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Voici un ouvrage riche et complet permettant d’aborder les grandes questions de géographie présentes dans le programme de l’école primaire tout en menant une réflexion épistémologique et didactique.

Sous une formule originale où les développements sont illustrés par des textes documentaires et des schémas synthétiques, Thierry Guibaud nous livre une vision tout à fait novatrice de l’enseignement de la géographie.

Le livre se décompose en 24 chapitres et trois parties regroupant chacune des annexes.

La première partie s’attache à voir quels sont les ponts qui existent entre la géographie scientifique et la géographie scolaire essentiellement au travers du délicat concept de paysage. Sont tout d’abord rappelées les grandes étapes de l’historicité de la discipline, d’Hérodote à la DATAR en passant par le déclin au Moyen-Âge et l’entrée dans les écoles sous la Troisième République. Après avoir évoqué les paradigmes ayant vu évoluer une géographie science de la Terre vers une géographie science de l’homme, l’auteur se questionne sur les représentations de la discipline en parlant de son « audimat ». La géographie fait-elle rêver ? La géographie sert-elle uniquement le « parcoeurisme » des lieux ? La géographie est-elle mal aimée ? Dès lors, faut-il supprimer la géographie ? Ou mieux cibler ses finalités ? Thierry Guibaud passe ensuite en revue les instructions officielles de 2002 ainsi que le lexique spécifique avant d’en arriver à un cadrage exhaustif de l’outil paysage. Analysé sous forme de propositions dialectiques, le paysage est questionné sur sa matérialité, ses fonctions, ses représentations, etc., mais surtout sur le fait qu’il doit être enseigné avec précaution, non pas comme un « tout absolu, impérialisme du regard » mais comme un acte d’appropriation prenant appui sur les autres sens et prenant sa signification dans un système spatial complet guidé par des représentations.

La seconde partie montre comment l’être humain est spatial et comment il découvre et structure cet espace. Les différentes façons de se situer sont décrites (par les coordonnées, par les appartenances, par les représentations) tout comme l’essor de la mobilité qui affiche ses paradoxes de rapprochement et d’éloignement. Au travers de séquences détaillées et graduées dans leur complexité, l’auteur nous montre alors comment traiter trois questions clés que sont le plan de la salle de classe, l’itinéraire quotidien et enfin la carte d’identité spatiale, véritable synthèse des emboîtements d’échelle.

La troisième partie, la plus variée, apporte de nombreux éclairages sur les espaces mondiaux. On peut désormais naviguer d’un chapitre à l’autre plus librement. Rappelant l’invention du monde par les Européens, Thierry Guibaud donne des réponses pour traiter, avec un oeil critique, la connaissance du globe terrestre. Non sans humour et provocation dans le choix des textes et des intitulés de chapitres, il montre que le découpage en continents (les « gremlins du monde ») et en océans (« Okénaos : l’empereur contre-attaque! ») est sujet à débat tout comme le concept de densité de population, indicateur courant mais particulièrement piégeur. Le monde peut se voir finalement comme une mise en scène (cartes postales, photographies, images satellites, le tout au service d’un tourisme de masse et d’un besoin d’évasion à assouvir).

Il s’agit là d’un ouvrage de grande qualité aux références nombreuses, variées et particulièrement bien sélectionnées. Quelques-uns des schémas de fin de chapitre apparaissent directement utilisables dans des séquences de classe. En cela, ce livre peut servir un public déjà en poste ou en formation comme l’indique le sous-titre. Toutefois, concernant les prétendants au concours, il doit être considéré comme un accompagnement ou un complément d’un ouvrage plus classique qui traiterait l’intégralité des questions. On pourra regretter de petits détails. Les chapitres sur les paysages auraient pu être illustrés par quelques photos et un regroupement des éléments de bibliographie en fin d’ouvrage aurait pu être envisagé. De même, une culture géographique déjà un peu affirmée semble nécessaire pour saisir pleinement la portée de l’ensemble d’un livre que l’on résumera comme passionnant et fort bien construit.