Tableau 2). Les alluvions forment des dépôts fins dont les épaisseurs peuvent atteindre plus de 100 à 250 cm et les faciès sont généralement uniformes du sommet à la base des coupes. Aucun horizon organique n’a été trouvé dans ce secteur, ce qui n’a pas permis d’obtenir l’âge des sols alluviaux, ni l’évaluation des taux sédimentaires. Toutefois, la faible variabilité texturale des coupes analysées suggère que les phases alluvionnaires sont actives et relativement constantes dans ce secteur. Par ailleurs, si l’on tient compte de la récurrence des crues fournie par JONES (1998), ce qui correspond à environ deux ou trois inondations par dix ans, on peut présumer à des apports d’alluvions continuels qui contribuent à rehausser le niveau des plaines alluviales. Aussi, ce secteur est caractérisé par une dominance de dépôts fins sur plusieurs kilomètres de berges (Figure 2c), contribuant ainsi à fournir des sédiments lors des inondations. Enfin, les berges de ce secteur sont occupées principalement par des rives boisées qui contribuent à réduire la vitesse du courant et favoriser les accumulations sédimentaires lors de la décrue (BENDIX et HUPP, 2000). Les rives boisées couvrent d’ailleurs plusieurs segments des rivières Massawippi et Saint-François (BÉLANGER et al., 2001; CASTONGUAY et SAINT-LAURENT, 2008).

Pour le secteur Eaton (EAT), les différentes coupes effectuées le long des berges indiquent aussi une prédominance des dépôts à matrice fine en surface qui reposent généralement sur des dépôts plus grossiers à la base des profils (EAT‑7 EAT‑8a, EAT‑15). Les datations des horizons organiques enfouis dans les sols ont fourni des âges respectifs de 30 ± 70, 270 ± 70, 440 ± 80 et 2 210 ± 60 BP. Considérant l’épaisseur des alluvions accumulées dans le secteur EAT, on estime un taux moyen de sédimentation de 0,15 cm a‑1 (Tableau 3), ce qui est nettement inférieur aux valeurs calculées pour les autres secteurs. Il est possible que les taux obtenus pour ce secteur (Eaton Nord) reflètent une sédimentation moins active qui s’expliquerait par la charge réduite de la rivière. Il faut mentionner que la section amont de la rivière Eaton Nord (EAT) est constituée essentiellement d’un lit de graviers, de blocs et de cailloux, ce qui réduit de beaucoup la charge sédimentaire du cours d’eau en éléments fins et, conséquemment, réduit les apports alluvionnaires sur les plaines inondables lors des crues. Enfin, une coupe réalisée sur une basse terrasse dans le même secteur (LAMOTHE et al., 2000) a permis d’obtenir, à partir de débris organiques enfouis dans les alluvions, une datation radiocarbone de 765 ± 46 ans BP, un âge légèrement plus élevé à ceux obtenus pour le profil EAT‑8a, soit 440 ± 80 et 270 ± 70 BP (Tableau 3). Ces datations suggèrent que la mise en place de ces couches alluvionnaires est relativement récente dans ce secteur de la Eaton Nord.

À la lumière des données recueillies, les différents secteurs d’étude présentent des valeurs comparables au niveau des taux de sédimentation, sauf pour le secteur EAT, ce qui pourrait signifier un apport alluvionnaire moins important lors des crues. L’étude de CARSON et al. (1973) effectuée dans le bassin de la rivière Eaton (branche sud) indique, à cet effet, que la charge en suspension de la rivière est de beaucoup inférieure à sa capacité de transport. Les taux moyens obtenus varient entre 50 et 115 t km‑2 pour un bassin d’une superficie de 86,5 km2. Ces taux relativement faibles s’expliquent par les caractéristiques morphométriques du lit de la rivière (dominance de dépôts grossiers et caillouteux) et du type d’occupation du sol moins extensive (dominance de terres boisées). Il faut rappeler toutefois que cette étude couvre une très courte période d’observation (1970-1971).

En comparant nos résultats à ceux d’autres travaux réalisés dans des milieux riverains affectés par des inondations périodiques (BENEDETTI et al., 2007; BROOKS, 2002; DANIELS, 2003), on constate que les taux de sédimentation sont variables d’une région à l’autre, et même pour une seule région. À titre d’exemple, les taux obtenus (accrétion verticale) par BROOKS (2002) dans le secteur de la rivière Rouge (Manitoba, Canada) peuvent varier entre 0,01 et 0,39 cm an‑1 et les accumulations dites contemporaines (moins d’un siècle), indiquent des valeurs de l’ordre de 0,16 à 1,43 cm•an‑1. Pour sa part, DANIELS (2003) a obtenu des taux moyens de l’ordre de 0,5 cm an‑1 dans le secteur de la rivière Republican (Nebraska, É-U). Enfin, les travaux de BENEDETTI et al. (2007), pour la rivière Mississippi Nord, indiquent des valeurs se situant entre 0,20 à 0,68 cm a‑1. Les valeurs obtenues indiquent donc des taux sédimentaires très variables, et ceci est vrai également pour nos différents secteurs d’étude qui montrent des taux moyens qui varient entre 0,10 à 0,76 cm an‑1 (Tableau 3).

4.3 Inondations et variabilité hydrologique

Une augmentation de la fréquence des inondations est notoire pour l’ensemble de la région, et plus particulièrement depuis les années 1970 (cf. JONES, 1998, 2004; SAINT-LAURENT et al., 2001, SAINT-LAURENT et SAUCET, 2003). À titre d’exemple, on compte pour le secteur RIC‑WIN près d’une vingtaine d’événements d’inondation seulement pour la période entre 1972-2002 (Tableau 5), ce qui correspond à une récurrence d’une inondation aux deux ans environ. Par contre, les inondations antérieures à 1900 sont peu nombreuses, soit une inondation à chaque deux ou dix ans environ selon les secteurs d’étude. Pour les secteurs SNI et EAT, on ne compte qu’une seule inondation avant 1900 (Tableau 5), et pour le secteur MAS, aucune inondation n’a été recensée avant cette période (voir aussi JONES, 1998). Il est toutefois difficile d’expliquer les raisons pour lesquelles ces secteurs auraient été peu affectés par les inondations avant 1900. Serait-il possible que les secteurs SNI, EAT et MAS, aient été davantage négligés par les observateurs de l’époque?

Tableau 5

Événements d’inondation recensés dans les secteurs SNI, RIC-WIN, MAS et EAT.

Records of flood events in the SNI, RIC-WIN, MAS and EAT sectors.

Date des inondations

SNI

RIC‑WIN

RIC‑WIN

MAS

EAT

Mar-2003

Juil-2002

Déc-1940

Oct-2003

Oct-2003

Jan-1998

Mar-Avr-1998

Avr-1939

Mar-Avr-1998

Nov-2003

Mar-Avr-1998

Jan-1996

Mar-1938

Jan-1996

Fév-2000

Jan-1996

Fév-1996

Mar-1936

Avr-1994

Jan-1998

Fév-1996

Août-1996

Avr-1928

Avr-1993

Mar-Avr-1998

Jan-1995

Avr-1994

Nov-1927

Mar-1992

Jan-1996

Avr-1994

Mar-1992

Sep-1925

Déc-1990

Août-1996

Avr-1992

Avr-1992

Sep-1924

Avr-1987

Avr-1994

Mar-1989

Sep-1983

Mar-1919

Avr-1982

Oct-1990

Déc-1983

Avr-1982

Mar-1918

Mar-1979

Mar-1990

Avr-1982

Fév-1981

Fév-1915

Mar-1977

Jan-1986

Fév-1981

Mar-1979

Mar-1913

Août-1976

Avr-1982

Mar-Avr-1976

Mar-1977

Avr-1912

Avr-1974

Mar-1976

Avr-1974

Mar-Avr-1976

Jan-1905

Juil-1973

Jan-1973

Déc-1973

Mar-1974

Mar-1902

Avr-1970

Fév-1973

Mai-1972

Avr-1974

Avr-1901

Avr-1969

Mar-1973

Août-1972

Juil-1973

Mar-1898

Mar-1962

Juin-1942

Mar-1968

Mai-1972

Avr-1896

Avr-1960

Avr-1928

Avr-1967

Mar-1968

Mai (?)-1876

Mar-1948

Mai-1928

Mar-1945

Mar-1964

Jan-1874

Juin-1943

Oct-1928

Juin-1943

Mar-1962

Mai ( ?)-1865

Mar-1938

Sep-1924

Juin-1942

Juil-1961

 

Jan-1930

Fév-1915

Avr-1939

Mar-1948

 

Avr-1929

Avr-1914

Avr-1928

Juin-1943

 

Juil-1916

Mar-1913

Nov-1927

Juin-1942

 

Fév-1915

Jan-1904

Mar-1913

 

 

Déc-1900

Déc-1900

Avr-1883

 

 

 

Avr-1894

Total 27

 

Total 46

Total 26

Total 27

Récurrence

4,4 ans

 

Récurrence

2,9 ans

Récurrence

3,9 ans

Récurrence

4,0 ans

-> Voir la liste des tableaux

L’analyse de variance (ANOVA) réalisée sur la série chronologique des inondations permet de comparer la variance entre les groupes. Une première analyse a été effectuée sur l’ensemble de la série et la valeur obtenue indique une variance de l’ordre de 0,0046 (Tableau 6), soit une valeur jugée significative considérant le seuil de 5 %. On note également une valeur du p significative (0,0050) lorsque l’on compare les périodes entre elles, soit la période 1865-1911 (groupe A) et celle de 1959-2004 (groupe C), la dernière période étant marquée par une hausse marquée du nombre d’inondations (Tableau 5). Par contre, la comparaison entre la période 1865‑1911(groupe A) et celle de 1912-1958 (groupe B) ne ressort pas de façon significative sur le plan statistique. En d’autres termes, la période de 1912‑1958 se caractérise par un déficit du nombre d’inondations par rapport aux autres périodes. Ceci se confirme d’ailleurs par les données du tableau 5. L’augmentation de la fréquence des événements d’inondation depuis 1970 est en lien avec une augmentation des débits maximums annuels (DMM) dans les secteurs d’étude (Figure 5). L’analyse des séries hydrologiques montre en effet une hausse plus marquée des débits maximaux (DMM) entre 1970-1996, qui connaît un certain fléchissement après cette période. Cette hausse correspond d’ailleurs avec une période caractérisée par une plus forte pluviométrie enregistrée surtout entre 1970‑1990 (SAINT-LAURENT et al., 2008). En comparant le nombre des inondations avec les données hydrologiques de la station de référence 02OF002 pour la période postérieure à 1964 (Tableau 7), on constate une certaine corrélation entre les deux séries de données (inondations/débits). On note que la grande majorité des inondations recensées pour cette période correspond aux débits maximums annuels (ex. 1970, 1974, 1976, 1982, 1989, 1994, 1998), sauf pour un certain nombre d’événements d’inondation (ex. 1972, 1979, 1983, 1996). Par exemple, lors de l’inondation de juin 1979, le débit enregistré à la station de référence est de l’ordre de 521 m3/s (Tableau 7), alors que le débit maximal annuel enregistré à cette même station est de 1 500 m3/s (en mars), ce qui représente un écart important entre ces deux valeurs.

Tableau 6

Analyse de variance (ANOVA) de la série chronologique des événements d’inondation.

Analysis of variance (ANOVA) of the chronology of flood events.

Période couverte

1865-2004

N

Écart-type

Valeur‑ f

Pr > f

Seuil*

< 0,05

A-B-C

1865‑2004

86

3,734

5,75

0,0046

s

A-B

1865‑1911

1912‑1958

18

0,044

0,12

0,7356

ns

B-C

1912‑1958

1959‑2004

28

4,892

6,49

0,0136

s

A-C

1865‑1911

1959‑2004

40

5,244

7,09

0,0097

s

D-E

1865‑1934

1935‑2004

86

5,523

8,30

0,0050

s

*

s : significatif ; ns : non significatif.

-> Voir la liste des tableaux

Figure 5

Graphique des débits moyens annuels (DMA) et des débits maximaux annuels (DMM) enregistrés aux différentes stations hydrométriques des secteurs d’étude.

Mean annual discharge (MAD) and peak annual discharge (PAD) recorded at different gauging stations in the study sectors.

Graphique des débits moyens annuels (DMA) et des débits maximaux annuels (DMM) enregistrés aux différentes stations hydrométriques des secteurs d’étude.

-> Voir la liste des figures

Tableau 7

Recensement des événements d’inondation (tronçon entre Sherbrooke-Lennoxville et Drummondville) et débits journaliers maximums enregistrés à la station hydrométrique 02OF002.

Record of flood events (stretch between Sherbrooke-Lennoxville and Drummondville) and peak discharge registered at gauging station 02OF002.

Date des inondations recensées

Débit maximal enregistré lors de l’inondation

(m3/s)

Débit journalier maximum

(m3/s)

Date d’occurrence du Q Max

Date des inondations recensées

Débit maximal enregistré lors de l’inondation

(m3/s)

Débit journalier maximum (1)

(m3/s)

Date d’occurrence

du Q Max

1964/04/15‑16

1500

1500

04/16

1978/04/21‑24

1330

1330

04/21

1967/04/3‑4

1330

1330

04/03

1979/03/5‑8

949

1500

03/26

1968/03/24‑26

1090

1090

03/24

1979/06/01

521

1500

03/26

1969/04/11‑20

1540

1540

04/18

1981/02/22‑25

1390

1390

02/22

1970/04/18‑25

1590

1590

04/19

1982/04/17‑20

2420

2420

04/19

1972/05/5‑9

1680

1680

05/06

1983/09/17

44*

1690

12/15

1972/07/16

385

1680

05/06

1983/12/7‑14

985

1690

12/15

1973/07/2‑4

915

1550

03/18

1986/03/26‑31

1460

1460

03/31

1974/03/8‑9

869

1710

05/01

1987/04/1

1540

1540

04/01

1974/04/4‑5

1670

1710

05/01

1989/03/28‑31

1780

1780

03/29

1974/04/30

1710

1710

05/01

1990/10/19‑25

1130

1410

03/18

1976/03/26‑30

1850

1850

04/02

1992/03/10‑13

930

1530

04/23

1976/08/11‑18

1160

1850

04/02

1992/04/23

1530

1530

04/23

1977/03/15‑17

1330

1330

03/16

1993/04/11‑13

-

1430

04/11

(1)

Le recensement a été fait sur l’ensemble de la période 1964-2003, mais les valeurs ne sont pas toutes représentées dans ce tableau. Toutefois, les analyses statistiques ont été réalisées sur toute la période comprenant 37 observations.

*

Inondation à Richmond en raison de pluies abondantes.

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En se référant aux documents consultés, notamment les rapports gouvernementaux et les journaux locaux, la plupart des inondations dont les débits enregistrés sont les plus faibles se sont produites en saison estivale, soit à une période où les écoulements en rivière sont relativement bas. Ces inondations « estivales » sont associées à des conditions météorologiques particulières, notamment des pluies diluviennes ou abondantes. Ces événements peuvent être très localisés et se produire à plusieurs kilomètres de la station de référence, ce qui expliquerait que leurs effets ne soient pas nécessairement détectés à la hauteur de la station. On note aussi que certaines dates associées aux inondations printanières (1974, 1979, 1992), ou hivernales (1983 et 1996), indiquent des débits inférieurs aux débits maximaux enregistrés à la station de référence (Tableau 7). Pour ces cas, les inondations pourraient avoir été causées par la formation d’embâcles provoquant ainsi la remontée soudaine des eaux et le débordement en rive. La formation d’embâcles en saison hivernale n’est pas rare dans les bassins du centre-sud du Québec (Gagnon et al., 1970). Il suffit parfois de quelques jours de redoux accompagnés de pluies abondantes pour causer la fonte partielle du couvert de glace et créer les conditions propices à la formation d’embâcles.

Afin de mesurer la relation entre les débits enregistrés lors des événements d’inondation et les débits maximaux annuels, un test de corrélation (Pearson) a été appliqué aux deux séries de variables. Les résultats indiquent des valeurs plutôt faibles lorsque l’on compare l’ensemble (N = 37) de la série, incluant dans un même regroupement les périodes estivales, hivernales, automnales et printanières. La valeur obtenue est de l’ordre de seulement 0,22 pour l’ensemble de la série. Toutefois, la valeur de r augmente de façon significative (0,79) lorsque les mois d’avril à juin sont regroupés ensemble, et davantage lorsqu’on regroupe uniquement les inondations printanières (0,81). On doit conclure à une forte corrélation entre ces deux variables (débits maximaux annuels/inondations printanières) dans ce cas-ci. Enfin, l’analyse des séries hydrologiques de la période analysée révèle d’importantes fluctuations des débits moyens annuels (DMA) et débits maximaux (DMM) au cours du dernier siècle, marquées par des périodes de plus forte hydraulicité (soit entre 1925‑1955 et 1970‑1996). Ces fluctuations du régime hydrologique sont d’ailleurs fréquemment observées dans les séries hydrométriques de longue durée, notamment dans plusieurs régions canadiennes (MORTSCH et al., 2000; PERREAULT et al., 2007; WHITFIELD et CANNON, 2000). À titre indicatif, l’analyse de variance (ANOVA) appliquée à la série hydrologique de plus longue durée (station 02OF002) pour les débits moyens annuels (DMA), indique des valeurs significatives pour deux des trois périodes identifiées (Tableau 8), soit deux périodes de plus forte hydraulicité entre 1925‑1954 et 1969‑2004, entrecoupées par une période de plus faible hydraulicité centrée surtout sur les années 1955‑1968.

Tableau 8

Analyse de variance (ANOVA) des débits moyens annuels à la station hydrométrique 02OF002.

Analysis of variance (ANOVA) of average annual discharges at the gauging station 02OF002.

Test global

Période couverte

N

Écart-type

Valeur- f

Pr > f

Seuil*

< 0,05

1925-2004

75

0,132276

5,41

0,0065

s

Test de comparaison multiple

Groupe

Période couverte

N

 

Intervalle de confiance

(95%)

G1-G3

1925-1954

1969-2004

29

33

 

4,242

39,958

s

G1-G2

1925-1954

1955-1968

29

13

 

11,034

-33,739

ns

G2-G3

1955-1968

1969-2004

13

33

 

11,066

55,839

s

*

s : significatif ; ns : non significatif.

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4.4 Édification des plaines alluviales

En tenant compte de l’ensemble des données recueillies, on constate que les plaines actuelles connaissent des phases d’alluvionnement relativement actives qui s’expliquent par des apports constants de sédiments provenant des crues successives. Les indices les plus probants à l’édification verticale des plaines alluviales sont la présence de débris organiques enfouis dans les sols et les datations radiocarbones obtenues à partir de ces débris qui fournissent des âges relativement jeunes. La présence de ces fragments organiques et leur position à la base des profils suggèrent que les accumulations sédimentaires (alluvions récentes) sont relativement importantes dans les secteurs identifiés. Parallèlement, on peut considérer que le faible développement pédogénétique des sols en surface (± 1 mètre) de plusieurs profils s’explique en partie par les apports alluviaux des crues qui contribuent au rajeunissement des sols. En considérant les âges obtenus des datations radiocarbones, la position stratigraphique de certains horizons organiques enfouis et le faible développement pédogénétique de plusieurs profils de sols, on peut prétendre que les secteurs riverains analysés connaissent des phases actives d’alluvionnement qui pourraient être en lien avec la hausse de la fréquence des inondations contemporaines. Pour un certain nombre de profils de sols, les accumulations alluvionnaires indiquent des valeurs plutôt faibles (0,15 cm an‑1), et parmi ces profils (EAT‑8 et EAT‑15), certains se caractérisent par un développement pédogénétique légèrement plus marqué (présence d’horizons Bm et Bfj), et les datations 14C obtenues à la base des profils (EAT‑8a et EAT‑15) fournissent des âges moins récents (440 ± 80 et 2 210 ± 60 ans BP). Il est donc probable que ces profils de sols se développent dans des terrasses fluviales plus anciennes. En somme, il faut prendre en compte que la dynamique sédimentaire est très variable d’un secteur à l’autre. Des datations 14C additionnelles permettraient d’établir une chronologie plus complète et fourniraient une meilleure appréciation des apports sédimentaires le long des plaines alluviales.

5. Conclusion

L’édification des plaines alluviales dans les bassins et sous-bassins du centre-sud du Québec résulte en partie d’inondations périodiques qui caractérisent cette région hydrographique. Dans les zones d’alluvionnement, les sols alluviaux sont composés essentiellement de sédiments fins (sable limoneux ou de limons sableux fins à très fins) avec des matrices relativement homogènes sur l’ensemble des profils. Le développement pédogénétique des sols alluviaux est diminué en raison des apports constants des crues. Ceci se traduit par l’absence d’horizons bien définis, une faible pédogenèse dans la majorité des profils observés et des concentrations relativement réduites de carbone organique in situ. En somme, les crues successives maintiennent les sols dans un état « d’immaturité ». Les taux sédimentaires évalués à partir de différents paramètres (14C/âge calendaire, présence de débris organiques, accumulation des alluvions) suggèrent que les plaines alluviales sont soumises à des phases d’alluvionnement actives. Toutefois, les données actuelles permettent difficilement de confirmer un lien entre ces apports alluvionnaires et la recrudescence des inondations contemporaines. Un plus grand nombre de datations radiocarbones et l’utilisation d’autres méthodes de datation, dont les analyses isotopiques (210Pb, 137Cs) pourraient apporter un éclairage nouveau et fournir un cadre chronologique plus complet. Des travaux préliminaires sont d’ailleurs en cours et nous permettent de penser que l’utilisation des différents isotopes du plomb (204Pb/206Pb, 207Pb/206Pb et 208Pb/206Pb) pourrait servir de données additionnelles pour l’estimation des taux sédimentaires. Des traces de contaminants trouvées à des profondeurs variables dans les sols alluviaux (5, 15, 28 et 33 cm), nous portent à croire aussi que les apports contemporains pourraient être plus importants que les taux estimés à partir des datations radiocarbones. Enfin, il nous apparaît intéressant de suivre l’évolution de ces environnements dynamiques, notamment dans le contexte des changements climatiques qui risquent de modifier considérablement les conditions actuelles de ces environnements, tant sur le plan hydrologique que morphologique.