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Introduction

Les médicaments en vente libre (MVL), disponibles sans ordonnance, sont considérés par les professionnels de la santé et la population en général comme des produits sans danger, comportant peu d’effets indésirables. Certains d’entre eux possèdent des propriétés psychotropes et peuvent être utilisés dans un contexte récréatif par une minorité d’individus. L’abus d’un médicament ou d’une drogue peut être défini par un usage qui cause des dommages physiques, psychologiques, économiques, judiciaires ou sociaux au consommateur ou à d’autres personnes touchées par le comportement de celui-ci (Rinaldi et coll., 1988). Certaines classes de médicaments comme les antitussifs, les antihistaminiques et les décongestionnants sont plus susceptibles d’être une source d’abus (Hughes et coll., 1999 ; Fleming et coll., 2004 ; Williams et Kokotailo, 2006). La facilité d’accès, le faible coût, la légitimité et le peu de contrôle exercé sur la vente de ces produits pharmaceutiques contribuent à leur mésusage. La promotion de la consommation de MVL faite sur certains sites Internet tel Erowid.com peut également influencer certains individus (Wazaify et coll., 2005 ; Williams et Kokotailo, 2006).

Très peu d’études ont été publiées sur l’abus des MVL en comparaison aux autres substances psychotropes. Les premiers cas d’abus rapportés remontent à plus d’une cinquantaine d’années, mais l’ampleur réelle de la consommation récréative de MVL au cours des dernières décennies demeure mal connue (Boyer, 2004). Bien qu’il ne s’agisse pas d’un phénomène nouveau, les enquêtes épidémiologiques sur la consommation de substances psychoactives incluent rarement cette catégorie de médicaments (Williams et Kokotailo, 2006).

L’abus de MVL peut toutefois s’avérer un problème de santé publique réel puisque la morbidité et la mortalité associées à ce phénomène peuvent être significatives. Dans cette revue de littérature, nous aborderons la pharmacologie, les aspects épidémiologiques, les effets psychotropes et la toxicité des MVL les plus souvent consommés dans un contexte récréatif.

Méthodologie

Cet article se veut une revue de la littérature. Une recherche a été effectuée sur la base de données PUBMED en utilisant les mots-clés « médicaments en vente libre », « antitussifs », « abus », « dépendance », « antihistaminiques » et « décongestionnants », pour la période se situant entre janvier 1987 et juin 2007 inclusivement. Seuls les documents rédigés en langue anglaise disponibles, soit via Internet, soit via le réseau des bibliothèques universitaires québécoises, ont été retenus. Des références croisées ont été obtenues en s’appuyant sur la bibliographie des certains articles retenus. De plus, des références tertiaires traitant de la pharmacologie et de la toxicomanie des psychotropes ont également été consultées.

Antitussifs : Dextrométhorphane

Pharmacologie

Le dextrométhorphane (DM) est une substance synthétique apparentée aux opiacés, dénuée d’effets significatifs sur les récepteurs opioïdes de type mu (μ)[1] et delta (δ)[2]. Le DM est vendu sans ordonnance en tant que médicament antitussif depuis plusieurs décennies. À l’image des opiacés, le DM inhibe les centres de la toux en se liant aux récepteurs opioïdes de type sigma (σ). Cependant, il ne possède pas de propriétés analgésiques et ne cause pas de dépression respiratoire comme les opiacés (Boyer, 2004 ; Sweetman, 2004). Le DM se retrouve principalement sous forme de sirop de bromhydrate de DM, mais aussi sous d’autres formes pharmaceutiques, comme les capsules et les comprimés. Les formes liquides seraient moins susceptibles de donner lieu à des abus, vu leur goût désagréable (Boyer, 2004). Le DM est souvent associé à d’autres médicaments dans des préparations pharmaceutiques destinées à traiter les symptômes du rhume et de la grippe. Les concentrations de DM peuvent varier d’une formulation à une autre. Le DM se retrouve dans plus de 200 médicaments vendus au Canada. Le tableau 1 énumère quelques produits vendus au Canada contenant du DM. Aux doses recommandées pour le traitement de la toux, le DM ne cause en général que très peu d’effets indésirables (Bem et Peck, 1992).

Tableau 1

Produits vendus au Canada contenant du dextrométhorphane (DM) (liste non exhaustive)

Produits vendus au Canada contenant du dextrométhorphane (DM) (liste non exhaustive)

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À haute dose, le DM est un antagoniste non spécifique du récepteur N-méthyl-D-aspartate (NMDA) au site du PCP. Cette propriété pharmacologique pourrait contribuer au potentiel d’abus associé au DM[3] (Zawertailo et coll., 1998 ; Kirages et coll., 2003 ; Boyer, 2004 ; Miller, 2005 ; Ziaee et coll., 2005 ; Carr, 2006).

Le DM est absorbé rapidement après une prise orale et ses effets persistent en moyenne de trois à six heures. Il est métabolisé par les enzymes hépatiques du cytochrome P450 2D6 en un métabolite actif, le dextrorphane (DP). Le DP serait responsable des effets comportementaux observés avec la prise de DM.

On estime que jusqu’à 10 % de la population caucasienne est génétiquement déficiente partiellement ou totalement à l’enzyme 2D6, ce qui a pour effet de prolonger et d’accentuer les effets indésirables du DM (Zawertailo et coll., 1998 ; Carr, 2006 ; Williams et Kokotailo, 2006). De plus, la toxicité du DM peut être amplifiée lors de la consommation concomitante de médicaments qui inhibent l’enzyme 2D6 (Ziaee et coll., 2005). Les individus ne présentant pas de polymorphisme génétique pour l’enzyme 2D6, soit 90 % de la population caucasienne, seraient toutefois plus à risque d’abuser du DM, car ils forment plus de DP et sont plus sensibles aux effets dissociatifs du DM (Banerji et Anderson, 2001 ; Zawertailo et coll., 2005).

Épidémiologie

Très peu de données concernant la prévalence de l’utilisation abusive du DM ont été publiées. Des cas anecdotiques d’abus ont été rapportés dès le début des années 1960 et une tendance à la hausse de la consommation récréative de DM est observée depuis quelques années (Darboe, 1996 ; Boyer, 2004 ; Ziaee et coll., 2005). Une enquête menée auprès de 315 élèves américains de la 4e à la 12e année a révélé que les préparations contenant du dextrométhorphane étaient les MVL les plus souvent utilisés dans un contexte d’abus (Noonan et coll., 2000). Le DM constitue fréquemment l’une des premières substances expérimentées par le jeune consommateur. Il est aussi souvent utilisé à titre de substitut à d’autres substances plus difficiles à se procurer et est considéré peu nocif par les utilisateurs (Darboe, 1996 ; Boyer, 2004). On constate le plus souvent l’abus de DM chez les individus ayant des antécédents de polytoxicomanie (Miller, 2005).

Effets psychotropes et toxicité

La surconsommation volontaire de DM qui a pour but de créer un état d’intoxication implique généralement des doses de cinq à dix fois supérieures aux doses recommandées pour le traitement de la toux. Une dose minimale de 120 mg ou de l’équivalent de 2 mg / kg est habituellement nécessaire pour produire des effets psychotropes. Les individus qui abusent du DM ingurgitent fréquemment des doses de l’ordre de 200 à 400 mg pour obtenir les effets recherchés. Une tolérance aux effets psychotropes du DM se développe rapidement et les utilisateurs peuvent augmenter les doses jusqu’à 1 000 mg. Des doses supérieures à 2 500 mg sont potentiellement létales (Williams et Kokotailo, 2006).

La structure chimique du DM est apparentée à celles de la kétamine et du PCP. Le DM peut d’ailleurs entraîner de faux résultats positifs au PCP lors des tests urinaires de dépistage de drogues (Banerji et Anderson, 2001 ; Boyer, 2004 ; Desai et coll., 2006 ; Williams et Kokotailo, 2006). Cependant, bien qu’il soit un dérivé des opiacés, le DM ne cause pas de faux résultats positifs pour cette classe de substances (Banerji et Anderson, 2001).

Boyer (2004) a classé les effets du DM selon leur intensité. Il décrit la survenue d’un premier « plateau » à des doses entre 100 et 200 mg, caractérisé par un léger effet stimulant comparable à celui induit par le méthylènedioxyamphétamine (MDA), un hallucinogène stimulant. Le second plateau, qui survient à des doses entre 200 et 400 mg, procure des effets similaires à ceux vus lors de la consommation concomitante de marijuana et d’alcool, bien que certains utilisateurs de DM décrivent des hallucinations à ce stade. Le plateau suivant résulte en un état de dissociation semblable à celui observé à la suite de la prise d’une faible dose de kétamine, un anesthésique dissociatif. Les doses de DM oscillent alors entre 300 et 600 mg. Finalement, le quatrième et dernier plateau donne lieu à un état de dissociation marqué, tel que vu lors d’une intoxication à la kétamine, avec des doses de DM entre 600 et 1 500 mg (Boyer, 2004).

Des cas de dépendance au DM ont été décrits, mais semblent toutefois rares (Fleming, 1986 ; Bem et Peck, 1992 ; Boyer, 2004 ; Miller, 2005 ; Desai et coll., 2006 ; Williams et Kokotailo, 2006). Un syndrome de sevrage peut être observé chez des utilisateurs chroniques lors de la cessation du DM. Les symptômes décrits sont la dysphorie, l’envie irrépressible de consommer la substance (craving) et les tremblements (Boyer, 2004 ; Miller, 2005 ; Desai et coll., 2006 ; Williams et Kokotailo, 2006).

Les principaux effets psychotropes observés chez les individus qui abusent du DM comprennent l’euphorie, un état de dissociation, une altération de la perception du temps, une sensation de flottement, des hallucinations tactiles, visuelles et auditives, une désorientation, des rires incontrôlables, de l’agitation et de la somnolence. Des effets entactogènes et empathogènes peuvent également être ressentis par les individus ayant consommé du DM (Boyer, 2004 ; Schwartz, 2005 ; Ziaee et coll., 2005 ; Carr, 2006 ; Williams et Kokotailo, 2006).

L’abus de DM peut également entraîner de nombreux effets indésirables parmi lesquels on retrouve les nausées, les vomissements, la diarrhée, l’accélération du rythme cardiaque (tachycardie), la diaphorèse, l’hypertension, les dysfonctions sexuelles, les troubles visuels et les troubles de la coordination. À des doses très élevées ou chez des individus prédisposés, des épisodes psychotiques, des convulsions, une dépression respiratoire, le coma et la mort peuvent survenir (Hinsberger et coll., 1994 ; Price et Lebel, 2000 ; Boyer, 2004 ; Ziaee et coll., 2005 ; Carr, 2006 ; Williams et Kokotailo, 2006).

Les consommateurs chroniques de DM s’exposent à différents effets indésirables comme la manie, la psychose, les troubles cognitifs et le bromisme (Walker et Yatham, 1993 ; Boyer, 2004 ; Williams et Kokotailo, 2006). Le bromisme est un syndrome caractérisé par des troubles neurologiques, psychiques, gastro-intestinaux et dermatologiques, causés par l’ion bromure contenu dans le bromhydrate de dextrométhorphane (Banerji et Anderson, 2001 ; Desai et coll., 2006 ; Williams et Kokotailo, 2006).

L’intoxication au DM est traitée de façon symptomatique. Sa courte demi-vie limite la plupart du temps les effets indésirables prolongés. Quelques auteurs préconisent l’administration de naloxone (Narcan®), un antagoniste des récepteurs aux opiacés comme antidote, mais cette pratique est loin de faire l’unanimité (Nordt, 1998 ; Banerji et Anderson, 2001 ; Kirages et coll., 2003). Après la stabilisation du patient au point de vue médical, ce dernier devrait être dirigé vers un service spécialisé dans la prise en charge des toxicomanies (Williams et Kokotailo, 2006).

Antihistaminiques : dimenhydrinate et autres

Pharmacologie

Les antihistaminiques agissent principalement en bloquant les effets de l’histamine endogène sur ses récepteurs spécifiques. Les antihistaminiques sont disponibles en vente libre, sous différentes appellations et formulations. Une première génération d’antihistaminiques, commercialisée depuis plusieurs décennies, comporte beaucoup d’effets indésirables, en particulier la sédation. Une nouvelle génération d’antihistaminiques peu sédative a été mise sur le marché il y a une vingtaine d’années. Cette classe de médicaments est utilisée pour traiter les symptômes du rhume et des allergies, les nausées et les vomissements, ainsi que l’insomnie (Sweetman, 2004 ; Carr, 2006). Le tableau 2 donne la liste des principaux antihistaminiques de première génération disponibles au Canada, ainsi que leur indication.

Tableau 2

Principaux antihistaminiques de première génération vendus au Canada (liste non exhaustive)

Principaux antihistaminiques de première génération vendus au Canada (liste non exhaustive)

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Épidémiologie

L’abus d’antihistaminiques, à l’instar des autres MVL, est peu documenté (Williams et Kokotailo, 2006). Les antihistaminiques non sédatifs comme la loratadine et la cétirizine semblent peu susceptibles de donner lieu à des abus puisqu’ils ne pénètrent que très peu le système nerveux central et produisent donc beaucoup moins d’effets psychotropes. Une étude conduite en Utah a démontré que sur environ 80 cas d’intoxication à un antihistaminique rapportés à un centre antipoison, près de 90 % étaient intentionnelles (Nguyen et coll., 2005). Toujours en Utah, les données d’une enquête sur les cas d’abus intentionnels rapportés à un centre antipoison entre 1990 et 1999 chez des jeunes de six à 19 ans démontrent que les antihistaminiques étaient les MVL les plus souvent consommés dans ces circonstances (Crouch et coll., 2004). Les adolescents et les personnes souffrant de troubles psychiatriques, incluant les toxicomanies, pourraient être plus susceptibles d’abuser des antihistaminiques (Craig et Mellor, 1990 ; Gardner et Kutcher, 1993 ; Oliver et Stenn, 1993 ; Halpert et coll., 2002).

Effets psychotropes et toxicité

Les effets découlant d’une surconsommation d’un médicament antihistaminique comprennent l’euphorie, les hallucinations visuelles et tactiles, la désorientation, le delirium, les troubles de la coordination, la tachycardie, la sécheresse de la peau et des muqueuses, la mydriase et la rétention urinaire (Halpert et coll., 2002 ; Williams et Kokotailo, 2006). À haute dose, les antihistaminiques peuvent entraîner des arythmies cardiaques, convulsions, une psychose toxique, une hyperthermie, une dépression respiratoire, le coma et rarement, la mort (Rowe et coll., 1997 ; Carr, 2006 ; Williams et Kokotailo, 2006). Les enfants sont habituellement plus sensibles aux effets toxiques des antihistaminiques (Carr, 2006).

Le potentiel toxicomanogène des antihistaminiques a été décrit par Halpert et coll. (2002). Des études animales ont démontré que les antihistaminiques produisent des effets renforçateurs et potentialisent les effets euphorisants d’autres drogues (Bergman et Spealman, 1986). Certains auteurs ont rapporté la consommation de fortes doses de ces médicaments comme substituts à la marijuana ou au LSD (Malcolm et Miller, 1972 ; Halpert et coll., 2002). Le dimenhydrinate aurait un potentiel d’abus plus important étant donné qu’il est composé de diphenhydramine et de 8-chlorothéophylline, un produit stimulant qui pourrait contribuer à ses effets toxicomanogènes (Halpert et coll., 2002).

Les doses de dimenhydrinate nécessaires pour procurer une euphorie sont généralement de l’ordre de 400 à 800 mg, soit l’équivalent de huit à 16 comprimés réguliers de 50 mg (Gardner et Kutcher, 1993). Une tolérance aux effets psychotropes des antihistaminiques se développe avec l’usage régulier et on a rapporté l’utilisation de doses allant jusqu’à 5 000 mg par jour chez certains individus (Halpert et coll., 2002).

Des symptômes de sevrage ont été observés chez des consommateurs chroniques de fortes doses d’antihistaminiques, particulièrement de la léthargie, de l’irritabilité, la perte d’appétit, des troubles de la mémoire, de l’agitation, de l’hostilité et une envie irrépressible de consommer (Craig et Mellor, 1990 ; Halpert et coll., 2002).

Le traitement de l’intoxication aiguë aux antihistaminiques est principalement symptomatique. L’administration de physostigmine, un inhibiteur de l’acétylcholinestérase, peut être envisagée dans de rares cas d’intoxication sévère chez l’adulte, mais n’est généralement pas recommandée (Burns et coll., 2000 ; Banerji et Anderson, 2001 ; Léonard et Cyr, 2002 ; Kirages et coll., 2003).

Décongestionnants : Pseudoéphédrine

Pharmacologie

La pseudoéphédrine (PE) est un sympathomimétique dont la structure chimique s’apparente à celle des amphétamines (Calfee et Fadale, 2006). Elle provoque, entre autres, une vasoconstriction des vaisseaux sanguins de la muqueuse nasale. Elle est indiquée dans le traitement de la congestion nasale associée au rhume, à la grippe et aux allergies. La PE est le décongestionnant le plus populaire au Canada et se retrouve dans plus de 200 préparations pharmaceutiques. Le tableau 3 liste quelques-uns des médicaments vendus sans ordonnance au Canada contenant de la PE.

Tableau 3

Produits vendus au Canada contenant de la pseudoéphédrine (PE) (liste non exhaustive)

Produits vendus au Canada contenant de la pseudoéphédrine (PE) (liste non exhaustive)

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Les effets de la PE se font sentir environ de une à trois heures après l’ingestion orale. La dose toxique équivaut à quatre ou cinq fois la dose thérapeutique (Carr, 2006). La dose maximale recommandée chez l’enfant est de 4 mg / kg / jour et de 240 mg par jour chez les plus de 12 ans, en doses divisées. La PE est souvent consommée dans le but d’augmenter les performances physiques et mentales, ainsi que pour perdre du poids.

Épidémiologie

Très peu de données ont été publiées sur la consommation récréative de PE. Les jeunes et les sportifs semblent toutefois être des groupes où l’on retrouve beaucoup d’utilisateurs. Une enquête menée auprès de joueurs de hockey des collèges américains a révélé que 17,4 % d’entre eux disaient avoir consommé de la pseudoéphédrine dans les 30 jours précédant l’enquête, dans le but d’améliorer leurs performances sportives (Bents et Marsh, 2006). D’autres enquêtes similaires ont trouvé des taux de consommation non médicinale allant jusqu’à près de 50 % (Calfee et Fadale, 2006).

Effets psychotropes et toxicité

Les effets psychotropes de la PE incluent l’euphorie, l’agitation, l’anxiété et l’insomnie. Bien que reliée structurellement aux amphétamines, la PE est toutefois beaucoup moins puissante que ces dernières.

Plusieurs effets indésirables sont associés à la consommation excessive de PE dont les arythmies cardiaques, l’hypertension, l’infarctus du myocarde, les accidents vasculaires cérébraux et les convulsions. Des psychoses et des épisodes de manie ont été rapportés chez des individus ayant abusé de la PE (Roberge et coll., 1999 ; Calfee et Fadale, 2006 ; Carr, 2006).

Discussion

L’accessibilité des MVL et leur coût relativement faible sont autant de facteurs pouvant contribuer à leur consommation abusive. Plusieurs MVL renferment plus d’un ingrédient, comme les médicaments contre la toux et le rhume qui contiennent à la fois du dextrométhorphane, un antihistaminique et de la pseudoéphédrine. La toxicité des produits combinés est additive et peut contribuer significativement à la morbidité et la mortalité associées à leur consommation inappropriée.

Récemment, des programmes pour identifier et traiter l’abus de MVL ont été développés dans certaines pharmacies communautaires européennes, dans une approche de réduction des méfaits (Fleming et coll., 2004). L’éducation du public et des professionnels de la santé quant aux dangers de la consommation abusive de MVL demeure toutefois nécessaire puisque cette dernière reste relativement peu dépistée et reconnue.

Les jeunes et les individus toxicomanes sont particulièrement susceptibles de consommer des MVL dans un but récréatif. Les consommateurs d’héroïne ou d’autres drogues utilisent quelquefois le DM ou les antihistaminiques pour potentialiser les effets et réduire les risques de dépendance à ces substances (Halpert et coll., 2002 ; Ziaee et coll., 2005). Ces mêmes MVL peuvent aussi être utilisés afin de réduire les symptômes de sevrage à certaines drogues, comme les opiacés et l’alcool (Soyka et coll., 2000).

Aux États-Unis, les enquêtes épidémiologiques et les sondages effectués auprès des jeunes tendent de plus en plus à inclure des questions spécifiques, relatives à l’usage récréatif des MVL. En 2005, une augmentation de la consommation à des fins non médicales de MVL a été notée lors d’une enquête nationale américaine. Au Québec et au Canada, la prévalence de la consommation des MVL dans un contexte récréatif n’est pas bien connue. Bien souvent, seules les données relatives aux surdoses intentionnelles impliquant ces médicaments sont publiées.

Conclusion

L’abus de MVL peut constituer une forme de toxicomanie importante, bien que méconnue et peu dépistée. La consommation de ces médicaments dans un but récréatif peut avoir des répercussions significatives sur la santé des utilisateurs.

Le manque de données épidémiologiques sur la consommation récréative de MVL au Québec et au Canada est criant. L’absence de statistiques sur l’utilisation non médicale des MVL découle probablement du fait que ce phénomène n’est pas bien connu. Les autorités gouvernementales auraient avantage à être sensibilisées à l’existence ainsi qu’aux conséquences du mésusage des MVL. Les grandes enquêtes sur les différentes formes de toxicomanie devraient inclure des questions précises sur l’utilisation abusive des MVL.

Dans une perspective de santé publique, le dépistage, la reconnaissance et l’éducation sur l’abus des MVL sont souhaitables, tout comme une approche multidisciplinaire visant la réduction des méfaits associés à leur consommation inappropriée. Cette revue de littérature est limitée par le fait qu’elle englobe presque exclusivement des articles écrits en anglais. Des études supplémentaires sont également requises afin de mieux cerner tous les aspects de l’abus des MVL, de sensibiliser la population générale à ce phénomène et de mettre en place des stratégies de prévention et d’intervention.