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Ce volume, une réédition d’un ouvrage d’abord paru en 1992, porte sur la thèse de doctorat produite par les deux auteurs. Le point de départ de l’ouvrage est un questionnement sur l’apprentissage : pourquoi des adultes disent-ils apprendre en pratiquant leur métier, alors que plusieurs jeunes des collèges et lycées, dont c’est l’activité principale, apprennent si peu, si mal, connaissent l’échec scolaire ?

Opposant enseignement et apprentissage, les auteurs utilisent des formules choc : les élèves spectateurs du savoir dans la situation pédagogique habituelle, l’illusion de la transmission, etc. À propos du triangle pédagogique élève-savoir-enseignant, ils précisent, à la suite d’Houssaye (1988), qu’Enseigner exclut l’élève, apprendre exclut l’enseignant et former exclut le savoir. Ils proposent une définition de l’acte d’apprendre qui met l’apprenant face à un objet qu’il s’approprie par une démarche qui le mobilise et lui permet ainsi de réorganiser des acquis antérieurs. Cette définition et le modèle pédagogique qui en découle sont fortement appuyés sur les travaux d’auteurs clés du processus d’apprentissage.

L’ouvrage se divise en trois parties : 1) la part des processus entreprendre et chercher dans l’apprentissage, où les auteurs reviennent sur les résultats de leur étude doctorale ; 2) l’apprentissage conçu comme processus où, après un détour par la psychanalyse, les auteurs s’appuient sur les théories cognitives pour caractériser l’apprentissage ; et 3) l’analyse de trois dispositifs de formation qui conduit à un modèle pédagogique. En conclusion, l’ouvrage propose quelques pistes pour la formation des enseignants.

Toujours pertinent dans le contexte des réformes actuelles en éducation, cet ouvrage propose une réflexion tout à fait valable sur l’apprentissage. La critique, fort judicieuse, de l’enseignement en classe vient justifier plusieurs changements que l’on tente d’implanter dans les systèmes d’éducation. Les auteurs s’appuient sur des concepts rigoureux dont ils ont manifestement une excellente compréhension. On peut toutefois interroger la pertinence du détour proposé par la psychanalyse pour comprendre le phénomène de l’apprentissage (parallèle fait entre le triangle pédagogique et le triangle oedipien). Par ailleurs, comme l’ouvrage est une simple réédition, toutes les références citées sont antérieures à 1992, et l’on ne peut que regretter l’absence d’une mise à jour à ce niveau.

Malgré cela, le modèle pédagogique proposé constitue une synthèse bien étayée des courants cognitifs et sociocognitifs et pourrait être utile dans des débats relatifs au renouveau pédagogique ; par exemple, à propos des diverses représentations au sujet de l’apprentissage ou de la pédagogie du projet. Rappelons que la recherche a été menée auprès d’adultes et que l’actualisation du modèle proposé n’est pas prévue pour les écoles primaires et secondaires, bien qu’on puisse entrevoir certaines retombées pour l’apprentissage dans ce secteur. Dans une très courte section, portant sur la formation des enseignants, les auteurs proposent des modalités, dont certaines sont maintenant assez répandues dans les facultés d’éducation au Québec ou les IUFM, tels le mémoire professionnel ou l’analyse collective de pratiques pédagogiques.

En somme, un ouvrage à suggérer aux formateurs d’enseignants et dont plusieurs sections sont susceptibles d’intéresser les enseignants, actuels et futurs, mais qui aurait eu avantage à être mis à jour.